Malgré les différends politiques ayant eu cours lors de la guerre d'Algérie, il reste très apprécié de la communauté musulmane de Lyon jusqu'à sa mort, notamment grâce à sa longévité ainsi qu'à ses visites aux prisonniers, aux malades et aux militaires musulmans, mais laisse un souvenir mitigé chez certains anciens militants du FLN.
Il est le premier imam de Lyon et le premier religieux musulman à avoir une mosquée dans la ville.
Dès les années 1930, il collabore avec les autorités françaises, il devient secrétaire adjoint du Comité de protection des travailleurs nord-africains, mais aussi auxiliaire du Service des nord-africains de la préfecture du Rhône, dont une des tâches est de surveiller la communauté algérienne et de repérer les individus indépendantistes[3],[13]. Pour ce faire, il aide Julien Azario, un fonctionnaire de la préfecture, résistant français et Juste parmi les nations[14], dans sa tâche de surveillance[13].
« Ces prétendus mokkadems cherchent, sous couvert de prosélytisme religieux, des avantages purement temporels, notamment des dons d'argent extorqués à leurs coreligionnaires musulmans. »
À côté de ces liens, dans l'Entre-deux-guerres, El Maafi s'engage en tant qu'aumônier militaire, il rend par ailleurs visite aux condamnés à mort musulmans en prison à partir de 1931[6], comme Sada Abdelkader, condamné à mort pour avoir tiré sur deux policiers venus l'interpeller[16],[17],[18]. Il est également actif dans l'aumônerie aux malades, intervenant souvent dans les hôpitaux[19].
« profité bien souvent de ses fonctions d’interprète auprès de la brigade nord-africaine pour faire établir de fausses cartes d’identité aux israélites marocains, notamment ceux de la commune de Saint-Fons »
Ce sauvetage de Juifs de Saint-Fons est probablement à mettre en relation avec les actions de Djaafar Khemdoudi dans la même commune, où il sauve des enfants juifs[25]. Il agit de la sorte aussi en lien avec le rabbin Jacob Kaplan et Pierre Gerlier, cardinal et archevêque de Lyon[26].
Il tresse ainsi des réseaux avec la résistance spirituelle au nazisme, inhumant clandestinement les morts de la résistance et des bombardements en compagnie de frère Benoît, résistant, avec qui il conserve une relation amicale après la guerre, participant avec lui aux manifestations d'anciens résistants[6],[20]. Il a aussi des relations amicales avec le pasteur Roland de Pury et le père Chaillet[27].
Après-guerre
La Résistance comme ligne unificatrice et la rupture de la Guerre d'Algérie
La Seconde Guerre mondiale s'achevant, il continue de participer à des réunions d'anciens résistants et à manifester avec eux. Il représente les résistantsalgériens et les détenus de la prison de Montluc lors des cérémonies officielles, et s'exprime abondamment sur la Shoah dès les années 1945-1950[28]. El Maafi représente une idée de concorde nationale autour de la résistance, c'est le message qu'il cherche à exprimer dans ses prises de parole[28] ; cherchant à se rapprocher des communautés juives de France métropolitaine, dont un certain nombre sont issues d'Afrique du Nord et ont vécu dans les mêmes endroits que les musulmans[28]. En 1948, il participe, avec le grand rabbin de Lyon Salomon Poliakof et l'archevêque de Lyon Pierre Gerlier, à un pèlerinage sur le charnier du massacre de Bron[29], où 109 prisonniers, dont 72 Juifs, ont été exécutés par les nazis[30]. Le , El Maafi assiste à l'inauguration d'un monument à Lyon en l'honneur des Juifs de Lyon morts pendant la Shoah[31].
Le , il est fait chevalier de l'Ordre du Mérite social, pour son action au sein des œuvres sociales de Lyon[32].
« Pendant les événements d’Algérie Bel Hadj el Maafi a toujours manifesté des sentiments pro-français. »
En raison de ses liens avec la France, la préfecture du Rhône et le Mouvement national algérien, il est ciblé par un attentat auquel il survit le [34], en pleine guerre des cafés(en)[34]. L'auteur de l'attentat, Amar Akbache, l'un des dirigeants du FLN à Lyon[35], refuse de le voir avant d'être guillotiné, le considérant comme un collaborateur de la puissance coloniale. Un certain nombre de prisonniers refusent ainsi de le voir avant d'être exécutés, bien qu'il se présente à eux[36].
Il continue de participer à des actions publiques ; en 1959, il intervient lors d'un procès pour faire jurer un musulman sur le Coran son innocence, alors que l'homme est accusé de vol par un de ses coreligionnaires. L'individu est ensuite relaxé, faute de preuve, le juge faisant confiance à sa profession de foi[37].
Dernières années et mort
Il continue à participer aux commémorations de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah ainsi qu'à diriger sa mosquée, la première de Lyon, qu'il a obtenue entre-temps[4], et qui se situe dans une salle minuscule prêtée par des soeurs catholiques, dans le quartier de la Croix-Rousse, 11 montée Lieutenant-Allouche[38],[39]. Jusqu'à sa mort, il y reçoit quotidiennement des dizaines de coreligionnaires, pour faire des prières, des enterrements et d'autres pratiques religieuses[10].
Tous les hommes, créés à l'image de Dieu, sont frères et doivent être respectés dans leur différence. Tout croyant doit s'interroger sur la portée réelle, concrète, immédiate de cet enseignement et avoir pleine conscience de sa responsabilité devant Dieu et devant le monde.
Le , après la mort de treize enfants handicapés et de leur monitrice quelques jours plus tôt, qui se noient à Lyon[41], dont certains musulmans, il intervient lors de l'office multiconfessionnel pour prononcer quelques mots en leur mémoire, aux côtés de Francisque Collomb, maire de Lyon, Alexandre Renard, et Pierre Doueil, préfet du Rhône[42].
Il rencontre le pape Jean-Paul II à Lyon en [3],[43].
Il y meurt le à l'âge de 98 ans, selon le journal Le Monde, il est très apprécié de la communauté musulmane pour ses nombreux déplacements auprès des familles de malades, des prisonniers et des militaires musulmans[3], mais laissant un souvenir mitigé chez certains anciens militants du FLN[36].
↑Le marabout dans l'islam ne doit pas être confondu avec un marabout en Afrique subsaharienne ; il s'agit d'un responsable religieux musulman soufi d'Afrique du Nord. Dans ce cadre-là, la dénomination est généralement positive et n'est pas associée à de la sorcellerie ou des pratiques ésotériques condamnées dans l'islam.
↑ abcde et fMarc André, « Commémorer et réprimer », dans Une prison pour mémoire : Montluc, de 1944 à nos jours, ENS Éditions, coll. « Sociétés, Espaces, Temps », (ISBN979-10-362-0575-0, lire en ligne), p. 31–82
↑ a et bMarc André, « Généalogies résistantes », dans Une prison pour mémoire : Montluc, de 1944 à nos jours, ENS Éditions, coll. « Sociétés, Espaces, Temps », (ISBN979-10-362-0575-0, lire en ligne), p. 223–287
↑Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire, PERSEE Program (lire en ligne)
↑ a et bPhilippe Videlier, L'Algérie à Lyon: une mémoire centenaire nouvelle inédite, Bibliothèque municipale de Lyon, (ISBN978-2-900297-17-9)
↑ a et bRašīd Binzīn et Christian Delorme, Nous avons tant de choses à nous dire: pour un vrai dialogue entre chrétiens et musulmans, A. Michel, coll. « Spiritualités », (ISBN978-2-226-10532-5)
↑(en) Carla Roncoli, Keith Ingram et Paul Kirshen, « Reading the Rains: Local Knowledge and Rainfall Forecasting in Burkina Faso », Society & Natural Resources, vol. 15, no 5, , p. 409–427 (ISSN0894-1920 et 1521-0723, DOI10.1080/08941920252866774, lire en ligne, consulté le )
↑(en) George R. Trumbull, « “Au Coin des Rues Diderot et Moïse”: Religious Politics and the Ethnography of Sufism in Colonial Algeria, 1871-1906 », French Historical Studies, vol. 30, no 3, , p. 451–483 (ISSN0016-1071, DOI10.1215/00161071-2007-005, lire en ligne, consulté le )
↑Vœux œcuméniques de paix des religieux lyonnais, Le Progrès (Lyon), vendredi 29 décembre 2000 : « l'amitié de Bel Hadj el Maafi avec le frère Benoit, le Père Chaillet et le pasteur Roland de Pury »
« À travers lui se manifeste aussi la volonté de montrer des relations interconfessionnelles pacifiées : alors que la vie des Juifs et celle des musulmans étaient entremêlées en France depuis la première guerre mondiale, et que les conditions de l’Occupation ont dégradé leurs interactions en France27, Bel Hadj el Maafi incarne la bonne entente retrouvée. La présence de Bel Hadj el Maafi à toutes les commémorations montre la volonté d’afficher une France réconciliée, rassemblant la métropole et ses colonies, et unifiée, le présent s’appuyant sur le passé pour façonner un avenir fait de solidarités. »
↑ a et bMarc André, « La séparation des mémoires », dans Une prison pour mémoire : Montluc, de 1944 à nos jours, ENS Éditions, coll. « Sociétés, Espaces, Temps », (ISBN979-10-362-0575-0, lire en ligne), p. 417–460
↑ a et bPaul-Marie Atger, « Le Mouvement national algérien à Lyon: Vie, mort et renaissance pendant la guerre d'Algérie », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 104, no 4, , p. 107 (ISSN0294-1759 et 1950-6678, DOI10.3917/ving.104.0107, lire en ligne, consulté le )
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↑ a et bMarc André, « Le temps de la lutte, la lutte contre le temps », dans Une prison pour mémoire : Montluc, de 1944 à nos jours, ENS Éditions, coll. « Sociétés, Espaces, Temps », (ISBN979-10-362-0575-0, lire en ligne), p. 289–363
↑II JURE SON INNOCENCE SUR LE CORAN. (1959, Dec 12). Le Monde
↑Mon Lyon à moi, Catherine Lagrange et Claire James,Le Point, jeudi 8 novembre 2007 : « Peu de Lyonnais le savent, mais c'est sur les pentes de la Croix-Rousse qu'est née la première mosquée de la ville, dans les années 70. Elle était abritée dans une minuscule salle mise à sa disposition par des sœurs, au 11 de la montée du Lieutenant-Allouche. L'islam à Lyon est ainsi étroitement lié à la chrétienté, à la rencontre avec ces catholiques qui ont tendu la main à des gens qui avaient abandonné leur pays. C'est ici aussi qu'exerça le premier imam de Lyon, Bel Hadj el-Maafi, qui allait seul à la rencontre des musulmans, dans les hôpitaux et les prisons. »
↑« Treize enfants et leur monitrice meurent noyés à Lyon », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑« OFFICE MULTICONFESSIONNEL POUR LES VICTIMES DE L'ACCIDENT DE LYON », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑Christian Delorme, « Le baptistère des Gaules et les étrangers », Hommes & Migrations, vol. 1186, no 1, , p. 21–25 (DOI10.3406/homig.1995.2432, lire en ligne, consulté le )