Très rapidement, Isaac Cohen se prend d'amour pour la France, et en , dès le début de la Première Guerre mondiale, il s'engage en tant que volontaire dans la Légion étrangère pour participer à ce qu'il considère comme une « guerre de libération contre les puissances centrales ». Il prend alors le nom de Kadmi Cohen en référence à Cadmos, fondateur de la ville de Thèbes dans la mythologie grecque.
Démobilisé, il décide de rester en France, fait des études de droit et obtient sa licence le . Il prête serment peu après, le . Profitant de la loi sur la naturalisation des volontaires étrangers, il acquiert la nationalité française par un décret du , et le , il est admis au barreau de Paris. Il se marie alors avec une jeune française catholique, qui se convertira au judaïsme et en 1922, avec sept autres jeunes confrères, il crée une association qui prendra quelques mois plus tard le nom de Union des Jeunes Avocats de Paris (UJAP[1]). En 1928, il est fondateur et président de l'Association des anciens combattants volontaires juifs.
Son combat principal en tant que journaliste et écrivain, va rapidement être lié au mouvement sioniste. En , il passe une thèse de philosophie à la Faculté de droit de l'université de Paris, intitulé: Introduction à l'histoire des institutions sociales et politiques chez les Sémites, dans laquelle il soutient la différence entre le sémitisme et le non-sémitisme sur la base de la relation avec la terre et le pouvoir. Quelques années plus tard, en 1929, il publie son œuvre considérée comme la plus originale Nomades. Essai sur l’âme juive, qui développe le thème de sa thèse de doctorat. Un an plus tard, en 1930, il fait paraitre l'essai L'abomination américaine. Essai politique où il critique le matérialismeaméricain et soutient une nouvelle Europe des peuples. La même année, il publie L'État d'Israël qu'il dédie à son ami Anatole de Monzie, où il expose sa thèse du pansémitisme.
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, il se rapproche du canaanisme d'Ada Gourevich, partisan d'un projet politique pansémite au Proche-Orient, englobant Juifs et Arabes.
En 1941, Kadmi Cohen est emprisonné au camp de Royallieu, près de Compiègne. Pendant son internement, il fonde le mouvement Massada pour la renaissance du judaïsme de la Diaspora et la création d'un État juif. Le nom du mouvement rappelle l'héroïque défense des Juifs à Massada, dans le désert de Judée, contre les Romains en 73.
Relâché de Royallieu en début 1942, il publie son manifeste et s'installe chez son frère qui demeure près de Vichy. Avec l'aide de l'ancien jésuite Joseph Catry, il entre en contact avec André Lavagne, secrétaire privé du maréchal Pétain, à qui il exprime ses idées. Son projet d'une émigration massive des Juifs de France vers la Palestine aurait suscité quelques sympathies chez les autorités collaborationnistes, mais a été fortement combattu par les institutions juives de France telles que l'Union des Juifs français à Paris et le consistoire de Lyon. Lors d'une de ses interventions auprès du Gouvernement de Vichy, il défend son idée qui, selon lui est :
« La possibilité de faire quitter la France aux Juifs avec autant d'efficacité que les Allemands, mais humainement, volontairement et en vertu d'un accord international et non plus par la violence, en wagons à bestiaux, d'une manière qui était gravement dommageable au prestige de la France à l'étranger[2]. »
L'attitude équivoque de Kadmi Cohen pendant la guerre[4],[5] est remise en question plusieurs années après sa mort, lors de la publication en 1966 par son fils Jean-François Steiner du roman Treblinka. La révolte d'un camp d'extermination. L'œuvre est préfacée par Simone de Beauvoir, et raconte le soulèvement armé des Juifs dans le camp d'extermination. Ce livre, qui repose en partie sur les témoignages de certains survivants, suscite de virulentes critiques polémiques dans la presse pour sa présentation antihistorique et irréaliste de la condition des Juifs prisonniers, et pour son attaque des dirigeants juifs de l'époque. L'action des leaders juifs pendant la Seconde Guerre mondiale avait déjà été mise en cause quelques années auparavant par Hannah Arendt dans son livre La Banalité du mal publié en 1963 après le procès d'Adolf Eichmann.
Pour de nombreux critiques, le mariage de Jean-François Steiner avec Grit von Brauchitsch, la petite-fille du GeneralfeldmarschallWalther von Brauchitsch, ancien chef d'état-major de l'armée allemande et accusé de crime de guerre, confirme sa position existentielle semblable à celle de son père, malade de l'activisme nihiliste, de la compréhension du nazisme et de la continuité de l'antisémitisme[réf. nécessaire]. Dans les années 1990, Jean-François Steiner fera de nouveau parler de lui en défendant Maurice Papon, accusé de collaboration sous le gouvernement de Vichy.
Son œuvre
Introduction à l'histoire des institutions sociales et politiques chez les Sémites; Thèse pour le doctorat de sciences politiques et économiques; Faculté de droit de l'Université de Paris; Paris; éditeur: Marcel Giard; 1922 (ASINB001D4SW9I)
↑(en): Adam Rayski dans The choice of the Jews under Vichy: between submission and resistance, indique que: « Kadmi Cohen, avocat et sioniste d'extrême-droite, croit en la probable victoire allemande…il expose son idée d'une collaboration avec le Reich d'Hitler pour la conquête de la Palestine »
Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de la mémoire. Un Eichmann de papier et autres essais sur le révisionnisme; préface de Gisèle Sapiro; éditeur: La Découverte; collection poche; édition revue et augmentée; 2005; (ISBN2707145459 et 978-2707145451)
(en): Yaacov Shavit: The New Hebrew Nation. A Study in Israeli Heresy and Fantasy; éditeur: Routledge; première édition: ; Londres; (ISBN071463302X et 978-0714633022)
David Mendelson: Écrit français d'Israel de 1880 à nos jours; éditeur: Lettres modernes Minard; collection: L'icosathèque 20th; 1989; (ISBN2256908690 et 978-2256908699)
(en): Laura Zittrain Eisenberg: My enemy's Enemy: Lebanon in the early Zionist Imagination, 1900-1948; éditeur: Wayne State University Press; Detroit; Michigan; 1994; (ISBN081432424X et 978-0814324240)
(de): Egbert Klautke: Unbegrenzte Moeglichkeiten: Amerikanisierung in Deutschland und Frankreich (1900-1923); éditeur: Franz Steiner Verlag; Wiesbaden; 2003; (ISBN3515079416 et 978-3515079419)
Philippe Landau: La presse des anciens combattants juifs face aux défis des années trente; in "Archive Juive"; 36/1; 2003
(en): Samuel Moyn: A Holocaust controversy. The Treblinka affair in postwar France; éditeur: Brandeis University Press; Tauber Institute Series for the Study of European Jewry; Waltham; 2005; (ISBN1584655097 et 978-1584655091)
(en): Adam Rayski: The Choice of the Jews under Vichy. Between Submission and Resistance; préface de Francois Bedarida; éditeur: Univ of Notre Dame Press; Notre Dame; Indiana; 2005; (ISBN0268040214 et 978-0268040215)