Marcel Peyrouton est le fils d'Abel Peyrouton (avocat et homme de lettres) et d'Octavie Marie Léontine Milne[1]. Le premier témoin ayant signé son acte de naissance est Alfred Louis de la Sauvignière, homme de lettres[1], auteur de romans de fiction (1844-1912).
Puis il est nommé résident général de France en Tunisie, du au [13],[12],[7]. Son passage par la Tunisie est marqué par l'augmentation sensible de la répression à l'égard des militants nationalistes du Néo-Destour[14]. Les mesures répressives de Peyrouton s'intensifient avec l'envoi en exil forcé dans les territoires militaires du Sud, le , des leaders du mouvement national[15],[14], dont Habib Bourguiba[16]. Malgré d'importantes mesures prises en 1935 pour remédier aux effets les plus graves de la crise économique des années 1930, Peyrouton est remplacé en ; cette décision du gouvernement Sarraut est accueillie favorablement par l'opinion tunisienne[15].
Il est appelé par Vichy le [13] au secrétariat général du ministère de l'Intérieur dans le gouvernement Laval[19]. Il assume le portefeuille de ministre de l'Intérieur[19], le [7],[13] de la même année en remplacement d'Adrien Marquet[7]. C'est à ce titre qu'il procède à l’épuration du corps préfectoral, signe, aux côtés de Pétain, Laval, Alibert, Baudouin, Huntziger, Bouthillier, Darlan, Belin, et Caziot, et fait appliquer le texte discriminatoire du [20] envers les Juifs. À la suite de cette loi, le [13], Peyrouton abolit le décret Crémieux, datant de 1870, relatif à la naturalisation des Juifs d'Algérie[21],[22]. Après-guerre Peyrouton tente de justifier la législation de Vichy contre les Juifs, d', par les menaces du Reich, ce qui est infirmé par les recherches effectuées dans les archives allemandes par l'historien Robert Paxton : « Je n'ai pu découvrir aucun document allemand ordonnant directement à Vichy de promulguer des lois antimaçonniques, antijuives ou autres, en 1940, au moment où le gouvernement a élaboré l'essentiel de ses textes législatifs[23]. »
Il est l'auteur de la circulaire, dite « circulaire Peyrouton », du [24] qui, avec la loi du , autorise l'internement administratif par simple décision préfectorale[25] et « offre [aux préfets] la possibilité d'interner tous azimuts[24] », alors que le décret-loi d'Édouard Daladier du interdisant le Parti communiste, prorogé par Vichy, laissait cette prérogative au seul ministre de l'Intérieur[24].
Il fait partie de ceux qui font pression sur Pétain pour renvoyer Laval du gouvernement, le [26] ; il fait occuper son appartement à l'hôtel du Parc par les forces spéciales de sécurité[27], les « Groupes de protection » (GP), qui sont constitués d'éléments venant du CSAR recrutés par lui en zone libre et en Algérie, comme Henri Martin et le colonel Groussard[28]. Il le fait arrêter[26] et placer en résidence surveillée[27], dans sa propriété de Châteldon, par l'inspecteur général de la Sûreté nationale, Antoine Mondanel, en donnant des ordres pour qu'il ne soit pas attenté à sa vie[29]. Après quoi, le , en représailles en faveur de Laval, l'ambassadeur Abetz demande, parmi d'autres exigences, le départ du gouvernement de Peyrouton et des autres ministres « conspirateurs », sans succès[30]. En réaction à l'éviction de Laval et encouragé par Abetz, le journal collaborationniste de Marcel Déat, L'Œuvre du fait paraître un article qui « dénonce la clique de Vichy, les Ménétrel, les du Moulin, les Alibert, les Peyrouton, « ces gangsters et ces maquereaux en rupture de ban »[31].
Toujours selon Paxton, contrairement à ce qui a été prétendu après-guerre, par, entre autres, Bouthillier[27] et Peyrouton, l'éviction de Laval en n'avait pas pour but de « renverser la vapeur après Montoire »[32] mais les raisons seraient plutôt à chercher dans la rivalité entre Pétain et Laval (affaire de l'installation du gouvernement français à Versailles que Pétain souhaitait, en opposition à Laval et aux Allemands, rôle devenant prépondérant de Laval, soutenu par Abetz, dans la « politique nouvelle » de collaboration ainsi qu'un certain nombre de conflits de personnes vis-à-vis des ambitions de Laval qui souhaitait s'emparer du ministère de l'Intérieur[33]). Par la suite, lors de l'entrevue avec Pétain, le [34] à La Ferté-Hauterive[34],[35], Laval pour se justifier vis-à-vis de Pétain qui lui faisait, parmi d'autres, en explication des motifs de son éviction du Gouvernement, le reproche de ne pas être populaire, Laval lui répond « que Peyrouton systématiquement remettait au Maréchal des rapports de police disant qu'il était impopulaire »[35].
Peyrouton est maintenu à son poste de ministre de l'Intérieur dans le gouvernement Flandin. Le , faisant suite aux décisions du de son prédécesseur Marquet, Peyrouton avait fait placer en résidence surveillée à Arles, en zone libre, sans demandes des autorités d'occupation, deux réfugiés allemands en France et opposants à Hitler, les sociaux-démocratesRudolf Breitscheid (ancien député au Reichstag) et l'ancien ministre des Finances de la République de Weimar, Rudolf Hilferding, les empêchant ainsi de partir aux États-Unis[36]. Après leur avoir, sur intervention de Flandin, fait remettre des visas par le préfet de Marseille, et se soumettant, le , aux injonctions du policer naziHugo Geissler, il fait procéder à leur arrestation par la police française, sans consulter Flandin, le [37]. Ces deux personnalités sont livrées le lendemain à la Gestapo[37]. Hilferding meurt à la prison de la Santé le jour même, Breitscheid meurt en 1944, à Buchenwald.
Le , sur ordre de Peyrouton qui cède à Geissler, l'industriel allemand, ancien soutien financier d'Hitler, Fritz Thyssen et sa femme, réfugiés en France après la Nuit de Cristal, sont arrêtés à Nice, par la police française accompagnée d'un commissaire allemand, et livrés à la SD, le à Moulins[38]. Thyssen est déporté au camp de concentration de Sachsenhausen.
Parmi les éléments de sa politique, il impose aux communes, par circulaire du , la débaptisation de rues dont le nom ne concorde pas avec les valeurs du nouveau régime, notamment les rues évoquant l'Angleterre (anglophobie), les Juifs (antisémitisme), le communisme, etc., en s'appuyant sur des dispositions remontant aux derniers mois de la Troisième République[39].
Parce que Peyrouton était impliqué dans l'éviction de Laval, les Allemands obtiennent son départ du gouvernement de l'amiral Darlan[40], en [41], selon le vœu d'Otto Abetz[42], déjà exprimé en [30]. Peyrouton ne reste donc ministre de l'intérieur de Darlan que du 10 au (Darlan lui succède à ce poste en plus de ses autres responsabilités ministérielles).
Retour en Argentine
Peyrouton redevient alors ambassadeur de France en Argentine[43],[44], jusqu'en , où le retour de Laval au pouvoir le contraint à démissionner[45].
Lors des décisions de Vichy décrétant l'exclusion de la fonction publique des anciens dignitaires francs-maçons et la publication de leurs noms (loi du ), Peyrouton bénéficie d'une mesure spéciale qui lui permet de ne pas être inquiété[43]. La présence de son nom sur les listes qui paraissent à partir d' (Documents maçonniques, publiés par Robert Vallery-Radot) confirme ce fait[43]. Il en est de même du Journal officiel du , où son nom figure sur la liste des francs-maçons en même temps qu'un décret dérogatoire le concernant[10]. Peyrouton indique lui-même plus tard avoir obtenu de son ancien vénérable une lettre confirmant son départ de la franc-maçonnerie depuis de nombreuses années[10].
Si les lois de discrimination raciales de Vichy sont abrogées, en accord avec Giraud, il refuse de rétablir le décret Crémieux (qui est en fait lui aussi abrogé, par une ordonnance du ) au motif que ce rétablissement aurait des conséquences négatives sur la population musulmane[49],[21]. En effet, Giraud et Peyrouton considèrent que le décret Crémieux, en accordant la nationalité française aux Juifs d'Algérie en 1870, « établissait une différence entre les indigènes musulmans et israélites »[50],[21]. Peyrouton a donc aboli par deux fois le décret Crémieux au cours de la guerre[21] (voir : « Abolitions et rétablissement du décret Crémieux »). Néanmoins, il préside progressivement au démantèlement des autres réformes vichystes, qu'il avait contribué à mettre en œuvre en tant que ministre de l'Intérieur[51].
La liberté de la presse, rétablie en AFN, permet aux journaux issus de la Résistance, en particulier Combat, de dénoncer ouvertement ceux qui ont collaboré avec l'ennemi[53]. C'est alors que le Comité français de libération nationale décide de procéder à l'épuration des collaborateurs[53], et obtient, entre autres, le départ de Peyrouton le . Il est arrêté le .
Après la Libération
Inculpé d'« actes susceptibles de nuire à la défense nationale », pour lesquels la peine maximum prévue par le code pénal est de cinq ans de prison, Marcel Peyrouton est libéré en après une longue période de détention préventive[54],[55]. Il est acquitté par la Haute Cour le [56],[57],[58],[59].
Il retourne alors au Maroc où il a des activités de journalisme et d'écriture. Il est PDG (1950-1951) de la Société marocaine de presse quotidienne et périodique, qui publie le journal Maroc Presse, dont il est le directeur politique, et Atlantic Courier, destiné à partir de aux soldats américains stationnés au Maroc, dont il est le directeur général[60],[61],[62]. Il démissionne de ses fonctions directoriales en [63],[64]. Il rédige ensuite ses mémoires : Du service public à la prison commune – Souvenirs – Tunis, Rabat, Buenos Aires, Vichy, Alger, Fresnes (1950), puis un ouvrage sur le Maghreb : Histoire générale du Maghreb – Maroc, Algérie, Tunisie – Des origines à nos jours (1966). Il devient l'un des vice-présidents du Centre d'études politiques et civiques à la fin des années 1960.
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↑François Marcot, « Guy Môquet », sur fondationresistance.com (consulté le ) : « […] Mais il n'est pas libéré, victime d'une mesure d'internement administratif qui permet au préfet, en s'affranchissant de toute décision judiciaire, d'ordonner l'internement des personnes suspectes de nuire à la sécurité nationale, très souvent des communistes. »
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Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Robert O. Paxton (trad. Claude Bertrand, préf. Stanley Hoffmann), La France de Vichy – 1940-1944, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points Histoire », (réimpr. novembre 1999) (1re éd. 1973), 475 p. (ISBN978-2-02-039210-5)..
Roger Casemajor et Hassine Raouf Hamza, L'Action nationaliste en Tunisie – Du pacte fondamental de M'hamed Bey à la mort de Moncef Bey, 1857-1948, Tunis, Sud Éditions, , 275 p. (ISBN978-9938-01-006-0)..