Suzanne Antoinette Grumbach est issue d’une famille bourgeoisejuive ayant des racines alsaciennes, parisiennes et portugaises. Ses deux grands-pères ont reçu la Légion d'honneur : du côté paternel, Paul Grumbach (1861-1931), qui fut général de brigade[3], et, du côté maternel, Eugène Dreyfus (1864-1936), magistrat qui fut président de la Cour d'appel de Paris[4]. Elle parlera d'une « famille qui se considérait comme franco-israélite, l'ordre étant important »[5]. Elle est élevée dans une culture laïque et patriote, son père évoquant par ailleurs souvent l'affaire Dreyfus[6].
Elle est arrêtée à Lyon le par la Gestapo et a vécu les dernières semaines du camp de Drancy[9], le camp étant libéré par l'avancée des Alliés avant sa déportation en Allemagne.
Pendant la guerre d'Algérie, qu'elle définit comme « un second choc intérieur »[8], elle est révoltée par les pouvoirs spéciaux votés à l'initiative du gouvernement socialiste de Guy Mollet en 1956[8]. Elle devient alors une militante anti-colonialiste[5].
Elle va alors se pencher sur l'histoire du colonialisme français : le récit de la conquête de l'Algérie, les répressions en Indochine dans les années 1930 et les massacres à Madagascar en 1947[8]. À la suite de sa découverte sur l'occultation de ces faits dans le récit national, elle deviendra très critique sur l'enseignement de l'histoire de France[8]. Peu après Mai 68, elle publie une tribune dans Le Monde intitulée « Ce que nous attendons du ministère de l’éducation » où elle esquisse une réorganisation et un décloisonnement de la scolarité. Elle approfondira sa pensée dans son ouvrage L'École bloquée, paru en 1971[8].
Elle devient docteur de 3e cycle en histoire contemporaine de l'université Paris Nanterre (1974)[10]. Sa thèse de doctorat, soutenue en 1974 mais non publiée, a pour titre Aux origines de la Société des professeurs d'histoire : la réforme de 1902 et le développement du corporatisme dans l'enseignement secondaire (1902-1914). Elle enseigne alors à l'université Paris XIII-Villetaneuse[8].
Elle a milité dans les mouvements pédagogiques des années 1960-1970 pour la rénovation des contenus de l’enseignement et publié de nombreux articles dans diverses revues d’enseignants sur les problèmes de l’enseignement secondaire. Elle publie des « points de vue » pendant plus de trente ans dans Le Monde et dix ans dans Libération.
Elle a appartenu au Parti socialiste unifié (PSU)[11]. De 1977 à 1983, elle est adjointe au maire PS de Domont (Val-d'Oise). Elle quitte le Parti socialiste en 1985[8] et reproche alors au ministre de l'Éducation nationale, Jean-Pierre Chevènement, d'avoir rétabli une histoire nationale qui place la France au centre du monde[8].
En 1987, elle publie l'ouvrage qui restera associé à son nom, Le Mythe national, ouvrage de déconstruction de l'histoire telle qu'elle est enseignée à l'époque[12]. Cet ouvrage connaîtra plusieurs éditions. Dans la dernière, qui remonte à 2017[13], elle reconnaissait des avancées dans l'enseignement de l'histoire en France ces trente dernières années avec l'apparition d'une histoire critique du régime de Vichy[8], l'enseignement de la guerre d'Algérie[8], de la colonisation[8] et que l'on parle désormais dans l'espace public de l'histoire de l'immigration en France[8]. Mais elle continuait d'en dénoncer la matrice, à savoir le Petit Lavisse, manuel d'histoire des écoles de la IIIe République.
En , dans une tribune parue sur le site Internet du quotidien Le Monde et intitulée « En invitant Netanyahou, Emmanuel Macron instrumentalise l’histoire de France », Suzanne Citron critique ce qu'elle juge comme une instrumentalisation de l'histoire de France par Emmanuel Macron, coupable, à ses yeux, d'alimenter une confusion sur l’histoire de France en invitant le premier ministre israélien à la commémoration de la rafle du Vél’ d’Hiv[16].
Sa position, étayée sous la forme de trois paragraphes, est la suivante : « Internée à Drancy le 4 juillet 1944 et libérée par les événements du 17 août 1944, je dénie formellement toute justification à la présence d’un homme cautionnant les exactions et les méfaits de la colonisation israélienne en Palestine et je récuse la sempiternelle et démagogique confusion entre antisémitisme et critique de l’État d’Israël[2]. »
Vie privée
Elle était l'épouse de l'historien de la littérature française et musicologuePierre Citron (1919-2010). Le couple a eu quatre enfants.
Publications
L'École bloquée, Bordas, 1971.
Enseigner l’histoire aujourd'hui : la mémoire perdue et retrouvée, Les Éditions ouvrières, 1984.
Le Mythe national : l'Histoire de France en question, Les Éditions ouvrières, 1987.
Le Bicentenaire et ces îles que l'on dit françaises, Syllepse, 1989.
Mes lignes de démarcation : croyances, utopies, engagements, Syllepse, 2003.
Le Mythe national : l'Histoire de France revisitée, Les Éditions de l'Atelier/Les Éditions ouvrières (poche), 2008 (édition de 1987 actualisée) ; nouvelle édition en 2017.
Légataires sans héritage. Pensées pour un autre monde, préface de Laurence De Cock, Les Éditions de l'Atelier, 2024. Légataires sans héritage est publié à titre posthume, notamment grâce au travail d’édition de Letizia Goretti, chercheuse associée à la BnF.