Du au , Turin fut le théâtre d'une révolte militaire. La garnison se composait du 3e régiment de cavalerie, du 13e régiment de chasseurs à cheval (ex-cavalerie de la légion américaine), de quelques compagnies de sapeurs du génie, et des 6e, 7e, 9e, 16e, 17e, 18e, 19e et 20e compagnies du 1er d'artillerie. L'agitation commença par des réclamations des sapeurs qui n'avaient pas touché de solde depuis trois ans. Le généralDelmas, qui commandait à Turin et à qui la réclamation fut portée le 23messidoran IX () par les sapeurs, sans doute d'une façon inconvenante, en fit séance tenante fusiller quelques-uns. Cet acte de sévérité irréfléchie et excessive causa immédiatement une émotion extraordinaire dans toute la garnison, et fut exploitée par quelques militaires appartenant au 13e chasseurs, qui s'entendirent avec les maîtres d'armes et prévôts des autres corps, et par leur influence déterminèrent une manifestation à laquelle prirent part un certain nombre de canonniers. Ramenés à la raison et à la discipline par leurs officiers et sous-officiers, ces canonniers rentrèrent à la citadelle où les 8 compagnies étaient casernées, et ces compagnies n'en sortirent plus que pour réprimer le désordre qui continuait en ville.
À la lecture du rapport du généralBerthier, alors ministre de la Guerre, le Premier Consul s'était emporté et avait signé un arrêté qui cassait le 1er régiment d'artillerie, ordonnait que ses drapeaux fussent envoyés à Paris, incorporait les compagnies de Turin dans d'autres régiments, et renvoyait chez eux les officiers de ces compagnies, sans préjudice des peines qui seraient infligées aux coupables.
L'exécution de ces mesures est confiée au général Piston, commandant territorial, qui ordonne aux 8 compagnies de se rendre au Pont-de-Beauvoisin et y arrive lui-même avec un escadron du 20e de cavalerie. À l'heure dite, et sur le terrain désigné, les compagnies sont en bataille, silencieuses. On leur donne, entre deux bans, lecture de l'arrêté des consuls; elles défilent devant le général et chacune se met à l'instant en route pour la destination qui lui est ordonnée.
Après avoir obéi, le chef de brigade Allix adressait un exposé des faits au Premier Consul, exposé qu'il terminait ainsi : « Le régiment se rappelle avec fierté qu'il a eu l'honneur de vous compter parmi ses officiers, et attend tout de votre justice. Muni de cet exposé et des informations prises auprès des autorités locales, le ministre de la GuerreBerthier adressa, un mois plus tard, au Premier consul un nouveau long rapport, indiquant que la mauvaise conduite de 5 compagnies, si tant est qu'elle ait été criminelle, ne peut déshonorer celles qui combattent en Égypte, en Italie, au siège de Porto-Ferrajo(en) et sur la flotte de l'amiral Linois.
Le ministre de la guerre échoua. Le Premier consul ne voulut point se donner un démenti et les mesures prescrites avaient été exécutées. Les drapeaux du 1er régiment d'artillerie étaient à Paris. Parties du Pont-de-Beauvoisin, les compagnies étaient arrivées à la destination qui leur avait été assignée. Le chef de brigade Allix conduisit le reste de son régiment à La Fère, où il arriva le . Peu de temps après il fut remplacé par Lauriston qui était l'un des aides de camp du Premier Consul.
Finalement, cette grosse affaire se termina par la lettre suivante, datée du 4vendémiairean X () :
« Le Premier consul, citoyen, rend aux compagnies du 1er régiment d'artillerie qui n'ont pas participé à l'insurrection du Piémont toute la justice qu'elles méritent pour leurs services ainsi que pour la gloire qu'elles ont acquise militairement, et par leur discipline. Il me charge de vous inviter à leur en donner l'assurance. Aussitôt que le régiment sera formé, le Premier consul lui fera lui-même présent d'un drapeau, comme un gage de l'estime particulière du Gouvernement. Je vous salue. Nota : Cette lettre a été expédiée au secrétariat, et signée de la main du ministre. Conforme à l'original. signé GASSENDI. »
Le , un bataillon d'artillerie piémontais est versé dans ses rangs pour compléter le régiment.
Au mois d', le régiment était encore sans drapeau, et le généralDrouas qui avait présidé à sa réorganisation intercédait auprès du Premier consul pour que les drapeaux fussent rendus. Les 6e et 7e compagnies furent rappelées de Douai et de Metz, et reprirent leur place au 1er régiment à La Fère. Pendant ce temps les 3e et 11e compagnies qui s'étaient embarquées à Gênes et à Civitavecchia, en , pour se rendre en Égypte, rentraient en France en , et étaient envoyées à Grenoble pour entrer dans la réorganisation du 4e régiment d'artillerie.
Depuis l'année 1805 jusqu'à la fin de l'Empire, le 1er régiment d'artillerie a été partagé entre les armées d'Allemagne et d'Espagne, avec quelques compagnies détachées à la garde de l'embouchure de l'Escaut et des Antilles.
Le dépôt du régiment quitte La Fère au commencement de 1808, pour s'établir à Strasbourg, et il reste dans cette place jusqu'à la fin.
La 18e compagnie est prise par les Anglais à Flessingue en 1808.
En 1810, la 2e compagnie est faite prisonnière en Guadeloupe.
Les compagnies faites prisonnières sont successivement remplacées par de nouvelles compagnies formées à Strasbourg. Voici quelle était la situation des compagnies au :
Le dépôt et 2 compagnies et demie maintenus sur pied furent envoyés à Bourges, et c'est là que le « 1er régiment d'artillerie à pied nouveau » est formé à la date du , sous l'ancien titre de « régiment de La Fère », et sous le commandement du même chef, le colonel Albert Laurent. Il devait compter 16 compagnies et un cadre de dépôt . Ses rangs furent remplis par l'appel des canonniers volontaires originaires des départements de la Charente-Inférieure, de l'Hérault, des Bouches-du-Rhône, du Jura et de l'Allier.
Quant aux hommes renvoyés dans leurs foyers, les uns rappelés suivant le même principe, servirent à recomposer les autres régiments d'artillerie. L'excédant entra dans la formation des compagnies d'artillerie attachées aux légions d'infanterie départementale, en exécution de la loi du [4].
En 1820, le « régiment de La Fère » prend le nom de « 1er régiment d'artillerie à pied ».
Le le « 1er régiment d'artillerie à pied » est réorganisé à Rennes, et devient le « 1er régiment d'artillerie mixte ». Il conserve ses 11 premières compagnies, verse 6 compagnies au nouveau 8e régiment d'artillerie mixte », et reçoit en échange les trois premières compagnies du 3e régiment d'artillerie à cheval, et les 14e et 15e compagnies du 6e régiment d'artillerie à pied. Il transforme six de ses compagnies à pied en batteries montées par l'adjonction de détachements du train d'artillerie, et il se trouve alors constitué sur le pied de 3 batteries à cheval[note 1], 6 batteries montées[note 2] et 7 batteries à pied[note 3].
Ce régiment, devenu en 1866 « 1er régiment d'artillerie de réserve », est mis sur le pied de 12 batteries, 4 batteries à pied et 8 batteries montées.
De 1871 à 1914
Par suite du décret du , il est devient le 1er régiment d'artillerie, en conservant son dépôt et 8 de ses batteries. Il cède 2 batteries au 16e régiment d'artillerie de nouvelle formation, et 2 batteries au 18e régiment d'artillerie. Il est complété par l'incorporation des 7e et 8e batteries de l'ex-18e régiment d'artillerie à cheval.
Le , il fait partie de la 8e brigade et cède ses deux batteries à cheval, l'une au 36e, et l'autre au 37e régiment d'artillerie.
Composition : trois groupes de neuf batteries de 75 (36 canons). Les quatre groupes ont eu des parcours différents.
Il participe à la bataille de Lorraine en , subit le premier choc de la ruée allemande à Verdun en et prend part aux opérations de Champagne à Massiges de fin 1917 à . Cité deux fois à l'ordre de l'armée, le 1er régiment d'artillerie a perdu 22 officiers, 58 sous-officiers, 48 brigadiers et 459 canonniers.
Le régiment a eu trois citations pour son comportement lors de ce conflit. Il a reçu la fourragère aux couleurs de la croix de guerre 1914-1918.
1914
: Départ du régiment de ses casernements de Bourges, débarquement à Charmes. Après plusieurs jours de marche forcée, arrivée devant Sarrebourg. Premiers contacts avec un ennemi retranché, appuyé par une forte artillerie (210 et 280 mm).
au : Stabilisation du front, installation des batteries dans la région de Clézentaine.
: Embarquement du régiment vers Saint-Mihiel. Les batteries s'installent à cheval sur la Meuse : au sud de Cœur-la-petite, au nord de Mécrin, et sur le plateau de Liouville. Le régiment restera dans ce secteur jusqu'au début de 1916, se battant contre les corps d'armées bavarois. Ce secteur sera le théâtre d'une guerre des tranchées des plus meurtrières.
1915
Opérations d'avril en Woëvre : Saint-Mihiel
1916
Relevé du secteur de la forêt d'Apremont aux premiers jours de , le régiment est envoyé au camp de Belrain (Meuse). Le déclenchement de la bataille de Verdun change ses plans.
Le , le 2e Groupe est à Douaumont, en appui de la 31e Brigade. Il supportera pendant un mois le choc d'une attaque formidable.
: Préparation de l'offensive de Champagne, les batteries sont échelonnées sur la rive droite de la Vesle, au nord du ruisseau de Prosne, dans le secteur des villages de Vez-Tuizy.
Le : le régiment est cité à l'ordre du corps d'armée, à la suite de sa tenue à partir de l'attaque du .
: mort du Lieutenant-colonel Lefébure, chef de corps du régiment.
Juillet : Installation dans le secteur de Maison de Champagne - La Main-de-Massiges, où, pendant un an, il remplira des missions ingrates et pénibles. Ce secteur étant constamment agité par des coups de main qu'il faut exécuter ou repousser.
1918
: attaque allemande sur Reims et à l'est de cette ville. Le 2e groupe, le plus avancé, est soumis pendant douze heures à des tirs extrêmement violents.
: les batteries sont encore sur leurs positions et aident à la reprise de la Main de Massiges.
: après l'échec de l'attaque allemande, le régiment s'installe près de la ferme d'Ecueil, au sud-ouest de Reims.
À partir du , reprise de la guerre de mouvement. Franchissement de la Vesle, puis de la Suippe à Pont-Givard et Amnencourt, enfin de l'Aisne à Vieux-les-Asfeld.
: Appui de la conquête de Hunding-Stellung. Une dizaine de canons sont capturés.
: Après trois mois de poursuite en rase campagne, le régiment, exténué, quitte la bataille pour se reformer près d'Epernay, puis Avenay (Marne).
Citations obtenues durant la Première Guerre mondiale
2 citations à l'ordre de l'Armée pour le régiment : Il gagnera le droit de porter la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre 1914-1918.
1 citation à l'ordre de la Division pour le 3e Groupe
1 citation à l'ordre du 27e RI pour le 2e Groupe
2 citations à l'ordre du 95e RI pour les 1er et 3e Groupes
Entre-deux-guerres
Le régiment est affecté à la 15e Division d'Infanterie et cantonne notamment à Auxonne et à Dijon, sous l’appellation 1er RAD (Régiment d'Artillerie Divisionnaire).
Composé d'une Batterie Hors-Rang, de trois groupes de 75 et d'une Batterie Divisionnaire Anti-Chars (BDAC) de 75 ou de 47.
Il crée par dédoublement le 1er RALD (Régiment d'Artillerie Lourde Divisionnaire), équipé de canon de 105C et 155C.
1940
En mai 1940, au moment de l'offensive allemande, il prend position en Belgique dans la région de Gembloux. Les 14 et , il brise par ses feux une attaque ennemie appuyée par des chars et des avions. Il sera cité à l'ordre de l'armée et décoré de la Croix de Guerre 1939-1945 à cette occasion.
De 1955 à 1962, il participe aux opérations de maintien de l'ordre au Maroc puis en Algérie, à Bouhmama, dans la région de Khenchela dans les Aurès.
Il agira principalement comme bataillon d'infanterie, sous le nom de I/1 RA. Il y sera adjoint une batterie d'artillerie, équipée en obusier de 155 mm M1. La 1re batterie formera notamment le commando de chasse « V33 ».
Arrivé en fin de séjour, le régiment s’installe à Nevers, quartier Pittié, pour devenir le Régiment d’Artillerie divisionnaire de la 7e division blindée. En , il est transféré au quartier Pajol à Montbéliard où il passe du canon de 155 F3 au 155 AU F1. Il participe à l'intervention française en ex-Yougoslavie, avec ses AU-F1.
Le , le 74e régiment d'artillerie reprend les traditions et le numéro du 1er RA permettant ainsi de conserver sa devise « Royal d'abord, premier toujours ». Stationné au quartier Ailleret à Bourogne, commune du Territoire de Belfort, auparavant équipé de 24 M270, il était équipé depuis 2014 de 13 lance-roquette unitaire, une version mise à jour du M270. Celui-ci est déployé pour la première fois en au Mali au cours de l'opération Barkhane[5].
Traditions
Faits d'armes inscrits sur l'étendard
Il porte, cousues en lettres d'or dans ses plis, les inscriptions suivantes[6] :
Ses devises sont « Royal d'abord, Premier toujours », reprise au 1er régiment de dragons à sa dissolution en 1997, et « Decent jovis fulmina prolem » (Les foudres de Jupiter protègent nos enfants)[7].
Décorations
Sa cravate est décorée de la Croix de guerre 1914-1918 avec deux citations à l'ordre de l'armée et de la Croix de guerre 1939-1945 avec une citation à l'ordre de l'armée.
Il porte la fourragère aux couleurs du ruban de la Croix de guerre 1914-1918.
La fête du 1er RA est à sa date anniversaire, le .
La Sainte Barbe, sainte patronne des artilleurs et fêtée le , est également une date importante.
Chant du régiment
I
Artilleur du Royal souviens-toi dans ton âme,
De ton histoire qui résonne et t’enflamme,
Valmy, Friedland, ces campagnes d’honneur,
Résonnent avec nos trois couleurs. } Bis
II
L’Empereur dans nos rangs, a servi la patrie,
Nous couvrit de fierté en Russie,
Nous versâmes le sang pour la gloire,
Qui résonne sur notre Etendard. } Bis
III
De 14 à 18, nos anciens valeureux,
Sur les fronts de Champagne, glorieux,
De Massiges à Gembloux, les canons du Régiment
Résonnent hardis et vaillamment. } Bis
IV
Artilleurs au Royal, telle est notre fierté,
Notre foudre devant elle dévastera,
Artilleurs au Royal, nous serons les premiers,
Ce cri résonne des fusiliers du Roi. } Bis
V
Aujourd’hui notre fierté sert l’idéal,
L’Etendard au lys nous planterons,
Aux confins de la terre si Sainte Barbe nous prions,
Pour que résonne le canon du Royal. } Bis
Composé par le Lieutenant Armand COTTIN
Le régiment aujourd'hui
Le régiment occupe le quartier Ailleret au sein du terrain militaire des Fougerais sur le territoire de la commune de Bourogne.
Il peut être engagé dans sa totalité contre un ennemi conventionnel puissant, en Europe ou ailleurs, ou participer sous forme de module de dimension variable à des actions de reconquête de souveraineté, de maintien de la paix ou à des actions humanitaires partout dans le monde.
Maurice Loir, Au drapeau ! Récits militaires extraits des mémoires de G. Bussière et E. Legouis, du Cte de Ségur, du maréchal Masséna, du général Vte de Pelleport,... et des journaux, , 312 p. (lire en ligne), p. 297 et suivantes