C'est une gare de bifurcation, origine de la ligne d'Abbeville à Eu (non exploitée ; la gare suivante est celle fermée de Faubourg-de-Rouvroy), et aboutissement (au PK 134,555[2]) de la ligne de Fives à Abbeville (déclassée entre les gares de Saint-Pol-sur-Ternoise et d'Abbeville ; la précédente est celle fermée d'Abbeville-Porte-du-Bois). Sur la ligne d'Abbeville à Eu, se trouvait deux raccordements d'accès direct à la ligne de Longueau à Boulogne-Ville[3], respectivement à environ 700 et 1 100 mètres[4] au nord-ouest-quart-ouest ; de même, ces deux lignes étaient également reliées via l'ouest[3], par la voie d'évitement de la gare d'Abbeville[4].
À cela s'ajoutait : la ligne d'Abbeville à Dompierre (à voie métrique)[5], totalement déclassée et déferrée, dont la gare était l'origine (au PK 0,000) et qui précédait la halte d'Abbeville-Porte-Saint-Gilles — ayant été détruite depuis sa fermeture[6] — ; un dépôt annexe[3] (arrondissement de traction d'Amiens) et un triage[3] (créé lors de la Première Guerre mondiale, pour des raisons stratégiques : Abbeville est, à la fin du conflit, une gare régulatrice[7]).
Histoire
Première gare : une station provisoire (1847)
Lors de la seconde assemblée générale des actionnaires de la Compagnie du chemin de fer d'Amiens à Boulogne (qui s'est tenue le ), tandis que les débats faisaient rage — avec notamment des pétitions — dans la ville concernant le tracé de la ligne (selon Ernest Prarond)[8], l'ingénieur en chef Pierre-Dominique Bazaine indique qu'il n'était pas possible d'établir une station définitive, du fait que le site choisi correspond à des terrains militaires dans l'enceinte des fortifications ; il est donc nécessaire d'avoir une autorisation du ministère de la guerre, alors non obtenue. Ainsi, le choix d'une station provisoire s'imposait. Elle est située au plus près de la ville, à 800 mètres de la porte de Rouen, à proximité immédiate du passage à niveau de la route de Rouen[9]. Des dépenses relativement peu importantes sont prévues, car le choix a été de construire des bâtiments en charpente devant ensuite être démontés et reconstruits sur l'emplacement définitif, comme remises et hangars à marchandises[10].
La « station d'Abbeville » est mise en service le par ladite compagnie, lorsqu'elle ouvre à l'exploitation la section d'Amiens à Abbeville. Le prolongement jusqu'à Neufchâtel-Hardelot est ouvert le , et la totalité de la ligne le [11]. Abbeville est alors la sixième station de cette ligne, après Pont-Remy[12].
En 1851, elle devient une gare de la Compagnie des chemins de fer du Nord, lorsque celle-ci accepte une fusion-absorption avec la compagnie primitive qui ne peut résister à la concurrence de sa grande rivale[13]. Il s'agit toujours de la station provisoire.
Deuxième gare : à l'emplacement définitif (1855)
La gare définitive est édifiée à partir de 1855, à la suite d'un débat contradictoire (entre la Compagnie du Nord, la municipalité et la chambre de commerce) concernant le choix de son emplacement ; ces travaux sont accompagnés d'une ouverture dans le rempart et de la construction de ponts (sur le canal de Transit et le fossé des fortifications), permettant l'accès au site depuis le reste de la ville[14]. L'actuel bâtiment voyageurs est quant à lui ouvert en 1862 ; d'un style régional balnéaire (avec une ossature bois parée de briques rouges évoquant les villas de Mers-les-Bains[15], répondant en outre par sa légèreté aux exigences de l'autorité militaire d'alors)[14], il fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques depuis le [16]. Elle est considérée, par Jean-Marie Duthilleul, comme la dernière gare en bois construite en France jusqu'à Meuse TGV en 2007[17],[18]. Le bâtiment a été modifié et agrandi en 1912, avec notamment l'avancée de sa façade[8] ; l'un des deux pavillons, édifiés symétriquement sur ses flancs, a par contre été démoli par la suite[14],[19]. De surcroît, la présence de la gare engendre le développement du commerce aux alentours, plus particulièrement avec la construction d'hôtels et de cafés[8].
Le , l'inauguration du monument La Barre a entraîné un pic de fréquentation, car 15 000 personnes, arrivées à Abbeville par trains entiers, ont assisté à cet évènement. D'ailleurs, pendant la Première Guerre mondiale, c'est un cheminot local qui évita que la plaque de bronze de ce monument soit chargée dans un train pour être fondue, en la cachant dans un ruisseau.
Le , au sémaphore de Menchecourt, situé à environ 1 800 mètres au nord de la gare, le rapideBâle – Calais, arrêté à la suite d'une avarie de ses freins et couvert par des pétards posés trop près par son chef de train, est percuté par le rapide Paris – Calais, qui le suit de près, ce dernier défonçant le wagon-lits et le fourgon situés en queue du premier train ; le fourgon du train tamponneur est également détruit. Les secours ont été organisés par la gare ; le bilan définitif fait état de dix blessés (dont trois grièvement, l'un d'entre eux étant finalement décédé à l'hôpital), ainsi que de nombreux voyageurs contusionnés[24].
La Compagnie du Nord édite, en 1930, une affiche de Pierre Commarmond, pour promouvoir Abbeville et sa desserte ferroviaire auprès des Parisiens ; elle vante le temps de trajet et la proximité de la mer (« 2 heures de Paris », « 2 pas de la mer »), tout en montrant la ville dont la collégiale Saint-Vulfran en arrière-plan[25]. Une autre affiche, similaire par son message à la première, fut également éditée en partenariat avec le syndicat d'initiative et de tourisme ; elle représente cette fois-ci les tourelles de guet qui surmontent ladite collégiale[26].
La gare est intégrée dans le réseau de la SNCF, en 1938. Au cours des deux guerres mondiales, elle n'a pas subi de dommages[14], notamment le [8] (où la ville fut pourtant lourdement bombardée, lors de la bataille de France), ou encore le (date à laquelle l'avion américain B-17 « Spare Charlie », qui devait bombarder la centrale électrique implantée route de Rouen — se trouvant non loin de l'établissement —, a été abattu par des canons antiaériens installés à proximité)[27],[28]. Toujours pendant la Seconde Guerre mondiale, un train de DCA était stationné en gare sous l'Occupation (comme en )[29].
Au milieu des années 1970, la gare connaît un trafic de marchandises significatif, s'élevant alors à 82 000 tonnes par an (dont 37 000 tonnes d'arrivages et 45 000 tonnes d'expéditions)[30]. Par ailleurs, une première rénovation du bâtiment voyageurs a lieu en 1993[15].
En , les inondations de la vallée de la Somme ont affecté la gare durant plusieurs semaines. De ce fait, le bâtiment voyageurs a été fermé, les rails ont rouillé, et la signalisation ainsi que les appareils de voie ont été rendus hors-service, avec de plus un train de fret immobilisé. Un temps transformé en gare routière avec comme guichet une camionnette stationnée dans l'avenue de la Gare[31], l'établissement est rouvert au trafic ferroviaire fin mai, à la suite de la remise en état de l'ensemble de ses installations. Depuis lors, le « Buffet de la Gare », attenant au bâtiment voyageurs, était abandonné[32],[8] ; après divers projets avortés, il est finalement racheté en , et a été reconverti en boutique de mariage[33].
En 2009, la fréquentation de la gare était de 2 859 voyageurs par jour[36]. C'est d'ailleurs à cette période que l'offre ferroviaire a commencé à fortement progresser, sous l'impulsion du conseil régional de Picardie. Ce dernier a financé du nouveau matériel roulant pour les TER, la rénovation complète des quais (à l'exception de la mise en place d'une nouvelle passerelle équipée d'ascenseurs[37], dont les travaux sont réalisés ultérieurement, soit en 2016 – 2017[38]), ainsi que la modernisation de la signalisation avec l'installation d'un nouveau poste d'aiguillage[39] (qui, lors de sa mise en service, a remplacé le Poste 1 datant de 1968 — détruit au début des années 2010 —, mais également l'ancien Poste 2 qui était implanté au sein du bâtiment voyageurs[15]).
En 2013, année où la fréquentation quotidienne de la gare atteint les 3 200 voyageurs, le chantier de ravalement extérieur et de modernisation intérieure (avec de nouveaux guichets, accessibles aux personnes à mobilité réduite) du bâtiment voyageurs se termine ; son coût a été de 1,1 million d'euros[40]. Une cérémonie d'inauguration a été faite à cette occasion, en présence du président du conseil régional, Claude Gewerc[40].
Toutefois, le clocheton a été déposé en , à cause de sa fragilité, puis entreposé dans une caisse en bois placée sur un parking de la SNCF ; en , sa restauration n'a pas encore pu être effectuée, la direction régionale des Affaires culturelles ayant rejeté les permis de construire de SNCF Gares & Connexions qui se voit contrainte de réaliser un diagnostic patrimonial[41]. Finalement, après déblocage de la situation administrative, ce campanile est réparé (pour un montant de 180 000 €) à partir de [42], pour être réinstallé entre avril[43] et [44] ; avec cette restauration, il a retrouvé un aspect proche de celui qu'il avait en 1912[45]. De plus, la marquise — protégeant le quai contigu au bâtiment voyageurs — est soutenue par plusieurs étais, en attendant des travaux[46],[43].
Par ailleurs, l'ancienne halle Sernam (fermée en 1998[47]) a été transformée en un bâtiment à vocation tertiaire, nommé Garopôle ; équipé d'une toiture végétalisée[48], ledit bâtiment est principalement occupé depuis début 2015 par le siège de la communauté de communes de l'Abbevillois[49] (devenue la communauté d'agglomération de la Baie de Somme en 2017).
En 2018, la région Hauts-de-France reçoit, dans le cadre de la 8e édition des « Grands prix des régions » (organisés par le magazine Ville, Rail & Transports), le prix de la plus belle gare pour celle d'Abbeville[50].
Fréquentation
De 2015 à 2023, selon les estimations de la SNCF, la fréquentation annuelle de la gare s'élève aux nombres indiqués dans le tableau ci-dessous[51].
Elle possède 5 voies à quai, plusieurs voies de service et 3 quais : le quai 1 (latéral, voie 2, longeant le bâtiment voyageurs), d'une longueur utile de 295 mètres ; le quai 2 (central), de 298 mètres (voie 1) ou 169 mètres (voie 3) ; le quai 3 (central), de 172 mètres (voie 5) ou 258 mètres (voie 7)[53].
Sur les voies principales (1 et 2), la vitesse limite est de 140 km/h[54]. Pour les autres voies (3, 5 et 7), utilisées principalement comme terminus pour des trains de voyageurs, mais également sur celles de service, elle est de 30 km/h.
Elle est l'un des nœuds du réseau urbain « BAAG » (géré par la communauté d'agglomération), en étant desservie par les autobus des lignes R1, R2 et R3, mais également par des lignes de transport à la demande[57]. Le dépôt de ce réseau jouxte l'extrémité sud de l'ancienne halle Sernam.
Au début du mois de , elle est utilisée de manière exceptionnelle pour le transbordement d'un transformateur de 179 tonnes, destiné au poste électriqueRTE de Limeux alors en construction[60].
Au cinéma
En 2015, une scène du début du téléfilm Le Vagabond de la baie de Somme est tournée en gare. On y voit l'arrivée du gendarme Paul Beaujour (rôle interprété par Jérôme Robart) en train TER, puis sa sortie de l'établissement par le bâtiment voyageurs[61].
En 2023, une scène du film De l'art ou du Machond ? — avec Benoît Poelvoorde et Camille Cottin — est tournée devant la gare[62] (la façade du bâtiment voyageurs étant visible) et à l'intérieur de la boutique de mariage attenante[63] (ex-Buffet de la Gare[33]).
Notes et références
↑Reinhard Douté, Les 400 profils de lignes voyageurs du réseau ferré français : (311) Longueau – Boulogne, vol. 1 – lignes 001 à 600, Paris, La Vie du Rail, , 238 p. (ISBN978-2-918758-34-1), p. 117.
↑Fascicule : Gares et lignes du nord, édité par le COPEF en 1985, planche no 55.
↑Chemin de fer de Lille au Havre (section d'Abbeville à Eu et au Tréport). Commission d'enquête pour le chemin de fer d'Abbeville à Eu et au Tréport : Prolongement de la ligne de Béthune à Abbeville. Procès-verbaux et documents, Imp. de Briez, Paillart et Retaux (Abbeville), , 69 p. (lire en ligne), p. 35 (consulté le ).
↑SNCF Réseau, « Vitesse maximale nominale sur ligne : ligne 311000 », sur SNCF Open Data, [cf. l'onglet des informations] (consulté le ) ; la gare d'Abbeville, située au PK 175,407 de la ligne de Longueau à Boulogne-Ville, se trouve donc sur une section où la vitesse est limitée à 140 km/h.
↑Site Trans'80 – « TARIFS » [PDF] (consulté le ) ; cf. la mention « Usagers de la ligne 732 « Abbeville – Feuquières – Le Tréport » mise en place en substitution de la ligne ferroviaire ».
↑« VIMEU Plus de 300 tonnes sur les routes », sur courrier-picard.fr, (consulté le ) : « Le transformateur, de 179 tonnes, est parti par train spécial de la ville allemande de Mönchengladbach, pour la gare d’Abbeville. Il a été ensuite chargé sur une remorque équipée d’une vingtaine d’essieux directionnels, avec un camion à l’avant et un autre à l’arrière. ».
↑Cette scène est visible entre 1 min 13 s et 1 min 53 s.