Fille naturelle de François Bernard Marie Hayman et de Julie Augustine Clairet, Laurence Marie Charlotte Hayman voit le jour à Valparaíso en 1851[1]. Elle naît dans l'hacienda de la Mariposa, au pied de la cordillère des Andes où son père est alors ingénieur[2]. Elle a des origines belges, françaises, créoles et anglaises[2], et descend du peintre Francis Hayman (1708-1776)[3], le maître de Thomas Gainsborough. Son père est un négociant, fils d'un consul anglais à Gand, ville où il est né en 1824[4] ; sa mère est née en 1829 à Montrouge[5]. Tous deux se marient dans cette commune en 1858, légitimant ainsi leur fille.
En 1869, Laure Hayman donne naissance chez elle, 5 rue Treilhard à Paris, à un fils naturel, né de père non dénommé et baptisé Joseph Edmond Romaric[6]. L'année suivante, l'enfant est officiellement reconnu par sa mère[Note 2],[7]. Une semaine plus tard, Albert Jean Baptiste Edmond Romaric David, lieutenant au 2e régiment de voltigeurs de la Garde impériale et frère de Marie-Charles David de Mayrena, le reconnaît à son tour et lui donne son nom[8].
En , Mme Hayman mère décède chez elle à Paris, au 2, rue Maleville[9]. Son mari est alors dit « absent sans nouvelles ». Le mois suivant, Laure Hayman et son concubin, établis à la même adresse, ont un second fils hors mariage, prénommé Jean Baptiste Albert Henri[10]. L'enfant meurt à l'âge de 13 mois, au domicile d'un scieur de long de Nogent-l'Artaud chez qui il vivait[11].
Albert Jean Baptiste Edmond Romaric David, qui s'était marié de son côté en 1885[14], meurt en 1914[15].
La courtisane
Après une enfance assez libre, Laure Hayman doit gagner sa vie à la mort de son père[Information douteuse] et devient une courtisane, encouragée par sa mère[2]. Quelques réussites spectaculaires la lancent.
Parmi ses amants figureraient le duc d'Orléans, Charles de La Rochefoucauld duc d'Estrées, le roi de Grèce, Charles-Egon IV de Fürstenberg, Louis Weil (grand-oncle maternel de Marcel Proust) et Adrien Proust, le père de Marcel[16]. Le seul qu'elle aima vraiment aurait été le prince Alexis Karageorgevich(en)[16], prétendant au trône de Serbie et, selon Eugénie Buffet, elle passait « une bonne partie de son temps et de ses loisirs à se fâcher et à se raccommoder avec son plus fervent adorateur[17] ». Elle vit des libéralités du financier Raphaël Bischoffsheim. Ses fréquentations lui valent le surnom de « déniaiseuse des ducs »[18].
Elle a également une relation avec Mimi Pegère (une Haïtienne surnommée « la comtesse noire »), avec laquelle elle a vécu[19],[20].
En 1873, Laure Hayman fait l'objet d'une fiche dans un registre de la préfecture de police de Paris, recensant les « dames galantes » de la capitale. Sous le nom de Laure Eymann, elle est ainsi décrite par les inspecteurs de la brigade des mœurs :
« Elle demeure rue du Faubourg-Saint-Honoré, 85, au 5e étage. C'est une assez jolie femme, grande, mince, et très élégante. Elle a un petit garçon âgé de 5 ans. Son entreteneur en titre est Monsieur de Pansey député. Elle était aux dernières courses du Hâvre avec lui, Blanche Bertin[Note 4] et le duc Hamilton. On prétend qu'elle n'est pas sans faire des infidélités à M. de Pansey, et qu'elle chercherait même en ce moment à avoir des relations intimes avec le duc Hamilton, afin d'obtenir de lui une somme assez importante dont elle aurait besoin. »[22]
Laure Hayman rencontre Marcel Proust en 1888 (il a 17 ans). L'écrivain restera un ami intime et un familier de son salon[16]. Elle le surnommera d'ailleurs « son petit Saxe psychologique[24] ». Dans À la recherche du temps perdu, Odette de Crécy serait inspirée de Laure Hayman, qui aurait également inspiré Proust pour Mademoiselle Sacripant[25]. En 1928, la correspondance entre l'écrivain et Laure Hayman, ainsi qu'avec Louisa de Mornand, est mise aux enchères à l'hôtel Drouot[26]. La dernière lettre de Proust à Laure Hayman, « considérée comme un document unique fourni par l'écrivain sur [...] Odette de Crécy », est vendue 4 000 francs. Dans ce courrier, Proust se défend fermement de s'être inspiré de Laure Hayman pour élaborer son personnage[27]. À l'occasion de cette vente est édité le recueil Lettres et vers à Mesdames Laure Hayman et Louisa de Mornand[28].
Paul Bourget — dont Laure Hayman fut sans doute la maîtresse[18] — la prend pour modèle dans une nouvelle, sous le nom de Gladys Harvey. En , Laure Hayman en donne un exemplaire à Marcel Proust, relié avec la soie d'un de ses jupons et dédicacé d’une mise en garde : « Ne rencontrez jamais une Gladys Harvey »[24].
Femme aux raisins, (Salon de 1907), localisation inconnue.
Sculpture sur marbre, 1910, localisation inconnue.
Laure Hayman pratique la sculpture avec un intérêt pour les bustes, puis pour les sujets à thèmes orientalistes. Elle expose à Paris au Salon d'automne de 1905[30], ce qui lui permet d’acquérir une notoriété. Elle expose ses œuvres à la galerie Georges Petit à Paris du 3 au [31]. Elle est également collectionneuse de porcelaine de Saxe[16].
En 1936, par le biais d'une vente aux enchères à l'hôtel Drouot, Laure Hayman se sépare d'une partie de son patrimoine, dans laquelle figurent certaines de ses propres sculptures, mais aussi des meubles et objets d'art[34]. En 1938, elle fait don au musée Carnavalet d'un ensemble comprenant « robe, jupe, corsage et corset, époque 1890 »[35]. À cette époque, elle fait l'objet d'un dossier dans le Fichier central de la Sûreté nationale, dit fonds de Moscou[36].
Laure Hayman meurt en 1940, à 88 ans, en son domicile parisien du 11, rue Balzac[1]. Elle est inhumée trois jours plus tard au cimetière du Père-Lachaise (division 81), aux côtés de son fils aîné[37].
↑Rentier, il meurt à son domicile 61, rue Scheffer. L'acte de décès est ainsi rédigé : « fils de Albert Jean Baptiste Edmond Romaric David, commandant d'infanterie, retraité, et de Charlotte Marie Laurence Hayman, son épouse, sans profession, domiciliés avenue du Trocadéro, 34 ».
↑Blanche Bertin est une actrice, engagée à l'Ambigu à cette époque. Elle est par exemple vue aux courses du Havre en [21].
↑Eugénie Buffet, "Ma vie, Mes amours, mes aventures" ou Confidences recueillies par Eugène Figuière, Paris, Eugène Figuière, , 70 p. (lire en ligne), p. 11 chapitre IV.
↑ a et bGuy Schoeller (dir.), Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, Dictionnaire des relations de Proust, Robert Laffont Bouquin, , notes sous Bourget et Hayman pp. 110 et 127.
↑(en) David Charles Rose, Oscar Wilde's Elegant Republic: Transformation, Dislocation and Fantasy in fin-de-siècle Paris, Cambridge Scholars Publishing, (ISBN978-1-4438-8763-2, lire en ligne).