Elstir
Elstir est un personnage d'À la recherche du temps perdu de Marcel Proust. Il est la figure du peintre idéal pour le Narrateur comme l'est Vinteuil pour la musique, ou Bergotte pour la littérature. « Si Dieu le Père avait créé des choses en les nommant, c'est en leur ôtant leur nom ou en leur en donnant un autre qu'Elstir les recréait » (Proust II, 191[1]).
Présentation dans le roman
La rencontre avec le narrateur à Balbec
Le narrateur fait la connaissance d'Elstir dans le restaurant de Rivebelle, ville proche de Balbec, un peintre impressionniste, inspiré de Monet, Renoir, Helleu, Manet, Whistler (à qui il devrait son nom par anagramme approximative) et surtout Boudin, l'aîné de la peinture impressionniste. Elstir enseignera au narrateur comment regarder les choses d'un regard nouveau, avec une réalité subjective notamment lorsque Proust décrit le tableau du port de Carquethuit dans lequel Elstir mélange terre et mer[2]. C'est aussi lui qui nomme Albertine Simonet au narrateur lors de son premier voyage à Balbec[3], mais tandis que le narrateur espérait être présenté à elle et à la bande, lors d'une promenade, Elstir ne le présente pas[4] et ce n'est qu'en insistant que le peintre se fait l'intermédiaire entre le narrateur et la jeune fille[5].
Le peintre et la vie mondaine
Il a fréquenté le salon de Madame Verdurin, sous le nom de Biche, mais s'en est détaché. Celle-ci prétend lui avoir appris à reconnaître les différentes fleurs qu'il ne savait pas distinguer avant de la connaître et dit de lui au narrateur qu'il était « excessivement bête »[6],[7]. Son talent n'en est pas moins reconnu par les Verdurin, qui possèdent encore ses toiles et n'hésitent pas à les montrer au narrateur, cette reconnaissance est telle qu'à la mort de M.Verdurin, Elstir est le seul à être chagriné[8]. Il a d'ailleurs peint Odette de Crécy, future Mme Swann à cette époque, dans un portrait androgyne intitulé : Miss Sacripant.
Interprète
Voir aussi
Notes et références
- ↑ Marcel Proust, A la Recherche du temps perdu (lire en ligne)
- ↑ « Une de ses métaphores les plus fréquentes dans les marines qu’il avait près de lui en ce moment était justement celle qui, comparant la terre à la mer, supprimait entre elles toute démarcation. » Les marines d'Elstir, À l'Ombre des jeunes filles en fleurs, III
- ↑ Marcel Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs (lire en ligne) :
« Elstir me dit qu'elle s'appelait Albertine Simonet et me nomma aussi ses autres amies que je lui décrivis avec assez d'exactitude pour qu'il n'eût guère d'hésitation. »
- ↑ Marcel Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs (lire en ligne) :
« Mais déjà Elstir avait quitté les jeunes filles sans m'avoir appelé. Elles prirent une rue de traverse, il vint vers moi. Tout était manqué. »
- ↑ Marcel Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs (lire en ligne) :
« Quand quelques jours après le départ de Saint-Loup, j'eus réussi à ce qu'Elstir donnât une petite matinée où je rencontrerais Albertine »
- ↑ Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe (lire en ligne) :
« C'est qu'il faut bien l'avouer, notre Tiche était surtout excessivement bête ! Je l'ai vu épaté par des personnes que vous n'imaginez pas, par de braves idiotes dont on n'aurait jamais voulu dans notre petit clan. Hé bien ! il leur écrivait, il discutait avec elles, lui, Elstir ! »
- ↑ Marcel Proust, Le Temps retrouvé (lire en ligne) :
« Et comme je parle à Mme Verdurin des paysages et des fleurs de là-bas délicatement pastellisés par Elstir : “Mais c'est moi qui lui ai fait connaître tout cela”, jette-t-elle avec un redressement colère de la tête, “tout, vous entendez bien, tout, les coins curieux, tous les motifs, je le lui ai jeté à la face quand il nous a quittés, n'est-ce pas, Auguste ? tous les motifs qu'il a peints. Les objets, il les a toujours connus, cela il faut être juste, il faut le reconnaître. Mais les fleurs, il n'en avait jamais vu, il ne savait pas distinguer un althæa d'une passe-rose. C'est moi qui lui ai appris à reconnaître, vous n'allez pas me croire, à reconnaître le jasmin." »
- ↑ Marcel Proust, Le Temps retrouvé (lire en ligne) :
« M. Verdurin dont la mort chagrina une seule personne qui fut, le croirait-on, Elstir. (...) mais surtout en M. Verdurin il voyait disparaître les yeux, le cerveau, qui avaient eu de sa peinture la vision la plus juste, où cette peinture, à l'état de souvenir aimé, résidait en quelque sorte. Sans doute des jeunes gens avaient surgi qui aimaient aussi la peinture, mais une autre peinture, et qui n'avaient pas comme Swann, comme M. Verdurin, reçu des leçons de goût de Whistler, des leçons de vérité de Monet, leur permettant de juger Elstir avec justice. Aussi celui-ci se sentait-il plus seul à la mort de M. Verdurin avec lequel il était pourtant brouillé depuis tant d'années, et ce fut pour lui comme un peu de la beauté de son œuvre qui s'éclipsait avec un peu de ce qui existait, dans l'univers, de conscience de cette beauté. »
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