Il est l'élève du philosophe Alain, à qui il sera redevable de son orientation esthétique. Il préfère en effet une carrière littéraire à la direction de l’usine familiale et s’illustre d’abord par des romans qui lui gagnent un public féminin : Climats, Les Roses de septembre. Il obtient un prix d'honneur au concours général et passe sa licence de lettres. Sa première épouse est Jane-Wanda de Szymkiewicz (Jeanine) (1892-1924), fille d’un comte polonais avec laquelle il a trois enfants, deux garçons et une fille, Michelle[1].
Issu d'une famille de drapiersjuifs alsaciens, il est le fils d'Ernest Herzog et d'Alice Lévy, et le petit-fils de Salomon Herzog (1818-1876) et Émilie Fraenckel (1828-1891), originaires de Ringendorf.
Comme d'autres industriels alsaciens qui, après la guerre de 1870, ont quitté l'Alsace pour rester français, les familles Fraenckel et Herzog ont transféré leur usine de fabrication de drap de laine avec leurs ouvriers de Bischwiller (Bas-Rhin) à Elbeuf (Seine-Maritime).
C'est dans cette ville, au no 1, rue Henry, qu'Émile naît le dans un milieu bourgeois plutôt austère[4]. Son père est un grand travailleur et sa mère, tendre et cultivée, s'occupe de leurs trois enfants (Émile a deux sœurs plus jeunes), rue Magenta[N 1], où la famille s’est installée.
C'est un élève brillant qui cumule les prix à tous les niveaux de sa scolarité, d'abord au petit Lycée d'Elbeuf puis au lycée Corneille de Rouen auquel il se rend tous les jours en train. Il y reçoit l’enseignement du philosophe Alain qui le marque profondément tant pour ses idées que dans son orientation artistique et avec qui il conservera des liens. Il obtient un prix d'honneur au concours général (il présidera d'ailleurs l'Association des lauréats du concours général de 1951 à 1967[5]). Titulaire des baccalauréats littéraire et scientifique, il passe sa licence ès lettres en 1903.
Sur les conseils d’Alain, il met entre parenthèses son attirance pour la carrière littéraire et décide d'abord de se confronter au monde en entrant dans l'entreprise familiale. Mais auparavant, pour se libérer des obligations militaires, il devance l'appel et est incorporé au 74e régiment d'infanterie à Rouen. Après une année passée sous les drapeaux, il va partager la gestion de l’usine textile avec ses cousins après avoir été initié à tous les stades de la fabrication du drap. Durant une quinzaine d’années, il traite d’affaires commerciales, se déplace à Paris, en Angleterre, et est confronté à des crises sociales. Cette expérience lui inspirera son roman Bernard Quesnay.
Il rencontre Jane-Wanda de Szymkiewicz, dite « Janine » (1892-1924) à Genève en 1909, fille d’un comte polonais. Il l’épouse en 1912 et emménage rue Félix-Faure à Caudebec-lès-Elbeuf puis plus tard à La Saussaye (Eure) sur les hauteurs d’Elbeuf. Le couple a d’abord une fille née en mai 1914 puis, après la guerre, deux garçons. Leur fille, Michelle[1], épouse du baron Serge de Kap-Herr puis du docteur Robert Naquet[6], sera elle-même écrivaine et publiera, entre autres, une trilogie basée sur une multitude de courriers familiaux (L’Encre dans le sang, Les Cendres brûlantes et Déchirez cette lettre) qui retrace l'histoire du couple Caillavet et de leur fille Simone (1894-1968).
D’ à , il assiste les officiers britanniques au service des approvisionnements de la « base dépôt n°2 » à Rouen.
Il obtient de rejoindre le front comme interprète auprès de l'état-major de la 9e division écossaise(en) qui se bat dans les Flandres. Son rôle d'agent de liaison à l'occasion de la bataille de Loos (25-26-) lui vaut de recevoir la « Distinguished Conduct Medal », médaille militaire britannique pour conduite distinguée sur le champ de bataille.
Malade, il est rapatrié au Havre en . À sa sortie de l'hôpital, il est affecté temporairement au quartier général de la base britannique du Havre puis confirmé dans ce poste, à la suite du jugement d'inaptitude au service armé rendu par la Commission de réforme et à son classement dans le service auxiliaire. Mais il souhaite retourner au front avec l’espoir de passer officier.
Il y est autorisé en . Ses excellentes appréciations et ses très bonnes relations avec les officiers britanniques lui permettent de suivre le général Asser, chef de la base du Havre, quand celui-ci prend le commandement à Abbeville des troupes des lignes de communication (en tant que General Officer Commanding the Lines of Communication area Abbeville). Ses missions sont diverses : accompagnement du Général lors de visites officielles mais aussi liaison avec les populations civiles dans le secteur Amiens-Abbeville pendant la période des grands bombardements de ces deux villes… Enfin, il accède au grade d'adjudant, puis est nommé officier interprète de 3e classe à titre temporaire en . Cette nomination est le début de son intégration dans le corps des officiers interprètes (à titre définitif par décret du 27/07/1920, 2e classe par décret du 07/11/1923).
Après avoir réchappé de la grippe espagnole, il est démobilisé en .
À la demande de sa hiérarchie et notamment du commandant André de Castéja, il a dû prendre un pseudonyme, André Maurois (André en hommage à un jeune cousin tué au début de la guerre et Maurois, nom d'un village du nord de la France.) pour publier son premier ouvrage en 1918Les Silences du colonel Bramble. Ce livre inspiré par les rencontres qu'il a faites au cours de la guerre connaîtra un vif succès, aussi bien en France que dans les pays anglo-saxons, tant auprès des autorités militaires que politiques.
Il y traduisit sous le titre Tu seras un homme, mon fils le célèbre poème If de Rudyard Kipling. Cet ouvrage sera suivi des Discours du docteur O'Grady.
Assez rapidement au retour à la vie civile, après la mort de sa femme, il délaisse l’entreprise pour donner libre cours à sa passion d’écrivain.
Maurois perd sa femme Janine le [8]. À l'automne, après la sortie de son livre, Dialogues sur le commandement, il est invité par le maréchal Pétain qui veut lui en parler. C'est à l'occasion de ce dîner qu'il fait la connaissance de Simone de Caillavet, qui deviendra sa seconde épouse. Cette jeune femme est la petite-fille de Léontine Lippmann, épouse d'Arman de Caillavet, égérie et maîtresse d'Anatole France, et la fille qu'ont eue Gaston Arman de Caillavet, autrice de pièces à succès, et Jeanne Pouquet[9]. Elle écrira également deux ouvrages, dont Fleurs latines que préfacera son époux. Le mariage a lieu en à Essendiéras[N 2], avec pour témoins Gabriel Hanotaux, Robert de Flers, le vieux complice de Gaston de Caillavet, et Aimery Blacque-Belair, le lieutenant des Dialogues sur le commandement.
Revendiquant une « plume d'instituteur », il est également très apprécié dans le monde anglo-saxon pour ses Histoires d'Angleterre et des États-Unis. Il a en outre écrit une Histoire de France par laquelle il cherche à sensibiliser son lecteur au destin unique de cette nation.
Il s’illustre aussi par des romans qui lui gagnent un public féminin : Climats, Les Roses de septembre.
Il écrit également pour la jeunesse, dont Le Pays des trente-six mille volontés, et Patapoufs et Filifers, ce dernier dénonçant l'absurdité de la constitution des groupes humains autour de simples critères physiques (ici, la minceur et l'obésité). L'illustrateur de ce dernier album, Jean Bruller, deviendra plus tard l'écrivain Vercors.
Maurois est également l'auteur de plusieurs ouvrages de science-fiction comme Le Chapitre suivant et Le Peseur d'âmes.
Il est membre du comité de direction de l'Association du foyer de l’abbaye de Royaumont.
Grâce aux relations de son épouse, le maréchal Pétain soutiendra sa candidature à l'Académie française ; il y est élu le , au fauteuil 26 qu'occupait René Doumic. Voici ce qu'il en dit dans ses Mémoires : « Une réception à l’Académie est une des belles cérémonies françaises. Tout concourt à sa grandeur : l’ancienneté de l’édifice, l’étrangeté de sa forme, l’exiguïté de la salle, la qualité du public, l’appareil militaire, le vocabulaire traditionnel et parfois la qualité de l’éloquence ». Il restera titulaire du fauteuil 26 près de trente ans.
Quand il rentre en France en 1946, dans sa maison de Neuilly-sur-Seine, ses livres ont disparu : « Ne trouvant pas l'homme, la Gestapo a pris la bibliothèque[11] », écrit-il.
Par un décret du président de la République du , il est autorisé à changer de patronyme de Herzog en André-Maurois. Son nom de plume devient ainsi son nom officiel[12]. C'est sous ce nom qu'il devient membre du comité de rédaction de L'Échauguette, la revue du diplomate et écrivain Jean-Marc Montguerre.
Le , il meurt à Neuilly-sur-Seine. Après le décès de sa fille Michelle en 1994, son gendre, le professeur Robert Naquet, neurobiologiste éminent, consultant du Vatican pour les questions de fin de vie, s'occupe de trier ses archives afin de préparer leur dépôt à la Bibliothèque de l'Institut, qui aura lieu en 2005[14].
1947 : Rouen dévasté, essai, première édition bibliophilique avec eaux-fortes et lithographies d'Émile-Henry Tilmans, Société normande des amis du livre, seconde édition Nagel, 1948
1923 : Ariel ou la Vie de Shelley, biographie. Le frontispice de Maxime Dethomas, aux éditions Grasset. (1re édition illustrée en couleurs en 1924, vignettes de Hermine David, aux Éditions Grasset. Un exemplaire de la 81e édition de 1923 porte un envoi à Simone de Caillavet : À Mme Simone de Caillavet qui aime les poètes et mérite de les aimer
1939 : Discours prononcé dans la séance publique de sa réception à l'Académie française le jeudi 22 juin 1939, Éd. Firmin Didot et Cie.
1942 : "Mémoires - T.I Les années d'apprentissage - T.II Les années de travail", Éditions de la Maison Française
1953 : L'Angleterre romantique, édition illustrée de 24 compositions à la gouache de Grau Sala gravées sur bois par G. Angiolini et R. Boyer, Gallimard, NRF
↑Essai écrit à partir d'un dialogue entre son ancien maître, Alain, et son récent ami Aimery Blacque-Belair, qu'ils ont refusé de cosigner car trop modifié par Maurois : voir à ce sujet les archives Maurois (Institut de France).
↑ Publication tirée de six conférences prononcées au Trinity College de Cambridge en mai 1928, pour la fondation Clark.
↑Anne-Marie Gourdain et Michel Lecerf, « André Maurois, soldat de la Grande Guerre », Bulletin de la Société de l’Histoire d’Elbeuf, n°64, novembre 2015, p. 29-44.
↑voir le livre de Dominique Bona, Il n'y a qu'un amour.
↑André Maurois, Œuvres complètes : Les Mondes impossibles - Les Mondes imaginaires - Tu ne commettras point l'adultère, t. IV, Paris, Fayard, , p. 278.
↑André Maurois, Œuvres complètes : Les Mondes impossibles - Les Mondes imaginaires - Tu ne commettras point l'adultère, t. IV, Paris, Fayard, , p. 2.
↑Michel Droit, André Maurois, Paris, Éditions Universitaires, , p. 146-147.
↑Critique dans Livres de France, revue littéraire mensuelle no 2 : Françoise Mallet-Joris, février 1966, p. 19.
↑André Maurois, Œuvres complètes : Les Mondes impossibles - Les Mondes imaginaires - Tu ne commettras point l'adultère, t. IV, Paris, Fayard, , p. 414.
L. Clark Keating, « André Maurois and the United States », The French Review, XXVII, 1953, p. 95-100.
Denise Bourdet, André et Simone Maurois, dans: Visages d'aujourd'hui, Paris, Plon, 1960.
Kornel Huvos, « André Maurois et les États-Unis : relativisme, conformisme, sympathie », The French Review, XLII, n°6, , p. 825-833.
Jack Colbert, The Worlds of André Maurois, Selinsgrove, Susquehanna University Press, (USA), 1985.
Francis Concato, Madeleine Haquet-Cavelier, Pierre Largesse, André Maurois 1885-1985, Elbeuf, Ville d'Elbeuf, 1985, 73 p.
Dominique Bona, Il n'y a qu'un amour, Paris, éd. Grasset, 2003, 496 p.
Thierry Laurent, « André Maurois et la tradition moraliste française », Literatūra, vol. 56, no 4, , p. 34-41 (ISSN0258-0802, lire en ligne [PDF])
Anne-Marie Gourdain et Michel Lecerf, « André Maurois, soldat de la Grande Guerre », Bulletin de la Société de l’Histoire d’Elbeuf, n°64, , p. 29-44.
Thierry J. Laurent, André Maurois moraliste, Paris, éd. L'Harmattan, 2016.
Thierry J. Laurent, "André Maurois et l'Armée", Mili-terre, revue militaire publiée par le Centre de doctrine et d'enseignement du commandement, 9-02-2019, (voir en ligne)