Andreas Lubitz avait été traité pour des tendances suicidaires et déclaré « inapte au travail » par un médecin. Il avait gardé cette information, n'avait pas informé son employeur et s'était tout de même présenté au travail.
Peu de temps après avoir atteint l'altitude de croisière et alors que le commandant de bord est hors du poste de pilotage, il verrouille la porte et amorce une descente contrôlée qui se poursuit jusqu'à ce que l'avion percute un flanc de montagne.
Les autorités aéronautiques réagissent en mettant en œuvre de nouvelles réglementations qui exigent notamment la présence permanente de deux membres du personnel autorisé dans le cockpit. La règle dite des « quatre yeux », recommandée par l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) quelques jours après l'accident, est rapidement mise en place au sein de plusieurs compagnies aériennes européennes. En 2017, Lufthansa, organisation mère de Germanwings, ainsi que d'autres compagnies aériennes abandonnent la règle, après que plusieurs syndicats de pilotes ont critiqué l'inefficacité et les potentiels effets dangereux de la mesure.
En , l'Union européenne adopte de nouvelles réglementations pour renforcer les contrôles médicaux et le soutien psychologique aux équipages. De nouvelles évaluations psychologiques sont rendues obligatoires pour les pilotes avant d'entrer dans une compagnie aérienne, les dépistages aléatoires d'alcool et de drogues sont généralisés à l'ensemble des compagnies volant dans le territoire de l'UE et des programmes de soutien renforcés aux pilotes et aux équipages sont mis en place. De plus, en réponse à une recommandation du Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) afin de « trouver un juste équilibre entre la confidentialité du patient et la protection de la sécurité publique », l'AESA lance en un programme de « référentiel aéromédical européen » destiné à faciliter la traçabilité et le partage d'informations entre les différents acteurs de la médecine aéronautique.
L'analyse psychologique de l'auteur et le nombre de victimes pour un suicide ont eu pour aboutissement que l'acte soit requalifié en tuerie de masse par certains experts.
Avion
L'avion impliqué est un Airbus A320-211 âgé de vingt-quatre ans, immatriculé D-AIPX[BEA 1],[1],[2],[3]. Il effectue son premier vol le puis est livré à Lufthansa le [BEA 1],[1]. L'avion est loué à Germanwings, filiale de Lufthansa, pendant une année à partir de , puis retourne à la compagnie mère en [1], jusqu'à ce qu'il soit à nouveau transféré à Germanwings en [1],[BEA 1]. Au moment de l'accident, l'avion cumule 58 313 heures de vol au cours de 46 748 vols[BEA 1],[4]. Il s'agissait de l'un des plus vieux Airbus A320 de cette série encore en service[5],[6].
Le « Design Service Goal » (DSG) originel, qui donne la durée de vie de l'appareil, était à l'origine de 60 000 heures ou 48 000 vols[7],[8]. En 2012, une extension optionnelle (« Extended Service Goal » — ESG1) est approuvée, étendant la durée de service à 120 000 heures ou 60 000 vols en durcissant notamment les inspections de maintenance des appareils[9],[7],[8]. Carsten Spohr, président-directeur général du groupe Lufthansa, annonce dès le lendemain de l'accident que l'avion était « techniquement irréprochable »[10],[11]. Sa dernière inspection de maintenance date du , la veille de l'accident, où les techniciens ont effectué « une visite périodique des quatre mois et une visite « quotidienne » (daily check) effectuée au moins toutes les 72 heures »[BEA 2]. Quelques réparations mineures sont effectuées et l'avion est déclaré apte au vol[BEA 2].
Déroulement du vol
Départ
L'Airbus A320 du vol Germanwings 9525décolle de la piste 07R droite de l'aéroport de Barcelone-El Prat le à 9 h 0 UTC (10 h 0 CET), avec une vingtaine de minutes de retard[BEA 3],[12]. Il devait arriver à l'aéroport de Düsseldorf après environ une heure et demie de vol, vers 10 h 39 UTC. Le même équipage avait déjà effectué le vol aller, Düsseldorf-Barcelone, le matin même, entre 6 h 1 et 7 h 57[BEA 3].
L'avion suit la même route que le vol de la veille[13] et arrive à 9 h 27 min 20 s UTC à son altitude de croisière de 38 000 pieds (11 600 mètres)[BEA 3]. Après trente minutes de vol, les pilotes confirment les instructions du contrôle aérien français à 9 h 30, constituant la dernière communication radio de l'équipage[BEA 3].
Descente
À 9 h 30 min 8 s UTC, « le commandant de bord annonce au copilote qu’il quitte le poste de pilotage et lui demande de prendre en charge les communications radiophoniques, ce que le copilote collationne »[BEA 3]. Le copilote Andreas Lubitz prend en charge l'avion tandis que le commandant va probablement aux toilettes et se retrouve en dehors du poste de pilotage à 9 h 30 min 24 s[BEA 4],[14]. Vingt-neuf secondes plus tard, l'altitude sélectionnée sur le panneau de commande du pilote automatique« passe en une seconde de 38 000 pieds (11 600 mètres) à 100 pieds (30 mètres) », soit la plus petite valeur d'altitude disponible sur l'Airbus A320[BEA 4],[15],[16],[17]. Ainsi, l'avion passe en mode descente et le régime des moteurs passe en mode ralenti[BEA 4]. À 9 h 31, après avoir traversé la côte française près de Toulon, l'avion quitte son altitude de croisière assignée de 38 000 pieds et sans autorisation, commence à descendre rapidement[BEA 4].
À 9 h 33 min 13 s, alors que la vitesse de l’avion est de 273 nœuds (505 km/h), la vitesse sélectionnée dans le pilote automatique passe à 308 nœuds (570 km/h), entraînant une augmentation de la vitesse et du taux de descente de l'avion[BEA 4]. Au cours de la descente, ce taux varie entre 1 700 pieds par minute (518 mètres par minute) et 5 500 pieds par minute (1 675 mètres par minute), avec une moyenne d'environ 3 500 pieds par minute (1 065 mètres par minute)[BEA 4]. Ces variations sont dues aux changements réguliers de la vitesse sélectionnée dans le pilote automatique, qui passe à 288 nœuds (533 km/h) à 9 h 33 min 35 s, puis change à de multiples reprises, avant de s'arrêter sur 302 nœuds (559 km/h) à 9 h 33 min 48 s[BEA 4].
À 9 h 33 min 47 s, l'avion se trouve à une altitude de 30 000 pieds (9 144 mètres) en descente[BEA 4],[18],[19]. Le contrôleur aérien essaye d'entrer en contact avec l'équipage, mais aucune réponse ne lui parvient[BEA 4]. Les tentatives ultérieures du contrôle aérien français de contacter le vol ne reçoivent aucune réponse[BEA 4],[14]. Trente-six secondes plus tard, la vitesse sélectionnée augmente jusqu'à 323 nœuds (598 km/h)[BEA 4].
À 9 h 34 min 31 s, quatre minutes et sept secondes après la sortie du commandant de bord, « le signal sonore de demande d’accès au poste de pilotage est enregistré pendant une seconde »[BEA 5]. Environ seize secondes plus tard, l'avion se trouve à une altitude de 25 000 pieds (7 620 mètres)[BEA 4]. À 9 h 35 min 3 s, la vitesse sélectionnée passe à 350 nœuds (648 km/h) et l'avion se stabilise rapidement autour de cette vitesse[BEA 4]. La descente s'effectue par temps clair, avec une visibilité supérieure à dix kilomètres et peu de nuages présents dans la zone[BEA 6],[20],[21],[22].
Dernières minutes
Lors des dernières minutes du vol, l'équipage tente à plusieurs reprises de communiquer avec le cockpit, mais les appels restent sans réponse[BEA 4],[23],[24]. De plus, « des bruits similaires à ceux d’une personne tapant à la porte du poste de pilotage » ainsi que des voix demandant l'ouverture de la porte sont entendus à plusieurs reprises sur l'enregistreur phonique (CVR)[BEA 7].
À partir de 9 h 39 min 30 s, pendant près d'une minute, « des bruits similaires à des coups violents portés sur la porte du cockpit sont enregistrés »[BEA 7]. Une minute plus tard, l'alarme de l’avertisseur de proximité du sol (GPWS) indique que l'appareil se rapproche dangereusement du relief[BEA 7]. Dans le même temps, d'autres alarmes se déclenchent alors que l'avion se rapproche du sol[BEA 7].
Le contact radar est perdu à 9 h 40 min 47 s à une altitude de 6 175 pieds (1 880 mètres) et à près de 700 km/h[25],[26],[24],[27]. L'avion s'écrase à 9 h 41 min 6 s contre une montagne dans la commune reculée de Prads-Haute-Bléone, à environ quatre-vingt-cinq kilomètres au nord-ouest de Nice, dix minutes et quarante-deux secondes après la sortie du commandant de bord du poste de pilotage[BEA 8]. Une station sismologique du réseau Sismalp, l'Observatoire de Grenoble, située à douze kilomètres du site de l'accident, enregistre un événement sismique associé à l'impact[28]. À 9 h 48, un avion militaire français Mirage 2000 est envoyé de la base aérienne d'Orange-Caritat pour chercher la trace de l'avion[BEA 9]. Il arrive sur la zone où a été signalé l'Airbus A320 moins de quinze minutes plus tard et survole la zone de l'accident à 10 h 1[BEA 9].
L'avion touche un talus, « où la végétation a été arrachée, des troncs ont été déracinés, des branches d’arbres ont été rompues et le sol a été labouré », avant l'impact final contre un flanc de montagne abrupt[BEA 12],[34], constitué principalement de marnes noires, ravinées et friables[35]. Le signal détecté par la station sismologique Sismalp, située à douze kilomètres, est peu énergétique, ce qui est probablement à mettre en relation avec la sédimentation très friable du relief[28],[36]. En effet, seule une infime fraction de l'énergie cinétique de l'appareil (de l'ordre de 0,03 %) a été convertie en énergie sismique[28]. Le site de l'accident se trouve à environ vingt kilomètres à l'ouest du mont Cimet, où le vol Air France 178 s'était écrasé en 1953[37],[38],[39].
L'avion se désintègre à l'impact, réduit à l'état de petits débris éparpillés sur une surface de quelques hectares, les plus gros morceaux de l'épave « mesurent environ 3 à 4 mètres de long »[BEA 10],[40],[36].
La Gendarmerie nationale et la Sécurité civile envoient rapidement des hélicoptères pour localiser l'épave[41],[42]. Un hélicoptère se pose près du lieu de l'accident et son personnel confirme qu'il n'y a aucun survivant[43],[44]. L'équipe de recherche et de sauvetage signale que le champ de débris couvre environ 2 km2[45].
Recherche aérienne et accès au site
Les contrôleurs aériens du centre de contrôle régional de Marseille, constatant la descente non autorisée et la perte de contact radio avec l'avion, contactent les autorités militaires qui déclenchent le décollage d'un Mirage 2000 de la base d'Orange mais celui-ci n'arrive sur place qu'après l'écrasement[46],[47]. Un hélicoptère de la Gendarmerie et un avion léger se trouvant en vol non loin de la zone complètent le premier dispositif d'urgence[21],[47],[36]. Des hélicoptères de l’Armée de l’air, de la Gendarmerie et de la Sécurité civile sont envoyés à leur tour et parviennent sur le site après 11 heures[48],[36]. Les autorités annoncent rapidement que les débris de l'avion ont été localisés et sont dispersés sur une zone étendue et difficile d'accès[49],[50],[51].
Le site du crash n'est desservi par aucune route, et les secours ne peuvent s'y rendre qu'à pied ou par hélicoptère[50]. Ces conditions, ainsi que la nature très escarpée du terrain, rendent difficile l'intervention des secours et des enquêteurs[52]. Des moyens aériens importants sont mis en œuvre[53] et permettent notamment de sécuriser les lieux pour rendre possible le travail d'enquête[54],[55]. Un chemin est établi en urgence et, à partir du , les secours peuvent se rendre sur place avec des véhicules terrestres, depuis la commune voisine du Vernet[56],[57]. Débutées le , les opérations de ramassage des débris sur le relief se terminent onze jours plus tard, le , après leur rapatriement dans un hangar à Seyne-les-Alpes[58],[59].
Angela Merkel déclare le : « C'est un crime qui a été perpétré contre les victimes, leurs familles et leurs proches »[72],[73]. Le roi d'EspagneFelipe VI et la reine Letizia présentent depuis la cour du palais de l'Élysée leurs condoléances pour les victimes, dont cinquante-et-une sont espagnoles[74],[75],[76]. Bodo Klimpel, maire de la ville d'Haltern am See en Allemagne, réagissant à la mort de seize étudiants et deux enseignants originaires de la ville, déclare que les gens sont en « état de choc »[77],[78],[79],[80].
Le PDG de Lufthansa, Carsten Spohr, se rend sur les lieux de l'accident début avril et déclare qu'il s'agit du « jour le plus sombre pour Lufthansa dans ses soixante ans d'histoire »[83],[84],[85]. Plusieurs vols de Germanwings sont annulés les 24 et en raison du chagrin des pilotes à la suite de la perte de leurs collègues[86],[87],[88]. La compagnie aérienne retire le numéro de vol 4U9525, le changeant en 4U9441, le numéro du vol aller passant de 4U9524 à 4U9440[89].
Parmi les 150 personnes à bord se trouvaient soixante-douze Allemands, cinquante et un Espagnols[91],[116] et vingt-sept autres personnes de seize pays différents[117]. Les passagers comprenaient le baryton allemand Oleg Bryjak, ainsi que la contralto allemande Maria Radner, son mari et son fils en bas âge[118]. Une classe de seize lycéens allemands et leurs deux professeurs, originaires du lycée Joseph-König d'Haltern am See en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de retour d’un échange linguistique à Llinars del Vallès, étaient également présents dans l’avion[78],[119]. Les restes des seize écoliers et de leurs deux enseignants sont arrivés dans leur ville natale d'Haltern pour être enterrés deux mois et demi après l'accident[120],[121],[122]. Les résidents tenaient des roses blanches alors que les corbillards passaient devant l'école, où dix-huit arbres — un pour chaque victime — ont été plantés en leur mémoire[120].
Pour « raisons médicales », il interrompt sa formation le suivant, pendant neuf mois et demi[BEA 17],[134]. Il souffre alors d'une dépression et prend des médicaments pour la traiter[BEA 16]. En , le renouvellement de son certificat médical est refusé par le centre médical de Lufthansa, avant d'être accordé, peu après l'arrêt de son traitement, avec une mention signalant la nécessité d'« examens médicaux spécifiques réguliers » et « une réserve indiquant qu’il deviendrait non valide en cas de rechute dépressive »[BEA 18]. Après que son psychiatre détermine que l'épisode dépressif était résolu, Lubitz retourne à l'école de la Lufthansa en [BEA 17],[135].
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les portes des postes de pilotage des avions de ligne sont renforcées et blindées, rendant impossible toute intrusion depuis l'extérieur lorsque cette dernière est verrouillée[141],[142],[143],[144],[BEA 20]. Sur l'Airbus A320, le système de verrouillage est contrôlé électriquement depuis l'intérieur du cockpit et comporte plusieurs étapes indispensables dans le processus d'ouverture de la porte[BEA 21]. Premièrement, un clavier numérique à douze touches permet à l'équipage de demander l'accès depuis la cabine[BEA 21]. De plus, « des interphones sont présents dans le compartiment passager pour permettre à l’équipage commercial et technique de communiquer durant le vol »[BEA 22]. Un interrupteur à trois positions (Unlock, Norm, Lock), présent dans le cockpit, permet aux pilotes d'autoriser ou de refuser l'entrée, en déverrouillant ou bloquant la porte[BEA 23],[145]. Enfin, un système sonore et de vidéosurveillance permettent de prévenir les pilotes ainsi que d'apporter une identification visuelle sur la personne demandant un accès au cockpit[BEA 23].
Dans le cas où un pilote sélectionne la position « Lock », la porte reste verrouillée, arrêtant le signal sonore et affichant une diode rouge sur le clavier numérique dans la cabine[BEA 24]. L'utilisation du clavier est alors désactivée pendant cinq minutes, moment auquel il redevient possible de faire une demande d'accès en composant le code prévu à cet effet[BEA 24]. Pendant cette période, si le pilote sélectionne la position « Unlock » sur l'interrupteur du cockpit, la porte se déverrouille immédiatement, mais s'il décide de poursuivre sa décision de refuser l'accès, toute entrée est impossible[BEA 24]. Toutefois, un code d'urgence est prévu en cas de suspicion d'incapacité de l'équipage[BEA 24]. Ce code commande un signal sonore qui retentit pendant quinze secondes dans le cockpit et si aucune réponse n'est apportée, la porte se déverrouille pendant cinq secondes[BEA 24]. Néanmoins, si une personne présente aux commandes ne souhaite pas accorder l'accès d'urgence, elle peut commander l'interrupteur de la porte pour que celle-ci reste bloquée[BEA 24],[142],[145].
Germanwings n'a pas souhaité « donner de détails pour des raisons de sécurité » sur la présence ou non d'une hache ou d'un pied-de-biche en cabine qui auraient pu servir au commandant à forcer la porte[146]. Selon les enregistrements du vol écoutés et publiés par le quotidienallemandBild, les passagers ont pu se rendre compte de la situation environ cinq minutes avant l'impact, le commandant de bord frappant de plus en plus fort et criant « Ouvre cette foutue porte ! »[147],[148].
Le jour même du drame, les autorités annoncent avoir retrouvé l'enregistreur phonique du poste de pilotage (CVR) parmi les débris[BEA 25],[31],[149],[150],[151]. Il est transféré dans les locaux du BEA, au Bourget, le lendemain[BEA 26],[152],[153]. Le CVR, qui enregistre les conversations et les sons du poste de pilotage et possède une capacité d'environ deux heures et demie d'enregistrement, a été fortement endommagé par l'impact, mais les données sont restées utilisables[BEA 26],[154],[155]. Au cours de son analyse, il apparaît qu'un bruit de respiration, attribué au copilote par comparaison avec les pistes audio du vol, est présent « jusqu’à sept secondes avant la collision avec le relief »[BEA 27],[156].
La semaine suivante, Brice Robin, le procureur de la République du tribunal de grande instance de Marseille, annonce que l'enregistreur de données de vol (FDR), noirci par le feu mais toujours exploitable, a également été retrouvé[157],[158]. Cet enregistreur est transféré dans les locaux du BEA le [BEA 28]. Ce boîtier, encore plus gravement endommagé que le CVR, a quand même pu fournir toutes ses données aux enquêteurs[BEA 27]. D'une capacité d'environ vingt-cinq heures, il enregistre plus de 600 paramètres concernant les systèmes et le fonctionnement de l'avion[BEA 9]. Selon le BEA, « l’examen des données enregistrées n’a pas mis en évidence de pannes ou d’anomalies susceptibles d’avoir contribué à l’accident »[BEA 29]. Rapidement, le procureur suppose que l'hypothèse la plus plausible est que « le copilote a eu la volonté de détruire l'avion »[159].
Vol précédent
L'enregistreur de données de vol (FDR) a conservé l'intégralité des paramètres du vol précédant l'accident, et les cinquante dernières minutes de ce vol ont été captées sur l'enregistreur phonique (CVR)[BEA 27]. Lors du vol aller, reliant Düsseldorf à Barcelone, effectué deux heures avant le décollage du vol retour et avec le même équipage, des événements troublants se sont déroulés[BEA 30].
L'analyse des données montre qu'au cours de ce vol, juste avant le début de la descente vers Barcelone, le commandant de bord quitte également le poste de pilotage pendant cinq minutes environ[BEA 31]. Pendant son absence, le copilote entame normalement la descente vers le niveau de vol demandé par le contrôleur aérien. Mais il positionne à plusieurs reprises à cent pieds le sélecteur d'altitude du pilote automatique, avant de le rétablir à une valeur normale quelques secondes avant que le commandant de bord ne sonne à la porte[BEA 32],[160],[161]. Celle-ci est déverrouillée quatorze secondes plus tard, puis le vol se déroule normalement jusqu'à l'atterrissage[BEA 31]. Le BEA, dans son rapport final sur l'accident, conclut que « les actions sur le système de pilotage automatique au cours du premier vol de la journée peuvent être interprétées comme étant une répétition du suicide »[BEA 33].
Situation du copilote
État de santé
Selon un membre de l'équipe d'enquête allemande, Andreas Lubitz souffrait d'un « syndrome subjectif (psychosomatique) sévère de burnout » et selon le procureur de Düsseldorf, « il a eu des tendances suicidaires dans le passé »[162],[163],[164]. Il avait le sentiment de perdre la vue, ce qui risquait de compromettre son avenir en tant que pilote, même si plusieurs spécialistes ne lui ont diagnostiqué aucun problème à ce niveau[165],[166],[BEA 34]. Il a consulté sept fois dans le dernier mois (un généraliste, trois fois un psychiatre et trois fois un ophtalmologue) et quarante-et-un médecins différents dans les cinq dernières années[165]. Motivé par la crainte que la cécité lui fasse perdre sa licence de pilote, l'analyse de sa tablette montre, selon les procureurs allemands, qu'il a commencé peu avant l'accident à mener des recherches en ligne sur les méthodes de suicide et sur les portes des postes de pilotage[167],[168],[169],[170].
Avant même le début de sa formation avec Lufthansa, en , Andreas Lubitz commence à souffrir « d’un épisode dépressif grave sans symptômes psychotiques »[BEA 35]. Peu après, il est hospitalisé alors qu'il a des idées suicidaires[BEA 35],[176]. En , après plusieurs traitements médicamenteux et psychothérapeutiques contre la dépression, son psychiatre le déclare comme ayant « complètement récupéré »[BEA 35]. Par la suite, son certificat médical de classe 1, indispensable pour le pilotage, est renouvelé chaque année entre 2010 et 2014[BEA 36]. Au courant de ses antécédents médicaux, les médecins aéronautiques qui ont examiné Andreas Lubitz lors d'entretiens n'ont pas décelé de préoccupations concernant son comportement durant cette période[BEA 37]. À partir de , il « commence à présenter des symptômes qui pourraient être associés à un épisode dépressif psychotique » et recommence un traitement contre la dépression après avoir consulté plusieurs médecins et psychiatres[BEA 38]. Toutefois, il ne contacte aucun médecin aéronautique « entre le début de la diminution de son aptitude physique et mentale en et le jour de l’accident »[BEA 38]. Durant cette période de plusieurs mois, aucune préoccupation n'est soulevée lors de ses nombreux vols avec d'autres pilotes et aucune demande n'est effectuée de sa part aux programmes de soutien aux équipages proposés par la compagnie[BEA 39]. Le , près d'un mois avant l'accident, un avis d'arrêt de travail de huit jours lui est délivré, mais il ne transmet pas l'information à Germanwings[BEA 34].
Durant le mois précédant le drame, son psychiatre lui prescrit de la mirtazapine, une molécule utilisée principalement pour le traitement de la dépression sévère et qui peut comporter comme effet secondaire des idées suicidaires[BEA 34]. Les 9, 12 et , trois nouveaux avis d'arrêt de travail ne sont pas transmis à Germanwings[BEA 40]. La réglementation allemande imposait alors que, pour des raisons de secret professionnel, « si le titulaire d’un certificat médical contacte son médecin de famille ou un autre médecin, qui détecte une maladie non compatible avec les fonctions de pilote ou avec la sécurité des vols, le médecin contacté n’a pas l’obligation d’informer l’examinateur aéromedical responsable, ni l’employeur, ni l’autorité de l’aviation »[N 4] et il revient donc au patient lui-même, en l'occurrence le copilote, de transmettre ces avis à son employeur[BEA 42],[182]. Pendant ce temps, un médecin lui conseille une « orientation vers un traitement en hôpital psychiatrique en raison d’une possible psychose » et trois nouvelles molécules pharmaceutiques lui sont prescrites dans les dix jours précédents l'accident[BEA 43],[183]. L'examen toxicologique des tissus biologiques retrouvés du copilote révèle en effet la présence de plusieurs substances antidépressives (citalopram et mirtazapine) ainsi que des somnifères (zopiclone)[BEA 11]. Dans son rapport final, le BEA conclut :
« La majorité des experts consultés par le BEA ont admis que les informations médicales limitées peuvent être compatibles avec un épisode dépressif psychotique apparu chez le copilote en et qui a duré jusqu’au jour de l’accident. D’autres formes de maladie mentale ne peuvent être exclues et un trouble de la personnalité est aussi une possibilité. Le jour de l’accident, le pilote souffrait toujours d’un trouble psychiatrique […] et prenait des médicaments psychotropes. Cela le rendait inapte à voler. Aucune action n’a pu être prise par les autorités et/ou son employeur pour l’empêcher de voler le jour de l’accident, car ils n’ont pas été informés ni par le copilote lui-même, ni par quiconque, médecin, collègue ou membre de la famille. »[BEA 44].
L'action du copilote Andreas Lubitz est décrite par certains psychologues non pas comme le suicide d'un individu dépressif mais comme une tuerie de masse[184],[185],[186]. Andreas Reif, professeur en psychiatrie à l'université de Francfort, évoque une tuerie comme une tuerie en milieu scolaire et résume : « Le fait qu’Andreas Lubitz ait entraîné tant de personnes dans la mort et que ces personnes aient presque toutes été inconnues parle contre le suicide élargi »[184]. Pour Jean-Pierre Bouchard, psychologue, le fait que Lubitz aurait prémédité son acte en fait un tueur de masse à l'instar des auteurs de la fusillade de Columbine[185]. Pour Michèle Agrapart, psycho-criminologue, « c'est de la perversion, du sadisme, soit des traits de personnalité d'un tueur de masse » et avance le rôle qu'auraient pu jouer les antidépresseurs dans son passage à l'acte[186]. Pour Olivier Hassid, directeur de la revue Sécurité & Stratégie, cette tuerie de masse est similaire à d'autres commises par des pilotes tels que ceux ayant provoqué les accidents des vols Silk Air 185 ou Royal Air Maroc 630[187]. Selon le psychiatre et psychanalysteSerge Hefez, quels que soient les antécédents psychologiques de Lubitz, « tout un chacun n’assassine pas 149 personnes en se suicidant en dehors d’un contexte de guerre et tout en déclarant : « je vais faire quelque chose qui va changer le système. Tout le monde connaîtra mon nom[188]. ». Nous sommes dans le cadre d’un acte délirant, d’un sentiment de mégalomanie, d’une revendication paranoïaque à la reconnaissance, d’une tentation de toute-puissance décuplée par le côté « seul maître à bord après Dieu » »[189].
« Au cours de la croisière lors du deuxième vol de la journée, le copilote a attendu d’être seul en poste. Il a alors volontairement modifié les réglages du pilote automatique pour commander la descente de l’avion jusqu’à la collision avec le relief. Il a maintenu la porte du poste de pilotage verrouillée pendant la descente, malgré les demandes d’accès via le clavier numérique et l’interphone de la cabine. Il n’a pas répondu aux appels des contrôleurs de la circulation aérienne civile ou militaire, ni aux coups sur la porte, possiblement en raison de la constriction cognitive fréquente chez les personnes qui se suicident. La structure renforcée des portes du poste de pilotage, conçues pour des raisons de sécurité pour résister à la pénétration, ne pouvait être forcée de l’extérieur pour permettre à quelqu’un d’entrer avant que l’aéronef ne percute le relief dans les Alpes françaises. »[BEA 33].
Finalement, le BEA détermine la cause de l'accident du vol Germanwings 9525 :
« La collision avec le sol est due à l’action délibérée et planifiée du copilote qui a décidé de se suicider lorsqu’il était seul dans le poste de pilotage. Le processus de certification médicale des pilotes, en particulier l’auto-déclaration en cas de diminution de l’aptitude médicale entre deux évaluations médicales périodiques, n’a pas permis d’empêcher le copilote, qui connaissait des troubles mentaux avec des symptômes psychotiques, d’exercer les privilèges de sa licence. »[BEA 45].
De plus, trois facteurs ayant contribué à l'accident sont identifiés par le BEA : « la crainte probable du copilote de perdre sa capacité de voler en tant que pilote professionnel s’il avait signalé une diminution de son aptitude médicale », « les conséquences financières potentielles résultant de l’absence d’assurance spécifique couvrant les risques de perte de revenus en cas d’incapacité de voler », ainsi que « l’absence de lignes directrices claires dans la réglementation allemande concernant le moment où une menace pour la sécurité du public l’emporte sur les exigences de secret médical »[BEA 46].
Plusieurs études démontrent que l'utilisation d'antidépresseurs du type des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) peut représenter un danger pour l'aviation[BEA 48]. Dans une étude publiée en 2003[195], puis confirmée en 2007[196], le Civil Aerospace Medical Institute (CAMI) de la Federal Aviation Administration (FAA), a étudié les cas de présence de substances antidépressives dans les corps de pilotes décédés dans des accidents d'aviation civile (91,8 % des cas en aviation générale) aux États-Unis, sur la période 1990-2001[195],[BEA 49]. Parmi les 4 184 échantillons analysés, 61 se sont révélés positifs aux ISRS, soit 1,46 % des résultats[195],[BEA 49]. Après analyse des dossiers médicaux de ces pilotes, il apparaît que seulement sept d'entre eux ont déclaré à la médecine aéronautique qu'ils avaient été diagnostiqué avec des troubles psychologiques et que trois ont effectivement déclaré prendre des ISRS, soit à peine 5 % des pilotes retrouvés avec des antidépresseurs dans les tissus biologiques[196],[BEA 49]. De plus, comme le confirme le BEA : « Lors d’examens ultérieurs précédant les accidents, six des sept pilotes avaient indiqué qu’ils ne présentaient plus ces conditions psychologiques et ne prenaient plus d’ISRS »[BEA 49]. Selon les échantillons analysés dans l'étude, 88 % des pilotes (52 sur 61) n'ont donc aucunement fait part de leurs prises de médicaments lors d'examens médicaux alors que le conseil national de la sécurité des transports américain (NTSB) a révélé que « l'utilisation d'ISRS a été un facteur contributif dans au moins 9 des 61 accidents », soit au moins 14,75 % des cas[195].
Une autre étude de l'Aerospace Medical Association (AsMA) détermine cependant que « certains pilotes ayant des symptômes dépressifs contrôlés par des médicaments antidépresseurs (et faisant l’objet d’un suivi rigoureux par des psychiatres compétents) peuvent voler en toute sécurité »[BEA 49]. Finalement, les deux études du CAMI confirment notamment que « le nombre d'accidents liés aux ISRS était faible et les concentrations sanguines dans les décès associés aux pilotes variaient de niveaux sous-thérapeutiques à toxiques, [mais, dans la grande majorité des cas] les ISRS ont été utilisés par les aviateurs mais n'ont pas été rapportés au cours de leurs derniers examens aéromédicaux »[195],[196].
Cas de suicide par pilote
Plusieurs études ont été menées sur l'analyse des cas de suicide par pilote au cours des dernières décennies[197],[198],[199],[200]. Bien que des chiffres définitifs soient difficiles à obtenir, des conclusions peuvent être tirées, en particulier sur le fait que les suicides assistés par avion (aircraft-assisted suicide) restent un phénomène très rare et concernent en grande majorité l'aviation générale avec un pilote seul à bord[201],[202],[203]. Les dernières études supposent une estimation de l'ordre de 0,33 % de cas de suicide dans les accidents aériens mortels aux États-Unis sur une période de vingt ans (1993-2012)[197],[204], « un chiffre qui prend en compte tous les accidents mortels dans le domaine aérien, notamment ceux impliquant des petits avions monoplaces ou biplaces, plus concernés par ces suicides »[201],[202]. Toutefois, dans la plupart des cas, les motivations des auteurs sont difficiles à détecter puis à établir et les conclusions des enquêtes peuvent diverger[205].
La base de données de l'Aviation Safety Network, qui compile les accidents et incidents aériens, répertorie six cas (comprenant celui de Germanwings) avérés ou hautement probables de pilote de ligne écrasant volontairement leur appareil depuis 1982[N 5], ayant entraîné la mort de 572 personnes[206],[207]. Dans au moins la moitié des cas, le pilote effectuant l'acte de sabotage a attendu d'être seul dans le poste de pilotage[199]. Les facteurs associés aux événements comprennent principalement les crises juridiques et financières, les conflits professionnels, la maladie mentale et les facteurs de stress relationnel[199]. Une étude publiée en dans le journal Frontiers in Psychiatry conclut que « les pilotes de ligne peuvent souffrir de dépression au moins aussi souvent que la population générale. [Ils] sont confrontés à des facteurs de stress professionnels, tels que des rythmes circadiens perturbés et de la fatigue qui peuvent augmenter les risques de développer des troubles de l'humeur. […] Il apparaît clairement nécessaire de mener d'autres études de meilleure qualité pour mieux comprendre la santé mentale des pilotes de ligne[C 1] »[200].
Conséquences
Nombre de personnes dans le cockpit
Au cours des années 1970 et 1980, la modernisation des appareils conduit peu à peu à la disparition du poste de mécanicien navigant, à une époque où un équipage comprenait trois membres dans le cockpit[208],[209]. Cette conséquence de l'évolution technologique avait déclenché l'opposition de plusieurs syndicats de pilotes et, selon plusieurs médias, l'accident de Germanwings« fait ressurgir le débat sur le pilotage à deux »[208].
L'écrasement du vol 9525 de Germanwings résulte indirectement de cette restriction d'accès qui a permis au copilote de rester seul aux commandes[208]. Au moment de l'accident, la réglementation aux États-Unis impose déjà aux grandes compagnies américaines la présence d'au moins deux personnes à tout moment dans le cockpit[210],[211],[212]. Si l'un des deux pilotes doit s'absenter pour se rendre aux toilettes ou pour régler un problème en cabine, un autre membre de l'équipage est appelé dans le poste de pilotage avec le pilote restant[210],[211],[212].
« L'Agence recommande aux exploitants de réévaluer les risques de sécurité et de sûreté liés au fait qu'un membre du personnel navigant technique quitte le cockpit en raison de besoins opérationnels ou physiologiques pendant les phases non-critiques du vol. Sur la base de cette évaluation, il est recommandé aux opérateurs de mettre en œuvre les procédures nécessaires pour assurer la présence dans le cockpit d'au moins deux personnes autorisées […] en permanence, ou d'autres mesures équivalentes afin de limiter les risques[C 2]. »[223].
Le même jour, la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC) demande aux opérateurs français d'appliquer la recommandation et Air France informe qu'elle prévoit de la mettre en œuvre « dans les meilleurs délais »[218],[224],[225]. Dans un communiqué du , le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) déclare qu'il « partage l’impérieuse nécessité de tirer les enseignements de tout accident afin de trouver les voies d’amélioration de la sécurité aérienne, [mais] exprime toutes ses réserves sur la pertinence d’une recommandation prématurée qui pose nombre de questions et qui induit de nouvelles menaces »[226].
En , l'AESA révise sa recommandation, « offrant la possibilité d’abolir la règle des deux personnes dans le cockpit, à condition que les transporteurs répondent à des critères plus pertinents »[227],[228],[229]. Plusieurs syndicats et pilotes ont en effet jugé la mesure inefficace et pouvant apporter des risques supplémentaires de sécurité, notamment en augmentant les flux vers et en dehors du cockpit[230],[229],[231]. En , la mesure est abandonnée par plusieurs compagnies aériennes, dont Lufthansa, Swiss et Austrian Airlines[228],[232].
Renforcement des contrôles médicaux
En , un groupe de travail de l'AESA est chargé d'étudier les pistes concernant les améliorations à apporter au secteur aérien à la suite de l'accident de Germanwings[BEA 51],[233]. Selon le BEA, « le groupe de travail a noté que la plus grande possibilité de changement n’était pas liée aux portes du poste de pilotage, mais à des questions plus larges incluant des aspects médicaux »[BEA 52]. Le , le groupe remet son rapport final à la Commission européenne incluant six recommandations portant notamment sur la mise en place d'une évaluation psychologique dans le cadre de la formation de pilote de ligne ou avant la prise de fonctions[234] ; sur la généralisation de l'obligation des dépistages aléatoires de drogues et d'alcool[235] ; sur le renfort de la formation et de la surveillance des examinateurs de la médecine aéronautique[236] ; sur la nécessité de mise en place de « réglementations nationales permettant de trouver un juste équilibre entre la confidentialité du patient et la protection de la sécurité publique »[237] ; ou encore sur l'adoption de systèmes de soutien aux équipages « dans le cadre d'un environnement de travail non punitif et sans atteinte aux principes d'une culture juste »[238],[239],[240],[BEA 53].
En , un plan d'action est lancé par l'AESA pour mettre en œuvre ses mesures au sein de l'Union européenne[241],[BEA 53]. En août et , l'agence publie officiellement des recommandations adressées à la Commission européenne[242],[243]. En conséquence, de nouvelles réglementations sont adoptées par l'Union européenne en , comprenant notamment de nouvelles dispositions pour mieux soutenir la santé mentale des équipages[244],[245],[246]. De nouveaux programmes sont adoptés, précisant que « tous les pilotes travaillant pour des compagnies aériennes européennes auront accès à un programme de soutien qui accompagnera et aidera les pilotes à reconnaître, à faire face et à surmonter les problèmes qui pourraient affecter négativement leur capacité à exercer en toute sécurité les privilèges de leur licence »[244]. Deuxièmement, les tests de dépistage aléatoires d'alcool et de drogues sur les équipages sont étendus à toutes les compagnies qui volent dans le territoire de l'UE[244]. Enfin, les compagnies aériennes sont désormais tenues d'effectuer une évaluation psychologique de leurs pilotes avant le début de l'emploi[244].
En , l'AESA lance son programme de « référentiel aéromédical européen » dans l'objectif d'améliorer la « traçabilité des certificats médicaux des pilotes professionnels »[250]. Le nouveau système facilite l'échange et le partage d'informations entre les examinateurs aéromédicaux, notamment sur les antécédents des pilotes et sur les changements de certification médicale[250]. Ce référentiel, obligatoire dans les États européens membres de l'AESA à partir du , « est destiné à aider les examinateurs aéromédicaux à remplir leurs obligations et à soutenir les autorités nationales dans leurs tâches de supervision et d'administration dans le domaine de la médecine aéronautique pour l'aviation commerciale[C 3] »[250],[251].
Enquêtes judiciaires
Le parquet de Marseille s'est saisi de l'enquête dans le cadre des pôles « accident collectif » créés par le décret du [252]. Le procureur estime que le copilote n'avait aucune raison de mettre l'appareil en descente à ce moment du vol et que rien n'explique pourquoi il n'a pas répondu aux appels, ni ouvert la porte[253].
Rapidement, la police allemande écarte l'hypothèse d'un attentat et celle d'un évanouissement est mise à mal par les deux actes de verrouillage de la porte et de mise en descente de l'appareil[254]. Lors d'une conférence de presse, Carsten Spohr, le PDG de Lufthansa estime que le terme de suicide n'est pas approprié « lorsqu'on entraîne avec soi 149 personnes »[254]. Le , le procureur de Marseille annonce l'ouverture d'une information judiciaire pour homicide involontaire, Andreas Lubitz ne pouvant être poursuivi pour homicide volontaire puisqu'il est décédé[255]. L'enquête judiciaire se termine en en Allemagne, où elle se classe sans poursuites concluant qu'Andreas Lubitz « porte seul la responsabilité » de l'accident[256],[257]. En France, l'instruction judiciaire reste ouverte en 2021 avec trois juges d'instruction sur l'affaire, qui « vise à déterminer le niveau d'information que possédait la compagnie Germanwings sur la santé mentale de son copilote »[258],[259]. En , la justice française conclut finalement à un non-lieu, abandonnant elle aussi l'idée de poursuites judiciaires, les juges déclarant que « le geste d'Andreas Lubitz n'était pas prévisible, en ce que son intention suicidaire n'était connue de personne. Dès lors, personne ne pouvait agir en amont afin d'éviter l'acte »[260].
Compensations
La société mère de Germanwings, Lufthansa, a offert aux familles des victimes une aide initiale pouvant aller jusqu'à 50 000 €, distincte de toute indemnisation légalement requise pour la catastrophe[261],[262]. La compagnie d'assurances de Lufthansa a mis de côté 300 millions de dollars (280 millions d'euros) pour l'indemnisation financière des familles des victimes et pour le coût de l'avion[263],[264]. Fin , Lufthansa verse 25 000 € supplémentaires à la famille de chaque victime, portant le total à 75 000 € par famille, ainsi que 10 000 € d'indemnisation à chaque proche parent d'une victime[265]. Peu après, un avocat représentant plusieurs familles de victimes déclare préparer une action en justice en Allemagne pour obtenir une indemnisation plus élevée[266], mais la demande est rejetée par un tribunal allemand début [267]. Une procédure d'appel de cette décision est lancée en [268].
Deuxième anniversaire
La famille Lubitz a tenu une conférence de presse le , deux ans après l'accident[269]. Au cours de celle-ci, le père d'Andreas Lubitz déclare qu'il n'accepte pas les conclusions de l'enquête officielle selon lesquelles son fils a délibérément causé accident ou qu'il était déprimé à l'époque[270],[271],[269]. La famille a présenté le journaliste aéronautique Tim van Beveren, à qui elle avait confié la publication d'un nouveau rapport, affirmant que Lubitz aurait pu tomber inconscient, que la serrure de la porte du cockpit avait mal fonctionné sur les vols précédents ou que des turbulences potentiellement dangereuses avaient été signalées dans la région[272],[273]. Le moment choisi pour la conférence de presse du père de Lubitz, à l'occasion du deuxième anniversaire de la tragédie, a été critiqué par les familles des victimes, qui commémoraient leurs pertes ce jour-là[269].
Monuments commémoratifs
Près du site de l'accident, dans le village du Vernet, une pierre commémorative en hommage aux victimes est érigée avec l'inscription « À la mémoire des victimes de la catastrophe aérienne du » rédigée en français, allemand, espagnol et anglais[274],[275]. De plus, une stèle se trouvant dans le cimetière public de la commune contient l'inscription des personnes décédées ainsi que des restes humains des victimes qui n'ont pas pu être identifiées[276],[274],[275].
Une stèle contemporaine a été offerte à la commune de Prads-Haute-Bléone, qui se situe sur l'autre versant de la montagne, à une centaine de mètres à vol d'oiseau de la zone d'impact, sur la bordure du « chemin de l'instituteur » entre Prads et Le Vernet[277],[276],[278]. 149 tiges en métal plantées au sol s'érigent vers le ciel pour rendre hommage aux victimes avec une même inscription que la stèle du Vernet, gravée sur du métal[278]. Dans les deux communes, un service commémoratif est organisé chaque année[279]. Des plaques commémoratives ont également été installées aux aéroports de Barcelone et de Düsseldorf[276].
Le , une sculpture intitulée Sonnenkugel (« sphère solaire ») de l'artiste allemand Jürgen Batscheiderde, mesurant cinq mètres de diamètre, est déposée sur un socle par un hélicoptère sur le lieu même de l'impact[282],[283]. À l'intérieur de la sphère, composée de 149 plaques d'aluminium doré, les familles des victimes ont placé des souvenirs personnels[282],[281]. L'œuvre étant située directement sur le versant de la montagne, elle est visible depuis une plateforme d'observation située sur le col de Mariaud, en face de l'endroit où s'est écrasé l'avion[282],[281],[280].
Mémoriaux du vol Germanwings 9525
Mémorial dans la commune du Vernet, présentant un texte en quatre langues : « À la mémoire des victimes de la catastrophe aérienne du ».
Stèle commémorative au cimetière du Vernet, où sont inscrits les noms des personnes décédées et enterrés les restes des victimes qui n'ont pu être identifiées[276].
Dans le filmargentino-espagnolLes Nouveaux Sauvages, sorti en France deux mois avant l'accident, un steward déséquilibré se rend maître du cockpit d'un avion et l'écrase au sol, par vengeance envers ceux qui lui ont nui dans sa vie[284]. Le film sort au Royaume-Uni trois jours après l'accident, ce qui contraint les distributeurs à signaler que certaines séquences peuvent choquer les spectateurs et que toute ressemblance avec des événements réels est fortuite[285],[286].
Le livre Retour au Vernet : Mon village après le crash de Nicolas Balique relate le témoignage d'un journaliste local, arrivé parmi les premiers sur le site de l'accident[294].
↑En aéronautique, on parle d'accident, indépendamment de son caractère fortuit ou non, pour tout événement mortel ou ayant provoqué la destruction de l'avion.
↑L'Allemagne est un pays très strict en matière de protection de la vie privée et notamment des données confidentielles médicales[180],[181]. Au moment de l'accident, l’article 203 du code pénal allemand sur le secret professionnel stipule que « quiconque divulgue illégalement le secret d’une autre personne, en particulier un secret relevant de la sphère de la vie privée, qui lui a été confié ou porté à sa connaissance en sa qualité de médecin ou membre d’une autre profession de santé, est passible d’un emprisonnement maximal d’un an ou d’une amende »[BEA 41].
↑« Commercial airline pilots may experience depression at least as frequently as the general population. Commercial airline pilots experience occupational stressors, such as disrupted circadian rhythms and fatigue which may increase risks of developing mood disorders. […] There is a clear need for further higher quality longitudinal studies to better understand the mental health of commercial airline pilots[200]. »
↑« The Agency recommends operators to re-assess the safety and security risks associated with flight crew members leaving the flight crew compartment due to operational or physiological needs during non-critical phases of flight. Based on this assessment, operators are recommended to implement procedures requiring at least two persons authorised […] to be in the flight crew compartment at all times, or other equivalent mitigating measures to address risks[223]. »
↑« The repository is intended to help aero-medical examiners (AMEs) to fulfil their obligations and provides support to the National authorities with their oversight and administrative work in the field of aviation medicine for commercial aviation[250]. »
Références
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