Une zone à urbaniser en priorité (ZUP), appelée plus précisément à l'origine « zone à urbaniser par priorité »[1], est une procédure administrative d'urbanisme opérationnel utilisée en France entre 1959 et 1967 afin de répondre à la demande croissante de logements. Les ZUP étaient destinées à permettre la création ex nihilo de quartiers nouveaux, avec leurs logements, mais également leurs commerces et leurs équipements.
Prenant la forme de grands ensembles, elles ont contribué à résorber les carences en logement, mais on considère généralement qu'elles n'ont pas permis la création de quartiers dynamiques. Par métonymie, le terme de ZUP désigne aussi les quartiers et ensembles urbanistiques issus de cette procédure d'aménagement.
Le développement urbain de l’entre-deux-guerres s'est fait essentiellement par des lotissements de banlieue, vendus et découpés en parcelles par des spéculateurs. Ces opérations présentaient plusieurs lacunes, notamment leur échelle souvent réduite, leur difficile insertion dans les plans d'urbanisme prévus par les lois de 1919 et 1924 et le fait que plusieurs d'entre elles ne soient pas viabilisées correctement et donnent lieu à des constructions de baraques sommaires par des populations peu fortunées.
Les besoins sont énormes et les logements existants, délabrés et surpeuplés : sur les 12,6 millions de logements existant en France en 1946, le tiers est surpeuplé, la moitié est sans eau courante. 42 % des parisiens vivent alors dans des logements insalubres ou surpeuplés. Globalement, la crise du logement est générale, puisque le nombre même de logements est insuffisant.
À l'époque, il fallait en effet remédier aux conséquences de la guerre, où 500 000 logements avaient été détruits, et il faut ensuite satisfaire aux besoins générés par l'exode rural qui amenait en ville des anciens ruraux, le baby boom, puis l'accueil des populations immigrées et des rapatriés d'Algérie.
L'effort de création de logements permet une croissance continue du nombre de logements en France, qui passe de 18,2 millions en 1968 à 21,078 en 1975, 23,7 en 1982, 26,2 en 1990 et 28,7 en 1999[2]. Les ZUP contribuent significativement à cette évolution et à l'accès au confort moderne de millions de personnes.
Définition et application
Les ZUP ont été créées par le décret N°58-1464 du [3] afin de permettre, dans les « communes ou agglomérations où l'importance des programmes de construction de logements rend nécessaire la création, le renforcement ou l'extension d'équipements collectifs » la planification et le financement de ces équipements et logements, afin de planifier et d'encadrer sur le territoire national le développement urbain, de répondre à la carence de logements face à l'accroissement démographique et de favoriser la résorption de l'habitat insalubre.
Les zones à urbaniser par priorité permettaient l'équipement rapide de terrains où l'on souhaitait localiser des opérations nouvelles d'urbanisme. La collectivité responsable, la commune ou, souvent l'État, passait une convention avec un établissement public ou une SEM qui expropriait les terrains, les équipait et les revendait aux constructeurs. Le financement était assuré en partie par l'État, dont le représentant local, le Préfet, approuvait les éléments essentiels (plan-masse, programme…).
Afin de concentrer l'effort de construction, les ZUP faisaient au minimum 500 logements, mais, généralement bien plus. En 12 ans (1957-1969)[4], 197 ZUP sont aménagées, ce qui correspond à 2,2 millions de logements[5]. À Dunkerque, une des villes les plus touchées par les destructions de guerre, les élus obtiennent dès 1959 la création de la première des ZUP, aux « Nouvelles Synthes »[6],[7], sur fond d'implantion d'une vaste Zone industrialo-portuaire, sur les communes avoisinantes, pour accueillir les grandes entreprises fédérées autour d'Usinor Dunkerque[8],[6].
Cependant, le modèle des grands ensembles montre rapidement ses limites. Alors que le programme des ZUP voulait éviter de créer des cités-dortoirs, les ZUP restent finalement des secteurs souvent très marqués par une architecture très standardisée (le « chemin de grue »), avec une sur-représentation de l'habitat social. Compte tenu de ce constat, les ZUP sont remplacées par les Zones d'aménagement concerté (ZAC) créées par la Loi d'orientation foncière de 1967. Il n'a plus été possible de créer des ZUP à partir de 1969, et les anciennes se sont soit éteintes, soit ont été remplacées par d'autres outils d'aménagement.
En effet, se développe à cette époque la politique des villes nouvelles à partir de 1970, avec cette fois-ci l'ambition de créer de vraies villes, et pas seulement des quartiers aménagés.
Rare exception, la ZUP des Ulis dans l'Essonne, créée en 1960, s'est transformée en une ville à part entière en 1977.
Les ZUP en France
Voici une liste non exhaustive des ZUP, classées par région.
En 1959, 2 ZUP sont créées sur le territoire de l'Algérie alors française, dans la ville d'Alger :
Les Annassers
Rouiba-Reghaia
Ces projets sont abandonnés en 1962, lorsque l'Algérie devient indépendante.
Le quartier des Coteaux à Mulhouse (Haut-Rhin), familièrement appelé « ZUP de Mulhouse » : créée en 1960. 3 200 logements. Architecte-urbaniste : Marcel Lods
ZUP des Hauts de Garonne, sur les communes de Cenon (cité Palmer), Floirac et Lormont (quartier Genicart), sur la rive droite de la Garonne, dans l'agglomération de Bordeaux, 7 000 logements réalisés de 1960 à 1975. Architectes-urbanistes : Jean Fayeton et Francisque Perrier
ZUP des Mignottes, commune de Migennes, à proximité d'Auxerre (Yonne) : créée en 1966
ZUP de Derrière-Cluny, commune de Beaune (Côte-d'Or) : créée en 1966
ZUP Prés-Saint-Jean, commune de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) : créée en 1966, terminée en 1979, 3 100 logements. Architecte-urbaniste : Daniel Petit
ZUP "zone nord", actuel quartier de Ker-huel, commune de Lannion (Côtes-d'Armor) : créée en 1962-1971, 586 logements. Architecte-urbaniste : Michel Marty
Quartier de Kervénanec, communes de Lorient et Ploemeur : ZUP créée en 1962, construite de 1966 à 1976. Architecte en chef : André Schmitz
La ZUP de Maurepas, commune de Rennes : 4 200 logements, de 1955 à 1966. Architectes en chef : Jean-Michel Legrand et Jacques Rabinel
La ZUP du Blosne, dite ZUP Sud, commune de Rennes, située dans les quartiers du Blosne et de Bréquigny, a été créée entre 1959 et 1975 14 000 logements. Architecte-urbaniste : Michel Marty.
Quartier Kermoysan à Quimper : ZUP créée en 1962, construite de 1960 à 1977. architecte-urbaniste : Henry Auffret
ZUP du Plateau-Central, commune de Saint-Brieuc : créée en 1960
ZUP de La-Croix-Saint-Lambert, commune de Saint-Brieuc : créée en 1967
ZUP de Ménimur à Vannes : créée en 1966. Architecte en chef : Henry Auffret
ZUP de Champ-Auger (dite ZUP no 1) ou quartier Saint-Jean, commune de Châteauroux (Indre) : créée en 1961. 2 200 logements construits de 1961 à 1972. Architecte urbaniste : Jean-Pierre Allain
ZUP no 2 du Chemin du Grand Poirier, commune de Châteauroux (Indre) : 2 200 logements construits de 1966 à 1975. Architecte-urbaniste : Jean Lasry
ZUP de la Chaussée, commune de Montargis : créée en 1962
ZUP de Laon-Neufchâtel, actuel quartier d'Orgeval, commune de Reims (Marne) : créée en 1960. 2 600 logements à partir de 1960
ZUP de Bocquaine, actuel quartier des Chatillons, commune de Reims (Marne) : créée en 1963. 3 000 logements construits de 1966 à 1970, architectes-urbanistes : Tremblot et Clauzier
ZUP d'Orzy, commune de Revin (Ardennes) : créée en 1959, 3 000 habitants
ZUP des Résidences Bellevue, commune de Belfort : créée en 1959. 2 000 logements construits de 1959 à 1970. Architecte en chef : Jean Fayeton
ZUP de l'Avenue-d'Altkirch, commune de Belfort : créée en 1963
Planoise, sur la commune de Besançon (Doubs) : créée en 1962. 8 600 logements construits de 1960 à 1977 ; plus de 20 000 habitants. Architecte-urbaniste : Maurice Novarina
ZUP de Saint-Ylie actuel quartier des Mesnils Pasteur, commune de Dole (Jura) : créée en 1962. 1 850 logements construits de 1962 à 1978. Architecte-urbaniste : Maurice Novarina
La procédure des ZUP est utilisée sur 22 sites dans la région entre 1958 et 1969, pour une superficie totale de 5 900 ha (équivalent de la moitié de Paris) pour réaliser à terme 140 000 logements.
À l'exception de la Seine-et-Marne, les départements cités ci-dessous, datant de la loi du , n'existaient pas au moment de la création de la plupart des ZUP.
ZUP du Val Notre-Dame, appelée depuis "Val d'Argent", commune d'Argenteuil : créée le . 8 000 logements construits de 1961 à 1972. Architecte-urbaniste : Roland Dubrulle
ZUP Saint-Paterne, actuel quartier de Perseigne à Alençon : créée en 1960
Quartier des Provinces à Octeville, commune de Cherbourg-en-Cotentin : créée en 1960. 3 233 logements construits de 1963 à 1980. Architecte en chef : Paul Vimond.
Quartier du Chemin Vert à Caen : créée le . 4 000 logements. Architecte en chef : Marcel Clot.
Caucriauville ou Cité Saint-Pierre au Havre : créée en 1960. 6 000 logements construits de 1959 à 1970. Architecte-urbaniste : cabinet Sonrel-Duthilleul
Monplaisir (dite "ZUP Nord-Briollay") à Angers : créée le sur 83 ha et 2 650 logements prévus. 2 300 logements construits à partir de 1963[12]
La Roseraie (dite "ZUP Sud") à Angers : créée le sur 158 ha et 6 000 logements prévus. Architecte-urbaniste : Madelin. 6500 Logements construits à partir de 1966[12]
ZUP de Chazeau-Bruneaux, commune de Firminy, agglomération de Saint-Étienne : créée en 1968
Quartier de la Villeneuve, communes de Grenoble et d'Échirolles : arrêté de création en 1961. 6 650 logements, dont 4 200 logements à Grenoble et 2 450 logements à Échirolles, construits de 1973 à 1980. Urbaniste de l'ensemble : Henry Bernard. Architectes-urbanistes pour les quartiers d'Échirolles : Georges Bovet, Joly, Guy Pison ; architectes de l'ensemble "l'Arlequin" à Grenoble : AUA, Loiseau et Tribel
ZUP de Champ-Fleuri, commune de Seynod, agglomération d'Annecy : construite à partir de 1969
Valence-le-Haut (Fontbarlette - Le Plan) à Valence (Drôme) : 1 917 logements construits de 1963 à 1976. Architecte-urbaniste : André Gomis
ZUP de Rillieux-Crépieux, quartier dit de la Ville nouvelle dans l'actuelle commune de Rillieux-la-Pape (Rhône) : créée en 1959 mais construite dans les années 1970. 6 275 logements, architectes-urbanistes : Joseph Maillet et Jean Poupon
↑Olivier Ratouis, « Énoncer, découper, valoriser : « ZUP » ou les variations d’une catégorie administrative déshéritée », dans Dimension spatiale des inégalités, Presses universitaires de Rennes, coll. « Géographie sociale », (ISBN9782753536753, lire en ligne), p. 51–65
↑ a et b« L'étude de Dunkerque comme modèle de ville » par Emmanuel Pouille, 1986
↑"La production et la gestion de l’espace portuaire à vocation industrielle et logistique", thèse de doctorat en géographie de Marion Magnan, Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, 2016
↑"Gouverner les politiques urbaines : le maire en action.Le cas de Michel Delebarre à Dunkerque", par Pauline Prat, centre détudes européennes de l'IEP Paris, 2007
↑[www.charleville-mezieres.fr/content/download/15562/220710/file/tap116.pdf L'urgence des grands ensembles], supplément à Charleville-Mézières magazine, janvier 2008
↑ a et bJacques et Elizabeth Soppelsa, "L'Évolution récente d'Angers", Annales de Géographie, 1971, n° 441, p. 565-567 [lire en ligne]
Voir aussi
Bibliographie
Gérard Monnier et Richard Klein, Les années ZUP, architectures de la croissance (1960-1973), éd. Picard, 2002, 302 p.
S. Biarez, « Les zones à urbaniser en priorité : logique et contradictions », Bulletin de l’Institut international d'administration publique, no 24, octobre-, p. 756.
Archilog : Base de données du CNRS sur les Archives du logement. Contient notamment un inventaire quasi exhaustif des dossiers administratifs des ministères successivement chargés de la construction et de l'urbanisme pour la création des ZUP en France