Les élections européennes de 1984 en France se sont tenues le pour la désignation des députés européens français pour une durée de cinq ans[1]. Ces élections ont lieu simultanément dans les 10 des pays alors membres de la Communauté économique européenne. Avec 81 sièges à occuper dans un Parlement qui en comporte 434, le contingent français représente donc 18,7 % des sièges. S'agissant d'un scrutin de liste proportionnel à un tour, les sièges sont répartis à l'échelle nationale en proportion des voix obtenus, avec toutefois une limite inférieure : pour obtenir des élus, une liste doit obtenir au moins 5 % des suffrages exprimés.
Contexte
Au pouvoir depuis l'élection deFrançois Mitterrand en 1981, la gauche menée par le Parti socialiste a échoué dans le domaine économique (inflation importante, chômage en hausse) comme social (apparition des « nouveaux pauvres »), malgré une hausse sans précédent des minimums sociaux, sans convaincre son propre camp par des réformes structurelles qui tardent à être mises en œuvre et dont certaines sont contestées par des manifestations de masse imprévues (recul sur la loi Savary sur l'éducation, notamment). Après avoir beaucoup dépensé sans réussir à empêcher l'augmentation du chômage, le gouvernement socialiste vire brutalement de politique en 1983, en changeant de gouvernement et en mettant de côté le programme commun pour une politique de rigueur.
Les observateurs s'attendent à un test national pour la majorité au pouvoir par le biais de ces élections. D'autant plus que l'opposition RPR/UDF se présente unie derrière Simone Veil.
Résultats
La liste de Simone Veil l'emporte largement. Mais avec 43 % des voix, l'opposition des droites réalise un score qui n'est pourtant pas très supérieur à celui des législatives de 1981. Cette victoire RPR/UDF est, en effet, nuancée par l'émergence du Front national. Le parti de Jean-Marie Le Pen réalise là sa première percée au niveau national, qui coïncide avec l'effondrement du PCF, la liste de Georges Marchais ne recueillant que 11 % des voix. Le Parti socialiste obtient près de 21 % des suffrages, ce qui constitue un net revers par rapport aux scores exceptionnels de 1981. L'abstention élevée (43,27 %) tempère cette défaite de la majorité, bien qu'elle annonce déjà la défaite de 1986 aux prochaines législatives.
À l'issue de ce scrutin, 17 femmes entrent au Parlement européen pour la France, représentant 21,0 % des eurodéputés français.
Résultats des élections européennes de 1984 en France[2],[3],[4],[5],[6]
Dans sa profession de foi, le FN critique surtout « le gouvernement socialo-communiste »[8]. Sur le plan communautaire, il affirme que « c'est le patriotisme des nations qui sauvera l'Europe » face « aux menaces de l'hégémonie soviétique » et de l'immigration ; il décline à l'échelle communautaire ses principales thématiques doctrinales[8]. Bruno Gollnisch indique en 2010 que « la droite nationale était relativement pro-européenne et même relativement atlantiste »[8]. Selon l'universitaire Emmanuelle Reungoat, les acteurs frontistes mettent en avant une « posture nationaliste pro-intégrationniste »[8].
Le vote en faveur de Jean-Marie Le Pen est plus politique que sociologique. Par exemple, dans le 8e arrondissement de Paris (bourgeois), Jean-Marie Le Pen obtient 18,97 % des voix tandis que dans le 20e (populaire), il récupère 17,98 % des suffrages. Le FN monte surtout aux dépens du Parti communiste, comme à Thionville, fief communiste, où le parti de Jean-Marie Le Pen obtient plus de 13 % et le PCF 11 %.
C'est également dans les villes les plus touchées par la crise et le chômage que les scores du FN sont satisfaisants, comme à Saint-Étienne.
Mais dans trois départements, peu peuplés et agricoles, la liste « Europe des patries » a moins de 5 % : le Cantal, la Creuse et la Corrèze.
Notes et références
↑[PDF] Décret no 84-361 du 14 mai 1984 portant convocation des électeurs pour l'élection des représentants à l'Assemblée des communautés européennes, publié au JORF du , p. 1407-1408.
↑Xavier Mabille, « Les résultats des élections européennes de juin 1984 », Courrier hebdomadaire du CRISP, no 1043, , p. 1–31 (ISSN0008-9664, lire en ligne, consulté le )
↑Jules Gérard-Libois, « Les élections pour le Parlement européen (juin 1984) », Courrier hebdomadaire du CRISP, no 1040, , p. 1–27 (ISSN0008-9664, lire en ligne, consulté le )
↑ abc et dEmmanuelle Reungoat, « Le Front national et l'Union européenne : sociologie d'un parti politique », dans Sylvain Crépon, Alexandre Dézé, Nonna Mayer, Les Faux-semblants du Front national, Presses de Sciences Po, , p. 228-229
Voir aussi
Bibliographie
Jean-Pierre Rissoan, Traditionalisme et révolution : les poussées d'extrémisme des origines à nos jours. Second volume "du fascisme au ", 2007, 416 pages, (ISBN978-2-84301-185-6), (analyse détaillée des élections européennes de 1984).