Le Championnat du monde d'échecs 1981 a vu s'affronter le tenant du titre, le SoviétiqueAnatoli Karpov et le dissident soviétique Viktor Kortchnoï, jouant désormais sous les couleurs de la Suisse. Il s'est tenu à Merano en Italie du 1er octobre au . Karpov l'a emporté.
Le match Portisch-Spassky se termine par un ex æquo, cependant Portisch est déclaré vainqueur au nombre de victoires avec les Noirs.
Lors de la finale entre Hübner et Kortchnoï, le jeune allemand de l’Ouest menait d'un point (+2 -1 =3) au bout de 6 parties, mais au cours de la 7e, dans une finale équilibrée, il ne vit pas la possibilité d'une fourchette du cavalier adverse, perdit une tour et dut abandonner. Démoralisé par cette erreur, il perdit aussi la 8e. Il abandonna le match après l’ajournement des 9e et 10e parties qui demeurèrent inachevées, laissant ainsi Kortchnoï aller défier Anatoli Karpov[1].
Organisation du match
Contexte politique
Bien que Viktor Kortchnoï se fût réfugié à l'Ouest en 1976, sa famille était toujours retenue en URSS. Kortchnoï exigea qu'elle puisse le rejoindre avant le début du match et le président de la Fédération internationale des échecs, Friðrik Ólafsson, décida de reporter d'un mois le match, dont le début était prévu le 19 septembre. Les Soviétiques refusèrent les exigences de Kortchnoï et insistèrent pour que le match débutât dès que possible. Le fils de Kortchnoï fut arrêté et condamné à deux ans et demi de prison pour désertion. L’agence TASS affirmait que cette demande de Kortchnoï n’était pas motivée pour se remettre en couple avec sa femme, prétant à Kortchnoï une liaison avec une hollandaise, mais pour «nuire au prestige de l’U.R.S.S. et créer un climat hostile à Karpov». Le champion du monde est lui plus pondéré. Tout en se disant confiant, il ajoute que « le match sera long, car je sais que mon adversaire lutte toujours jusqu’au bout». Les Soviétiques en signe d’appaisement, permettent à Kortchnoï d’utiliser le drapeau suisse.
Le 30 septembre, deux conférences de presse se déroulent. Celle de Karpov et des Soviétiques prétend que Kortchnoï ne joue bien que quand il est «enragé». Kortchnoï fustige que juste avant le match, les Soviétiques aient publié une partie de sa correspondance avec sa femme et qu’ils ne lui aient pas permis de participer aux plus forts tournois.
Déroulement du match
Le classement élo de Karpov est de 2700 points soit seulement 5 de plus que celui de Kortchnoï. Vingt ans séparent les deux prétendants. C’est la dernière chance pour le dissident Kortchnoï de se faire justice. Karpov a la réputation de chercher à simplifier les positions et jouer vite, tandis que Kortchnoï cherche les lignes tactiques et ainsi lutte souvent contre la pendule. De plus, le flegme de Karpov contraste avec la rage de vaincre de Kortchnoï.
Contrairement à son habitude, Karpov met une heure à réfléchir lors des 13 premiers coups, alors que son adversaire n’en avait utilisé que 10 minutes. Le tenant du titre fut perturbé par une interversion de coups, cependant il prit l’ascendant et au 24e coup trouva une percée dans la défense de Kortchnoï. Les deux adversaires étant tous les deux en zeitnot, ils jouèrent leurs derniers coups en quelques secondes, mais au 44e le challenger dans une position insoutenable se retrouva contraint d’abandonner la partie.
Au 34e coup, Kortchnoï perdit un pion. Cette faute fut qualifiée d’« incroyable » par le grand maître Miguel Najdorf. Michael Stean, un des secondants de Kortchnoï, rappela les pressions subies par la famille du dissident et déclara que « Kortchnoï joue les larmes aux yeux ».
Dans cette partie, Kortchnoï utilisa au 8e coup le variante trouvée par Robert Hübner dans la défense russe. Dans une position menant à la nulle, Kortchnoï décide au 25e coup de rompre l’équilibre en jouant le tout pour le tout. En manque de temps, il commit quelques imprécisions qui lui coûtèrent la victoire.
Au 23e coup, Kortchnoï sacrifia un pion en échange de l’initiative qu’il conserva jusqu’à la fin. Au 40e coup, Karpov, pris par le temps, laissa passer une opportunité d’avoir au moins la nulle et abandonna.
Partie intéressante, malgré sa brièveté. Karpov au 13e coup introduisit une nouveauté théorique. Kortchnoï avait un léger avantage, mais devait jouer les 10 prochains coups en 11 minutes. Il proposa la nulle, que son adversaire accepta.
Karpov ayant perdu la 6e partie avec une ouverture espagnole décida de jouer une partie italienne. Cette ouverture n’avait pas été jouée depuis 40 ans à ce niveau de compétition. Karpov ne l’avait d’ailleurs jamais jouée. Il introduisit une nouveauté. Kortchnoï utilisa beaucoup de temps sur cette ouverture qui ne faisait pas partie de sa préparation. Pressé, il dut jouer 10 coups en 2 minutes, mais cependant il ne commit aucune fautes, bien que Karpov disposait de plus d’espace sur l’échiquier. Par 3 fois, il faillit perdre en zeitnot, mais résista à la surprise même de ses proches. Quand Karpov en finale au cours d’une longue chevauchée, réussit à capturer un pion, Kortchnoï ne céda pas et après 10 heures de combat, c’est le champion du monde qui proposa la nulle.
Les deux adversaires s’étaient ignorés depuis le début du match. Ils n’avaient échangé aucune poignée de main comme il est de coutume de le faire avant le début de chaque partie. Le 7e coup de Karpov plonge son adversaire dans une intense réflexion. Kortchnoï agacé par l’air réjoui du champion du monde, s’adresse à lui pour la première fois : « Si vous continuez à sourire pendant que je réfléchis, je vais vous traiter de fasciste ». Sur quoi, Karpov répondit « Vous pouvez m’appeler de tous les noms que vous voudrez ».
Il y eut beaucoup de contre-jeu dans cette partie. Kortchnoï, qui excelle dans ces positions, prit un pion à Karpov, mais au 36e coup faillit perdre son avantage et dû accepter la nulle.
Lors de cette douzième partie Kortchnoï reçu un avertissement du jury pour avoir parlé pendant la partie en des termes que Karpov qualifia de « grossiers ». Selon Mikhaïl Tal, présent à Merano, le champion du monde commit quelques imprécisions. Il obtint cependant un pion d’avance, mais ne put que demander la nulle, comme c’est souvent le cas avec des fous de couleurs opposées.
Malgré un net avantage matériel pour Karpov, la position finit par être gagnante pour Kortchnoï. Comme il y a 3 ans, Kortchnoï réussit à réduire le score de 4 à 2.
Pour le 13e coup le challenger réfléchit 1h 17min. Ses secondants lui avaient conseillé de jouer Dd7 ou Dd5 menaçant le Cavalier en e4, mais Kortchnoï préféra développer son Fou en e7. L’idée du dissident était bonne, mais il ne put concrétiser, car il se fourvoya aux coups suivants.
Partie nulle vite conclue après quelques échanges de pièces. C’est la seule partie de ce match où il n’y a pas eu de véritable combat. Karpov étant à un seul point de la victoire, les observateurs attendaient que Kortchnoï profite d’avoir les Blancs pour tenter de revenir au score. Peut-être se rappelant que lors de ses deux dernières tentatives de ravir la couronne mondiale contre Karpov il avait perdu ses dix-septièmes parties, il se satisfît d’une nulle.
(en) Andre Schulz, The Big Book of World Chess Championships : 46 Title Fights — from Steinitz to Carlsen, Alkmaar, New in Chess, , 351 p. (ISBN978-90-5691-635-0), p. 204-210