Cette liste de premières femmes ministres recense, par pays, toutes les femmes qui ont été les premières femmes membres d'un gouvernement depuis les années 1910. Elles constituent alors des exceptions au sein de la vie politique mondiale, puis la situation évolue dans la deuxième moitié du XXe siècle et surtout au début du XXIe siècle.
Vue globale
Les femmes accédant à des responsabilités de ministre sont, dans la première moitié du XXe siècle, des pionnières au parcours exceptionnel, au sein de la vie politique mondiale. Cette accession devient progressivement un peu plus courante dans la deuxième moitié de ce XXe siècle. En 1986, la première ministre norvégienne Gro Harlem Brundtland retient l'attention lorsqu'elle nomme un nombre presque égal de femmes et d'hommes dans son équipe gouvernementale : 8 femmes ministres parmi dix-huit ministres. À la fin du siècle, en 1999, les femmes représentent 8,7 % des ministres dans le monde. Elles en représentent 16,9 % au début de 2010[1],[2]. Dans quelques pays, des femmes ont été ministres avant qu'une présence féminine soit effective au sein du parlement, comme les Émirats arabes unis qui ont connu des femmes ministres en 2004 et des parlementaires femmes en 2006[3].
La question n'est souvent plus au XXIe siècle de la présence ou non de femmes dans les équipes gouvernementale mais d'une parité ou non au sein de ces équipes, de l'accès à certains ministères longtemps considérés comme « plus masculins », tel celui des armées ou de la Défense, et de la tête de l'exécutif, c'est-à-dire les fonctions de premier ministre ou de président[2],[4].
Bien des femmes africaines sont rentrées dans l'histoire en tant que dirigeantes. Dès l'Antiquité, une reine comme Cléopâtre a été l'une des plus célèbres femmes de son époque, négociant avec des généraux ou consuls romains. L'écrivaine Léonora Miano a rappelé en 2021 dans son ouvrage L'autre langue des femmes le parcours d'une douzaine de personnalités féminines subsahariennes (reines, guerrières, prêtresses, etc.), souvent méconnues en Occident, qui, telle Cléopâtre, ont pourtant marqué au fil des siècles l'histoire de l'Afrique, et sont devenues des légendes[5]. Ce continent africain a été marqué également au XXe siècle par le mouvement de décolonisation : les femmes ont été à nouveau bien souvent au premier plan dans ces luttes pour l'indépendance. Mais elles ont été ensuite, également, souvent mises à l'écart de la sphère politique, notamment par les régimes militaires. Le retour à un fonctionnement plus ouvert et plus démocratique leur a à nouveau ouvert des opportunités, dans les années 1980 ou 1990[6]. Mais la situation diffère selon les pays, et le Liberia par exemple, indépendant dès le XIXe siècle, compte dès 1948 une femme membre du gouvernement en tant que secrétaire d'État à l'Éducation dès 1948, Ellen Mills Scarborough, une ministre en 1972, et la première femme élue au suffrage universel à la tête d'un État africain, Ellen Johnson Sirleaf, en 2006[6]. Un autre pays, le Rwanda, reconstruisant son mode de fonctionnement politique en 2003 sur la base d'une nouvelle constitution, a mis particulièrement l'accent sur une meilleure parité entre hommes et femmes dans les différentes institutions politiques, dont le Parlement et le gouvernement[6].
Ministre aux Affaires sociales entre 1984 et 1986.
Ministre de l'Éducation entre 1986 et 1988.
Nafissa Sid Cara, née dans une Algérie qui n'était pas encore indépendante, a été secrétaire d'État dès 1959 mais dans le gouvernement français, dirigé à l'époque par Michel Debré. C'est aussi la première femme ministre de la Cinquième République française et la première femme musulmane ministre en France[8],[9].
Ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de la Promotion des Femmes, de la Protection familiale et des Affaires sociales entre 1999 et 2005.
Ministre déléguée aux Affaires étrangères, chargée de la coopération en 2005.
En Amérique latine, Isabel Martínez de Perón a marqué l'histoire de son pays, l'Argentine, en étant élue vice-présidente puis en en devenant la présidente de juillet 1974 à mars 1976. Elle sera suivie au plus haut niveau de l'exécutif argentin par Cristina Fernández de Kirchner, présidente de 2007 à 2015[27]. Au Chili, Michelle Bachelet a également été à la tête de l'État dans les années 2000, puis a été à nouveau élue dans les années 2010[28]. Le pourcentage de femmes, par rapport au nombre total de ministres en Amérique latine, passe de 8 % en 1998 à 25 % en 2008[28]. La situation de 2008 est toutefois disparate avec un gouvernement paritaire au Nicaragua et un pourcentage de 41 % au Chili, et, à l'autre extrême, de 8 % au Guatemala ou au Brésil cette année-là[28]. La pionnière en Amérique latine, ayant rang de ministre au sein des équipes gouvernementales, est sans doute Clara González, au Panama, vice-ministre du Travail, des Affaires sociales et de la Santé publique entre 1945 et 1946.
En Amérique du Nord, le Canada a eu une femme à la tête de l'exécutif pendant une période relativement courte, en 1993, avec Kim Campbell. Ellen Fairclough a été la première femme de ce pays à un poste de ministre fédéral en 1958, après avoir été secrétaire d'État l'année précédente. Les États-Unis n'ont jamais eu, pour l'instant, une femme à la tête de leur exécutif fédéral, même si Hillary Clinton a été candidate à la présidence en 2016, dans une élection où elle a été longtemps donnée favorite. Frances Perkins a été la première femme à siéger au sein du cabinet présidentiel fédéral américain, dès 1933, comme secrétaire au Travail des États-Unis, pendant 12 ans, menant d'importantes réformes sociales, sous la présidence de Roosevelt[29].
Ministre du Logement, du Développement communautaire, du Gouvernement local, des Affaires sociales, des Coopératives, de l'Alimentation et de l'Eau entre 1974 et 1980.
Dans les pays asiatiques du sud et du sud-est ayant acquis leur indépendance dans la deuxième moitié du XXe siècle, après avoir soulevé le joug de puissances coloniales européennes, une des particularités est l'émergence de familles qui parviennent à détenir le pouvoir, et créent de solides réseaux de partisans dans leur pays, souvent durant la lutte anticoloniale. Ces réseaux et la fidélité de ces partisans à leur famille bénéficient ensuite à leur héritier ou leur héritière. Plusieurs femmes ont ainsi accédé au pouvoir en s'appuyant sur de tels réseaux, malgré bien souvent l'opposition de partis conservateurs ou de militaires, réticents à admettre une femme à la tête de l’exécutif. C'est par exemple, Indira Gandhi en Inde, Sheikh Hasina au Bangladesh, Benazir Bhutto au Pakistan, Megawati Sukarnoputri en Indonésie, Sirimavo Bandaranaike ou Chandrika Kumaratunga au Sri Lanka (anciennement Ceylan), ou encore Aung San Suu Kyi en Birmanie. Ces personnalités ont contribué à ouvrir la voie des hautes fonctions exécutives aux femmes, même si elles n'ont pas, loin de là, imposé une parité au sein de leurs gouvernements[30],[31],[32].
Dans les pays arabes du Moyen-Orient, l’accès des femmes aux postes ministériels du pouvoir exécutif date de la seconde moitié du XXe siècle. Un des premiers pays à s’engager dans cette voie est l’Irak, avec la nomination de Naziha al-Dulaimi comme ministre des Municipalités en 1959. L'accès des femmes à ces postes est souvent bien plus récent, et ne se produit, pour plusieurs de ces pays arabes, qu'au XXIe siècle[8]. Un cas particulier au Moyen-Orient est Israël avec une personnalité très forte, Golda Meir, nommée ministre du Travail dès 1949, puis ministre des Affaires Etrangères en 1956, pour devenir vingt ans plus tard Première ministre de ce pays[33],[34].
En septembre 2009, le Parlement iranien a rejeté deux des trois femmes proposées par le président Mahmoud Ahmadinejad, les premières femmes proposées en trente ans d'histoire de cette république islamique[2].
En avril 2009, des médias israéliens s'adressant notamment aux lecteurs juifs ultra-orthodoxes ont modifié des photos d'une nouvelle équipe gouvernementale pour effacer les deux femmes ministres, Limor Livnat et Sofa Landver. Le quotidien Yated Neeman(en) a modifié numériquement la photo pour remplacer les femmes par deux hommes politiques, Ariel Atias et Moshe Kahlon, tandis que l'hebdomadaire Shaa Tova a noirci l'image de ces femmes politiques[2].
Ministre du Gouvernement local entre 1959 et 1960.
Ce pays a connu une femme Première mministre dès juillet 1960, Sirimavo Bandaranaike. Une autre femme devient Première ministre en 1994, Chandrika Kumaratunga, puis présidente de la République démocratique socialiste du Sri Lanka quelques mois plus tard, en novembre 1994. Et ceci dans un contexte marqué par des attentats : elle est elle-même visée par un attentat en 1999 perpétré par les Tigres tamouls et y perd l'œil droit. À l'élection présidentielle de novembre 1994, les deux ultimes candidats étaient tous les deux des femmes[36],[37].
Au sein des pays européens, les pays scandinaves ont été, durant le XXe siècle ceux où l'accès aux femmes à la fois au droit de vote, aux parlements et aux postes de responsabilité ministériels a été le plus rapide[38]. Tout d'abord, le Danemark, la Norvège et la Suède sont des monarchies et leur monarque a pu être une femme comme Marguerite Ire au XIVe siècle ou plus récemment Margrethe II au Danemark depuis 1972. Mais par ailleurs, Vigdís Finnbogadóttir est la première femme au monde élue au suffrage universel direct à la tête d'un État, en Islande, en 1980. Nina Bang est la première femme occupant la fonction de ministre au Danemark, dès 1924, et Miina Sillanpää est la première personnalité féminine ministre en Finlande, dès 1926. Gro Harlem Brundtland est la première femme Première ministre de Norvège (en 1990) : elle a marqué les esprits en constituant un gouvernement presque paritaire, à un poste près[38].
Dans les pays européens de l'ancien Bloc de l'Est, dès les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, entre 1945 et 1950, 15 femmes ont été membres de gouvernements, dont 11 avec le rang de ministres, en Bulgarie, Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie, Yougoslavie (dans les États qui constituaient cet État fédéral), ainsi qu'en République soviétique d’Estonie. En comparaison, aucune femme n’avait accédé à de telles fonctions avant 1945, sauf en Pologne[39]. Le nombre de femmes participant à des gouvernements au sein de ce Bloc de l'Est s’accroît encore dans les années 1950[39]. Dans les décennies qui suivent, Savka Dabčević-Kučar est présidente du gouvernement croate (au sein de la Yougoslavie entre 1967 et 1969). Milka Planinc est présidente du Conseil fédéral exécutif de Yougoslavie de 1982 à 1986[39]. En Europe centrale et en Europe de l'Est, après la fin de la domination soviétique, Kazimira Prunskienė dirige le gouvernement de Lituanie, en tant que Première ministre, à la suite de la déclaration d'indépendance de ce pays le 11 mars 1990. En Pologne, Hanna Suchocka est la première femme à occuper le poste de présidente du Conseil des ministres polonais, de 1991 à 1992. Reneta Indjova devient Première ministre de Bulgarie de 1994 à 1995. Vaira Vīķe-Freiberga devient présidente de la République de Lettonie en 1999 à 2007, durant deux mandats. Dalia Grybauskaitė devient présidente de la République de Lituanie de 2009 à 2019, après avoir été ministre des Finances dans les années 2000. Jadranka Kosor devient Première ministre de Croatie de 2009 à 2011. La présence, de façon assez régulière, de femmes au plus haut niveau du pouvoir exécutif est un fait acquis[39].
Le cas de l'URSS est un peu particulier avec deux femmes révolutionnaires qui ont marqué les esprits dès la période de la révolution, Alexandra Kollontaï commissaire du peuple à l'Assistance publique de 1917 à 1918 (ce qui est considéré comme équivalent à une responsabilité ministérielle)[40] et Sophie Panine, surnommée la comtesse rouge, membre d'une commission ministérielle en 1917[41].
Les pays de l'Europe de l'Ouest sont à la traîne, en comparaison, sur l'accès des femmes aux fonctions de ministre, même s'il y en a eu quelques-unes avant la Seconde Guerre mondiale, notamment au Royaume-Uni, en Irlande et en Espagne[42]. Quelques personnalités féminines au plus haut sommet de leur État ont pourtant été particulièrement remarquées comme Mary Robinson et Mary McAleese en Irlande, mais surtout Margaret Thatcher au Royaume-Uni, ou Angela Merkel en Allemagne[42].
Au début du XXIe siècle, explique le chercheur Sébastien Michon, « de manière plus ou moins progressive, la féminisation du personnel politique des pays européens est aujourd’hui une tendance générale [...]. Mais si [cette féminisation] est avérée, la parité est encore loin d’être atteinte »[43].
L'Océanie regroupe par convention des pays, des archipels et des îles très divers, avec une histoire très différente. Ce n'est pas vraiment un continent. Les trois principaux pays sont l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la Papouasie-Nouvelle-Guinée[51]
Les pionnières au sein du gouvernement australien, Florence Cardell-Oliver et Enid Lyons, se sont imposées juste après la Seconde Guerre mondiale, même si la repartie d'Enid Lyons, d'un humour un peu grinçant, indiquant qu'elle « préparait également le thé » pour les réunions du conseil des ministres, en l'absence de portefeuille ministériel précis, montre que ces premières nominations avaient encore un caractère plutôt symbolique[51]. L'inclusion plus systématique de personnalités politiques féminines dans les gouvernements successifs australiens est une évolution des années 1980. De 1980 à 1989, 28 femmes sont ministres, à comparer aux huit dans les 30 années précédentes[51]. En revanche, il faut attendre novembre 2007 pour qu'une première femme d'origine aborigène soit désignée ministre, Marion Scrymgour(en)[51]. Cette même année 2007, un gouvernement australien comprend pour la première fois une femme australienne d'origine asiatique, et qui s'affirme également homosexuelle, Penny Wong[51],[52]. Pour cet État fédéral, une autre pionnière est Quentin Bryce, gouverneure générale d'Australie, 25e personnalité à prendre en charge cette fonction, en 2008, et première femme[53].
En 1972, Whetu Tirikatene-Sullivan devient la première femme d'origine maori désignée ministre en Nouvelle-Zélande. Elle est ministre du Tourisme, puis, à partir de 1974, ministre de l'Environnement[51]. La proportion hommes-femmes reste très variable au XXe siècle au sein des gouvernements néozélandais. Robert Muldoon, Premier ministre de décembre 1975 à juillet 1984, a désigné exclusivement des hommes comme ministres dans ses cabinets successifs. En comparaison, 15 ans plus tard, la première équipe constituée par Helen Clark en 1999 comprenait sept femmes[51].
Ministre de la Santé publique de 1975 à 1977 (pendant la période d'autonomie précédant l'indépendance).
Après l'indépendance du pays en 1979, il faut attendre 2003 pour voir une femme nommée à un poste de ministre de rang plein, lorsque Teima Onorio devient vice-présidente de la République, et conjointement ministre de l'Éducation, de la Jeunesse et des Sports[55].
Ministre de l'Environnement, de l'Éducation, des Arts culturels et ethniques, de la Religion, des Sports et des Affaires de la Jeunesse entre 1993 et 1999.
Ministre de l'Approvisionnement en milieu rural et de la Santé entre 1991 et 1995.
Ministre des Affaires étrangères en 1993.
Ministre de la Justice, de la Culture et des Affaires féminine entre octobre et .
Entrée dans un gouvernement par année (exemples)
Le premier pays à voir entrer une femme dans un gouvernement est-européen est la Russie (1917). Dans la zone ouest-européenne c'est l'Irlande (1919), asiatique la Mongolie (1930), américaine les États-Unis (1933), océanienne la Nouvelle-Zélande et l'Australie (1947) et africaine le Liberia (1948).
↑ abc et d(en) Mona Lena Krook et Diana Z. O’Brien, « All the President’s Men? The Appointment of Female Cabinet Ministers Worldwide », The Journal of Politics,, vol. 74, no 3, , p. 840–855 (www.jstor.org/stable/10.1017/s0022381612000382)
↑« Afrique du Sud : une nouvelle équipe autour de M. De Klerk. Un modéré est chargé d'engager le dialogue avec la communauté noire », Le Monde, (lire en ligne)
↑Vérificateur de genre de la SADC . Les femmes en politique et dans des postes de responsabilité, SADC (Southern African Development Community, ou Communauté de développement d'Afrique australe ), (lire en ligne), p. 41
↑(en) Agnes Leslie, « Chiepe, Gaositwe K.T. », dans Emmanuel Kwaku Akyeampong et Henry Louis Gates (dir.), Dictionary of African Biography, Oxford University Press, (lire en ligne), p. 67-68
↑Lydia Rouamba et Francine Descarries, « Les femmes dans le pouvoir exécutif au Burkina Faso (1957-2009) », Recherches féministes, vol. 23, no 1, , p. 102 (ISSN1705-9240)
↑Odile Goerg, « Femmes africaines et politique : les colonisées au féminin en Afrique occidentale », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, no 6, (DOI10.4000/clio.378, lire en ligne)
↑(en) N. C. Noonan, Encyclopedia of Russian women's movements, Greenwood Publishing Group, (lire en ligne), « Panina, Countess Sof'ia Vladimirovna (1871-1956) », p. 49-50
↑Kevin Labiausse, Les grands articles de presse de 1900 à nos jours, Paris, éditions Bréal, , 240 p. (ISBN978-2-7495-3194-6), « Pourquoi nous sommes partisans du suffrage féminin »
↑« Le sort du nouveau gouvernement italien dépend de l'abstention des communistes », Le Monde, (lire en ligne)
↑Edouard Pflimlin, « 1918 : les femmes obtiennent le droit de vote au Royaume-Uni », Le Monde, (lire en ligne)