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Modibo Keïta s'affiche dans un premier temps comme un panafricaniste convaincu et est l'auteur d'un rapprochement avec l'Union soviétique. Il partage à cette époque cette politique avec Gamal Abdel Nasser d'Égypte, Kwame Nkrumah du Ghana, Ahmed Ben Bella d'Algérie ou Nehru d'Inde. L'échec de sa politique économique socialiste appauvrit considérablement le pays et freine son développement. En 1962, l'adoption du franc malien s'accompagne d'une très forte inflation et ruine une partie importante de la population renforçant le mécontentement et la contestation. Les répressions et difficultés alimentaires qui s'ensuivent rendent le régime de Modibo Keïta encore davantage impopulaire. Il est renversé le lors d'un coup d'État organisé les forces armées maliennes et emprisonné à Kidal. Transféré à Bamako, il meurt en détention le .
Enfance et jeunesse
Modibo Keïta est né le à Bamako-Coura, un quartier de Bamako, alors capitale du Soudan français. Fils de Daba et Fatoumata Camara, Modibo est issu d'une famille malinké. Après avoir fréquenté de 1925 à 1931 l'école primaire de Bamako, il entre en 1931 à l'école primaire supérieure Terrasson de Fougères (actuel lycée Askia Mohamed) et en 1934, il poursuit ses études à l'École normale William-Ponty de Gorée à Dakar. Ses professeurs le signalèrent déjà comme un bon élément mais aussi comme un agitateur anti-français à surveiller. Il sort major de sa promotion et, en 1936, devient instituteur[1]. Il enseignera d'abord en brousse puis à Bamako, Sikasso et Tombouctou. Il épouse en 1939 Mariam Travélé, qui l'accompagnera dans toutes ses luttes.
Débuts de son engagement
Très vite, il adhère à plusieurs associations. Il fonde avec Mamadou Konaté, l'« Association des lettrés du Soudan » qui deviendra par la suite le « Foyer du Soudan ». Il s'investit dans les activités culturelles et anime le groupe « Art et Travail ».
Il devient membre du « Bloc soudanais » créé par Mamadou Konaté.
En 1943, il fonde avec son ami Jean Marie Koné la revue L'Œil de Kénédougou[2] dans laquelle il critique le pouvoir colonial.
Parcours politique
Après la Seconde guerre mondiale, il est cofondateur et secrétaire général de l'Union soudanaise et adhère en 1946 au Rassemblement Démocratique Africain (RDA). Considéré par le régime colonial comme un dangereux opposant, il est interné quelque temps en 1946
En 1957, son parti remporte une victoire écrasante aux élections[3] et il est élu l'année suivante président de l'Assemblée constituante de la fédération du Mali qui regroupe le Soudan français, le Sénégal, la Haute-Volta et le Dahomey (ces deux derniers pays quitteront rapidement la fédération).
Président du gouvernement
Le , Modibo Keïta est nommé chef du gouvernement de la fédération du Mali (qui regroupe le Soudan français et le Sénégal). Après l'éclatement de cette fédération, le , il proclame l'indépendance du Soudan français qui devient la république du Mali. Il en prend la présidence et aligne sa politique sur le "modèle" soviétique.
Socialiste, il oriente son pays vers une socialisation progressive de l'économie, d'abord de l'agriculture et du commerce avec la création en de la Société malienne d'importation et d'exportation (SOMIEX) ayant le monopole de l'exportation des produits maliens et de l'importation des produits manufacturés et des biens alimentaires (sucre, thé, lait en poudre…) et de leur distribution à l'intérieur du pays. La création du franc malien en 1962 et les difficultés d'approvisionnement entraînent une inflation importante et un mécontentement dans la population, notamment auprès des paysans et des commerçants.
Sur le plan politique, Modibo Keïta fait rapidement incarcérer ses opposants comme Fily Dabo Sissoko et Hammadoun Dicko, anciens députés représentant le Soudan à l'Assemblée nationale française. À partir de 1967, il déclenche la « révolution active » et suspend la constitution en créant le Comité national de défense de la révolution (CNDR). Les exactions des « milices populaires » et la dévaluation du franc malien en 1967 amènent un mécontentement général.
Les autorités tentent aussi d'introduire des politiques de lutte contre l'esclavage, persistant dans certaines régions du pays malgré l'interdiction officielle.
Modibo Keïta meurt en détention à Bamako le à l'âge de 61 ans dans des circonstances suspectes. Radio-Mali diffuse un communiqué annonçant : « Modibo Keïta, ancien instituteur à la retraite, est décédé des suites d'un œdème aigu des poumons. » Ses obsèques au cimetière d'Hamdallaye donnent lieu à d'importantes manifestations, réprimées violemment par les services de sécurité dirigés alors par Tiécoro Bagayoko. Le président Moussa Traoré est obligé d'intervenir à Radio-Mali pour donner une version « officielle » du décès de Modibo Keïta, qui ne convainc personne. Modibo Keïta est réhabilité en 1992 à la chute du régime de Moussa Traoré par le président Alpha Oumar Konaré. Le mémorial Modibo Keïta est inauguré à Bamako le . Son épouse Mariam Keita est décédée en 2014 à 94 ans.
Selon certains auteurs, ses projets panafricanistes et son souhait d'instaurer des relations plus égalitaires avec la France conduisent rapidement Paris, mais aussi le président de la Côte d'Ivoire Félix Houphouët-Boigny, à le considérer comme un homme à abattre[4].
Francis G. Snyder, « The political thought of Modibo Keita. » The Journal of Modem African Studies, Vol. 5, No. 1 (Mai 1967), p. 79-106.
Guy Martin, « Socialism, Economie Development and Planning in Mali », 1960-1968. Canadian Journal of African Studies, Vol.10,No.1 (1976), p.23 – 46.
Diarrah Cheick Oumar, Le Mali de Modibo Kéïta. L'Harmattan, Paris, 1986.
Daouda Gary Tounkara, « Quand les migrants demandent la route, Modibo Keita rétorque : “Retournez à la terre” : Les “Baragnini” et la désertion du “chantier national” (1958-1968) », Mande Studies, 2003, vol. 5, p. 49-64.
Alpha Ousmane Barry et Jean-Marie Viprey. « Approche comparative des résultats d'exploration textuelle des discours de deux leaders africains : Modibo Keita et Sékou Touré. » dans Serge Heiden et Bénédicte Pincemin, Actes des 9es Journées internationales d'Analyse statistique des Données Textuelles (JADT2008), Lyon, 12-14 mars 2008, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, vol. II, p. 893 – 905.
Ophélie Rillon, Corps rebelles: la mode des jeunes urbains dans les années 1960-1970 au Mali. / Genèses, 2010/4, No 81.
Pauline Fougère. État, idéologie et politique culturelle dans le Mali postcolonial (1960-1968). Université de Sherbrooke, Canada. 2012.
Manon Touron. « Le Mali, 1960 – 1968. Exporter la Guerre froide dans le pré carré français. » // Revue bulletin de l'Institut Pierre-Renouvin. 2017.
Tatiana Smirnova et Ophélie Rillon. « Quand des Maliennes regardaient vers l'URSS (1961–1991). Enjeux d'une coopération éducative au féminin. » Cahiers d'études africaines, 226 | 2017, 331 – 354.
Issa Balla Moussa Sangaré, Modibo Kéïta, la renaissance malienne, L'Harmattan, Paris, 2017 ; 220p.