En 1956, il promet à l'Égyptien et membre des frères musulmans Tawfik El Shawi qu’il serait responsable de la rédaction de la constitution algérienne après son indépendance[19].
Le 22 juillet, Ben Bella installe un bureau politique provisoire, qu'il dirige[21], et qui se déclare en charge des affaires étatiques[22]. Celui-ci est installé le 4 août[23], et Benyoucef Benkhedda lui transmet ses pouvoirs[24]. Benkhedda se propose sans succès comme médiateur entre le bureau politique et les factions dissidentes, mais sa proposition est rejetée par le premier[25].
L'armée des frontières, avec à sa tête Boumédiène, entre dans Alger le , entraînant une intensification des tractations politiques pour renverser les alliances au profit de Ben Bella. Battue militairement, l'instance civile, le GPRA, capitule sans condition. C'est le « clan d'Oujda » qui obtient le pouvoir en Algérie. Sa nature est clairement politico-militaire même si, sous l'effet de la pression de la rue, un semblant de consensus politique a été réalisé par l'intégration de quelques opposants, comme Ferhat Abbas. Sur le fond, la victoire de Ben Bella et de l'armée des frontières entérine la mainmise du pouvoir militaire, et notamment de l'état-major de l'armée des frontières, sur le pouvoir civil[20]. Ben Bella, lui est rentré à Alger et s'installe à la villa Joly, l'Assemblée nationale constituante l'investit le , par 159 voix sur 179 votants. Il devient ainsi le président du Conseil. Abderrahmane Farès transmet ses pouvoirs à l'assemblée constituante le et au gouvernement Ben Bella le [26]. Mohamed Khider devient secrétaire général du FLN[27].
Cette mainmise de l'armée se manifeste dans le poids et le rôle de l'état-major de l'armée des frontières au sein du nouvel État: la Défense revient à Houari Boumédiène nommé vice-président de la République, l'Intérieur à Ahmed Medeghri, Abdelaziz Bouteflika se contente du ministère de la Jeunesse[20].
Ben Bella a pour objectif de construire un socialisme typiquement algérien (liens avec Cuba et la France à la fois). Il lance une réforme agraire, nationalise le commerce et l'industrie et cherche à promouvoir l'autogestion sur les conseils du révolutionnaire trotskiste Michel Pablo[4]. Il fait par ailleurs expulser du parti, de l'armée et de l'administration ses rivaux lorsqu'il devient secrétaire général du bureau politique du FLN en [28]. Son dauphin désigné est alors le colonel Boumédiène. Après l'adoption d'une constitution, il est élu en septembre 1963 président de la République algérienne, il réduit les insurrections kabyles et les diverses oppositions politiques. Soutenue par l'Égypte et par Cuba, l'Algérie signe un accord de paix avec le Maroc lors de la guerre des sables. Il se rapproche des puissances communistes, Chine et URSS.
Partisan du panarabisme et admirateur du colonel Nasser, il organise une aide concrète aux révolutionnaires anticolonialistes africains[29].
Il s'oppose à Mohamed Khider, alors secrétaire général du FLN, qui souhaite que l'armée regagne les casernes. Ce dernier démissionne en avril 1963 et Ben Bella lui succède. Dans le deuxième gouvernement Ben Bella, Kaïd Ahmed et Chérif Belkacem (anciens commandants de l'armée des frontières) deviennent ministres. Houari Boumédiène voit ses prérogatives étendues au poste de premier Vice-Président de la république[20]. Alors que l'armée renforce son pouvoir, les partisans de Ben Bella sont écartés. Le Front des forces socialistes (FFS), interdit comme les autres partis, décida le 28 septembre 1963 de mener une lutte armée contre le régime « fascisant » de Ben Bella. Bien que la nouvelle constitution, critiquée par ses adversaires politiques, lui accorde des pouvoirs renforcés, Ben Bella se trouve de plus en plus l'otage de l'armée à laquelle il n'a cessé de faire appel[20].
Quand finalement, en 1964, inquiet des ambitions de l'armée, il se décide de mettre au pas le clan d'Oujda en procédant à l'éviction d'Ahmed Medeghri et d'Abdelaziz Bouteflika, en tentant de créer une milice populaire et de trouver un accord avec le FFS, il est déjà trop tard[20].
Il est renversé par le coup d'État de Houari Boumédiène le 19 juin 1965 à Alger, emprisonné jusqu'en , puis assigné à résidence jusqu'à sa libération en . Durant cette période, il épouse Zohra Sellami, le couple adopte par la suite deux filles et un garçon en situation de handicap[30]. Zohra Sellami décédera le à Paris à l’âge de 67 ans.
Après son retour à Alger le , il se retire de la vie politique et se consacre à des dossiers internationaux tels que la Palestine et l'Irak et rejoint les altermondialistes pour lutter contre « la mondialisation capitaliste »[17]. En 1990, il soutient fermement le régime de Saddam Hussein et prône une « alliance arabe contre l'agression occidentale en Irak ». Ainsi il déclare « Les Algériens iront combattre, car là-bas ce sont les intérêts de tous les Arabes qui sont menacés et nous assistons à la naissance d'une croisade, une autre croisade lancée contre les peuples arabes »[33].
En 1995, Ben Bella signe à Rome, avec les représentants de six autres formations et des personnalités politiques, la Plate-forme de Sant'Egidio pour la sortie de crise et pour le retour à la paix. Les signataires du « Contrat national » dit de Rome s'entendent sur un contrat politique constitué d'un ensemble d’engagements dont les plus importants sont l’alternance au pouvoir, la liberté de culte, la primauté de la loi légitime sur tout autre loi issue d’assemblées non élues légitimement, l’égalité des citoyens sans distinction d’aucune sorte, l’accession au pouvoir par des moyens pacifiques, le rejet de la violence pour se maintenir au pouvoir ou pour y parvenir.
Le 10 juin 1997, le MDA est dissous par le tribunal d'Alger[34].
Il continue de revendiquer la lutte contre le colonialisme occidental et pour la défense du panarabisme[33]. Il déclare dans Jeune Afrique en : « Il faut faire l'Union du Maghreb. C'est tout à fait possible. Comment pourrais-je penser autrement alors que, même si je suis né en Algérie, même si j'ai été le chef de la rébellion algérienne, ma mère et mon père étaient tous deux marocains »[33]. Il fait par ailleurs de l'écologie l'une de ses principales préoccupations[4]. Il déclare par ailleurs que le Sahara occidental est marocain[35].
En 2007, il est nommé président du groupe des Sages de l'Union africaine[4]. Par la suite, il devient membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine dont les travaux ont commencé le .
Il assiste à la prestation de serment du président Abdelaziz Bouteflika pour un troisième mandat en 2009 et prône la réconciliation avec les islamistes en Algérie[17].
Mort et funérailles
Le , il est transféré d'urgence dans un hôpital parisien[36].
Le , il meurt à Alger. Le gouvernement algérien décrète un deuil national de huit jours ; ses funérailles sont suivies par les plus hautes autorités algériennes et par des chefs d'État ou de gouvernement des pays voisins. En revanche, la presse algérienne relève le « silence troublant de la France officielle », l'attribuant directement, en plein cœur de la campagne présidentielle française, à une volonté de récupérer « l'électorat d'extrême droite, des Pieds-noirs »[37]. Il est inhumé le à Alger au carré des Martyrs du cimetière d'El Alia.
Lors de sa mort et de ses funérailles, au niveau international, de nombreux États, personnalités, mouvements et médias se sont manifestés pour lui rendre un dernier hommage.
Le , le président de la République algérienne Abdelaziz Bouteflika annonce la publication d'un décret renommant l'aéroport d'Oran : « Aéroport international d'Oran Ahmed Ben Bella », en hommage au premier président de la République Ahmed Ben Bella[38].
Vie privée
En 1972, alors en captivité, il épouse la journaliste Zohra Sellami (1943-2010)[39].
↑Jacques Follorou, « De 1956 à 1962, la France a ordonné à ses services secrets d’assassiner des citoyens français », sur lemonde.fr, Le Monde, (consulté le ) : « Parmi les missions annulées figurent, en particulier, celle prévue, en juillet 1956, d’assassiner Ahmed Ben Bella, le chef du FLN, au Caire, avec « une arme silencieuse dans la rue ». Un « ordre gouvernemental » viendra interrompre l’opération au dernier moment. La volonté de se débarrasser des leaders du FLN existait, certes, depuis mai 1955, comme l’avaient raconté, en 1985, Roger Faligot et Pascal Krop dans leur livre La Piscine. Les services secrets français 1944-1984 (Seuil). Mais la preuve écrite est désormais sur la place publique. Ben Bella, avec quatre chefs politiques du FLN, sera finalement kidnappé, le 22 octobre 1956, lors du détournement de l’avion qui les transporte. ».
↑(ar) توفيق الشاوي,, مذكرات نصف قرن من العمل الإسلامي, Le Caire, , 580 p. (lire en ligne), p. 337
↑Robert Merle, Ahmed Ben Bella, Edició de Materials, 1965, p. 59
↑Texte d'une citation à l'ordre de Corps d'armée décernée lors de la Campagne d'Italie : « Sous-officier de renseignements d’un courage exemplaire. Au cours de l’attaque des 12 et 13 janvier, a sans cesse stimulé les tirailleurs de sa section par son audace et son exemple. A rempli de nombreuses missions de liaison, malgré les bombardements et les tirs d’armes automatiques. Toujours volontaire pour relever les blessés et les panser quand il n’avait pas d’autre mission. Le 14 décembre 1943, avait relevé lui-même d’un champ de mines exposé aux vues et aux tirs de l’ennemi le corps d’un tirailleur de sa compagnie. », Ordre général No 35, du 9 mars 1944, signé par le futur maréchal Juin.
↑ a et b(ru) « Бен Белла Ахмед » [« Ben Bella Akhmed »] (Héros de l'Union soviétique no 11221), sur warheroes.ru (consulté le ).
↑Saïd Kacem, « Ben Bella décoré par Mohammed VI : Il a été destinataire du Wissam alaouite », L'Expression, (lire en ligne, consulté le )