Revolution est une chanson des Beatles, composée par John Lennon et publiée dans deux versions différentes en 1968. La première version est enregistrée dès le premier jour des sessions de l'album The Beatles, le . Dans un style blues, harmonisée et arrangée avec des cuivres, cette chanson n'est pas jugée assez commerciale pour paraître en single. Sous l'impulsion de Lennon, une autre version est donc mise en boîte en juillet, cette fois avec plus de tempo, aux sonorités hard rock avec des guitares saturées. Revolution est commercialisée sous cette forme en face B du single Hey Jude le aux États-Unis et le 30 août au Royaume-Uni, alors que la version blues, dénommée Revolution 1, ne paraît que trois mois plus tard, sur la quatrième face de l'album dit « blanc ».
Revolution est la première chanson ouvertement politique des Beatles. Elle s'inscrit dans le contexte politico-social particulièrement agité de 1968, et constitue la réponse de Lennon aux divers groupes révolutionnaires qui demandaient son soutien financier et moral. Le titre est trompeur, parce que le texte n'appelle pas à un soulèvement massif, mais plutôt à une remise en question quant à la façon de révolutionner les choses, qui devrait selon l'auteur se faire sans violence. Toutefois, Lennon a mis un certain temps pour être sûr de son idée : lorsqu'il est question de destruction, il ne s'affirme pas encore tout à fait contre dans la première version de la chanson, Revolution 1 (cf. infra « #Analyse des paroles »).
Revolution amorce ainsi l'engagement politique de John Lennon, et d'autres titres découleront de son action pour la paix, comme Give Peace a Chance et Imagine, qu'il enregistrera en solo.
L'« Album blanc » contient par ailleurs le titre Revolution 9, long collage sonore expérimental réalisé par John Lennon et sa compagne Yoko Ono (à partir de l'enregistrement de Revolution 1), qui constitue selon John Lennon le « versant abstrait »[1] de son message.
Genèse
En 1968, la jeunesse occidentale est en pleine ébullition. Depuis l'« été de l'amour » de 1967, la contestation, en particulier contre la guerre du Viêt Nam, a pris une grande ampleur. Une série d'événements politiques et sociaux secouent le monde occidental. Aux États-Unis, Benjamin Spock est condamné pour haute trahison à deux ans de prison, en raison de sa lutte contre la conscription. Le , Martin Luther King, figure emblématique de la non-violence, est assassiné. L'université Columbia est occupée par la Students for a Democratic Society et des étudiants noirs, puis finit par être évacuée par la force. En Allemagne, les tensions universitaires risquent de remettre en cause l'équilibre des blocs de l'Est et de l'Ouest. C'est également l'époque du Printemps de Prague[2].
John Lennon commence l'écriture de Revolution dès la fin de l'hiver 1968, alors qu'il se trouve encore à Rishikesh, en Inde, pour ses leçons de méditation[3]. Il s'est contenté de suivre les événements de chez lui, à la télévision et dans la presse. Revolution est ainsi la toute première chanson ouvertement politique des Beatles. En effet, Brian Epstein, le manager du groupe, les avait toujours empêchés de trop s'étendre sur le sujet lorsqu'ils étaient en interview, interdiction qui s'étendait à fortiori à leurs chansons. Son décès le a certainement précipité les choses, puisque comme l'explique John Lennon en 1970 : « Je voulais dire ce que je pensais de la révolution. J'estimais que l'heure était venue pour nous d'en parler, de même que j'avais estimé que l'heure était venue pour nous de répondre enfin aux questions sur la guerre du Viêt Nam. »[4]
De loin le plus politisé des Beatles, Lennon était sommé de donner son avis, de « choisir son camp », par les différentes factions communistes et révolutionnaires, puisque lorsqu'il s'exprimait, c'était en général pour diffuser des idées de gauche[3]. Il écrit donc Revolution pour répondre à ces groupes, en s'adressant directement à eux dans la chanson.
À la question de savoir si la chanson a été inspirée par celle qui venait de devenir sa compagne au printemps 1968, Yoko Ono, posée à Lennon en 1980 lors de son interview par le magazine Playboy, celui-ci répond : « Elle a inspiré toutes ces créations en moi. Ce n'est pas qu'elle a inspiré les chansons, c'est qu'elle m'a inspiré. Le discours de Revolution est le mien. »[5]
Enregistrement
Revolution 1 (version blues)
De retour de leur séjour à Rishikesh dans l'ashram du Maharishi Mahesh Yogi, les Beatles se regroupent dans la propriété de leur guitariste George Harrison à Esher, dans le Surrey, pour répéter et mettre sur bande les démos des chansons composées en Inde. À partir du , ils investissent les studios EMI d'Abbey Road et se mettent au travail sur le titre de John Lennon, la toute première chanson enregistrée pour l'« Album blanc »[6]. Yoko Ono est pour la première fois aux côtés de son futur époux dans les studios, littéralement au milieu du groupe[6]. Elle y restera jusqu'à leur séparation. D'entrée, son influence sur la musique et les textes de John Lennon se fait sentir, tout comme le malaise qui saisit les autres Beatles, et tous ceux qui travaillent avec eux dans le studio[7].
Dix-huit prises de Revolution sont mises en boîte lors de cette première soirée du groupe en studio depuis le 11 février 1968[6]. La dernière de ces prises est une longue jam de plus de 10 minutes à laquelle John Lennon met un terme en lançant : « Ok, I've had enough! (C'est bon, j'en ai eu assez !) »[7] Elle va servir de base à deux titres présents sur l'album : Revolution 1 et Revolution 9. Cette prise a démarré si vite après la précédente que Geoff Emerick a à peine le temps de l'annoncer au micro depuis la salle de contrôle[6], ce qui sera conservé dans la version finale (on entend « take t... »).
À Abbey Road, tout a en fait commencé par un « pur et incontrôlable chaos »[7],[6]. À partir de la piste de base (John Lennon et George Harrison à la guitare acoustique, Paul McCartney au piano, Ringo Starr à la batterie) enregistrée dans la nuit du 30 au , les premiers overdubs sont ajoutés le lendemain : vocaux de Lennon, basse de McCartney, chœurs de Harrison et McCartney en harmonie sur les couplets, et en « waoum shoobidoo wap » sur les refrains, ce qui donne la prise 19[6]. La session du sera mémorable. John Lennon, qui veut que sa voix sonne différemment, s'allonge de tout son long sur le sol du studio. L'ingénieur du son assistant Brian Gibson raconte : « John avait décidé qu'il se sentirait mieux en chantant couché sur le dos. J'ai donc dû suspendre un micro au-dessus de sa bouche. J'ai certes trouvé cela bizarre, excentrique, mais ils étaient toujours à la recherche d'un son différent, quelque chose de nouveau... »[6]. Lennon multiplie des « alright » variés à l'infini sur toute la durée de la bande. McCartney et Harrison se lancent dans un chœur en voix de faussets dans lequel il répètent « mama, papa, mama, papa ». Diverses percussions sont ajoutées, de l'orgue, un long solo de guitare de Harrison, des traitements divers sur les voix, et deux boucles sonores sont injectées, le tout créant la prise 20[6],[8]. En fait, rien de tout cela ne sera retenu et seules les 4 premières minutes de cette prise 20 seront exploitées pour en faire le Revolution 1 de l'« Album blanc », tandis que tout le reste sera récupéré par John Lennon et Yoko Ono pour créer ensuite Revolution 9.
Revolution 1, qui s'achève en fade-out[n 1], est ainsi complété le , bien que Paul McCartney soit parti pour un court séjour aux États-Unis[6]. De nouveaux reduction mixdown[n 2] sont réalisés et la section de cuivres, quatre trombones et deux trompettes, est enregistrée[6]. George Harrison ajoute une dernière partie de guitare électrique — parsemant le titre d'interventions en chorus — et la chanson est prête à être mixée à partir de la prise 22. C'est aussi ce jour-là que John Lennon prend un plaisir énorme à injecter le fameux « number nine, number nine » dans son Revolution 9 sur lequel il a travaillé les jours précédents avec Yoko Ono. À la table de mixage, il fait apparaître, disparaître, et passer d'un canal à l'autre cette phrase devenue mythique[6].
En , ce qui constitue le lien entre Revolution 1 et Revolution 9, c'est-à-dire la prise 20 proposée dans son intégralité, est apparu sur Internet[8]. On entend John Lennon lancer l'enregistrement en lâchant d'une voix aiguë : « Take your knickers off and let's go! (Enlevez vos petites culottes et allons-y !)», tandis que Yoko Ono le conclut au bout de 10 minutes et 47 secondes en disant « You become naked »[n 3]. Ce document sonore apparaît donc comme le premier mix réalisé le après la session d'overdubs décrite ci-dessus, et il correspond parfaitement à la description qu'en fait Mark Lewisohn dans son livre The Complete Beatles Recording Sessions: The Official Story of The Abbey Road Years[6] publié en 1988. Lewisohn révèle par ailleurs que deux copies de ce rough mix[n 4] furent réalisées le jour même, dont une qui fut emportée par John Lennon, et l'autre qui resta au studio. Le mystère demeure quant à savoir de quelle copie il s'agit, et de quelle façon elle est parvenue 41 ans plus tard sur la Toile[9].
Revolution (version rock)
John Lennon veut absolument faire un single de ce qui s'appelle encore tout simplement Revolution, mais il se heurte aux autres Beatles — Paul McCartney et George Harrison — qui justement trouvent que la lenteur est préjudiciable, que le disque ne serait pas assez commercial. Lennon nuance[5] :
« Le premier enregistrement de Revolution… eh bien George et Paul étaient pleins de ressentiments. Ils déclarèrent que ce n’était pas assez rapide. Maintenant, si vous entrez dans les détails de ce qu’est ou n’est pas un hit, ils avaient peut-être raison. Mais les Beatles auraient pu se permettre de sortir la version lente et compréhensible de Revolution en single. Que ce fut un disque d’or ou un disque de bois [...]. »
Rétrospectivement, John Lennon associe ce refus à l'entrée de Yoko Ono dans sa vie, en expliquant que les autres supportaient mal son retour au premier plan du groupe, retour qui lui avait été permis grâce à Ono[5]. Durant les deux dernières années, c'était officieusement Paul McCartney qui avait pris les rênes de la formation, puisqu'il était notamment à l'origine des projets Sgt. Pepper et Magical Mystery Tour, or, c'est effectivement John Lennon qui a « dominé » le début des séances de l'« Album blanc »[7].
« So I made it faster (alors je l'ai faite en plus rapide) » expliquera John Lennon[1]. Il pousse donc ses camarades à refaire le titre en le jouant rock à un tempo accéléré. Enregistrée avec des guitares saturées, Revolution est ainsi mise en boîte le . Pour obtenir cet effet avec les deux guitares de John Lennon et George Harrison, le personnel technique d'EMI les branche directement sur la console. « John voulait un son vraiment distordu. Nous avons branché les guitares sur la console d'enregistrement, ce qui n'était pas, techniquement parlant, la chose à faire. Cela a complètement saturé le canal et a produit ces sonorités fuzz. Heureusement, notre hiérarchie n'a jamais été au courant. Ils prohibaient évidemment toute forme d'abus sur nos équipements», explique Phil McDonald, un des assistants à l'œuvre lors de cette séance[10].
La prise 10 sera retenue pour les overdubs. La piste de base comporte donc ces deux guitares distordues, la basse, des claquements de mains et deux pistes séparées de batterie, passées au compresseur et au limiteur pour la rendre très présente[10]. John Lennon enregistre ensuite des vocaux énergiques, dont le cri audible dans l'introduction du morceau, doublant son chant sur un certain nombre de phrases pour les accentuer[10]. Dans cette version, il n'y a pas de chœurs. Ni les couplets ni le refrain ne sont harmonisés. John Lennon la chante donc en solo.
Nicky Hopkins ajoute une ligne de piano le 11 et le travail se poursuit le 12 avec de nouvelles pistes de guitare par John Lennon et de basse par Paul McCartney. Un premier mix est effectué le 15 juillet, le final étant réalisé le 8 août[10]. C'est donc cette version qui finira sur le single, en face B de Hey Jude, au grand dam de Lennon qui aurait voulu la voir sur la face A, ou en double face A.
Analyse des paroles
John Lennon s'adresse directement à ses interlocuteurs révolutionnaires — chaque vers commence par « You » (« You say you want… », « You say you got… », etc.), se poursuit par « Well, you know… (Eh bien, tu sais…) »[11] —, et propose ses idées, ainsi que les conditions de sa participation à un éventuel bouleversement des choses. Le message est multiple, et largement réaffirmé et explicité dans les différentes interviews de l'auteur.
Au premier couplet, il met d'entrée de jeu les choses au point : nous voulons tous changer le monde, certes, mais il ne faut pas compter sur lui dès qu'il est question de destruction[11]. Directement dans la lignée du Summer of Love et du Peace and Love, Lennon insiste sur le fait que rien ne marchera jamais en suivant cette voie. Il convient que, plus jeune, il aurait « été partant pour tout détruire »[4], mais sa position a évolué, et il met en avant les nombreux exemples historiques : « Tout démolir, ça s'est toujours fait. Pour quel résultat ? Les Irlandais, les Russes l'ont fait, les Français aussi — et ça les a menés où ? Nulle part. »[4] Cette volonté de pacifisme l'amène à critiquer les manifestations de Grosvenor Square : « Où nous ont menés les manifestations de protestation ? On n'a parlé que de violence, voilà le résultat. »[4]
Au second couplet, Lennon, en admettant que l'hypothétique révolution ait lieu, demande à connaître « le plan »[11], autrement dit, à savoir ce qui va se passer ensuite. Les questions que cela implique — Qui reconstruit ? Puis qui dirige, et comment ? —, il les pose et y répond lui-même, en interview : « Ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. »[4] À la fin du couplet, Lennon se justifie : lorsqu'on lui demande d'apporter sa contribution, il répond qu'« on fait tous ce qu'on peut », mais que « si l'argent est destiné à ceux qui propagent la haine, il faudra attendre »[11].
Pour finir, au dernier couplet, il propose sa propre solution. Selon lui, le problème ne se situe pas au niveau des institutions, mais bien au niveau de l'état d'esprit. « Tu veux changer la constitution ? Nous voulons changer ta tête. Tu me dis que ce sont les institutions ? Tu ferais mieux de libérer ton esprit ! », chante-t-il. Il ajoute une dernière note de dérision : « Tu n'arriveras nulle part en te promenant avec des effigies de Mao. »[11] Quelques années plus tard, en 1972, Lennon regretta cette référence à Mao, considérant qu'elle pourrait gâcher ses chances de visiter un jour la Chine[1].
Quant à la manière de propager ce changement d'état d'esprit, il affirme, en 1969 : « La seule façon de garantir une paix durable, c'est de changer la façon de penser des gens. Il n'y en a pas d'autre. L'État peut le faire grâce à la propagande. Coca-Cola le fait bien grâce à la propagande — pourquoi pas nous [Les Beatles] ? Nous sommes la génération dans le coup. »[4]
Enfin, peu de temps avant sa disparition, en 1980, lors de la fameuse interview pour le magazine Playboy, John Lennon note : « Les paroles tiennent encore debout aujourd’hui. C’est toujours ce que je ressens à propos de la politique. I want to see the plan (je désire toujours voir le plan) ; c’est ce que je disais à Abbie Hoffman et à Jerry Rubin. Count me out (ne comptez pas sur moi) s’il est question de violence. Ne m’attendez pas sur les barricades, à moins que ce soit avec des fleurs. »[5]
Un vers particulier de la chanson a suscité la polémique. Sur le singleRevolution, Lennon précise qu'il ne faut pas compter sur lui lorsqu'il est question de violence : « But if you talk about destruction, don't you know that you can count me out. » Par contre, sur la piste de l'« Album blanc », Revolution 1, la phrase est légèrement différente : « You can count me out... in », autrement dit, « Tu ne peux pas compter sur moi... Tu peux ». Manifestement, son avis évolue entre les deux versions. Il explique : « Il y a eu deux versions de la chanson, mais la gauche underground n'a réagi qu'à celle qui disait count me out. La version originale dit count me in. J'ai fait les deux parce que je n'étais pas sûr. »[4] De fait, Revolution 1 (la piste de l'album) a été enregistrée avant Revolution (le single). Mais, le single étant sorti avant l'album, le public a d'abord découvert la version « ne comptez pas sur moi ».
La réaction ne s'est effectivement pas fait attendre. Le magazine américain Remparts qualifie la chanson de « trahison », et la New Left Review de « lamentable réflexe apeuré petit-bourgeois »[3]. Lennon publiera plusieurs autres chansons à saveur politique (Working Class Hero, Give Peace a Chance, par exemple) et réutilisera même, en 1971, le premier vers de Revolution pour sa chanson Power to the People.
Description musicale
La version lente, Revolution 1, est jouée en la sur les accords classiques du blues rock (la, ré, mi). Les couplets, c'est-à-dire la partie où John Lennon s'adresse à son interlocuteur (« You say… », « You ask me… », « You tell me… ») déroulent sur la et ré et s'achèvent sur un mi. Il émet ses réserves (« but when…, « but if… ») sur un fa dièse et un mi — tandis que McCartney rejoint ces deux points en remontant deux fois sur le manche de sa basse la gamme de fa dièse mineur, partant du plus aigu — puis donne sa sentence («…count me out/in », « …you have to wait », « …you ain't gonna make it with anyone anyhow ») sur un passage en sol, la, fa dièse et mi. Les « don't you know it's gonna be (en voix de fausset), alright » sont chantés à nouveau sur des accords de la et ré, et le break qui suit est en mi.
Le second couplet et les suivants sont chantés en harmonie à trois voix, avec les « shoobidoo wap » de Paul McCartney et George Harrison en réponse. Ils reviennent également sur les refrains. La basse reste en la (elle ne passe donc pas en ré) à partir du deuxième couplet, tout en croches, ponctuée de petits glissandos, suivie rythmiquement par la section de cuivres. George Harrison ponctue tout le morceau d'interventions à la guitare électrique, petits solos, et riffs, dans un timing remarquable. Les trois coups inattendus du dernier break viennent d'un « accident d'édition » lors du mixage, que Lennon a souhaité conserver comme tel en amateur des changements de signature rythmique[7].
La version rapide et rock, Revolution, est jouée un ton plus haut. On peut raisonnablement envisager que les Beatles l'ont interprétée avec un accordage en tonalité de si (dans la mesure où jouer un rock en si /mi n'est pas très confortable sur un manche de guitare ou de basse avec l'accordage standard en la). Pour le reste, cette version est plus développée au niveau du jeu de guitare, et considérablement simplifiée pour ce qui est de la ligne de basse, tandis que la batterie est beaucoup plus présente et le chant de Lennon nettement plus énergique. Autre différence, Nicky Hopkins joue un solo de piano électrique avant le troisième couplet. Enfin, le morceau ne s'achève pas en fade-out mais sur un vrai final typiquement rock après que Lennon a hurlé six fois « allright ».
Parution
Revolution est éditée le aux États-Unis et le 30 août au Royaume-Uni, en face B du singleHey Jude. Le disque est la première publication des Beatles sur leur propre label, Apple. Revolution atteint la seconde place du classement de Record World[12], tandis que la face A Hey Jude bat tous les records (voir l'article). Ainsi, envisager le succès commercial de Revolution, c'est par définition l'associer au single sur lequel il fut publié, vendu à plusieurs millions d'exemplaires à travers le monde[n 5].
En 2018, pour marquer le cinquantième anniversaire de la sortie de l'« Album blanc », on inclus le disque Esher Demos qui compile tous les enregistrements de démonstration enregistrés au domaine de George Harrison qui comprend Revolution. La prise 18, la prise 14 instrumentale et une prise non numérotée, tirées des archives des studios EMI, sont aussi incluses en bonus.
Film promotionnel
Pour le film promotionnel[n 6], tourné au même moment que celui de Hey Jude durant l'été 1968, et par le même réalisateur, Michael Lindsay-Hogg, les Beatles choisissent de se montrer sur scène — on ne distingue pas de public, cette prestation étant filmée en plans rapprochés — et de se produire en semi-live. Ils chantent donc en direct par-dessus les pistes instrumentales jouées en playback, et proposent ainsi une version hybride des deux Revolution.
En effet, même si le morceau est joué dans sa version rock (comme sur le single), Paul McCartney et George Harrison reproduisent au micro les chœurs en « waoum shooobidoo wap » de la version lente, tandis que John Lennon lâche de nouveau « in », derrière la phrase « but if you talk about destruction, don’t you know that you can count me out », ce « in » qui avait disparu dans la version du single. Quant au cri de l'introduction du morceau, c'est Paul McCartney qui le lance, afin que John Lennon puisse attaquer dans les temps les paroles du premier couplet[13]
À la sortie du single, le magazine américain Time publie dans son édition du la critique suivante : « Pendant que des manifestants se battaient avec la police à Chicago, la semaine dernière, les Beatles ont sorti leur nouveau single, contenant le titre Revolution, adressé aux activistes radicaux à travers le monde. Leur message va en surprendre certains, en décevoir d’autres et, peut-être, en remuer beaucoup : calmez-vous ! « Nous voulons tous changer le monde » chantent-ils dans un vivifiant souffle de hard rock. Mais pas à travers la destruction ou les « esprits haineux » […]. L’autre face du single prône un activisme d’un genre différent. Hey Jude, chantée par Paul McCartney, exhorte en cadence un ami à surmonter ses peurs et à s’impliquer dans l’amour. »[15]
Quelques mois plus tard, après la parution de l'album The Beatles, Philippe Constantin donne son analyse du message de John Lennon dans le Rock & Folk de [16] : « […] quand les Beatles ne jettent pas ce regard déformant sur le monde qui les entoure, c'est leur propre musique qu'ils tournent en dérision, et ça n'en devient que plus intéressant : Glass Onion, I'm So Tired, avec un peu trop de mièvrerie à la McCartney, et surtout Revolution 1. Cette dernière chanson, à mon avis fort médiocre dans la version du 45t simple, fonctionnait comme une profession de foi d'une agressivité bien-pensante. Le message (fais pas de politique, mon garçon, fais d'abord le clair dans ton esprit…) est ici distordu et ridiculisé par un rythme lymphatique, copieusement agrémenté de « Choubidou wa », dans le plus pur style gominé. Subversion plus efficace à mon sens que l'« incitation à la violence » de Street Fighting Man, ridiculisation de la politique des gouvernements occidentaux à l'égard de la jeunesse et du camouflage de l'idéologie dominante en philosophie hindoue ou n'importe quoi hippie (un peu le genre : « Participez, choubidou-bidou oh ! ! ! ») »
Le musicologue Allan W. Pollack, auteur d'une série d'analyses sur les chansons des Beatles, livre une opinion différente[17] : « Mark Lewisohn nous explique que Revolution 1 a la primeur chronologique sur la soi-disant « reprise » qui apparaît sur la face B du single Hey Jude. C’est OK pour moi, bien que j’ai beaucoup de mal à ne pas considérer Revolution-le-single comme la « vraie » version de la chanson, et celle de l’album, pas seulement comme une reprise, mais comme une véritable parodie de la version rapide. À mon sens, le fou hurlant au coin de la rue colle bien mieux au sens des paroles que le traitement façon night-club appliqué à la version lente. Il est possible que John ne se soit pas connecté avec ses sentiments profonds sur sa chanson avant qu’elle ne soit réenregistrée. »
Beatallica l'a parodiée sous le titre Revol-OOH-tion. Les paroles de la chanson ont été détournées par Marilyn Manson sur Disposable Teens et par Saul Williams.
La firme Nike a utilisé Revolution pour une publicité en 1987, déboursant 250 000 dollars pour en acquérir les droits auprès de Capitol Records et de Michael Jackson, propriétaire du catalogue. Cela a déclenché la fureur de nombreux fans, partant du principe que John Lennon se serait opposé à cet usage, particulièrement dans le cadre de la polémique portant sur la fabrication des produits de la marque dans des ateliers de misère[19]. Paul McCartney a lui-même protesté, déclarant qu'« une chanson comme Revolution ne parle pas d’une paire de baskets, elle parle de la révolution ! »[20].
En 2006, une reprise de la chanson a également été utilisée dans une publicité télévisée en Australie dans le cadre d’une promotion de la marque automobile Mitsubishi.
Notes et références
Notes
↑Appelé aussi parfois en français « fondu de sortie », désigne un effet sonore consistant à baisser progressivement le niveau du son à la fin d'un morceau.
↑Report des quatre pistes sur une seule, par transfert d'un magnétophone à l'autre, afin de libérer de la place.
↑Phrase également prononcée à la fin de Revolution 9.
↑ a et bBertrand Lemonnier, L'Angleterre des Beatles, Paris, Kimé, coll. « Le sens de l'histoire », , 476 p. (ISBN2-84174-016-1), p. 327-331.
↑ ab et cSteve Turner (trad. de l'anglais), L’Intégrale Beatles : les secrets de toutes leurs chansons [« A Hard Day’s Write »], Paris, Hors Collection, , 284 p. (ISBN2-258-06585-2), p. 169.
↑ abcdefghijk et l(en) Mark Lewisohn, The Complete Beatles Recording Sessions: The Official Story of the Abbey Road Years, Londres, Hamlyn, (ISBN0-600-61207-4), p. 135-138.
↑ abcd et eGeoff Emerick et Howard Massey (trad. de l'anglais par Philippe Paringaux, préf. Elvis Costello), En studio avec les Beatles : les mémoires de leur ingénieur du son, Marseille, Le Mot et le Reste, , 486 p. (ISBN978-2-915378-99-3).
La version du 13 avril 2009 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.