Sa vie durant, il récuse toutes les formes de guerre et de recours à la violence, qu'elle soit « horizontale » (entre les nations et les peuples) ou « verticale » (entre les classes sociales).
De tous les penseurs antiautoritairesnon violents, il est celui qui arrive à définir et à organiser sur un plan théorique les nouvelles méthodes de lutte non violente.
Son « Plan de Mobilisation contre la Guerre », en 1934, développe de façon radicalement novatrice pour l’époque la « stratégie et la tactique antimilitariste », en période de paix ou de guerre. Cet ouvrage reste un guide pratique de l’action directe contre la guerre[1].
Biographie
Suivant l'exemple de son père Nicolaas Marinus de Ligt, pasteur calviniste, il étudie la théologie à l'université d'Utrecht de 1903 à 1910[2].
En 1910, il est nommé pasteur protestant à Nuenen[3], près de Eindhoven en Brabant hollandais où il déploie une intense activité sociale et diffuse de la littérature socialiste. Il dénonce dans ses textes les positions réactionnaires des églises sur la question sociale (notamment le concept de « charité chrétienne ») et leur soutien aux classes sociales dominantes[3] (Profeet en volksfeest, Amsterdam 1913), la guerre et l'impérialisme (Profeet en volksnood, Amsterdam 1914)[2].
Activiste antimilitariste
En 1914, il manifeste sa foi et ses convictions pacifistes dans ses sermons contre la mobilisation et la Première Guerre mondiale.
En 1915, il est le co-auteur d'une brochure, De Schuld der Kerken (La dette des Églises) où il affirme que la plupart des dirigeants de l'Église et les pasteurs sont en partie responsables de la guerre en raison de leur glorification du nationalisme et du militarisme, ce qui lui vaut d’être désavoué par sa hiérarchie de l'Église réformée néerlandaise et banni de son domicile, de sa paroisse et d'une partie du territoire des Pays-Bas[3].
Le 6 juin 1915, prononce un sermon radicalement antimilitariste lors de l'office de la Pentecôte et est banni, sans procès, des provinces du Sud des Pays-Bas par les autorités militaires[2].
En 1919, il rompt définitivement avec les socialistes chrétiens du BCS[2].
Activiste anarchiste
Comme nombre de libertaires de l'époque, il accueille avec enthousiasme la révolution russe d'octobre 1917; avant de prendre rapidement conscience de la brutalité et de l'oppression du nouveau pouvoir bolchevique : l'État « communiste » a la même nature coercitive et violente que les autres États[3]. La conférence anarchiste à Berlin du 25 au 31 décembre 1921 confirme ses intuitions.
Dans la brochure Anarchisme en revolutie (Anarchisme et révolution, Baarn, 1922), il rappelle l'importance, dans une situation révolutionnaire, de mettre en accord les buts et les moyens. Contre la centralisation et la « dictature du prolétariat », il réaffirme les principes antiautoritaires d'autogestion, d'autonomie et de fédéralisme libertaire qu'il considèrent fondamentalement supérieurs au marxisme[2].
En 1924, il est parmi les fondateurs de la Sociaal-Anarchistisch Verbond (Fédération anarchiste sociale) et prend en charge la rédaction du journal De Vrije Samenleving (La société libre)[2].
Il continue son travail éditorial, De Wedergeboorte van Maria (La renaissance de Marie, Arnhem, 1926) sur l'émancipation des femmes par elles-mêmes ; Vrede als daad (La paix et l'action, Arnhem, 1931-1933), une histoire du mouvement pacifiste radical ; et, enfin, une biographie du philosophe et humaniste des Pays-Bas bourguignons, Érasme (Erasmus : begrepen uit de geest der renaissance, Arnhem, 1936), considéré comme l’une des figures majeures de la culture européenne[2].
À partir de 1930, il devient le rédacteur de Bevrijding (Libération)[2].
En 1929, il écrit son manuel de résistance passive traduit et publié en 1935 en français (Pour vaincre sans violence) et en anglais en 1937 (The Conquest of Violence)[8], préfacé par Aldous Huxley[9], qui a une grande influence sur les pacifistes anglais et américains, les conduisant à adopter un point de vue anarchiste[10].
« S'il y a des conflits armés entre les pouvoirs réactionnaires et les masses en révolte, les tenants de l'action révolutionnaire non violente sont toujours du côté des révoltés, même quand ceux-ci ont recours à la violence »
— Barthélemy de Ligt, Pour vaincre sans violence, 1935
Œuvres en français
Barthélemy de Ligt, Contre la guerre nouvelle, Paris, Marcel Rivière, , 231 p. (lire en ligne)
Préf. de Marianne Rauze
Barthélemy de Ligt, La paix créatrice : histoire des principes et des tactiques de l'action directe contre la guerre, Paris, Marcel Rivière, , 536 p.
2 volumes
Barthélemy de Ligt, Mobilisation contre toute guerre !, Bruxelles, Pensée et action, , 52 p.
(en) Herman Noordegraff, De Ligt, Bartholomeus, in Nigel Young (éd.), The Oxford International Encyclopedia of Peace, Oxford University Press, 2010, p. 549-550, (ISBN0-19-533468-X).
Sebastian Kalicha et Daniel Grunewald (Illustrations) (trad. de l'allemand par Gaël Cheptou), Anarchisme non-violent et pacifisme libertaire : une approche théorique et historique, Lyon, Atelier de création libertaire, , 276 p. (ISBN978-2-35104-148-2 et 2-35104-148-8, OCLC1229035610), p. 93-95