Ce musée de France présente une collection de plus de 2 000 œuvres d'art réunies par Maurice Magnin (1861-1939), conseiller maître à la cour des comptes, passionné de peinture, et sa sœur Jeanne Magnin (1855-1937), artiste peintre amateur et critique d’art.
Portrait de Jeanne Magnin, photographie anonyme, Dijon, musée Magnin.
Ces deux collectionneurs constituent, entre 1881 et 1935, une collection formée essentiellement en vente publique. Ils eurent le souci d’évoquer les différentes tendances artistiques en France et à l’étranger et ont acquis des œuvres peu convoitées ou peu connues, comme le soulignait Jean-Gabriel Goulinat[2], leur ami et restaurateur de peintures au musée du Louvre, dans son article de 1938 consacré au musée. Maurice Magnin donne puis lègue sa collection à l’État en 1939[3]. Sans doute l’exemple de certaines donations antérieures, qui avaient permis la création de musées, dont les musées Jacquemart-André à Paris (legs de 1912) ou musée Bonnat-Helleu à Bayonne (legs de 1922), a pu les inciter à ce choix[4]. Aucune œuvre issue de ce legs ne peut faire l'objet d'un prêt[5]. Les collections ne peuvent par ailleurs s'enrichir, en raison des dispositions testamentaires de Maurice Magnin.
Les Magnin choisissent de présenter leur collection dans l'hôtel Lantin, un hôtel particulier du XVIIe siècle, près du palais des ducs de Bourgogne, à Dijon[6]. L'hôtel Lantin, édifié pour le parlementaire Étienne Lantin en 1663-1664, passe en différentes mains, avant d'être acquis en 1829 par Jean Hugues Magnin-Philippon, le grand-père des collectionneurs. Une transformation importante, mais réalisée avec un souci d'unité, est l'adjonction en 1851 d'un étage aux écuries situées au fond de la cour.
Transmis à Joseph Magnin, qui habita cet hôtel, le bâtiment est ensuite la propriété de son fils Maurice. Celui-ci confie l'aménagement des anciens communs à Auguste Perret[7], qui y travaille en 1930-1932. Il concilie l'utilisation du béton armé avec l'architecture classique de l'hôtel, en particulier dans la galerie zénithale[8].
La collection
La collection de peinture et les objets d'art sont présentés dans les pièces de l'hôtel Lantin dans l'esprit d'un cabinet d’amateur et d'une demeure habitée, comme le souhaitaient les Magnin.
Peinture
Les Magnin tenaient à une présentation traditionnelle : dense et par écoles.
Peinture des écoles du Nord
La visite débute par les salles consacrées aux écoles du Nord. Des peintures flamandes du XVIe et du début du XVIIe siècle, encore souvent anonymes, émergent les paysages de Pieter Brueghel le Jeune, Paul Bril et Tobias Verhaecht. À l'exception des marines, tous les genres et styles de la peinture flamande et surtout hollandaise du XVIIe siècle sont présents. Le paysage est classicisant chez Jan Weenix et Jan Frans van Bloemen, baroquisant chez Jacques d'Artois, italianisant chez Frederik de Moucheron et échappe à toute convention dans un suggestif paysage orageux de Reynier van der Laeck.
Représentant de l'école d'Utrecht, Jan van Bijlert s'illustre dans une importante composition mythologique aux accents religieux. On trouve encore Pieter Lastman, maître de Rembrandt, et Gérard de Lairesse, chantre du classicisme au seuil du XVIIIe siècle.
Les 170 peintures italiennes du musée appartiennent pour l'essentiel à une période allant de la Haute Renaissance au XVIIIe siècle[9]. Parmi les exceptions figure une Vierge à l'Enfant du Maître de San Torpè (Pise, vers 1310). Pour le XVIe siècle, un Christ et la femme adultère du bergamasque et vénitien Giovanni Cariani fait face à une Suzanne et les vieillards d'Alessandro Allori, élève de Bronzino. Le maniérisme appuyé de Ferraù Fenzoni, peintre de Faenza, contraste avec celui, tardif et tempéré, du lombard Giovanni Battista Crespi.
Avec 650 pièces, l'école française représente la moitié de la collection de peintures. Les années 1630-1650 sont un domaine d'excellence. Le XIXe siècle se signale par de nombreux petits formats, œuvres intimistes et attachantes ou d'artistes aujourd'hui recherchés des amateurs.
Le musée Magnin n’est pas seulement consacré aux peintures. Il rassemble également plus de 600 dessins[13]. On retiendra parmi les Britanniques un dessin préparatoire de David Wilkie, réalisé durant son Grand Tour. Le domaine nordique s'étend jusqu'à l'école belge, avec des feuilles de Joseph-Denis Odevaere, François-Joseph Navez et Jacob Maris. Chez les Italiens, une vigoureuse figure pour un décor du Cavalier d'Arpin au palais des Conservateurs, deux exemples du portraitiste Ottavio Leoni, une Fuite en Égypte du napolitain Belisario Corenzio ainsi qu'une feuille d'étude du siennois Alessandro Casolani comptent parmi les dessins les plus importants.
Les Magnin ont également acquis des sculptures (dont Le Printemps et L'Automne, par Juste Le Court), et quelques dizaines de terres cuites qui souvent confirment dans le modelage leur goût de l'esquisse en peinture. Le modelé ferme des Quatre parties du Monde est attribué au sculpteur baroque Jan Pieter van Baurscheit(nl). Les collections conservent un bas-relief original de Jean-Pierre Dantan le jeune, des masques d'Alexandre Falguière et une rare esquisse à mi-chemin entre romantisme et symbolisme d'Auguste Préault.
Bon durand, Le Secrétaire à double pente (après 1761).
Installés par les Magnin pour l'agrément du visiteur, les meubles sont, par leur intégration à la muséographie, particulièrement mis en valeur[15] : secrétaire en laque de Coromandel d'Adrien Jérôme Jollain, commode en arbalète de Jacques-Philippe Carel(en), table en cabaret de Jean-Pierre Dusautoy. Mais comme dans le reste de la collection, ce ne sont souvent pas les noms prestigieux qui sont ici les plus remarqués. Le visiteur s'attarde volontiers devant les meubles féminins billet-doux d'époque Restauration ou bonheur-du-jourSecond Empire. Le plus rare est le secrétaire à double pente pour jeunes filles estampillé Bon Durand (maître en 1761) exposé dans la chambre.
↑J.G. Goulinat, « Le musée Magnin à Dijon », L'Art et les artistes, mars 1938, p. 217-222.
↑J.G. Goulinat, « Le musée Magnin à Dijon », L’Art et les artistes, , pp. 217-222 : « Les collections furent installées au musée Magnin et l’inauguration se déroula le 16 janvier 1938 en présence de Jean Cassou, de Jean Vergnet-Ruiz, de Paul Jamot et de David Michel-Weill. »
↑Laure Starcky, Catalogue sommaire illustré Les peintures françaises du musée Magnin, Paris, Les éditions Rmn-Grand Palais, Réunion des musées nationaux, , 264 p. (ISBN978-2-7118-4093-9 et 2-7118-4093-X, lire en ligne), p. 6.
↑Brejon de Lavergnée Arnauld, Catalogue des tableaux et des dessins italiens (XVe-XIX siècles), Inventaire des collections publiques françaises, Paris, .
↑Catalogue d'exposition, Éloge de la clarté, un courant artistique au temps de Mazarin, Dijon, .
↑Catalogue d'exposition, Visions du déluge, de la Renaissance au XIXe siècle, Paris, .
↑Livret d'exposition, Charles Meynier 1763-1832, Paris, .
↑Album d'exposition, Dessins français du XVIIe au XIXe siècle de la collection du musée Magnin, Dijon,
↑Catalogue d'exposition, Boucher et les peintres du Nord, Paris, .
↑Termeulen Vincent, Les arts mobiliers du musée Magnin, Paris,
Annexes
Bibliographie
A. Brejon de Lavergnée, Catalogue des tableaux et dessins italiens (XVe et XIXe siècles), Paris, 1980.
Les Peintures françaises, catalogue sommaire illustré, préface d'Emmanuel Starcky, avec la participation d'Hélène Isnard, Paris, Dijon, musée Magnin, 2000.