Michel François Joseph Simon naît à Genève au no 27 de la Grand-Rue en 1895[3], la même année que le cinématographe, ce qui lui fait dire qu'« un malheur n'arrive jamais seul ».
Ses parents Joseph et Véronique sont charcutiers. Ils avaient à la fois la clientèle riche et protestante de la Grand-Rue et également celle catholique du quartier italien de Genève[4].
Il confie : « J’ai vécu une enfance assez étrange dans la Grand-Rue où Jean-Jacques Rousseau est né, lui au no 40 et moi au 27. Il est devenu pour moi un intime. J’ai passé mon enfance là où il avait mis ses premiers pas. Il s’est enfui de Genève à 16 ans et moi à 17 ans. Rousseau m’a profondément imprégné »[5].
La personnalité de Michel Simon se dessine dès l’enfance : il a un esprit d’une vivacité peu commune. Il est épris de liberté individuelle avec un amour éperdu de toute forme de vie et il est doté d'un sens de l’observation extrêmement aigu[6]. Il se détourne rapidement de ses études qui s'avèrent catastrophiques au collège de Genève et il se cantonne à la dernière place dans la classe[4]. Son professeur, John Copponex, lui dit : « Simon, vous êtes un cancre, mais vous irez loin. Votre avenir est sur les planches ». Après avoir quitté le collège Calvin, il travaille dans la boucherie familiale et aux abattoirs de la ville de Genève, puis il effectue un apprentissage de photogravure à Carouge (une commune du canton de Genève) [7]. Le jeune Michel rêve de devenir aviateur[8] et il a une grande passion : la littérature. Cette adoration l’amène à dévorer tous les livres qui lui tombent sous la main et, peu à peu, il nourrit une fascination pour la complexité de l’être humain. À 17 ans, il part s'installer à Paris.
Vie familiale
Michel Simon se marie le , à 21 ans, avec la musicienne Yvonne Nadège Ryter (1916 à 1919 [9]). Cependant il continue de fréquenter des prostituées et son mariage ne dure que trois ans. En 1917, ils ont un fils Michel dit François Simon, également acteur au théâtre et au cinéma. Il est le grand-père de deux filles, Martine Simon et de la réalisatrice Maya Simon.
On lui connaît de nombreuses liaisons, notamment avec sa maîtresse d'apprentissage. La relation la plus longue est partagée avec Lucienne Bogaert, sa partenaire dans le film Vautrin. A l'âge de 68 ans, il partage sa vie avec Denise Dax, qu'il a connue au théâtre dans une comédie de Jacques Deval, Charmante soirée[10]. Il a également une grande histoire d’amour avec Margarethe Krieger(de) (1936-2010), une artiste peintre allemande qui a réalisé de nombreux portraits de Michel Simon. Il a eu également une liaison avec Josy Goillandeau. La Canadienne Jeanne Carré l’accompagne lors de ses dernières années[11]. Sa dernière conquête est Karen Nielsen qui tient un petit rôle dans son dernier film L'Ibis rouge de Jean-Pierre Mocky en janvier 1975.
Résidences
Il réside alternativement dans sa vieille maison de La Ciotat et dans sa propriété de Noisy-le-Grand avec pour tous compagnons, quatre guenons et un perroquet. À La Ciotat dont il était tombé amoureux, il achète une bastide dans laquelle il installe une salle de cinéma. Rachetée par la ville en 1991, elle est devenue un musée hommage au grand acteur grâce aux efforts de L'Association des Amis de Michel Simon[12],[13].
Il a vécu également longtemps à Noisy-le-Grand en Seine-Saint-Denis, c'était son jardin secret. Il a souvent promené dans des lieux publics sa guenon nommée Zaza, qu'il costumait[14]. Le domaine de cinq hectares, acheté en 1934, ayant appartenu à Alphonse Allais a été détruit en 1980 par des promoteurs. Un espace culturel municipal porte son nom, il est situé à l'esplanade Nelson-Mandela[15].
Vie sexuelle
Michel Simon a eu toute sa vie une grande passion pour le sexe. Dans les années 1970, il s’affiche encore volontiers aux bras de prostituées qu’il présente comme ses « amies ». Il a toujours été un fervent amateur de prostituées et de travestis et lorsqu'elles étaient encore ouvertes, avant 1948, il avait ses entrées dans des maisons closes comme le One-Two-Two ou le Sphinx.
Dans son livre L’album pornographique de Michel Simon, l'écrivain Alexandre Dupouy raconte : « Michel Simon se sentait laid, si laid qu’avec les filles, au moins, ça pouvait passer. Il était très complexé et puis, à cette époque, il faut quand même tenir compte du contexte : les femmes libres et affranchies, elles se vendaient »[16].
Amateur notoire de pornographie, Michel Simon possède une collection de plus de 100 000 objets en relation avec le sexe : des photos, des éditions originales du marquis de Sade, des godemichets et des automates surprenants[17]. C'est l'une des plus grandes collections au monde dans ce domaine, son fils François Simon l'a dispersée lors de nombreuses ventes, après sa mort[18].
Fin de vie
Au premier trimestre de 1975 la santé de Michel Simon se dégrade rapidement. Il ne s'alimente plus et il perd vingt kilos en un mois. Il envisage de tourner pour Bertrand Blier dans Les Valseuses. Il meurt le d'une embolie pulmonaire à l'hôpital Saint-Camille de Bry-sur-Marne, à l'âge de 80 ans.
Selon ses dernières volontés, il repose au cimetière du Grand-Lancy dans sa ville natale de Genève, auprès de ses parents. Sur le frontispice du monument ornant la tombe familiale, cette locution latine : Non omnis moriar (Je ne mourrai pas entièrement) [19].
Carrière professionnelle
Débuts
Ses débuts dans le monde du spectacle à Paris sont modestes. Il réside à l'hôtel Renaissance, rue Saint-Martin puis à Montmartre[4]. Il exerce divers petits métiers, donne des leçons de boxe et vend des briquets de contrebande à la sauvette[4], puis il est successivement boxeur, camelot, danseur, clown et acrobate dans un numéro de danseurs, les Ribert's and Simon's. Finalement il est photographe de théâtre[5]. Michel Simon est également réputé pour dévorer tous les livres qui lui tombent sous la main avec une prédilection pour les écrits de Georges Courteline.
Mobilisé en Suisse dans l'infanterie lors de la Première Guerre mondiale, Michel Simon est un soldat suisse indiscipliné ; il passe le plus clair de son temps aux arrêts et à l'ombre des cachots. Rapidement, sa santé s'en ressent et il doit être hospitalisé dans un sanatorium à Leysin pour soigner une tuberculose.
À Genève en 1915, au cours d'une permission militaire, il voit Georges Pitoëff faire ses débuts d'acteur, en langue française, au théâtre de la Comédie de Genève dans Hedda Gabler d'Henrik Ibsen. C'est un déclic et il décide de devenir acteur à son tour mais ce n'est qu'en que Pitoëff découvre ses dons de comédien. Il l'engage dans sa troupe à la salle communale de Plainpalais de Genève et il lui confie le rôle du greffier de Mesure pour mesure de William Shakespeare. Michel Simon pratique par ailleurs en même temps son premier métier de photographe avec un certain talent.
Il est ensuite engagé par Louis Jouvet qui a remplacé Pitoëff à la Comédie des Champs-Élysées. C'est avec Louis Jouvet, que Michel Simon s'impose en 1929 dans Jean de la Lune, une pièce de Marcel Achard. Son talent transforme le rôle secondaire de Cloclo pour en faire la principale attraction de la pièce. Indiscipliné et voulant tirer la couverture à lui, Michel Simon s'attire l'inimitié de Louis Jouvet.
On connaît le comédien, mais un peu moins le chanteur. Son timbre de voix rocailleux ne devait pas le destiner à la chanson et pourtant il a interprété plusieurs chansons qui restent dans les mémoires[21].
En 1934, il chante deux chansons avec Arletty dans l'opérette Le Bonheur mesdames ! d'Albert Willemetz et Henri Christiné : Elle est épatante, cette petite femme-là et Amour en noir et blanc. Le spectacle est un très gros succès.
En 1968, il interprète, en duo avec Serge Gainsbourg, la chanson L'Herbe tendre pendant le tournage du film Ce sacré grand-père de Jacques Poitrenaud. L’enregistrement s’est effectué sans accompagnement musical lors d'une scène où les deux acteurs, assis dans l'herbe en buvant des verres de vin.
En , Marie Laforêt[24] impose Michel Simon en première partie de son récital sur la scène de l'Olympia alors que l’acteur a 74 ans.
Au cinéma muet, il apporte surtout un étonnant physique et un visage peu banal, d'une exceptionnelle mobilité, capable d'expressions qu'il prend grand soin de ne pas transformer en tics. Michel Simon joue des formes de son corps avec une virtuosité infinie : de la laideur intelligente ou sympathique, de la bonté ou de la naïveté, à la laideur grotesque ou inquiétante, cocasse ou stupide, malicieuse ou cruelle. Sa vraie carrière cinématographique ne commence toutefois qu'avec le cinéma parlant quand l'on s'aperçoit que l'élocution et le timbre de voix de l'acteur sont aussi originaux que son physique et son jeu.
Collaboration avec Jean Renoir
Michel Simon devient une immense vedette avec Jean Renoir, il avait déjà tourné avec lui Tire-au-flanc et On purge bébé d'après la pièce de Georges Feydeau ; c'est le troisième long métrage sonore de Michel Simon.
La même année, dans La Chienne, le cinéaste Jean Renoir joue sur deux registres : une comédie à tendances morales et un grand drame social ; c'est un mélange de burlesque et de tragique que Renoir appelle « un drame gai »[26]. Le film est l'un des plus grands succès du cinéma français d'avant guerre[27]. Pendant le tournage, les acteurs se prennent au jeu au point de s'identifier moralement à leurs personnages. Michel Simon devient amoureux de Janie Marèse qui flirte avec Georges Flamant. Le scénario raconte comment l'honnête caissier Legrand (Michel Simon) se trouve conduit par hasard à secourir Lulu (Janie Marèse), une petite grue que brutalisait Dédé (Georges Flamant), son souteneur[28].
Au début de l'année 1932, Michel Simon décide de fonder avec Jean Renoir une société de production cinématographique qui donne naissance à l'une des plus belles œuvres de Renoir : Boudu sauvé des eaux, d'après la pièce de René Fauchois. L'acteur-producteur avait déjà joué la pièce originale sur scène au théâtre des Mathurins en 1925 et il adorait ce personnage. Un lourd échec commercial met un terme à leurs nombreux projets en commun. "Boudu" s'ouvre sur une sorte de prologue allégorique et bouffon, avec des acteurs déguisés en Priape, Chloë, et Bacchus puis l'on bascule dans une féerie plus ou moins réaliste. Techniquement, le film est très en avance sur son temps, il peut être regardé comme annonciateur de certains procédés de la Nouvelle Vague : un tournage en décors réels, des dialogues quasi improvisés, une prise de son en direct et la caméra dissimulée dans la foule des passants[29].
Les années prolifiques
En 1934, le jeune réalisateur Jean Vigo réalise L'Atalante. Le sujet tient du roman sentimental à l'eau de rose et il s'inspire beaucoup de La Belle Marinière, une comédie dramatique de Marcel Achard. Michel Simon incarne le père Jules, un marinier bougon : c'est l'un des rôles qui comptent dans la vie d'un acteur. Sa diction singulière et son visage si particulier font de lui un acteur caméléon tout à fait à part dans le milieu du cinéma. Malgré un tournage difficile, il ne cesse d'ajouter des éléments oniriques et surréalistes sur les rapports entre les sexes mais également de critique sociale, l'opposition ville-campagne, la déshumanisation des grands ensembles industriels. Le de la même année, Jean Vigo meurt de septicémie, une semaine après que le film est retiré de l'affiche, mais, en , L'Atalante triomphe au Festival du film maudit de Biarritz[30], fondé par Jean Cocteau.
Toujours en 1934, Le Bonheur de Marcel L'Herbier, est un mélodrame adapté d'une pièce de théâtre d'Henri Bernstein ; le film rencontre un succès considérable avec Gaby Morlay, Charles Boyer et Jean Marais. Dans un rôle secondaire Michel Simon se fait remarquer dans son rôle d'un imprésario vénal et aimant les jeunes hommes.
Drôle de drame de Marcel Carné connaît un demi-échec lors de sa sortie en 1937, mais le film n'est vraiment découvert qu'en 1951 lors de sa reprise. Les dialogues de Jacques Prévert confortent la grande qualité du film. Certaines scènes sont devenues cultes comme la séquence du célèbre souper entre Michel Simon et Louis Jouvet et le fameux « Moi j'ai dit bizarre ? Comme c'est bizarre ! ». Ils sont entourés de Françoise Rosay, Jean-Pierre Aumont et Jean-Louis Barrault. Le film est exploité en Angleterre sous le titre Bizarre, bizarre.
En 1939, il tourne plusieurs films avec de grand comédiens. Au mois de mars, les réalisateurs Claude Autant-Lara et Maurice Lehmann réunissent dans Fric Frac le trio de Michel Simon, Fernandel et Arletty. Durant le tournage Michel Simon et Fernandel sont entrés en rivalité et ils ne s'entendaient pas ; les deux acteurs n'ont plus jamais joué ensemble dans un film[31].
Toujours en 1939, Julien Duvivier dans La Fin du jour met en scène, dans une maison de retraite, trois vieux comédiens indigents. Une cohabitation étonnante entre Michel Simon en vieil acteur cabotin, Louis Jouvet en vieux « jeune premier » qui croit encore en son pouvoir de séduction et Victor Francen un acteur que le public n'a jamais reconnu.
En 1940, il tourne en pleine Occupation, La Comédie du bonheur sous la direction de Marcel L'Herbier avec Louis Jourdan et Micheline Presle. Il interprète le banquier Jourdain que sa famille a fait interner, s'évade de l'asile et se réfugie dans une pension de famille. Le film est sorti en France et en Italie en 1942.
De 1939 à 1942, Michel Simon tourne plusieurs films dans l'Italie fasciste. Cela ne lui apporte guère de satisfaction mis à part en 1941, La Tosca, d'après la pièce de Victorien Sardou. Le film est commencé par Jean Renoir et il est terminé par le réalisateur allemand Carl Koch, avec pour assistant Luchino Visconti.
En 1942 il se rend à Genève quelque temps pour revoir sa famille, puis il revient en France. En 1943, il tourne dans le film d'André Cayatte, Au Bonheur des Dames avec Albert Préjean et Blanchette Brunoy. Le film séduit par la qualité de la reconstitution du roman d'Émile Zola et surtout l'interprétation où Michel Simon s'illustre de façon impressionnante[32].
En 1944, il joue au théâtre Pigalle dans la pièce d'un auteur connu pour ses opinions pro-nazies : Le Portier du paradis, d'Eugène Gerber[33]. À la Libération, cela lui vaut d'être convoqué devant la commission d'épuration, il est accusé de collaboration[34]. Le comédien, profondément ulcéré par cette accusation, réplique qu'il avait été dénoncé comme juif aux premiers temps de l'Occupation puis, plus tard, comme communiste.
En 1950, René Clair lui propose dans La Beauté du diable un rôle extraordinaire, celui de revisiter le mythe de Faust d'après le conte populaire de Goethe. Au seuil de sa mort, le professeur d'université Faust est plein de regrets, Méphistophélès (l'incarnation du Diable) lui propose un pacte : vendre son âme en échange de la jeunesse et de la richesse et il lui montrera aussi l'avenir. Le numéro d'acteur de Michel Simon — à double face — est stupéfiant avec, d'une part le vieux professeur Henri Faust et, d'autre part, le diable sur terre Méphistophélès. C'est un face à face de légende entre Michel Simon et Gérard Philipe. René Clair écrit : « À quoi peut ressembler le Diable, sinon, dans un spectacle, à l'acteur qui l'incarne? Est-il petit, grand, gros ou maigre, jeune ou vieux? Nous avons pensé qu'il est le reflet de chacun de nous. Et puisque c'est Faust qui l'invoque, c'est de Faust lui-même qu'il est l'image »[35]. Michel Simon reçoit pour ce film le Grand Prix d'interprétation masculine au Festival de Punta del Este.
La rencontre avec le dramaturge et metteur en scène Sacha Guitry est également très importante pour Michel Simon, il ne cesse de dire qu'il s'agit de « L'un des plus grands auteurs français ». Ils tournent ensemble trois films : La Poison, La vie d'un honnête homme et Les trois font la paire.
En 1951, dans La Poison, il incarne Paul Braconnier qui n'a qu'une seule idée en tête : trouver le moyen d'assassiner sa femme Blandine (Germaine Reuver) sans risque. Dans le générique, Sacha Guitry dédicace le manuscrit de La Poison à Michel Simon, pour lequel il a écrit le film. Il l'a réalisé avec deux caméras en informant son équipe technique et ses acteurs, qu'il n'y aurait qu'une seule prise de vues par plan. Le film remporte un énorme succès financier et le tournage ne dure que onze jours.
L'année suivante dans La Vie d'un honnête homme, Sacha Guitry lui propose à nouveau d'interpréter un double rôle : les frères jumeaux Albert et Alain Ménard-Lacoste. L'un est riche et malheureux, l'autre vit plus modestement mais il est mieux dans sa peau. Quand le second meurt, le premier décide de se faire passer pour lui, personne au sein de la famille ne remarque le stratagème.
André Hunebelle, Abel Gance et John Frankenheimer
En 1952, Michel Simon tourne dans huit films, dont Monsieur Taxi d'André Hunebelle, il interprète Pierre Verger, un chauffeur de taxi bourru, un peu anar mais avec un cœur en or. Trois ans après le cinéaste lui confie le rôle Maurice Martin, un concierge et facteur à Montmartre un peu anar, dans L'Impossible Monsieur Pipelet avec Gaby Morlay et Louis de Funès.
Durant le tournage d'Un certain monsieur Jo, en 1958, de René Jolivet, Michel Simon tombe très gravement malade à la suite d'une intoxication de teinture pour sa barbe qui s'attaque à ses nerfs cervicaux. Cela handicape gravement sa capacité de mémorisation et fait fuir les producteurs. Après deux années d'absence, il revient au cinéma en 1960 avec Pierrot la tendresse de François Villiers dans le rôle d'un tueur à gages avec Claude Brasseur, Jean-Pierre Marielle et Dany Saval.
En 1964 il tourne Le Train du réalisateur américain John Frankenheimer aux côtés de Burt Lancaster et de Jeanne Moreau. Le film s'inspire du déraillement du train (dit d'Aulnay) en , dont le chargement contient des œuvres d'art de grande valeur.
En 1971, le cinéaste polonais Walerian Borowczyk lui confie dans Blanche le rôle d'un vieux seigneur qui dirige son château-fort au XIIIe siècle dans une zone reculée. C'est un vaudeville, avec Georges Wilson et Jacques Perrin qui ne cesse de jouer sur les fausses pistes, Borowczyk s'amusant à manipuler le spectateur.
C’est Jean-Pierre Mocky qui fait tourner Michel Simon, l’année de sa mort en 1975, dans son dernier film L'Ibis rouge qui est inspiré du roman Knock Three One Two de l'écrivain américain Fredric Brown. Il interprète le rôle bouleversant d'un vieux marchand de journaux acariâtre Zizi aux côtés de Michel Serrault et Michel Galabru. Mocky raconte que Michel Simon a accepté de jouer dans le film parce qu'il se tournait au canal Saint-Martin sur le lieu exact où il avait tourné 40 années auparavant L'Atalante[38]. C'est sa dernière apparition au cinéma, Michel Simon meurt le , soit 9 jours après la sortie du film en salles.
Distinctions
Michel Simon a reçu de nombreux prix et hommages au cours de sa carrière :
En marge du festival de Venise en 1950, Ruban d'argent du meilleur acteur étranger dans un film italien pour son interprétation dans La Beauté du diable[39] ;
En 1989, le Prix Michel-Simon est créé par Alain Losi au sein du festival Les Acteurs à l’Écran[41]. Il est décerné à une jeune comédienne et un jeune comédien, révélés dans un long-métrage de l'année.
Filmographie
Michel Simon a joué dans 145 films, il confie à Jean-Pierre Hauttecœur [42] : « Quand on m’apporte un rôle, je m’en imprègne, je deviens quelqu’un d’autre. C’est une suite de sensations que j’éprouve en approfondissant le personnage et, tout d’un coup, je sors de ma peau. Je peux parfaitement devenir un assassin naturellement sans violer ma nature intime. J’aime assez ça, je dois dire. Mais j’ai eu des remords après le film Le Quai des brumes en pensant que ce personnage avait tellement impressionné les gens qu’il allait peut-être éveiller une vocation d’assassin. Il y a déjà une telle profusion de meurtres ».
1966 : Cinéastes de notre temps, portrait de Michel Simon par Jean Renoir ou portrait de Jean Renoir par Michel Simon, documentaire de Jacques Rivette : lui-même ;
En 1957, des soucis de santé affectant sa mémoire. Il annonce avoir été intoxiqué par une teinture à barbe et il doit renoncer la scène. Il effectue un remarquable retour au théâtre en 1965 avec le rôle principal de John-Emery Rockefeller (un dur à cuire) dans Du vent dans les branches de sassafras de René de Obaldia[44]. Michel Simon retrouve enfin son public.
1967 : Du vent dans les branches de sassafras de René de Obaldia, mise en scène René Dupuy, théâtre des Célestins.
Hommages
Genève
Trois ans avant sa mort, Michel Simon assiste, dans sa ville natale de Genève, à un hommage qui lui est rendu du au au Centre d'Animation Cinématographique (salle Roxy) par Claude Richardet et François Roulet. Une sélection d’une trentaine de ses films les plus célèbres sont projetés en sa présence[45]. À cette occasion, il a expliqué être heureux de visionner certains des films qu'il n'avait pas pu voir précédemment, car à une certaine époque il tournait plusieurs films dans la même journée et le soir il jouait au théâtre. Au total, Michel Simon a joué dans 145 films et 150 pièces de théâtre.
Par ses pairs
Charlie Chaplin, "Michel Simon est un acteur extraordinaire. Il est capable de tout, de la farce à la tragédie. Il a une compréhension profonde de la nature humaine et il est capable de nous faire rire et pleurer à la fois. C'est un artiste complet, un véritable génie. J'ai toujours été un grand admirateur de son travail, en particulier de sa performance dans "Le Quai des brumes". Il est un acteur qui ne ressemble à aucun autre. Il a une présence unique et une capacité à nous transporter dans ses personnages. C'est un véritable artiste." (Revue Cinémonde No 700 de 1958) [46],[47];
Sacha Guitry, "Michel Simon est le plus grand acteur du monde";
Jean Cocteau, « Michel Simon est une énigme vivante. Sa grandeur vient de ce que ni lui, ni aucun autre ne peuvent la résoudre. Il était tout à la fois Boudu et Clo-Clo, le vieil homme attendrissant de Gérard Brach dans La Maison et le solitaire inquiétant du Quai des brumes. Dans quelle peau se sentait-il le plus à l’aise ? » ;
Marcel Carné, « C’est en regardant tourner Michel Simon que j’ai eu devant les yeux l’image du génie humain, surtout dans Drôle de drame. Il a vraiment donné toute sa mesure au cinéma et je n’ai vraiment qu’un regret : c’est de n’avoir tourné que deux films avec lui. Il était aussi à l’aise dans le comique que dans le drame et il aurait pu faire un grand tragédien, un interprète de Shakespeare » ;
René Clair, « C’était une des plus grandes figures du théâtre et du cinéma français. Une personnalité unique dont le caractère bien marqué lui permettait justement de se prêter à tous les rôles. Il avait le sens du comique. Je me souviens de sa découverte dans Mesure sur mesure. Il passait sa tête par une porte et il déclenchait ainsi le rire de toute la salle » ;
Jacques Prévert, « C'est un seigneur d'ailleurs, un clochard étoilé, un impeccable Lord de la rue des Anglais, un génial idiot de vaudeville, un terrible assassin de Thomas de Quincey » ;
Jean-Louis Barrault, « Il présente son personnage avec une telle vérité, qu'il risque de faire éclater l'illusion » ;
Claude Berri, « J’étais persuadé que Michel Simon nous enterrerait tous. Il était d’une force prodigieuse. Lors du tournage du Vieil Homme et l’Enfant, à 74 ans, il se baignait dans les eaux glacées. Pour moi, ce film avait représenté une aventure exceptionnelle. Peut-être la plus importante de toute ma vie. Je n’en reviens pas ».
Michel Galabru, "Michel Simon était un génie. Je pense qu’il a été l’un des plus grands acteurs de ce siècle. Peut-être même le plus grand. Et lorsqu'il jouait, il n’y avait pas une inflexion de sa voix, une lueur de son regard, un geste, un mouvement de son corps qui n’exprimaient pas cette espèce de vérité intégrale. (…) Plus qu’un acteur de génie ; il était monstrueusement humain".
↑« "Cendrillon" de Walt Disney ouvre le 11e Festival de Venise », sur lemonde.fr, (consulté le ) : « En marge du festival [de Venise] les "nastri d'argento", les "oscars" italiens, ont été remis au cours d'une réception officielle. Les prix destinés aux meilleurs acteurs italiens, hommes et femmes, n'ont pas été attribués. Le "nastro d'argento" pour le meilleur film italien a été décerné à Cieio sulla palude, de A. Genina. Michel Simon reçoit le prix du meilleur acteur étranger pour son interprétation dans la Beauté du diable. Dans ce même film Léon Barsacq obtient le nastro pour les décors. Enfin le prix du meilleur film étranger a été attribué à Henri V, de Sir Laurence Olivier. »
Jean Renoir, Entretiens et Propos, Paris, Édition de l’Étoile, , 165 p. (ISBN2859565248)
Myriam Tsikounas, « Comment faire carrière avec une « gueule d'empeigne » ? Michel Simon à l’écran (1924-1949) », Communications, no 60 « Beauté, laideur », , p. 109-130 (lire en ligne).
Myriam Tsikounas, « Michel Simon et Josiane Balasko à l’écran : une même expression de l’impur ? », La Licorne, Poitiers, Maison des Sciences de l'Homme et de la Société, UFR Langues Littératures, no 37 « L'expression du sentiment au cinéma », , p. 105-114 (ISBN2-911044-07-X, ISSN0398-9992, lire en ligne).
Anonyme, « Hommes et métiers de cinéma : Michel Simon, comédien », Téléciné no 102, Paris, Fédération des Loisirs et Culture Cinématographique (FLECC), février-, (ISSN0049-3287)
Inconnus, Michel Simon et François Simon acteurs : Falstaff et Hamlet, Genève, Georg, , 112 p. (ISBN978-2825704370).
Hommage à Michel Simon : Un demi-siècle de cinéma, Pontarlier, CERF, 2000 (ouvrage collectif publié dans le cadre de la 57e rencontre internationale de cinéma de Pontarlier).