Lucienne Delyle (née Lucienne Henriette Delache) le [1] dans le 14e arrondissement de Paris et morte le (à 48 ans) à Monaco, est une chanteusefrançaise ayant enregistré de nombreux succès dans les années 1940 et 1950. Sa chanson Mon Amant de Saint-Jean (1942) reste un monument intemporel de la chanson populaire française.
Biographie
Née dans une famille aisée, Lucienne Delache[2] devient orpheline très jeune. Après le lycée, elle entreprend des études de préparatrice en pharmacie[3].
Premier prix au radio-crochet
Passionnée par la chanson française des années 1930, elle pratique la chanson en amatrice sous le nom de scène de Lucienne Delyne (avec un « n », comme dans le nom de son actrice préférée, Christiane Delyne[3]), avant d'opter pour un « l » (Delyle) à la place du « n » (Delyne).
Cette même année, ses premiers enregistrements, notamment la valse romantico-poétique Sur les quais du vieux Paris[6], la hissent au rang des chanteuses populaires françaises[3]. Deux autres chansons, Elle fréquentait la rue Pigalle et Je n'en connais pas la fin, sont empruntées au répertoire d'Édith Piaf[7],[8]. Toujours en 1939, elle se produit sur scène à L'Européen et à l'ABC[8].
Collaboration avec Aimé Barelli
En 1940, elle rencontre le trompettiste de jazz et arrangeur Aimé Barelli (1917-1995), qui devient son compagnon et son meilleur collaborateur, composant pour elle des chansons mises en paroles par le grand parolier Henri Contet[8].
Années de l'Occupation
En 1941, elle chante Le paradis perdu avec l'orchestre de Raymond Legrand[6] et produit sur la scène de l'Alhambra[8].
Léon Agel et Émile Carrara en 1942 proposent à Lucienne Delyle Mon amant de Saint-Jean[9], « chanson nostalgique [...] relevant du pur réalisme – une jeune femme rencontre un souteneur dans un bal ». Elle fait de cette valse musette un des plus grands succès des années d'Occupation, non sans susciter des jalousies chez ses consœurs, telle Édith Piaf qui dissuade ses compositeurs de travailler pour la nouvelle venue[3].
La chanson passera la barrière du temps[5],[10], étant classée no 5 dans la « liste des plus belles chansons de tous les temps interprétées par des femmes » dressée par la Fnac en 2005[11].
En 1943, elle se produit à Bobino accompagnée par l'orchestre de son amant Aimé Barelli : en quittant la salle, faute de taxis, ils prennent le métro, des voyageurs les reconnaissent et leur chantent en chœur Mon amant de Saint-Jean[13].
En 1944, elle fait un tabac avec Malgré tes serments, adaptation française par Henri Christiné de I wonder Who's Kissing Her Now, de Joe E. Howard, Harold Orlob, Frank Adams et Will Hough (1909)[6].
Années de l'après-guerre
Blanchie à la Libération par les comités d'épuration[5], elle voit sa carrière s'accélérer.
De sa liaison avec Aimé Barelli, naît, en décembre 1947, une fille qui tentera une carrière dans la chanson sous le nom de Minouche Barelli (1947-2004)[14],[15].
L'année suivante, elle met à son répertoire une des premières compositions de Charles Aznavour (C'est un gars)[7].
La nouvelle Lucienne Delyle
Avec les années 1950, la chanteuse coupe et teint en blond ses longs cheveux et se fait refaire le nez. Ses chansons prennent un tour plus joyeux et le succès est toujours au rendez-vous[7]. En 1950, elle chante J'ai rêvé de vous, en 1952 Ça marche (en duo avec Aimé Barelli), en 1953 Domino[6] et en 1955 Les Orgueilleux et Gelsomina (un de ses plus gros succès).
En 1954, Bruno Coquatrix fait appel à elle, ainsi qu'à son compagnon Aimé Barelli, pour la réouverture de l’Olympia, le jeune Gilbert Bécaud assurant la première partie[16].
Sa carrière décline à la fin des années 1950, en raison d'une leucémie. Elle donne, en novembre 1960, une dernière série de concerts, en compagnie d'Aimé Barelli, sur la scène de Bobino, où elle fait un tabac alors que la profession, constatant le changement radical intervenu dans la musique populaire avec l'irruption des yéyés, prévoyait un four[3]. Toujours en novembre 1960, Aimé Barelli, son compagnon depuis 1944, l'épouse[18].
En 1961, elle enregistre Je suis seule ce soir, reprise de la chanson créée par Léo Marjane en 1941.
Selon Le Dictionnaire universel des créatrices, elle a abordé à peu près tous les genres et tous les styles, de la chanson réaliste à la valse musette, en passant par la chanson sentimentale, la chanson jazzy, parfois teintée d’influences exotiques. « Sa voix langoureuse, son timbre chaud et sa diction précise ont influencé de manière décisive la chanson française de variété. »[5].
Pour Boris Vian, si Lucienne Delyle est au sommet de son art « dans la vraie chanson populaire française », elle est tout aussi talentueuse dans les chansons « de type plus exotique » comme Merci, Ça me suffira, Dans le bleu du ciel bleu[19].
La chanteuse intimiste
Tel critique voit en Lucienne Delyle une « chanteuse intimiste » de cabaret qui, devant un orchestre ou un simple piano, « fait son tour de chant en robe de soirée, sous le feu d'un seul projecteur », spectacle couramment rencontré dans les films de l'époque mais qui frise la perfection avec Lucienne Delyle[6].
L'interprète de chansons de films
Lucienne Delyle a interprété nombre des chansons de films, notamment :
Dans mon cœur - mélodie hongroise (1939), du film Retour à l’aube d'Henri Decoin (1938)),
Le Paradis perdu (1941) (du film Paradis perdu d’Abel Gance (1940)),
Schön war die Zeit (1941) (du film Sérénade de Willi Forst) (1941),
Si toi aussi tu m’abandonnes (1952) (Do not forsake me, oh my darlin', du film Le Train sifflera trois fois, en anglais High Noon, de Fred Zinnemann (1952)),
Sur les quais du vieux Paris, paroles de Louis Poterat et musique de Ralph Erwin (la première version sous le nom Lucienne Delyne avec Gus Viseur et la deuxième sous Lucienne Delyle.
Elle fréquentait la rue Pigalle, paroles de Raymond Asso et musique de Louis Maitrier (reprise après Édith Piaf)
Prière à Zumba, adaptation française par Jacques Larue et musique d'Agustín Lara
Je n'en connais pas la fin, paroles de Raymond Asso et musique de Marguerite Monnot
Si toi aussi tu m’abandonnes, adaptation française par Henri Contet et Max François de High Noon (Do not forsake me), musique de Dimitri Tiomkin, du film Le train sifflera trois fois
Ça marche, en duo avec Aimé Barelli, paroles d'Henri Contet et musique d'Aimé Barelli
C'est la valse à deux sous, paroles de Fernand Bonifay et musique de Guy Magenta
Je pense à toi, paroles de Marc Fontenoy et musique d'Aimé Barelli
Deux petits chaussons, paroles de Jacques Larue, musique de Charlie Chaplin (Terry's Theme, du film Les Feux de la rampe, en anglais Limelight, de Charlie Chaplin (1952))
Merci Paris, paroles de Robert Chabrier et musique d'Aimé Barelli, arrangements de Mario Bua
Merci, adaptation française par Pierre Delanoë et Pierre Havet de L'Edera, musique de Saverio Seracini/Virgilio Ripa (2e prix au Festival de Sanremo 1958)
Tu m'vas, paroles de Monique Dozo et musique de Louis Aldebert
Come prima (Tu me donnes), adaptation française par Jacques Larue de Come prima, musique d'Alessandro Taccani et Agostino Di Paola (également interprétée par Dalida, Henri Salvador…)
↑ abc et dAntoinette Fouque, Mireille Calle-Gruber, Béatrice Didier, Le Dictionnaire universel des créatrices, Illustré par Sonia Rykiel, Éditions des femmes, 5022 pages, fiche de Lucienne Delyle.
↑Michel Dregni, Django : The Life and Music of a Gypsy Legend, Oxford University Paris, 2004, 344 p., p. 167 : « Jacques Larue wrote words to Django's melody, and Lucienne Delyle sang them in her 1942 recording ».
↑Fabien Lecœuvre, Le petit lecœuvre illustré, Artège édition, 536 p. (n. p.) (rubrique « Mon amant de Saint-Jean »).
↑Jacqueline Strahm, Montmartre : beaux jours ... et belles de nuits, Éditions Cheminements, 2001, 300 pages, p. 30 : « On y rencontre [à Montmartre] la chanteuse Minouche Barelli, fille de Lucienne Delyle et Aimé Barelli. »
↑Biographies des principales personnalités françaises décédées au cours de l'année, Hachette, 1964, p. 81 (Fiche de Mme DELYLE (Lucienne).
↑Pierre Perret, A Capella, Cherche Midi, 2011, 328 pages (version Google, non paginée) : « le premier riche plateau qu'offrait Coquatrix : Lucienne Delyle, son mari virtuose trompettiste Aimé Barelli et un jeune chanteur propulsé soudain au zénith du music-hall, une sympathique tornade nommée Gilbert Bécaud. »
↑Boris Vian, La Belle Époque, Le livre de Poche, 2013, 320 p. (livre électronique, non paginé).
↑Sous son vrai nom Jacques Météhen chez Gramophone, ou sous le pseudonyme de John Ellsworth chez Columbia (pour des questions de contrats) (cf. le livret du double CD Le front populaire, Ed. Frémeaux & Associés).
(it) Gianni Lucini, Luci, lucciole e canzoni sotto il cielo di Parigi - Storie di chanteuses nella Francia del primo Novecento), Novara, Segni e Parole, 2014, 160 p. (ISBN978-8890849442)