Fortement lié à la dynastie ottonienne et contemporain de quatre de ses empereurs successifs, il occupe plus particulièrement un rôle de conseiller auprès de l'impératrice Théophano lorsqu'elle assure la régence de l'Empire.
Origines
On connait peu de choses des premières années de Notger sinon qu'il est originaire du duché d'Alémanie ou de Souabe[1] où il est né vers 940[2]. D'après les Annales de Hildersheim(de), Notger serait un bénédictin formé à l'abbaye de Saint-Gall, située en Suisse alémanique, un élément longtemps controversé qui semble désormais digne de foi, notamment dans la mesure où les informations de l'ouvrage, rédigé dans un milieu proche de l'Église impériale et de la Hofkapelle (« Chapelle impériale »), s'avèrent généralement exactes[3].
Une source locale mentionne la présence d'un Notkerus vers 960 au sein « d'un groupe de plus jeunes [moines] qui nourrissent les pères » de l'abbaye[2] et les Annales de Hildesheim rapportent que Notger a occupé l'importante charge de « prévôt » ou prieur claustral, c'est-à-dire d'auxiliaire principal de l'abbé[6].
Il est vraisemblable que Notger, remarqué pour ses qualités, ait ensuite gagné l'école cathédrale de l'archevêque Brunon de Cologne, frère de l'Empereur, puis intégré la Hofkapelle qui était alors un centre formant à la fois les élites administratives et épiscopales du jeune Empire[5], un parcours qui ne dénote pas dans la carrière d'un dignitaire ecclésiastique de l'époque[4].
À la suite de la mort de l'évêque de LiègeÉracle en 971, c'est Notger qui est choisi par Otton Ier pour lui succéder à la tête de ce diocèse au poids stratégique alors considérable. Les motivations de la décision d'y nommer une personnalité étrangère à la région ne sont pas clairement établies[5], constituant peut-être une récompense pour services rendus à l'empereur[N 1].
C'est à Bonn[N 2] que Notger est consacré évêque de Liège par l'archevêque de Cologne Géron[1], le [N 3], le jour même de l'union en Italie entre le prince héritier Otton II et la princesse byzantine Théophano dont Notger deviendra par la suite l'un des proches collaborateurs[7]. Dès le mois de septembre de la même année, l'évêque fraîchement intronisé participe en compagnie de son archevêque-métropolitain Géron au synode convoqué par Otton Ier à Ingelheim en présence de nombreux prélats de l'Empire[7].
En 980, il reçoit d'Otton II un privilège d'immunité générale, « qui fait de l'évêque, sous l'autorité directe du roi, le seul et unique maître de ses terres et de ses possessions : aucun fonctionnaire royal — en d'autres termes aucun comte — n'a le droit de pénétrer dans ces terres “immunisées” pour y exercer la justice, percevoir des impôts ou lever des troupes[9] ».
L'empereur Otton II meurt en 983, son épouse l'impératrice Théophano Skleraina assure la régence pour son fils Otton III. Le roi de Francie occidentale, Lothaire, souhaite en profiter pour faire main basse sur la Lotharingie, dont Liège fait partie.
Afin de prémunir ces visées expansionnistes, l'impératrice est soucieuse de s'assurer de la fidélité de l'évêque Notger. Elle demande au comte de Huy, Ansfrid, de renoncer à sa seigneurie, qu'elle concède ensuite à l'évêché le [10]. L'évêque de Liège portera désormais le titre de comte, ce qui constitue une première dans l'histoire du Saint-Empire[11]. Cet évènement constitue l'acte fondateur de l'État liégeois.
Notger songe à transférer le siège du diocèse de Liège à Huy, qu'il considère comme plus facile à défendre. Il renonce à cette idée en 987[12].
Lorsqu'il ne doit pas s'occuper de grandes tâches politiques ou militaires, Notger se réfugie à Saint-Jean, où il a fait bâtir une maison dans laquelle il partage son temps entre les prières et la lecture, ses activités premières.
Conseiller des ottoniens
Les fonctions de Notger ne s'arrêtent pas à Liège et se développent particulièrement lors de la régence de Théophano.
En 987, la mort soudaine du roi de Francie occidentaleLouis V engendre un conflit de succession entre Charles de Basse-Lotharingie et Hugues Capet. L'archevêque de Reims Aldabéron, partisan d'Hugues Capet, avertit l'impératrice Théophano de l'intention des comtes Eudes de Blois et Herbert de Troyes, partisans de Charles de Basse-Lotharingie, de réaliser un raid militaire depuis le château lotharingien de Chèvremont, près de Liège[N 4], en vue de la faire prisonnière[13]. Notger participe avec l'impératrice à la prise de la forteresse. Cette dernière, ayant régulièrement servi de lieu de révolte de l’aristocratie lotharingienne contre l'autorité du Saint-Empire, est alors démolie[14].
Notger est fortement lié à la dynastie ottonienne, Otton II comme Otton III n'ont pas manqué de profiter de son dévouement pour, par trois fois, l'emmener en Italie : la première fois pour assurer le couronnement de l'enfant en 983, la seconde fois en vue de soutenir le pape Jean XV contre un sénateur en 989, et une dernière fois en 996 afin de vaincre des citoyens crémonais remettant en cause la légitimité de l'empereur. Il soumet toute l'Italie en seize ans.
L'œuvre de Notger à Liège
Riche et puissant, l'évêque est alors en mesure de se lancer dans une politique de grands travaux. La cité de Liège se transforme en chantier et devient rapidement une ville digne du comte-évêque qui la dirige. Il développe le tissu urbain de la ville, ses fortifications, le commerce et l'enseignement. Sous son règne, la ville de Liège est parfois appelée « l'Athènes du Nord ».
Il y a un proverbe liégeois qui dit : « Liège, tu dois Notger au Christ et le reste à Notger ». Cette citation « Notgerum Christo, Notgero cetera debes »[15] est due à un poète contemporain de Notger qui, s'adressant à la ville, glorifie l'œuvre de bâtisseur du premier prince-évêque.
Notes et références
Notes
↑Il est possible que Notger ait participé en compagnie de Géron de Cologne à l'ambassade impériale qui se rend à Constantinople en 971 pour ramener la princesse byzantine Théophano Skleraina qui doit épouser le prince héritier Otton II, cf. Kupper, op. cit. 2016, . 22
↑Outre Cologne, Bonn était, avec Xanten, l'un des trois grand centres religieux de l'archevêché ; cf. Kupper, op. cit. 2016, p.17
↑Cette date est déduite des Annales Lobiensens qui situent la consécration en avril 972, précisément à l'octave de Pâques, le dimanche de la Quasimodo qui correspond pour cette année au 14 du mois. D'autres dates ont pu être proposées, qui essayaient de composer avec une donnée chronologique également avancée par les Annales évoquant le 9e jour des calendes de mai, qui semble fautive. On trouve ainsi parfois la date du 23 avril 971 ; cf. Jean-Louis Kupper, « Leodium (Liège/Luik) », dans Series episcoporum ecclesiae catholicae occidentalis, Series V Germania, t. I : Archiepiscopatus coloniensis, Stuttgart, A. Hiersemann, , p. 66-67
↑Le château était situé dans l'actuelle commune de Chaudfontaine.
↑Jean-Louis Kupper, « La geste des pontifes de l’Église de Tongres, Maastricht ou Liège », dans Jean-Louis Kupper, François Pirenne et Philippe George (dir.), Liège — Autour de l’an mil, la naissance d’une principauté (Xe – XIIe siècles), Éd. du Perron, Liège, 2000 (ISBN978-2871141785), p. 16.
↑Jean-Louis Kupper, « La geste des pontifes de l’Église de Tongres, Maastricht ou Liège », dans Jean-Louis Kupper, François Pirenne et Philippe George (dir.), Liège — Autour de l’an mil, la naissance d’une principauté (Xe – XIIe siècles), Éd. du Perron, Liège, 2000 (ISBN978-2871141785), p. 17.
↑(fr) Chantal du Ry, Huy: histoire d'une ville médiévale à travers ses légendes et ses monuments, CEFAL, 2002, p. 74
↑ a et b(fr) Jean-Louis Kupper, « La geste des pontifes de l'Église de Tongres, Maastricht ou Liège », dans Jean-Louis Kupper, Françoise Pirenne et Philippe George (dir.), Liège. Autour de l'an mil, la naissance d'une principauté (Xe – XIIe siècle), Liège, Éditions du Perron, 2000, p. 15-19
↑(fr) Jean-Louis Kupper, « Notger met la main sur le comté de Huy », dans Jean-Louis Kupper, Françoise Pirenne et Philippe George (dir.), Liège. Autour de l'an mil, la naissance d'une principauté (Xe – XIIe siècle), Liège, Éditions du Perron, 2000, p. 54
↑(fr) Ludwig Falkenstein, « Aix-la-Chapelle et le pays de Liège aux Xe et XIe siècles », dans Jean-Louis Kupper, Françoise Pirenne et Philippe George (dir.), Liège. Autour de l'an mil, la naissance d'une principauté (Xe – XIIe siècle), Liège, Éditions du Perron, 2000, p. 64-67
↑(fr) Claude Gaier, « Art militaire et armement au Pays de Liège », dans Jean-Louis Kupper, Françoise Pirenne et Philippe George (dir.), Liège. Autour de l'an mil, la naissance d'une principauté (Xe – XIIe siècle), Liège, Éditions du Perron, 2000, p. 72-76
↑(la) « Vita Notgeri », dans Godefroid Kurth, Notger de Liége et la civilisation au Xe siècle, t. 2 : Appendices, Paris, Bruxelles, Liège, A. Picard, O. Schepens, L. Demarteau, (lire en ligne), p. 12
Jean-Louis Kupper, Philippe Georgeet al., Liège : Autour de l'an mil, la naissance d'une principauté (Xe – XIIe siècle), Liège, éditions du Perron, (ISBN978-2-87114-178-5)
Godefroid Kurth, Notger de Liége et la civilisation au Xe siècle, Paris, Bruxelles, Liège, A. Picard, O. Schepens, L. Demarteau,
Articles
Philippe George et Marc Sureda i Jubany, « Notger de Liège et Oliba de Vic : une histoire partagée autour de l’an mil », Francia, vol. 49, , p. 27–51 (DOI10.11588/fr.2022.1.102260, lire en ligne).
Jean-Louis Kupper, « Sur les obsèques de l'évêque de Liège Notger (avril 1008) ou le repentir du peintre », Bulletin de l'institut archéologique liégeois, Liège, t. CXXII, , p. 5-9
(en) Robert G. Babcock, « Heriger or Notger ? The Authorship of the "Gesta Episcoporum Leodiensium", the "Vita Remacli," and the "Vita Landoaldi" », Latomus, vol. 68, no 4, , p. 1027–1049 (ISSN0023-8856, lire en ligne, consulté le )
Joseph Daris, Histoire du diocèse et de la principauté de Liége depuis leur origine jusqu'au XIIIe siècle, Liège, Louis Demarteau, , 760 p. (lire en ligne), « La principauté et le diocèse sous Notger », p. 279-314
Sources anciennes
(la) « Vita Notgeri », dans Godefroid Kurth, Notger de Liége et la civilisation au Xe siècle, t. 2 : Appendices, Paris, Bruxelles, Liège, A. Picard, O. Schepens, L. Demarteau, (lire en ligne), p. 10-15
Anonyme, « Libellus supplex serenissimo Principi episcopo Leodiensi Ferdinando Bavaro, Leodii existenti, per capitulum Sancti-Joannis-Evangelistae porrectus, super negotio canonisationis B. Notgeri, etc. », Bulletin de l'institut archéologique liégeois, Liège, t. II, , p. 258-260 (ISSN0776-1260, lire en ligne)
Anonyme, « Actus visitationis capellae et monumenti marmorci, sub turri seu campanili insignis ecclesiae collegiatae Saneti Johannis Evangelistae Leodiensis, pro sepultura corporis beati Notgeri, dïctae ecclesiae fundatoris, comperienda, sub anno a Nativitate Domini millesimo sexentesimo trigesimo tertio factae », Bulletin de l'institut archéologique liégeois, Liège, t. II, , p. 255-257 (ISSN0776-1260, lire en ligne)