Le Luxembourg, qui avait remporté l'édition 1983, se chargea de l’organisation de l’édition 1984[1].
Ce fut la quatrième et la dernière fois que la télévision luxembourgeoise organisa le concours. RTL rencontra des difficultés afin de trouver un endroit suffisamment vaste et finit par se décider pour le Grand Théâtre où s’était déjà tenu le concours en 1973. La salle ne pouvant accueillir qu’un nombre restreint de spectateurs, les places ne furent disponibles que sur invitation. Ainsi, seuls les invités spéciaux, les représentants de la presse et les délégations étrangères purent prendre place dans le public[2].
Pays participants
Dix-neuf pays participèrent au vingt-neuvième concours.
L’Irlande fit son retour et la Grèce se retira de la compétition. Israël avait décidé initialement d'y participer mais dût se retirer, lorsque la date du concours fut fixée le 5 mai, jour de Yom Hazikaron, commémoration nationale annuelle des victimes de guerre israéliennes[2].
L'orchestre prit place dans une fosse, au pied de la scène. Le tableau des votes était situé à gauche. Le pupitre du superviseur fut placé à droite, sous un écran géant. La scène comportait trois podiums de quatre marches. Deux podiums se dressaient de part et d'autre à l'avant et le troisième se dressait au fond et au milieu, délimitant ainsi un espace triangulaire. Les deux podiums avant étaient surmontés d'une arcade comportant deux piliers fixes et quatre piliers mobiles de forme rectangulaire. Le décor était constitué de formes géométriques mobiles : neuf trapèzes (dont trois de couleur rouge), trois carrés (dont un de couleur rouge) et un cercle. Tous ces éléments étaient éclairés de l'intérieur. En outre, quatre caches transparents aux motifs de grille, eux aussi mobiles, permettaient de créer une ligne de fuite dans l'arrière-fond et de le doter ainsi d'une profondeur en trompe-l'œil.
Le programme dura près de deux heures et treize minutes. Il s'agit du plus court depuis l'édition 1974[3].
Pour la toute première fois, la production eut recours à des animations générées par ordinateur, notamment pour l'ouverture et les cartes postales.
La présentatrice de la soirée fut Désirée Nosbusch[2]. Elle était alors âgée de 19 ans. Elle demeure toujours la plus jeune présentatrice de l'histoire du concours[4]. Elle s’adressa aux téléspectateurs en allemand, en anglais, en français et en luxembourgeois. Mais elle ne répéta et ne traduisit que rarement, préférant passer d'une langue à l'autre, parfois au cours d'une même phrase. Elle ouvrit la soirée sur cette déclaration : « L'Eurovision est une institution européenne qui fonctionne parfaitement depuis maintenant trente ans. »
L'orchestre était dirigé par Pierre Cao, qui avait été le professeur de musique de Désirée Nosbusch. Elle en profita pour le plaisanter, en lui disant : « C'est moi ce soir qui vous souhaite de bonnes notes ! »
Les cartes postales débutèrent toutes sur une carte de l'Europe. De chaque pays, sortait ensuite la vidéo l'introduisant. Il s'agissait d'un mélange entre des vues touristiques, des animations générées par ordinateur et des sketches interprétés par un groupe de comédiens baptisé « Les Touristes »[5]. Chaque carte mettait en scène un ou plusieurs stéréotypes du pays participant.
Chansons
Dix-neuf chansons concoururent pour la victoire.
Les représentants suédois étaient en réalité trois frères mormons, d'origine américaine : Per, Richard et Louis. Leur chanson parlait de chaussures dorées qui apportaient la joie et la chance à leur propriétaire. Afin d'illustrer au mieux ce thème, les trois frères portèrent sur scène des bottines de couleur or[6].
La chanson irlandaise avait été écrite et composée par Johnny Logan, vainqueur de l'édition 1980. Interprétée par Linda Martin, elle termina deuxième. Logan et Martin revinrent tous deux remporter le concours, respectivement en 1987 et 1992[2].
La représentante néerlandaise, Maribelle, avait déjà tenté de représenter son pays en 1981[7]. Sa chanson, Ik hou van jou, était donnée favorite par les parieurs mais ne termina pourtant que treizième. Elle fut par la suite reprise par de très nombreux artistes, dont Cilla Black, en anglais, et devint le véritable succès commercial de l'édition 1984[6].
La chanson italienne, I treni di Tozeur, fut l'autre grand succès commercial du concours 1984[2]. Sa prestation fut ponctuée d'un extrait de La Flûte Enchantée de Mozart, interprété par trois choristes[8].
Incident
Pour la première fois de l'histoire du concours, une chanson et ses interprètes furent hués par le public. Il s'agit de la chanson anglaise et du groupe Belle & The Devotions, composé de Kit Rolfe, Laura James et Linda Sofield. La cause de cet incident demeure encore difficile à déterminer. Deux hypothèses sont généralement avancées. Premièrement, une réaction des spectateurs luxembourgeois à des évènements survenus le 16 novembre 1983. Ce jour-là, à l'issue d'un match de football opposant les équipes anglaises et luxembourgeoises, des hooligans britanniques mirent à sac la ville de Luxembourg causant de vastes dégâts et suscitant l'indignation de l'opinion publique luxembourgeoise. Deuxièmement, une réaction des spectateurs à un trucage supposé de la prestation. Il semblerait que seule Rolfe ait réellement chanté. Les micros de James et Sofield seraient demeurés coupés et leur chœur, interprété par trois choristes, dissimulées derrière les piliers du décor[9].
Le spectacle d'entracte fut fourni par le Théâtre Crayonné de Prague. Il consista en un numéro de mime d'un acteur tentant de maîtriser un cheval fait de corde. Le cheval se transforma pour prendre la forme d'un dromadaire et d'un chien. Lorsque la lumière revint sur scène, il apparut que le cheval était en réalité incarné par six autres comédiens entièrement revêtus de noir, qui s'étaient fondus dans le décor.
Coulisses
Durant le vote, la caméra fit de nombreux plans sur les artistes à l’écoute des résultats. Apparurent notamment le groupe Bravo, Linda Martin, Hot Eyes et les frères Herreys.
Vote
Le vote fut décidé entièrement par un panel de jurys nationaux. Les différents jurys furent contactés par téléphone, selon l'ordre de passage des pays participants. Chaque jury devait attribuer dans l'ordre 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10 et 12 points à ses dix chansons préférées. Les points furent énoncés dans l’ordre ascendant, de un à douze[2].
Le superviseur délégué sur place par l'UER fut Frank Naef[2]. Il fut présenté par Désirée Nosbusch comme ayant tout pouvoir. Elle ajouta même : « He can do almost everything with me. Frank, please, don't ! » (« Il peut presque tout faire avec moi. Frank, s'il te plait, non! »). Elle l'apostropha ensuite en français, en le tutoyant : « Frank, ça y est ? On y va ? Ou tu crois que tu dois déjà me stopper pour la première fois ? » Frank Naef lui répondit alors : « Chère Désirée, en réponse à tes aimables paroles, je t'offre le premier circuit, celui de Suède. »
Le vote connut une certaine indécision dans sa première partie, l'Espagne, l'Irlande et le Danemark menant successivement en tête. Mais après le vote du jury danois, la Suède prit la première place et la conserva jusqu'à la fin. Elle fut rattrapée par l'Irlande tout à la fin, poussant Désirée Nosbusch à s'exclamer : « Il commence à faire chaud, ici dedans ! » Ce fut finalement le dernier jury, le jury portugais, qui dénoua le suspense en attribuant deux points à l'Irlande et quatre à la Suède.
Dans la première partie de la procédure, le tableau d'affichage présenta à l'écran un fond de couleur noir. Mais après le vote belge, le fond prit une couleur bleue.
Résultats
Ce fut la deuxième victoire de la Suède au concours[10]. Ce fut également la première victoire du pays dans sa langue nationale et la première victoire au concours d'une chanson en suédois.
Les frères Herreys reçurent la médaille du grand prix des mains de Corinne Hermès, gagnante de l'année précédente. Désirée Nosbusch conclut alors, sur ces mots : « I have to tell you, I've had so much fun, I hope I'll see you again, next Saturday at the same time! Goodnight! » (« Je dois vous dire, je me suis tellement bien amusé, j'espère que je vous reverrai samedi prochain à la même heure ! Bonne soirée ! »). Les Herreys reprirent alors leur chanson, en suédois et en anglais.
(en) John Kennedy O'Connor, The Eurovision Song Contest. 50 Years. The Official History, Londres, Carlton Books Limited, .
Jean-Pierre Hautier, La folie de l’Eurovision, Bruxelles, Éditions de l’Arbre, .
(en) Jan Feddersen et Ivor Lyttle, Congratulations. 50 Years of The Eurovision Song Contest. The Official DVD. 1956-1980, Copenhague, CMC Entertainement, .