Le cabinet du président de la République française constitue l'équipe de conseillers au service du chef de l'État français pour l'assister dans ses prises de décisions.
Mis en place sous la IIIe République, le cabinet du président sera conservé sous la IVe puis la Ve bien qu'aucune règle de droit positif n'en fasse mention.
Composition et fonctionnement
Aucune règle juridique n’encadre la composition et l’organisation du secrétariat général de la présidence, laissées ainsi à la discrétion du chef de l’État. Bien que parfois présenté comme un « gouvernement bis », les moyens du secrétariat général sont dans les faits assez limités, ne possédant ni sources d’information ni moyens d’action propres[1].
Après l'élection de François Mitterrand en 1981, les hauts fonctionnaires ne constituent que le tiers environ des effectifs du cabinet (composé de 34 membres au total), soit « du jamais vu sous la Ve République » ; les énarques représentent quant à eux le quart des effectifs[2],[3].
Sous François Hollande, 35 % des membres ont achevé leur formation à l’ENA, ce qui en fait la formation la plus représentée ; la proportion de femmes a évolué entre 15 % et 25 % et l'âge moyen de 49 ans[4].
Le fonctionnement du cabinet et des services de l'Élysée a fait l'objet d'un audit conduit par un cabinet de conseil, à la demande du président Emmanuel Macron, entre janvier et , pour proposer un nouveau mode de fonctionnement de la présidence. Les travaux se sont achevés quelques semaines avant que l'affaire Benalla éclate[5].
Au , le cabinet est composé de 43 membres, ainsi que de 63 personnes au secrétariat. S’y ajoutent 28 personnes à l’État-major particulier et 688 personnes dans les services, ce qui donne un total de 822 agents exprimés en équivalent temps plein à la présidence[6].
Aucun texte officiel ne prévoit ni l'existence ni les attributions du Secrétaire général au sein de la présidence de la République. De ce fait, son rôle et son influence varient d'une présidence à l'autre[7]. Dans la pratique, ses attributions sont les suivants :
la direction et la coordination des membres du cabinet présidentiel ;
la coordination des décisions présidentielles avec les actions du Gouvernement et de l’ensemble des administrations publiques ;
l’information du président ;
l'annonce de la composition du Gouvernement lors de sa nomination ;
enfin il peut prendre de lui-même certaines décisions dont il estime qu’elles vont dans le sens de la politique du président mais qui ne méritent pas d’être portées à son attention[9].
Directeur de cabinet
À la présidence, le directeur de cabinet a une fonction plus administrative que dans les ministères. En effet, le rôle traditionnel d'un directeur de cabinet est exercé ici par le secrétaire général et les conseillers auprès du président.
Il suit en particulier les questions intérieures, de sécurité, de réforme de l'État ainsi que les nominations des préfets[9].
Certains directeurs de cabinet ont été représentants personnels du président en tant que coprince d'Andorre[10].
Le directeur de cabinet du président de la République est chargé de la gestion interne de la présidence de la République, notamment les questions budgétaires, de ressources humaines et de sécurité[11]. Le directeur général des services, qui dirige les services civils de la présidence (intendance, protocole, audiovisuel, archives, etc.) est sous l'autorité du directeur de cabinet. Cette fonction a existé durant la présidence de Nicolas Sarkozy, et est recréée en 2019[12].
Conseiller spécial et conseillers auprès du président
Les conseillers directs du président sont généralistes et ne sont pas affectés à un domaine particulier. Ils n’appartiennent pas à la hiérarchie organisée autour du secrétaire général, ce qui a pour effet de doubler (voire de concurrencer) le conseil et la source d’information[1].
Conseiller diplomatique
Le conseiller diplomatique et sherpa du président est chargé d'animer la cellule diplomatique qui fournit au chef de l'État des informations sur l'actualité à l'international et la diplomatie française. C'est un diplomate expérimenté. En 2022, Guy Lagache documente l'action d'Emmanuel Bonne et de la cellule diplomatique dans le téléfilm Un président, l’Europe et la guerre[13].
Autres fonctions
Durant une période de cohabitation, le cabinet du président de la République est le dernier organe politique de la couleur politique du président. Les présidents s'appuient alors sur lui pour obtenir des informations sur l'évolution des dossiers traités par le gouvernement[14].
Le chef de cabinet gère l'agenda du président et organise tous ses déplacements. La « chefferie » est constituée en 2017 d’une équipe de direction de quatre personnes, d’une équipe secrétariat-logistique de huit personnes, et du service de la correspondance présidentielle de 71 agents[15].
Certains présidents ont nommé un porte parole. Valéry Giscard d'Estaing a décidé en 1977 que son porte-parole assisterait au Conseil des ministres dans le but d'« améliorer l'information de l'opinion sur les travaux du gouvernement ». Ce ne fut plus le cas au début de l'exercice de son successeur François Mitterrand, mais il fut réintégré dans les séances en 1982. La fonction a existé durant une partie du quinquennat de Nicolas Sarkozy, puis de celui d’Emmanuel Macron.
Les autres collaborateurs du président sont spécialisés dans un domaine des politiques publiques (industrie, écologie, culture, outre-mer, élections, enseignement, etc.) et chargés à la fois de conseiller le président dans ce domaine, d'écrire ses discours ou ses interventions le cas échéant et de superviser l'activité du(des) ministère(s) concerné(s) afin de vérifier qu'il y a cohérence entre les axes politiques définis par le président et leur traduction concrète dans le travail administratif. Par exemple, le conseiller à la justice est chargé de conseiller le président pour tout ce qui touche aux questions judiciaires, aux professions du droit, à la législation pénale et aux prisons, d'assurer la liaison avec le cabinet du garde des Sceaux, d'en suivre le travail et d'en tenir au courant le secrétaire général. Ces conseillers dits subalternes dépendent du secrétaire général et n'ont généralement pas un accès direct au chef de l'État. Le secrétaire général adjoint fait partie de ces conseillers[1].
D'autres sont regroupés sous l'autorité d'un seul au sein de structures informelles. C'est le cas par exemple de la « cellule diplomatique » qui regroupe sous les ordres du conseiller diplomatique une dizaine de conseillers et conseillers techniques chargés des dossiers internationaux et des grandes régions de la planète. Cette cellule diplomatique a été plusieurs fois critiquée et remise en question puisque, à l'instar du secrétaire général de la présidence, elle travaille sur des dossiers relevant habituellement de la compétence du ministère des Affaires étrangères.
Durant le quinquennat d’Emmanuel Macron, il existe une dizaine de conseillers communs au président de la République et au Premier ministre[17].
Statut des membres du cabinet
Depuis les lois relatives à la transparence de la vie publique de 2013, les collaborateurs du président de la République adressent au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts[18]. Depuis 2017, les membres de la famille du président ne peuvent faire partie de son cabinet[19]. Toutefois certains agents sont nommés comme « chargés de mission » sans que cela soit publié au Journal officiel et échappent ainsi à ces déclarations. Cette situation a été régularisée après l’affaire Benalla[20].
Par tradition, les membres de l’équipe diplomatique ainsi que de la chefferie de cabinet, même s’ils ne sont pas diplomates, peuvent disposer d’un passeport diplomatique[21].
À l’occasion de l’affaire des sondages de l'Élysée, un arrêt de la Cour de cassation, rendu le , estime qu’« aucune disposition constitutionnelle, légale ou conventionnelle ne prévoit, [contrairement au président] l’immunité ou l’irresponsabilité pénale des membres du cabinet du président de la République »[22]. En pratique, il pèse sur eux une responsabilité politique de fait mais leur responsabilité pénale s’oppose à la difficulté de la preuve, imputable à la complexité des circuits décisionnels[23].
Les membres du cabinet ont pour la plupart leurs bureaux dans le bâtiment principal du Palais de l'Élysée, à proximité du bureau du président (notamment pour les membres de l'équipe rapprochée ou du pôle politique), mais également dans les annexes de la présidence, rue de l'Élysée, au no 2 pour la cellule diplomatique ou aux no 4 et no 14 pour certains conseillers techniques (le no 14 abritant également les bureaux de l'état-major particulier).
↑ abc et dXavier Magnon, L’organisation particulière du secrétariat général de l’Elysée et du cabinet du Premier ministre : considérations générales et regard particulier sur l’organisation actuelle (lire en ligne)
↑Cyril Graziani, Le premier secrétaire de la République, Fayard, , 234 p. (lire en ligne), p. 75-76.
↑Cédric Pietralunga, « Après l’affaire Benalla, un directeur général des services pour remettre de l’ordre à l’Elysée », Le Monde, (lire en ligne)
↑Ariane Chemin, « « Un président, l’Europe et la guerre », sur France 2 : dans les coulisses du pôle « diplo » de l’Elysée », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑ abcd et eSabrina Tricaud et Émilie Willaert, « Les cabinets de Georges Pompidou à Matignon et à l'Élysée (1962-1974) », Histoire@Politique, no 8, , p. 86 (DOI10.3917/hp.008.0086, lire en ligne).
↑Frédéric Tristram, « Un instrument politique mal assumé ? L'entourage de Valéry Giscard d'Estaing à l’Élysée de 1974 à 1981 », Histoire@Politique, no 8, , p. 87 (DOI10.3917/hp.008.0087, lire en ligne).
Samy Cohen, Les Conseillers du président : de Charles de Gaulle à Valéry Giscard d'Estaing, Presses universitaires de France, , 200 p. (présentation en ligne)