Cette voie porte le numéro VR 27 entre Saintes et Limoges dans la numérotation des voies romaines en France (K. Miller, XIXe siècle)[1].
Historique
La voie a été conçue et construite par Agrippa, au Ier siècle, pour établir une liaison entre Lyon et Saintes. Ainsi, Lyon se trouvait au carrefour de quatre voies : Lyon-Boulogne, Lyon-Cologne, Narbonnaise le long de la vallée du Rhône, et Lyon-Saintes.
Les routes furent laissées sans entretien dès le Ve siècle, mais cette voie est encore très visible, soit recouverte sur certains tronçons par des routes départementales, soit comme chemin rural continuant tout droit à travers champs et bois.
Elle a parfois pris localement le nom de « chemin des Romains »[2] ou Chemin chaussé[3],[n 1].
Puis par les routes départementales 45, 119, 188, 55, 159 et des chemins ruraux entre les tronçons recouverts par les départementales : Coulgens - (… 10 km …) - Basse - 4 km - théâtre gallo-romain des Bouchauds - Saint-Cybardeaux - Rouillac - 4 km - Les Villairs - 6 km -entre Rulle et Herpes- 3 km - Sainte-Sévère - 6 km - passe au nord de Cherves, au Ferry- Chez Trocada - 1 km - Le Chausset - 2 km - Chez Jouannais - 2 km - Pidou - 2 km - Saint-Sauvant - 6 km - Saintes.
Description, étapes
Cet axe routier est presque constamment de direction est-ouest, le plus souvent en ligne droite, depuis Lyon, Feurs (Forum Segusiavorum) et Limoges. Il est plausible que cette voie ait repris en tout ou partie un chemin gaulois préexistant ; il s'agirait donc d'une voie préromaine que les colonisateurs auraient modernisée à l'époque de l'empereur Auguste.
Venant de Limoges, la voie d'Agrippa traverse la Vienne à Aixe-sur-Vienne. Sa connaissance dans cette partie est délicate. Elle passerait légèrement au sud de Cognac-la-Forêt et près de Rochechouart. Des vestiges sont encore visibles à Saint-Auvent, mais il semblerait qu'il ne s'agisse pas ici de la via Agrippa mais d'une voie gallo-romaine secondaire plus tardive, du réseau des viae Vicinalae, réseau secondaire de liaison avec les plus grandes voies romaines[4].
La via Agrippa entre dans le département de la Charente en débouchant sur l'actuelle commune de Chassenon. Celle-ci correspond à l'antique Cassinomagus où se trouvait un complexe gallo-romain monumental, établi entre le Ier et le IVe siècle. La voie desservait cette agglomération antique par le sud.
La voie d'Agrippa traverse ensuite la Graine au moulin de la Soutière, et passe au nord-est de Saint-Quentin-sur-Charente, par des champs appelés encore au XIXe sièclelous chiamps roumis[6]. Sur cette crête (ligne de partage des eaux Loire-Charente) la voie d'Agrippa croisait aussi une autre voie antique sud-nord appelée chemin ferré, allant de Périgueux à Poitiers et qui passait par Nontron, Videix, La Péruse, Charroux[7]. La parcelle cadastrale de ce croisement porte encore aujourd'hui le nom les Chaussades, sur la commune de Suris[8].
La voie passe au nord de Tourriers, par Villejoubert, puis traverse la Charente à Montignac, juste après son croisement près de Saint-Amant-de-Boixe avec une autre voie romaine Périgueux-Poitiers (venant de Bouëx, la Simarde, et se dirigeant vers Mansle, Ruffec et Rom, et appelée localement la Chaussée ou le chemin de Sers[6], ou la Chaussada[13]).
La station suivante, Germanicomagus (orthographiée erronément « Sermanicomagus » sur le document cartographique[14],[15]) était une étape importante, mentionnée sur la table de Peutinger[16]. Le théâtre gallo-romain des Bouchauds ne représente qu'une partie du site qui comprend aussi un sanctuaire avec au moins deux temples, les restes d’un aqueduc, et un ensemble d’habitats qui n’ont pas encore été explorés. La route romaine croisait à cet endroit une voie venant d'Iculisma (Angoulême, au sud-est) et qui se dirigeait sans doute vers Aunedonnacum, l'actuel Aulnay-de-Saintonge[17] (40 km au nord-ouest).
Une voie pavée nord-sud croise, à Herpes, une zone d'implantation franque, comme Rulle et Macqueville qui sont tout proches (1 800 tombes de Francs retrouvées en 1886 le long de ce chemin[19]).
Ensuite, dans son tracé rectiligne jusqu'à Saint-Sauvant en Charente-Maritime, tantôt la voie est recouverte par des départementales, tantôt elle coupe à travers bois, notée sous le vocable chemin des Romains. Elle passe ainsi dans Sainte-Sévère où se trouvent les vestiges d'un camp fortifié qu'on avait pensé romain situé à 150 m au sud de la voie[20], au nord du bourg de Cherves, et traverse l'Antenne au pont de Saint-Sulpice.
De nombreuses villae romaines ont été construites le long de la voie[n 3], ainsi Rouillac devrait son nom à un certain Rullus, qui aurait bâti une villa en bordure de la voie romaine, et Chérac au propriétaire gallo-romain Carius. Il en est de même pour Sonneville.
Ceux des toponymes formés avec un nom germanique indiquent des installations franques au VIe siècle : Macco, installé à Macqueville, Emmo installé à Anville, Bradher installé à Bréville. La présence de ces Francs christianisés explique l'existence, dans l'église d'Herpes, à Courbillac, d'un baptistère du VIe siècle.
Ces bornes étaient numérotées en lieues gauloises, comme dans toute l'Aquitaine, donc la valeur était de 2,44 km ou 2,22 km si romanisées, et non en milles romains comme dans d'autres provinces de l'empire romain où la valeur était de 1,48 km[14],[22],[23].
On peut lire sur la carte : Mediolano Santon.____Avedonaco____Sermanicomago__XIII__Cassinomago__XVII__Ausrito
soient: distance inconnue entre Mediolanum Santonum (Saintes) et Avedonacum (Aulnay), distance inconnue entre Avedonacum et Sermanicomagus, 13 lieues de Sermanicomagus à Cassinomagus (Chassenon), 17 lieues de Cassinomagus à Augustoritum (Limoges), ce qui permet de localiser plus ou moins ces étapes, malgré les erreurs, car d'après Jacques Dassié il faudrait lire : Mediolano Santon.__XVI__Avedonaco__XVII__Sermanicomago__XXII__Cassinomago__XVII__Ausrito
avec 1 lieue = 2,44 km[14]
La station de Sermanicomagus (ou Germanicomagus s'il y a erreur de copiste[14]) serait donc en fait sur cette section, entre Chassenon et Aulnay[n 4]. Jacques Dassié la situe à la Terne[14], l'abbé Michon à Charmé[10]. Le théâtre des Bouchauds (à Saint-Cybardeaux) ne serait donc pas Sermanicomagus. Cette agglomération gallo-romaine, sans doute plus tardive (contemporaine d'Iculisma (Angoulême)) devrait son essor à un rôle de carrefour, étant située à l'intersection d'une voie venant d'Iculisma et de la voie d'Agrippa, mais elle n'est pas encore formellement identifiée.
Les distances de la table de Peutinger, comme d'ailleurs celles des bornes milliaires, sont exprimées en lieues gallo-romaines, comme dans toute l'Aquitaine, et non pas en milles romains[22].
Variante ancienne par Aulnay
En 1840, l'abbé Michon a reconnu cette voie[10], qui se détache de la voie d'Agrippa à Mazières, et dont il reste très peu de traces. Elle était connue sous le nom de Chemin romain dans les communes de Lussac et de Chasseneuil, et des vestiges avaient été retrouvés (pavé, villas), en particulier à la Terne (Luxé) et Charmé où serait situé Sermanicomagus (voir ci-dessus).
↑À rapprocher toponymiquement du lieu-dit le Chausset situé en limite de cette voie au sud de la commune de Saint-Sulpice-de-Cognac.
↑Ce bois est à 39,6 km de Saintes, donc il s'agissait peut-être de la borne 16 ou 17 si la distance était comptée en lieues depuis Saintes.
↑Ces villae étaient réparties de part et d'autre de la voie, légèrement à l'écart de celle-ci (de 300 m à 1 km). Elles sont devenues les villages actuels à partir du Moyen Âge ; et la voie romaine est souvent une limite de commune.
↑ a et bLe passage de cette voie par Avedonacum peut être une simplification graphique sur la carte étirée de Peutinger, car elle fait un détour important entre Limoges et Saintes.
Références
↑« VR 27 », Itinéraires romains en France, (consulté le ).
↑Limite sud de Saint-Sulpice-de-Cognac, dans [Gendron 2006] Stéphane Gendron, La toponymie des voies romaines et médiévales : les mots des routes anciennes, Paris, Errance, , 196 p. (ISBN2-87772-332-1).
↑Delamain, Revue de la société d'archéologie et d'histoire de la Charente, 1890.
↑Christian Vernou, La Charente, Maison des Sciences de l'Homme, Paris, coll. « Carte archéologique de la Gaule », , 253 p. (ISBN2-87754-025-1), p. 138.
↑Louis Maurin, Carte archéologique de la Gaule, Paris, Les éditions de la MSH, , 363 p. (ISBN2-87754-061-8, lire en ligne), p. 138