Atteint de cécité totale à l'âge de sept ans, Ray Charles suit une formation musicale classique dans sa jeunesse. Il se tourne ensuite vers le blues et connaît le succès au début des années 1960 avec des titres tels que Georgia on My Mind ou Hit the Road Jack. On lui attribue alors le surnom de « Genius ». Aux prises avec des problèmes de drogue, il se fait plus rare sur scène durant les deux décennies suivantes, avant de connaître à nouveau un succès international jusqu'à sa mort. En 2010, le magazine Rolling Stone le place second au classement des plus grands chanteurs de tous les temps derrière Aretha Franklin.
Raymond Charles Robinson est né le , en pleine période de la Grande Dépression économique et de ségrégation raciale. Il est le fils aîné de Bailey Robinson, mécanicien travaillant sur les voies ferrées, et d'Aretha (ou Reatha) Williams, métayère qui travaille dans les champs[1]. Sa famille venant d'Albany en Géorgie est très pauvre. Leur père absent multipliant les relations avec les femmes[1], Ray et son frère George sont élevés par Aretha Williams dans leur maison d'enfance à Greenville en Floride, ainsi que par leur seconde mère Mary Jane, ancienne compagne de Bailey Robinson. Ray fait une petite approche du piano avec Wylie Pitman, un patron d'épicerie jouant du piano stride dans le bar de son village[2]. Son frère George se révélera également doué, mais pour les mathématiques[3].
Son enfance est marquée par des traumatismes physiques et psychologiques : à quatre ans, il est atteint d'un glaucome (diagnostic non officiel). Un an plus tard, il est témoin impuissant de la noyade de son petit frère qui n'a que trois ans (cet épisode le marque profondément) dans un baquet d'eau bouillante dont sa mère se servait pour laver le linge[4]. À sept ans, sa cécité est complète et il est placé en pension dans une institution spécialisée pour sourds et aveugles de Saint Augustine, la Florida School for the Deaf and Blind(en) de 1937 à 1945[5]. C'est dans cette école que, neuf années durant, il apprend le braille mais aussi la composition, ainsi que la pratique de plusieurs instruments, dont la clarinette, le saxophone alto et le piano (instrument qu'il ne peut étudier immédiatement car, au moment de sa venue, les effectifs de l'école sont complets). Malgré un enseignement musical essentiellement classique, ses préférences s'orientent rapidement vers des musiques nées dans l'univers afro-américain : le gospel, le blues, le jazz, ainsi que la musique country. Bien que les patients de cet institut soient aveugles, les Noirs et les Blancs restent séparés.
Âgé de 15 ans, il perd sa mère et décide de quitter l'institution. Il se fait héberger par une amie de sa mère à Jacksonville, où il commence à travailler comme musicien. Il tente ensuite sa chance à Chicago, à Orlando, puis à Tampa, où il gagne à peine de quoi survivre en jouant du piano dans des orchestres de danse.
Débuts
À seulement 17 ans, après avoir traversé tout le pays pour s'installer à Seattle, Ray Charles commence à se produire dans les clubs (comme le Rocking Chair) comme chanteur, accompagné de sa propre formation. En 1949, il enregistre pour la première fois sous son propre nom. C'est à cette époque qu'il rencontre Quincy Jones, avec qui il se lie d'amitié, et auquel il apprend à écrire des mélodies. C'est également à cette époque qu'il découvre, avec ses collègues musiciens « le monde de la drogue, la marijuana tout d'abord, puis l'héroïne, très répandue en ville »[6]. Il signe un contrat chez Swing Time Records après avoir rencontré le producteur de Los Angeles Jack Lauderdale et après plusieurs disques avec des succès modestes (la première chanson Confession Blues a un petit succès local)[7], il enregistre Baby, Let Me Hold Your Hand, qui se place dans les premières places des R&B charts en 1951. Il commence alors à forger sa personnalité musicale, s'éloignant peu à peu de ses premières influences, Nat King Cole et Charles Brown. Un style vraiment personnel commence à se dessiner.
Aidé par Atlantic Records, sa maison de disques, qui lui laisse toute liberté de création, Ray Charles va connaître une décennie de succès. Le premier succès qu'il enregistre est The Sun's Gonna Shine Again, produit par Ahmet Ertegün (qui par ailleurs a écrit une chanson connue de Ray Charles Mess Around), son producteur et fondateur d'Atlantic Records. Il compose son premier grand succès I Got a Woman. Viennent ensuite Hallelujah I Love Her So, Drown in My Own Tears, This Little Girl of Mine, Swannee River Rock, The Right Time très bien placés dans les R&B charts. Il faut attendre la sortie de What'd I Say qu'il improvise en 1959 lors d'un concert dans un club de Milwaukee (premier hit dans les pop charts) et The Genius Of Ray Charles, pour que sa notoriété s'élargisse dans de notables proportions.
Confirmation
Fermement décidé à continuer sa percée en direction du public pop, Ray Charles quitte la maison Atlantic pour ABC Paramount en 1959, plus à même de lui offrir une passerelle vers le public blanc.
Néanmoins, Ray Charles doit quand même attendre 1962 et la sortie de son chef-d'œuvre, Modern Sounds in Country and Western Music, pour être écouté par ce public et donc réaliser son rêve. Avec I Can't Stop Loving You côtoyant Hey, Good Lookin, c'est l'éclectisme de l'artiste qui triomphe.
Le grand Ray Charles
Les affaires marchent alors tellement bien pour Ray Charles qu'en 1963 associé à son gérant Joe Adams(en), il monte sa propre société de production « Ray Charles Enterprises » dans ses locaux de l'actuel musée Ray Charles Memorial Library de Los Angeles. Il joue aussi dans le film Ballad in Blue(en) de 1964. C'est aussi un moment où il doit faire face à de gros problèmes de dépendance à l'héroïne, en 1965. Après un petit vide musical dans sa carrière, Ray Charles revient en force en 1966, avec Let's Go Get Stoned. Après quelques chansons aux résultats encore honorables (dont ses reprises de Yesterday et Eleanor Rigby des Beatles), il se fait oublier petit à petit.
Ray Charles continue inlassablement de tourner dans le monde entier à guichet fermé auprès de son public d'admirateurs jusqu'à un âge avancé malgré une désaffection du grand public. Son manager est alors Jean-Pierre Grosz, un Français qui l'a rencontré en 1978[9],[10].
Au début des années 1950, alors qu'il commence à connaitre le succès, Ray Charles se rend à Atlanta pour une seule représentation, en Géorgie, sa terre natale. Il y est accueilli par des manifestants afro-américains, venus manifester contre les lois ségrégationnistes et espérant faire entendre leurs voix auprès du Genius. Ray Charles, apprenant alors que la salle dans laquelle il doit jouer est interdite aux Noirs, décide d'annuler sa représentation au dernier moment[11]. En prenant cette décision forte, Ray Charles prend un risque pour sa carrière et surtout, il apporte un soutien inestimable à la cause des droits civiques, initiés par Martin Luther King et Rosa Parks.
Ce n'est que le , que Georgia on my mind devient l'hymne officielle de Géorgie, après que le gouvernement de cet état lui a présenté des excuses officielles et publiques[12].
Vie privée
Ray Charles voyage beaucoup dans le monde entier, fait de nombreuses tournées et fréquente beaucoup de femmes, notamment de sa troupe. Une de ses chanteuses, Marge Hendricks, tombe enceinte de Ray. Il refuse d'élever le bébé (Charles Wayne), mais il envoie tous les mois une importante somme d'argent pour qu'elle puisse l'élever dans de bonnes conditions.
Il touche aussi à des drogues dures, comme l'héroïne, et en devient dépendant. Refusant de se faire soigner, son état s'aggrave de plus en plus. Il est plusieurs fois arrêté pour possession et consommation d'héroïne : en 1958 à Philadelphie, en 1961 à Indianapolis, en 1964 à Boston. Risquant la prison, il est condamné en 1965 à cinq ans de probation[13],[14]. Le , il fait son entrée au St. Francis Hospital de Lynwood, établissement anonyme près de son domicile, pour subir une cure de désintoxication. Durant ce traitement de choc, il refuse de prendre des produits de substitution qui auraient pu l'aider à mieux vivre son sevrage. Une fois sorti en 1966, il ne touche plus jamais à la drogue jusqu'à la fin de sa vie mais à « la place des drogues illégales, c'est sur l'alcool qu'il jette désormais son dévolu »[15].
Il a aidé financièrement beaucoup d'associations internationales, et chanté dans de nombreux hôpitaux.
Ray Charles a eu 12 enfants de 10 femmes différentes[16].
Il a été marié deux fois : une première fois avec Eileen Williams de 1951 à 1952, avec qui il n'a aucun enfant. Une seconde fois de 1955 à 1977 avec Della Robinson qui lui donne trois enfants : Ray Jr, David, Robert. Ses autres enfants sont[16] : Evelyn Mitchell Robinson, Charles Wayne, Alexandria Bertrand, Reatha Butler, Robyn Moffett, Raenee Robinson-McClellan, Sheila Betts Robinson, Vincent Kotchounian et Ryan Corey Robinson den Bok.
Deux ans avant son décès, Ray Charles créé un trust de 500 000 dollars pour chacun de ses 12 enfants en échange d’accords avec eux, selon lesquels ils renoncent à toute autre réclamation concernant la succession de leur père, sa fortune étant placée dans des fondations (notamment la Ray Charles' foundation) et des institutions bancaires. Malgré cet accord, ses enfants posent des recours devant la justice, notamment en ce qui concerne les droits d'auteur de leur père[17],[18].
Sa vie est racontée dans le film biographique Ray sorti en 2004 et réalisé par Taylor Hackford avec Jamie Foxx dans son rôle.
Mort
Ray Charles meurt à 73 ans d'une cirrhose, le , dans sa maison de Beverly Hills, accompagné de sa famille. Il donnera un million de dollars à chacun de ses enfants et repose au cimetière d'Inglewood en Californie. Le à partir de 22 h, soit une heure après l'annonce de sa disparition, France Info lui rend hommage en diffusant toute la nuit ses chansons, jusqu'à six heures du matin. De même, la radio TSF Jazz à l'époque TSF 89.9 lui consacre une journée entière.
Le lendemain, les titres de la presse nationale française rendent également hommage au « Genius », Libération titrant : « No more Ray », et Le Monde : « Ray Charles, la mort du Genius ». C’est la première fois depuis sa création que le journal Le Monde met en une de son journal la mort d'une personnalité autre que politique. Aux États-Unis, la mort de Ray Charles est quelque peu éclipsée, car elle est annoncée la veille des funérailles nationales du président Ronald Reagan. Ainsi, par respect envers le 40eprésident des États-Unis, il n'y a aucune réaction officielle le lendemain de sa mort. Ce n'est que le jour de son enterrement, le , que George W. Bush rend hommage à « l'un des plus grands artistes américains ».
Ballade en Bleu est un des premiers films où apparaît Ray Charles. Ce film raconte l'histoire d'un enfant aveugle, lui aussi, qui apprend à se débrouiller seul dans la vie, avec Ray Charles comme professeur.
Ray Charles interprète dix morceaux (avec ses Raelettes) dans Blues for Lovers, trois dans The Big T.N.T. Show et un seul dans The Blues Brothers. A Swingin' Affair (1962), est une comédie de Tommy Noonan et Peter Marshall, dans laquelle il interprète What'd I Say.
Il est également un personnage régulier, à la fin des années 1990, dans les dernières saisons de la série Une nounou d'enfer, où il jouait Sammy le fiancé de Yetta.
En 1986, il joue son propre rôle dans l'épisode 17 de la saison 3 de Madame est servie, « Fallait s'y attendre » ; il chante une chanson écrite par le petit ami de Samantha : « Always a Friend ».
Le film Ray (sorti en France le ), de Taylor Hackford avec Jamie Foxx dans le rôle de Ray Charles, retrace sa vie de ses débuts à Seattle jusqu'à la résolution de ses problèmes de drogue à la fin des années 1960. Jamie Foxx, qui incarne Ray Charles, reçoit l'Oscar du meilleur acteur en 2005 pour sa performance. Il dédie son prix à Ray Charles, qui l'avait personnellement choisi pour le rôle. Le film, également nommé dans la catégorie « Meilleur Film », remporte l'Oscar de la meilleure bande-son originale.
↑(en) Jody Rosen, « Here Are Hundreds More Artists Whose Tapes Were Destroyed in the UMG Fire », The New York Times Magazine, (lire en ligne, consulté le )