Dizzy Gillespie se distinguait en particulier par sa trompette au pavillon incliné vers le haut, et il jouait parfois avec une sourdine. Ses joues gonflées à bloc comme celles d'un crapaud, sa joie de vivre et son humour ravageur sont pour beaucoup dans sa popularité auprès du public. En tant que trompettiste, il est considéré par ses pairs comme un virtuose hors normes.
Biographie
Jeunesse et formation
John Birks « Dizzy »[1],[2] est le benjamin des neuf enfants, de James Gillespie, un maçon et un musicien occasionnel, et de Lottie Gillespie[3]. Dizzy apprend le piano dès l'âge de quatre ans, son père dirige en tant qu'amateur un orchestre et lui apprend les bases de la musique[4],[5].
Il commence la trompette à l'âge de 12 ans en autodidacte et parvient à gagner une bourse pour le Laurinburg Institute(en) (Caroline du Nord) où il étudie le piano et la trompette. Il quitte l'institut en 1935 pour rejoindre sa famille qui s'est installée à Philadelphie dans l'état de Pennsylvanie[5]. Après avoir écouté Roy Eldridge à la radio, il décide de devenir un trompettiste de jazz[6].
Débuts
Gillespie commence sa carrière de trompettiste professionnel en étant engagé au sein de l'orchestre de Frank Fairfax(en) où il fait la connaissance de Charlie Shavers, qui comme lui est au pupitre des trompettes et qui lui apprend les solos de Roy Eldridge. C'est au sein de cet orchestre que le pianiste Bill Doggett le surnomme Dizzy (le dingue) du fait qu'il amenait sa trompette dans un sac en papier, au lieu de l'étui traditionnel, et le surnom ne le quittera plus[3].
En 1937, Dizzy quitte Philadelphie pour se rendre à New York, la capitale du jazz, après un essai infructueux au sein de l'orchestre de Lucky Millinder, il est embauché par Teddy Hill pour remplacer Roy Eldridge au sein de son big-band, Roy n'étant pas disponible pour une tournée européenne[7],[3].
La même année, le , il figure sur un premier enregistrement de l'orchestre de Teddy Hill, King Porter Stomp, pour le label Bluebird[8],[9].
De retour en Europe en 1938, Dizzy travaille dans diverses formations ; travaillant pour le big-band de Chick Webb, il fait la connaissance du trompettiste cubain Mario Bauza qui lui fait découvrir la musique cubaine. Lorsque Mario Bauza est engagé par Cab Calloway, avec le soutien de Chu Berry, il persuade ce dernier d'embaucher Dizzy, collaboration qui durera de 1939 à 1941[10],[11].
Dizzy est crédité sur trois enregistrements du Cab Calloway Orchestra(en) : Jiveformation Please / I Ain't Gettin' Nowhere Fast (novembre 1939) pour le label Vocalion Records[12], Pickin' the Cabbage / Paradiddle[13], qui sont ses premières compositions enregistrées (avril 1940) toujours pour le label Vocalion[14], enfin Come On With the "Come On" / A Ghost of a Chance (août 1940) pour le label Okeh Records[15],[16].
En 1941, il est finalement renvoyé à la suite d'une altercation avec Cab Calloway qui n'apprécie guère ses envolées qu'il qualifiait de chinoiseries[17],[18],[5],[19],[6].
Gillespie joue alors dans diverses formations, comme celle de Duke Ellington, et écrit des arrangements pour Woody Herman.
Avec Bud Powell, Charlie Parker ou Thelonious Monk, il fréquente la pianiste et compositrice Mary Lou Williams, qui lui donne des conseils et accompagne cette nouvelle génération de musiciens[20], qu'elle invite à son émission de radio hebdomadaire sur WNEW, Mary Lou Williams's Piano Workshop[21].
Mais en peu de temps, Gillespie ajoute ses propres ingrédients : vitesse d’exécution, acrobaties musicales, harmonies originales. Il développe son propre style et son talent lui rapporte de jolis contrats au sein d’orchestres triés sur le volet. Celui qu’il crée en 1946 rassemble notamment Thelonious Monk, Milt Jackson et John Coltrane.
Naissance du Bebop
Il joue avec Charlie Parker dans des clubs de jazz tels que Minton's Playhouse et Monroe's Uptown House (le berceau du bebop). Ses compositions (Groovin' High, Woody n' You, Anthropology, Salt Peanuts, et A Night in Tunisia) sonnent de manière radicalement différente du swing de l'époque. Un de leurs premiers concerts (au New York's Town Hall le ) est seulement sorti en 2005. Gillespie enseigne le nouveau style à de jeunes musiciens de la 52e rue, dont Miles Davis et Max Roach.
Le groupe se sépare, après un séjour au Billy Berg Club à Los Angeles où le bebop reçoit un accueil mitigé.
Contrairement à Parker, qui aime jouer dans des petites formations et occasionnellement en tant que soliste dans des big bands, Dizzy Gillespie préfère diriger un big band. Il tente l'expérience pour la première fois en 1945, mais le succès n'est pas au rendez-vous.
Après ses travaux avec Charlie Parker, Gillespie mène d'autres petites formations avec des musiciens tels que Milt Jackson, John Coltrane, Lalo Schifrin. Il apparaît également fréquemment en tant que soliste au Jazz at the Philharmonic sous la direction de Norman Granz.
Le 11 mars 1952, Gillespie quitte les États-Unis pour la France. Il est invité par Charles Delaunay pour jouer au Salon du Jazz. Gillespie qui n'a pas d'autre engagement à Paris en profite pour créer son troisième big band. Grâce à ses succès, il peut enregistrer dans les lieux les plus prisés de Paris (comme au Théâtre des Champs-Élysées). En 1953, il revient aux États-Unis après une série de concerts et d'enregistrements.
Cet épisode parisien le conforte également dans son idée de pouvoir être leader de big band. Il sera pendant des années le meilleur ami du trompettiste français Roger Guérin. Il participera au Grand Échiquier, l'émission de télévision de Jacques Chancel, en même temps que le célèbre trompettiste classique Maurice André.
Jazz afro-cubain
Dès la fin des années 1940, Gillespie est impliqué dans le mouvement appelé « musique afro-cubaine ». En 1947, il écrit Manteca avec Chano Pozo et jette ainsi les bases du jazz afro-cubain. En 1956, Gillespie reçoit du département d'État américain la tâche d'aller faire découvrir le jazz en Yougoslavie, au Moyen-Orient et en Amérique du Sud.
Il se convertit au bahaïsme quelques années plus tard et poursuit sa carrière jusqu'au début des années 1990. Pendant cette période, il alterne entre petites formations et big bands, et aide plusieurs jeunes musiciens à faire leurs preuves (Jon Faddis , Danilo Pérez , Antonio Hart , Lewis Nash , etc.).
Vie privée
En 1937, Dizzy rencontre Lorraine Willis, danseuse dans l'orchestre d'Edgar Hayes, ils se marient le , elle devient sa muse et la gestionnaire financière et commerciale de sa carrière, Dizzy dira d'elle « Lorraine knows how to handle money, […] Without her, I wouldn't have a quarter / Lorraine sait comment gérer l'argent […] sans elle je n'aurais pas un sou »[6],[22].
En 1953, il entame une liaison avec la compositrice Connie Bryson, de cette relation naît une fille Jeanie Bryson le qui deviendra une chanteuse de jazz. Dizzy participera à son éducation[23],[24],[25],[6].
Dizzy Gillespie repose au Cimetière de Flushing de New York aux côtés de sa mère Lottie, sa veuve Lorraine Willis Gillespie les rejoint à sa mort en 2004[29],[30]
Un hommage lui est rendu au Cannet, les 2 et , par l'United Nation Orchestra conduit par Paquito D'Rivera et les Jazz Mastersz conduits par Slide Hampton. Lorraine Gillespie assiste à cet hommage ; Paquito D'Rivera interpréta pour la première fois A Night In Engelwood, son hommage personnel à Dizzy[31].
Un buste en bronze de Dizzy Gillespie est en place sur les lieux des concerts, au Cannet dans le jardin du Tivoli[32].
Prix et distinctions (sélection)
1944 : lauréat du New Star Award décerné par le magazine Esquire[3].
1975 : lauréat du Grammy Award, catégorie meilleure prestation de soliste, pour l'album Oscar Peterson And Dizzy Gillespie[33],
1975 - Trumpet Kings at the Montreux Jazz Festival 1975
1977 - Free Ride, composé et arrangé par Lalo Schifrin
Culture populaire
En 1985, dans son titre La Boîte de Jazz, composé comme un hommage aux grands jazzmen américains, le chanteur français Michel Jonasz mentionne le nom de Dizzy Gillespie[43].
Dizzy Gillespie apparaît comme personnage du film d'animation hispano-britannique Chico et Rita (2011).
↑(en-US) Richard D. Smith, « Dizzy's Daughter Has Her Own Career in Jazz », The New York Times, (ISSN0362-4331, lire en ligne, consulté le )
↑(en-US) Claudia Levy, « Jazz Trumpet Titan Dizzy Gillespie Dies », The Washington Post, (lire en ligne).
↑(en-US) Peter Watrous, « Dizzy Gillespie, Who Sounded Some of Modern Jazz's Earliest Notes, Dies at 75 », The New York Times, (ISSN0362-4331, lire en ligne, consulté le ).