Chopin écrit ce nocturne lent, nostalgique, romantique, et émouvant, vers l'âge de 18 ans, alors qu'il est étudiant prodige à la Haute École de Musique de Varsovie, capitale de sa Pologne natale, avant de commencer l'étude de son second Concerto op. 21 de 1829, au moment de ses premiers sentimentsamoureux non déclarés pour la jeune étudiante-cantatrice polonaise du conservatoire Constance Gladkowska(en), qu'il accompagne au piano « J'ai, peut-être pour mon malheur, trouvé mon idéal, je le vénère de toute mon âme. Il y a déjà six mois que j'en rêve chaque nuit et je ne lui ai pas encore adressé la parole ». Pour le musicologue André Boucourechliev « rien n'est plus révélateur de sa personnalité que cette passive contemplation amoureuse ». Chopin fuit alors l'invasion de sa Pologne natale par l'Empire russe du tsar Nicolas Ier, pour s'installer définitivement à Paris, où il devient rapidement un des plus importants pianistes virtuoses et compositeurs de musique classique de la période romantique du XIXe siècle (dont il est un des maîtres). Il termine et peaufine ce nocturne plus tard, à l'automne 1830, lors de son séjour à Vienne en Autriche, avant son arrivée à Paris. Il le dédie et l'envoie alors à sa sœur aînée Ludwika Chopin[2] (sa professeur de composition, de piano, et confidente) avec la dédicace suivante : « À ma sœur Ludwika comme un exercice avant de commencer l'étude de mon second Concerto[3],[4]. » Oublié, et publié pour la première fois en 1870, à titre posthume, plus de vingt ans après la disparition du compositeur, ce chef-d'œuvre est souvent appelé Lento con gran espressione (lent avec une grande expression), du fait de son tempo, ou encore « Reminiscence »[5],[6].
La pièce est notée Lento con gran espressione. Après une introduction mélancolique et douce le thème principal débute à la cinquième mesure avec la main gauche jouant des arpèges en portamento liés à travers toute cette partie, conférant une qualité constante et obsédante à la musique. Le thème glisse alors vers un pianissimo rêveur à la mesure 21 avant de revenir au thème original à la mesure 47 pour terminer sur une tierce picarde. Le thème de la partie du milieu ressemble à celui du premier mouvement du second concerto pour piano de Chopin composé à la même époque.
Cinéma, télévision, musique de film
Ce nocturne est joué dans le film Le Pianiste de Roman Polanski. Il est joué deux fois, jamais en entier, au début et à la fin du film par le protagoniste Władysław Szpilman, aux studios d'enregistrement de la radio à Varsovie, car c'est cet air qui a été joué pour la dernière fois avant l'invasion nazie et qui l'a été pour la première fois à la libération, avec l'hymne. Le nocturne est interprété dans le film par le pianiste polonais Janusz Olejniczak.