En difficulté financière au milieu des années 1930, l'usine Lorraine est nationalisée en et prend le nom de société nationale de construction de moteurs (SNCM)[1], avant d'être reprise par Gnome et Rhône en .
Histoire
La genèse de la société avec la « Société de Dietrich et Compagnie de Lunéville »
L'entreprise est née des conséquences du traité de Francfort de 1871, qui imposa l'annexion de l'Alsace-moselle par l'Empire allemand. En 1879, afin de pouvoir poursuivre ses livraisons aux compagnies de chemin de fer françaises, Eugène de Dietrich (1844-1918) fonde une usine à l'ouest de la nouvelle frontière, à Lunéville en Lorraine. À l’origine, ces ateliers devaient seulement effectuer le montage de wagons. En 1897, devant l’importance qu’avait pris cet atelier, la création d’une société distincte, soumise à la législation française est décidée, elle prend le nom de « Société de Dietrich et Compagnie de Lunéville ». La direction de l’entreprise était assurée par le baron Eugène de Dietrich, secondé à partir de 1890 par ses neveux Adrien de Turckheim, alors jeune ingénieur dynamique et entreprenant, et Eugène de Turckheim.
En cette même année, Eugène de Dietrich, qui fabriquait déjà à Reichshoffen des voitures automobiles, acquit, pour l’usine lunévilloise, le brevet d’Amédée Bollée Fils, sous l’impulsion d'Adrien de Turckheim. Débute alors la construction en série des voitures de ce type, et cette fabrication devait durer jusque dans le courant de l’année 1902. En 1901, lors du salon de Paris, Adrien de Turckheim entre en contact avec Léon Turcat, de Marseille. En , sans consulter sa famille, Adrien de Turckheim signe des accords avec les deux ingénieurs Turcat et Simon Méry (Turcat-Méry), pour la construction de voitures de Dietrich et Cie[2]. L'entreprise emploie quelques années l'ingénieur Ettore Bugatti au début du XXe siècle, à l'initiative d'Eugène de Dietrich.
Transformations pour devenir la « Lorraine-Dietrich »
En 1905, la famille de Dietrich se retire de l'affaire. Le , la Société de Lunéville se transforme en Société anonyme au capital de 5 millions de francs et n'a plus aucune attache avec ses premiers fondateurs. Elle prend le nom de : « SOCIETE LORRAINE des ANCIENS ETABLISSEMENTS de DIETRICH et Cie de LUNEVILLE », plus connue sous l'appellation de Lorraine-Dietrich[3]. Son siège social se situe à Paris, 8, boulevard Malesherbes.
Elle adopte pour marque et emblème la croix de Lorraine, or sur fond bleu. La définition de l’objet social, d’après les statuts, est très large : « construction de wagons, automobiles et tous objets mécaniques pour l’industrie des transports par automobile et autres moyens ».
Les usines
En 1907, une seconde usine est créée, cette-fois en région parisienne, à Argenteuil. Cette usine se spécialise dans la fabrication de voitures de tourisme, les « Lorraine »[4]. L'usine de Lunéville se spécialise dans la production de matériel ferroviaire, mais aussi de véhicules lourds utilitaires et de voitures de course. Elle possède un atelier spécialisé dans la construction de prototypes destinés à concourir dans des rallyes automobiles et les courses d’endurance.
En 1906 et 1907, l'entreprise tente de s'imposer sur le marché européen en achetant la moitié du capital d'Isotta-Fraschini, dont le plus gros modèle, fabriqué avec quelques modifications par Turcat-Méry dans leur usine de Marseille, constitue le haut de la gamme Lorraine. En même temps, une nouvelle société, la « Lorraine-Dietrich Limited », est constituée à Birmingham, en Grande-Bretagne, et acquiert les usines Ariel dans le but de construire le modèle Isotta-Fraschini. Mais la crise de 1909 force la firme lorraine à revendre ses parts en Italie, à liquider la filiale anglaise et à rechercher de nouveaux capitaux. Les nouveaux associés imposent une révision de la gamme de production qui se limite, entre 1909 et 1912, aux modèles Turcat-Méry, remplacés peu à peu, à partir de cette année-là, par de nouveaux types dus à un ingénieur de la maison : une 40 HP, puis une 14 HP et une 20 HP à partir de 1913.
L'accord avec Turcat-Méry est rompu en 1911, Turcat et Méry voulant reprendre leur indépendance. L'entreprise va être dirigée à partir de cette date par Adrien et son frère Eugène. En 1912, le capital de l'entreprise atteint les 6 millions de francs[5].
La guerre puis la faillite
La guerre de 1914 amène la Lorraine-Dietrich à se tourner vers la fabrication de matériel militaire lourd - camions, wagons, blindés (auto-mitrailleuses) - , tandis que les usines d'Argenteuil, sous la direction technique de Marius Barbarou, un ancien de Delaunay-Belleville, étaient consacrées à la fabrication des moteurs d'avions conçus par cet ingénieur.
En 1929, le gouvernement forme la SGA, « Société Générale d’Aéronautique » en fusionnant plusieurs avionneurs autour de Lorraine-Dietrich. Les frères Wertheimer et Félix Amiot, de même que les actionnaires, récupèrent des dividendes impressionnants. Mais en 1934, c’est la faillite. Pour éviter le scandale politico-militaire, l’État autorise Amiot et Bloch à racheter l’entreprise à bas prix. Amiot et les frères Wertheimer la rachètent pour une bouchée de pain. Cet épisode reste peu clair. S'agit-il de toute l'entreprise Lorraine-Dietrich, ou bien de la division s'occupant des moteurs d'avion [6] ?
En 1934, l'usine d'Argenteuil produit des camions sous la licence des camions Tatra. En 1935 sortent les dernières voitures de la marque « Lorraine », avec la 20 CV. Les commandes militaires de camions, de chenillettesLorraine 37L, de véhicules tout terrain prévus pour transporter l'infanterie des nouvelles divisions mécanisées (Lorraine 38L), occupèrent l'entreprise jusqu'en 1939. L'usine de Lunéville se spécialise dans le matériel de chemin de fer, produisant notamment l'autorail Lorraine.
La Lorraine-Dietrich est reprise par l'entreprise Gnome et Rhône en 1941.
Les Lorraine-Dietrich dans les compétitions sportives
Eugène de Dietrich termina personnellement neuvième de Nice-Castellane-Nice en 1899[7].
Le baron Adrien de Turckheim participa entre 1896 et 1905 à plusieurs courses en France et en Europe (il remporte la course de Strasbourg en 1900, finit cinquième de Nice-Castellane-Nice en 1899 et douzième de Paris-Toulouse-Paris en 1900 et, participe au Paris-Berlin en 1901).
Les « Lorraine » ont été engagées dans plusieurs courses automobiles, et ont gagné plusieurs trophées, parmi lesquels (avec podiums notables):
↑Selon Léon Turcat, les administrateurs sont : cinq membres du côté de Turckheim, c'est-à-dire les trois de Turckheim, le marquis de Loys-Chandieu et le comte Hubert de Pourtalès, et de quatre nouveaux, Henri Estier (président de la société « Les ateliers de constructions d'automobiles Turcat, Méry et Cie », fondée en 1899), André Lebon (président des Messageries Maritimes et du Crédit Foncier d'Algérie), Léopold Renouard (vice-président de la Banque de Paris & des Pays-Bas) et Léon Turcat.
↑En 1930, elle couvre 12 hectares et emploie 3500 personnes.
↑Par comparaison, celui de Peugeot s'élève à 20 millions en 1914. Dans les années 1930, il atteint 75 millions de francs.