Le Masque est historiquement la première collection française spécialisée dans le roman policier, publiée à partir de 1927 par la Librairie des Champs-Élysées, créée par Albert Pigasse en 1925[1]. En 1966, la Librairie des Champs-Élysées lance une autre collection, le Club des Masques (qui reprend le nom de la revue publiée de 1932 à 1935), dont la vocation sera de rééditer, sous couverture illustrée, les titres phares du Masque. Plus de deux mille numéros plus tard, les publications dans Le Masque cessent en 2012, la collection étant alors remplacée par Masque poche. En 2019, les éditions Jean-Claude Lattès relancent la collection Le Masque sous de nouvelles couleurs de couvertures (jaune, orange, rouge, vert, bleu).
Historique
L'historique de la collection se décline en quatre périodes[2].
La première est celle de la fondation de la Librairie des Champs-Élysées et, deux ans plus tard, de la création de la collection Le Masque où le premier roman publié est Le Meurtre de Roger Ackroyd par Agatha Christie, qui rencontre un succès bien modeste. Ce n'est que plus tard qu'Agatha Christie devient l'auteur-vedette de la collection, alors qu'Albert Pigasse publie les six ouvrages précédents de l'auteur britannique et obtient un contrat d'exclusivité pour les traductions françaises de ses œuvres. Pour l'heure, la collection connaît des débuts difficiles dans un milieu éditorial parisien qui considère de haut le roman policier, cette forme de récit populaire considérée comme un « sous-genre destiné à des sous-lecteurs »[3]. Mais le succès public va grandissant et des personnalités du monde artistique (Jean Cocteau) et politique (Aristide Briand) plaident en sa faveur, ravis du plaisir procuré par la lecture de certains titres du Masque, une collection qui se démarque par ses romans d'énigme ou d'aventures offerts dans une présentation uniforme et classique. Si les cinq premiers titres publiés en 1927 le sont sous une reliure cartonnée de couleur verte, la collection adopte ensuite une dominante jaune, qui tire sur l'orange dans les années 1970, devenue jaune pâle depuis les années 1980 et jusqu'en 2012. Le célèbre logo, associant un masque noir et une plume, est créé par Maximilien Vox[4], et apparaît dès le numéro 5[5]. Précisons qu'à partir du numéro 1, chaque volume est recouvert d'une jaquette illustrée, abandonnée pour des raisons de rentabilité après le numéro 325.
La deuxième période, ère de prospérité, permet d'étoffer le catalogue de la collection. Outre Agatha Christie, Le Masque accueille en grand nombre des auteurs étrangers qui rencontrent un réel succès (Valentin Williams, J.S. Fletcher, Dorothy Sayers), mais aussi des écrivains français qui marqueront durablement le genre policier (Pierre Véry, S.A. Steeman, Pierre Nord) et, à partir de 1957, Charles Exbrayat, devenu la deuxième locomotive du Masque après Agatha Christie). Dans le souci de découvrir de nouveaux talents, Albert Pigasse crée en 1930 le prix du roman d'aventures, un prix littéraire maison qui sera réservé, dans un premier temps, aux jeunes auteurs de l'Hexagone. À partir de la fin des années 1960, le prix est toutefois élargi à des œuvres venues de l'étranger, le Finlandais Mauri Sariola étant alors le tout premier à décrocher cet honneur pour Un printemps finlandais (1969). Dans les années 1970, la politique éditoriale du Masque se diversifie. Sont alors créées des collections parallèles abordant d'autres genres populaires : espionnage, western, fantastique et science-fiction. Mais peu à peu, la maison s'enlise, en raison d’une politique éditoriale très restrictive qui se cantonne au roman d’énigme bien sous tous rapports, « sans excès de sexe et de violence », s’éloignant de plus en plus des évolutions de la société, qui se reflètent ailleurs dans le roman noir.
La troisième période, celle d'un renouvellement nécessaire et salutaire, se matérialise en 1983 avec l'arrivée de Michel Averlant à la barre de la Librairie des Champs-Elysées, très vite rejoint par Hélène Amalric, qui en sera la directrice éditoriale jusqu’en septembre 2000. Le Masque se divise en deux sous-collections, Les Maîtres du roman policier et Les Reines du crime, dévolues à l'édition de figures reconnues de la littérature policière (John Dickson Carr, Margaret Millar) ou à la réédition des meilleures titres de collections policières défuntes (L'Empreinte, Détective Club, La Tour de Londres) qui comptent plusieurs auteurs de romans policiers de valeur (Josephine Tey, Craig Rice, Patrick Quentin, Austin Freeman, Anthony Berkeley). Elles accueillent les nouveaux auteurs phares étrangers (Ruth Rendell, Reginald Hill, Peter Lovesey, Val McDermid, Philip Kerr, Patricia Cornwell, Michael Nava) et français (Paul Halter, Alexis Lecaye, Michel Grisolia, Fred Vargas, Andrea H. Japp). Pour nombre d’entre eux, la « petite » collection du Masque, qui s’est fortement élargie au thriller et au roman noir, sert de tremplin vers les « Grands Formats » des Éditions du Masque, nouvelle appellation de la Librairie des Champs-Elysées.
Après le départ d’Hélène Amalric, l’ensemble des Éditions du Masque, qui était devenu un département d’Hachette-Livre en novembre 1995, est rattaché aux Éditions Jean-Claude Lattès, appartenant également au groupe Hachette, en 2001. Un grand nombre d'auteurs disparaissent petit à petit du catalogue et les parutions dans la collection du Masque, rebaptisée Le Masque jaune, se raréfient au profit d'éditions grand format et d'une activité accrue de la collection Labyrinthes, vouée au roman policier historique.
En 2012, année où cessent les parutions, Le Masque compte 2540 titres à son catalogue, dont quelques bis et le no 1367 qui n'a jamais été attribué. La liste complète du catalogue de la collection, depuis ses origines jusqu'à aujourd'hui, peut être consultée ci-dessous.
Depuis sa reprise par les éditions Jean-Claude Lattès, la collection est dirigée par Violaine Chivot, remplacée en février 2024 par Constance Trapenard[6].
En 1966 est créé le Club des Masques, collection cadette du Masque, dirigée par Charles Exbrayat. Le premier objectif de l'entreprise est de permettre l'exploitation du riche fonds de titres détenus par la Librairie des Champs-Élysées et de donner une nouvelle visibilité plus attrayante aux piliers de la maison. Elle réédite sous une couverture illustrée Agatha Christie et Charles Exbrayat, offrant ainsi à certains titres une triple exploitation, sous Le Masque, Le Club des Masques et Le Livre de poche. Dans les années 1970, la collection réédite aussi des romans policiers provenant d'autres éditeurs, par exemple des Rex Stout, des Francis Didelot et des Ursula Curtiss d'abord parus chez Fayard.
Au cours des premières années, les couvertures de la collection présentent, sous deux lisérés blancs en en-tête, donnant à lire le nom de l'auteur et le titre du roman, des illustrations colorées et macabres. Dans les années 1970, celles-ci sont remplacées par des photographies sur fond de couleurs vives où, parmi quelques objets du quotidien, se glisse tantôt un poignard ou un revolver, tantôt une fiole de poisson ou une écarlate tache de sang. À l'occasion, la photo inclut un homme ou, plus souvent, une femme. À partir des années 1980, les montages photographiques et les paysages font leur apparition, cependant que les deux lisérés blancs disparaissent pour faire place à des en-têtes apposant en couleurs pastels le nom de l'auteur et le titre sur le haut du cliché.
En 1998, Le Pique-nique du crocodile de Serge Brussolo, le no 647, est le dernier nouveau titre à paraître dans le Club des Masques. La collection subsiste encore quelques années grâce à une activité de rééditions. Pendant cette ultime phase qui va de la fin des années 1990 au milieu des années 2000, des jaquettes blanches ou d'une couleur vive offrent une illustration incrustée au centre de la une entre le titre de l'ouvrage, au bas, et le nom de l'auteur (Agatha Christie, Exbrayat, Brussolo) largement étalé sur le tiers supérieur. La collection a depuis cessé de paraître. La liste des titres publiés peut être consultée dans la colonne de droite du tableau de la liste des ouvrages publiés dans le Masque, dont le lien se trouve ci-haut.
Masque poche (2012-2018) et renaissance de la collection Le Masque (depuis 2019)
En 2012, les Éditions du Masque mettent fin aux parutions dans Le Masque et dans les autres collections policières apparentées, dont Labyrinthes, spécialisée dans le roman policier historique, pour les regrouper dans une nouvelle collection de poche baptisée Masque poche. Depuis sa mise en marché, à la fin de 2012, la nouvelle collection reprend pour l'essentiel le fonds de l'éditeur à l'exclusion des romans d'Agatha Christie qui paraissent dans une collection indépendante.
Le Masque en couvertures, dans « LE ROCAMBOLE, bulletin des amis du roman populaire » Numéro 3, vol. broché 140x200, 176 pages, paru au printemps 1998
Derrière le Masque, 1927-2007, collectif, 128 pages, 220 x 280, Éditions Terre de Brume, 2008. Regroupe l'intégralité des 325 jaquettes illustrées de la collection publiées entre 1927 et 1944.
↑Cette historique ne concerne que la collection principale presque exclusivement consacrée au roman policier. Le succès de la collection pousse toutefois Albert Pigasse à créer des collections-sœurs pour toucher d'autres genres populaires avec, notamment, le Masque-Western, le Masque-Espionnage, Aventures et légendes de la mer, ou encore, la série Émeraude pour les récits d'aventures. Voir Jacques Baudou et Jean-Jacques Schleret, Le Vrai Visage du Masque, Volume 2, Paris, Futuropolis, 1985, 316 p.
↑Anne Martinetti, Le Masque. Histoire d'une collection, Paris, Encrage, 1997, p. 8