Fils d'Aleksander Kulmer (1890-1964) et de son épouse née Edeltrud Bopp von Oberstadt (1892-?), Ferdinand Kulmer est issu d'une famille aristocratique - son aïeul, le baron Franjo Kulmer(hr) (1806-1853) était une personnalité influente de la Cour de Vienne - et fortunée: sa naissance au Cap Martin, ses études secondaires géographiquement disséminées, s'expliquent par un patrimoine parental où, outre le Kulmerovi dvori (« le château des Kulmer » de Zagreb)[1], les résidences secondaires vont de la Croatie (avec le château de Cernik[2]) à la Côte d'Azur, l'Autriche et la Hongrie.
Les études secondaires du jeune Ferdinand Kulmer s'effectuent ainsi successivement à Budapest, Karlsburg et Nova Gradiska. Il accompagne ses parenrs dans des villégiatures qui lui offrent une avant-guerre encore heureuse: une croisière en Méditerranée en 1938 suivie en 1939 d'un périple américain (New York, Chicago, Detroit, Washington). Il est en 1942 l'élève de Burghardt Rezső(hu) à l'Université hongroise des beaux-arts de Budapest et, en 1945, contraint de regagner Zagreb avec l'entrée des troupes russes dans la capitale hongroise[3], de Omer Mudjadžić(hr) et Ljubo Babić(en) à l'Académie des beaux-arts de Zagreb, pour entrer en 1948 à l'école de peinture du peintre Đuro Tiljak(hr). Il travaille dans l'atelier de Krsto Hegedušić de 1950 à 1957[4].
Ferdinand Kulmer, devenant en 1957 membre du Groupe Mars avec qui il entame un cycle d'expositions itinérantes, complète alors ses études par des séjours à Venise, Rome et Florence[5]. Il est ensuite professeur à l'Académie des beaux-arts de Zagreb, successivement en tant qu'assistant de Krsto Hegegušić en 1961, professeur adjoint en 1964, professeur agrégé en 1969 (année où il entre à la Galerie Forum avec une exposition personnelle), professeur titulaire de 1975 à sa retraite professorale en 1990 où il est reçu membre de l'Académie croate des sciences et des arts.
Ferdinand Kulmer décède en et repose dans le caveau familial, dans la crypte de l'église Saint Mirko (en croate: Svetog Mirka[6]) à Zagreb. On retient qu'Edo Murtić et lui demeurent « les premiers artistes croates à s'être aventurés dans les courants d'avant-garde européens et américains de l'abstraction lyrique, de l'art informel et de l'expressionnisme abstrait »[7]. Comme l'observait Miodrag B. Protić, directeur du Musée d'art contemporain de Belgrade, ils sont ensemble les représentants de « cette peinture d'action qui identifie le geste extérieur purement physique au geste intérieur et moral, en notant sur le séismographe de l'acte physique les palpitations de l'extase intérieure »[8].
Œuvre
Les plus anciens tableaux répertoriés de Ferdinand Kulmer, figuratifs, révèlent une influence de l'École de Paris, notamment Henri Matisse et Raoul Dufy. Vers 1955, il trouve sa propre voie en commençant à désagréger les formes et à isoler des fragments de figuration sur des surfaces de matière-lumière qui, progressivement, vont se transformer en rythmes colorés - « Ruzicasto Smede (rose brun) » - rapprochant son art du dripping et l'orientant à partir de 1965 vers une pure abstraction lyrique, d'abord librement gestuelle, suggérant une parenté picturale avec Hans Hartung ou Pierre Soulages, pour se structurer dans les années 1970, énonçant une relation réfléchie de notre artiste avec le signe calligraphique[4]. « Des créations d'espaces hautement colorés qui rayonnent d'un enchantement incantatoire de la plus heureuse euphorie tant artistique qu'esthétique » observe alors Michel Tapié[9].
Ferdinand Kulmer revient en 1983 à la figuration avec une peinture allégorique, nous proposant un univers peuplé de personnages mythologiques et d'animaux fabuleux[4], s'auto-définissant comme « néo-expressionniste » tout en offrant à Natasia Ivancević de le voir incarner « l'aile maniériste des trans-avant-gardistes »[10].
Expositions
Personnelles
Galerie d'art contemporain, Zagreb, .
Galerie Raymond Creuze, Paris, 1959, 1963, 1964.
Centre international de recherche esthétique, Turin, 1969.
Galerie Forum, Zagreb, 1969, 1979, février-, novembre-, janvier-[11].
Exposition U.L.U.H. (Assosiation croate des artistes d'arts plastiques), Zagreb, 1953.
Exposition des artistes de l'atelier de Krsto Hegedusic, Zagreb 1954, Opatija 1955, 1956, 1957, Belgrade 1956, Ljubljana 1958, Dubrovnik 1961, Dubrovnik (Musée d'art Moderne) 1966.
Les artistes croates du XXe siècle, Musée municipal de Varaždin, avril-[15].
Réception critique
« Chacune des expositions de Ferdinand Kulmer est une nouvelle confrontation entre la peinture croate et une dynamique personnelle qui defie les tendances collectivement reconnues. Jerko Ješa Denegri(en) considère Kulmer comme un paradigme de peintre pour qui la peinture est un métatexte. Appliquant le jugement de Heidegger sur Hölderlin, Kulmer est le peintre d'un peintre reflétant le destin de la peinture. Sa méta-peinture non conceptuelle se trouve dans son élément naturel quand le peinture est elle-même sujet. Des phénomènes fantasmagoriques apparaissent dans les œuvres récentes de Kulmer (1988, n.d.l.r.). Ses Ganymède, Grâces, griffons, cynocéphales, licornes, sirènes et gorgones ne seraient pas si impressionnants s'ils n'étaient pas les fantasmes de la peinture même. Le pouvoir métamorphique de Kulmer est concentré sur l'association du divin et de l'humain, du beau et du bestial, du spirituel et du matériel. Quant aux références picturales, Kulmer n'est pas dans la manie des citations des post-modernistes, mais évoque à l'encontre une harmonie qui se situe au carrefour des œuvres médiévales, du maniérisme et de l'Art nouveau - périodes stylistiques fortement empreintes d'autoréflexion picturale. »
Seljacka buna 1573 (La révolte paysanne de 1573), film de Vatroslav Mimica (version en langue anglaise: Anno Domini 1573), costumes de Ferdinand Kulmer, 1975.
Covjek koga treba ubiti, film de Veljko Bulajic, costumes de Ferdinand Kulmer, 1979.
Philatélie
Timbre-poste émis par la Poste croate le : Le jardin de Pégase (tableau de 1981) de Ferdinand Kulmer, en feuille de six timbres de 5,00 HRK, dimension unitaire du timbre: 42,6x35,5mm. Lithographie offset, 100.000 exemplaies, Imprimerie Zrinski, Cakovec[29],[30].