Charles Hamilton Houston est le fils de William LePré Houston, un avocat et enseignant, et de Mary Ethel Hamilton Houston, une enseignante puis coiffeuse. Les parents de Charles veillent à lui donner une éducation ouverte à la culture en l'emmenant aux concerts, au théâtre, et lui font donner des cours de piano[1],[2],[3],[4].
Le , il prend le train pour entrer au Amherst College dans le Massachusetts, il est le seul étudiant afro-américain de la promotion 1915 qui obtient le Bachelor of Arts (licence)[7]. Ayant fini major de sa promotion, conformément à la tradition, il grimpe dans la tour de la chapelle Johnson du Amherst College pour y graver les initiales de son nom suivies de l'année de sa promotion : CHH.15[8],[4].
Durant ses études, il est accepté à la prestigieuse fraternité étudiante Phi Beta Kappa[9],[10],[3].
Durant sa période militaire, Charles constate les injustices liées au racisme, les officiers blancs méprisent les officiers afro-américains, ces derniers ne sont pas admis au mess des officiers, même sur le front, ils doivent utiliser des douches et des latrines ségréguées et toute relation avec des femmes blanches est prohibée. Ces diverses expériences contraires à la fraternité des armes a renforcé la détermination de Charles à combattre les injustices raciales[12],[4],[7].
En février 1919, Charles retourne aux États-Unis. Il prend le train pour rejoindre Fort Dix, lui et un autre officier afro-américain se rendent au wagon-restaurant pour manger, leur table est à proximité d'un homme blanc, celui-ci demande scandalisé à ce que le serveur place ces noirs à une autre table. Ce dernier épisode montrant le peu de cas que les blancs faisaient de leurs compatriotes noirs qui avaient combattu pour la nation. En avril 1919, Charles Houston est démobilisé et déclare : « Mon champ de bataille est en Amérique, pas en France[4]. ».
De retour à Washington, il est comme d'autres Afro-Américains effrayé par les injustices liées aux émeutes sanglantes, dites de l'Été rouge, organisées par des suprémacistes blancs contre les Afro-Américains et qui atteignent leur paroxysme par le massacre d'Elaine des 30 septembre et 1er octobre 1919. Les injustices flagrantes des procès qui s'ensuivent décident Charles à poursuivre des études de droit afin de combattre l'injustice par le droit ; pour cela il se présente à l'Université Harvard, grâce à son passé scolaire brillant, il est accepté à la faculté de droit de Harvard où il obtient son Bachelor of Laws (licence) en 1922, puis son doctorat en droit en 1923 sous la direction de Felix Frankfurter qui est pour lui son mentor. Il est le premier afro-américain à écrire des articles au sein de la Harvard Law Review[13]. Puis il part étudier le droit civil à l'université de Madrid en 1924[14]. Quand il rentre aux États-Unis, c'est avec le projet d'en finir avec les lois Jim Crow[4].
Carrière
De retour d'Espagne, Charles rejoint le cabinet de son père pour s'occuper d'affaires de droit civil[15].
Charles donne également des cours de droit à l'université Howard. En 1929, Mordecai Wyatt Johnson(en), premier président afro-américain de l'université Howard, nomme Charles directeur de la faculté de droit, poste qu'il occupera jusqu'en 1935[1],[15]. il répète à ses élèves qu'ils ont le choix : « un avocat est soit un fabricant d’ingénierie sociale, soit un parasite qui vit sur le dos de la société » (a lawyer’s either a social engineer or he’s a parasite on society). Un bon ingénieur social, selon Charles Houston, est un avocat qui utilise ses connaissances juridiques pour améliorer le sort des citoyens les plus mal lotis de la nation. Charles Houston focalise son action et ses recherches juridiques sur les questions de l'égalité raciale. Il est persuadé que le combat pour l'égalité des droits civiques se gagnera dans les cours de justice[5],[4]
Il conduit une enquête sur le taux des avocats afro-américains dans le Sud, il constate un déficit massif, aussi il fait de sorte que l'université Howard forme et envoie le plus possible d'avocats dans le Sud[4]
Durant cette période il plaide différents cas devant la Cour suprême des États-Unis (Cf. paragraphe suivant).
Sa première plaidoirie concerne George Crawford, un Afro-Américain, accusé d'avoir volé et tué deux femmes blanches, il réussira à faire admettre un doute raisonnable auprès des membres du jury quant au double meurtre, sauvant Crawford de la peine capitale[16].
En 1935, il s'oppose aux partisans de W.E.B. Du Bois qui veulent un développement séparé ne devant rien aux blancs, alors que Charles est pour un combat commun avec les blancs victimes des inégalités sociales[17].
Les recours déposés à la Cour suprême des États-Unis
Charles Hamilton Houston a déposé ou défendu plusieurs cas devant la Cour suprême, les succès de ses plaidoiries ont préparé l'arrêt de la Cour suprême Brown v. Board of Education puis le Civil Rights Act de 1964 :
1935 : Hollins versus State of Okklahoma, remettant en cause la composition d'un jury entièrement blanc pour juger un Afro-Américain, Jess Hollins[18],[19],
1938 : Hale v. Kentucky(en), un cas où la Cour suprême annule la condamnation d'un Afro-Américain, Joe Hale, accusé de meurtre parce que le procès avait systématiquement exclu les Afro-Américains du jury. La décision a été prise à l'unanimité au motif que les droits civils du demandeur avaient été violés. Charles H. Houston était assisté de Thurgood Marshall, avocats mandatés par la National Association for the Advancement of Colored People, pour représenter Joe Hale[20],[21].
1944 : Steele v. Louisville & Nashville Railway Co.(en), ce cas oppose Bester Steele, un employé de la Louisville and Nashville Railroad, au syndicat des conducteurs et chauffeurs de locomotive, syndicat majoritairement blanc ; ce syndicat, décide de façon unilatérale une modification de la convention collective bloquant les promotions des chauffeurs afro-américains vers des postes de conducteur de locomotive et de limiter le nombre des chauffeurs afro-américains à pas plus de 50% du personnel. La Cour suprême a ordonné que les syndicats devaient représenter l'ensemble des salariés de leur branche sans distinction de race[26],[27]. Ce cas est accompagné la même année du cas Tunstall v. Brotherhood of Locomotive Firemen and Enginemen(en) qui oppose Tom Tunstal, un chauffeur de locomotive de la Norfolk Southern Railway au syndicat Brotherhood of Locomotive Firemen and Enginemen(en) / Fraternité des chauffeurs et conducteurs de locomotive qui refusait l'admission en son sein de chauffeurs ou d’employés ferroviaires au prétexte de leur race. La Cour suprême arrête que tout syndicat, tout interlocuteur représentant les travailleurs dans l'élaboration des conventions collectives se doit d'accepter en son sein les salariés en dehors de toute discrimination raciale[28],[29],[30].
1948 : Hurd v. Hodge(en) qui oppose un couple d'Afro-Américains, James et Mary Hurd, à Frederic et Lena M. Hodge, propriétaires blancs d'une maison de la Bryant Street, située dans le quartier Northwest de Washington, qui exigent que les familles afro-américaines de la rue s'en aillent. Les deux familles sont propriétaires de maison appartenant à un ensemble immobilier créé par la Middaugh and Shannon Company en 1905, comportant 20 maisons entre le 114 et le 130, Bryant Street. Les Hodge s'appuyaient sur une clause restrictive de vente datant de 1905 qui interdisait la vente ou la location de ces maisons à des Afro-Américains sous peine d'amende et d'expulsion. Depuis les maisons ont changé de propriétaires et les agents immobiliers par négligence ou par spéculation ont omis la clause, c'est ainsi que le , la famille Hurd achète une maison au 116 Bryant Street, et sont les premiers afro-américains du quartier soulevant l'ire des Hodge. Charles Hamilton Houston assisté de Phineas Indritz(en) représente les Hurd. La Cour suprême, en s'appuyant sur le quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis arrête qu'aucun contrat ne peut contenir de restrictions basées sur la race ou la couleur et donc maintient les Hurd dans leurs droits à demeurer dans la Bryant Street[31],[32],[33],[34]. À la même date le , la cour suprême rend un arrêt concernant le cas Shelley v. Kraemer(en), où Charles H. Houston, Thurgood Marshall et Loren Miller (judge)(en) prennent la défense de la famille Shelley, des Afro-Américains, contre les Kraemer et d'autres propriétaires blancs qui s'opposaient à ce que des Afro-Américains puissent acquérir des logements dans leur voisinage, cela au nom de clause restrictive. Le président de la Cour suprême Fred M. Vinson, en s'appuyant aussi sur le quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis, arrête que tout contrat ou convention possédant des clauses restrictives fondé sur la race sont une violation de la Constitution des États-Unis et donc déboute les Kraemer et maintient les Shelley dans leurs droits[35],[36],[37],[38].
Vie privée
Le , il épouse Margaret Gladys Moran, ils divorcent en 1937[5],[4].
Le , il épouse Henrietta Williams, ils ont un enfant, Charles, Jr.
Charles Hamilton Houston est passé à la postérité comme « l'homme qui a tué les lois Jim Crow »[43] qui a ouvert le chemin aux autres grandes figures de l'égalité des droits, comme par exemple, Daisy Bates et Thurgood Marshall, qui mettront fin à discrimination dans le système éducatif américain de la maternelle aux universités.
En 1955, se crée la Charles Houston Bar Association (Association du barreau Charles Houston), en l'honneur de Charles Houston Hamilton, association qui a pour but de faciliter l'accès de juriste afro-américains à différents barreaux sur le territoire des États-Unis[44].
Charles Ogletree(en), professeur de l'université Harvard, lance en septembre 2005 l'Institut Charles Hamilton Houston pour la race et la justice au sein de la Faculté de droit de Harvard, institut qui a pour vocation de veiller à ce que tous les membres de la société américaine bénéficient d'un accès égal aux droits d'accès aux services, aux emplois, aux responsabilités et avantages des citoyens des États-Unis dans le contexte d'une société multiraciale. L'Institut sert de pont entre la recherche, le droit, les politiques et la pratique[47],[48].
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: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Notices dans des encyclopédies et manuels de références
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