Une bonne ville est, dans la France de l'Ancien Régime, une ville bénéficiant de privilèges et de protections octroyées par le roi de France, assorties de l'obligation de contribuer au ban royal en fournissant un contingent d'hommes d'armes.
Les bonnes villes avaient le droit de porter des armoiries avec « un chef d'azur portant trois fleurs de lys d'or » (armes de France). Certaines d'entre elles, comme Marseille, Rennes ou Avignon, choisirent de ne pas l'inclure dans leur blason.
Les relations entre le roi et une bonne ville peuvent prendre plusieurs formes :
dépendance administrative : le roi contrôle le gouvernement de la ville en vérifiant les magistrats et conseillers choisis. Il n’est pas dans son intérêt d’imposer un contrôle trop fort, et les bonnes villes sont trop nombreuses pour qu’il puisse le faire, mais il a intérêt à ce que les villes soient bien gouvernées et lui restent fidèles.
fiscalité : en cas de besoin, la guerre par exemple, les bonnes villes sont tenues de contribuer à l’effort public.
dépendance financière : les finances urbaines étant souvent fragiles, le roi contrôle les comptes des villes pour éviter les crises et garantir une économie urbaine prospère.
aides royales : en cas de besoin précis, le roi peut apporter son aide ; c’est notamment le cas pendant la guerre de Cent Ans, lorsque le roi finance les fortifications des villes les plus menacées par les combats.
Le statut prend une importance croissante à la fin du Moyen Âge, à tel point que les villes qui ne bénéficient pas de cette qualité se battent pour l’obtenir. Les bonnes villes sont très nombreuses, mais aucune liste officielle n’a été établie.
La bonne ville : un système de relations
Il faut tenter d'approcher la bonne ville autrement que par une étude étroitement institutionnelle. G. Mauduech déclare que la bonne ville n'a jusqu'alors été envisagé que dans ses rapports avec la royauté ou d'un point de vue strictement institutionnel. Selon lui, "l'erreur de l'historien jusqu'à présent est d'avoir voulu considérer la bonne ville du point de vue du roi ou d'y plaquer coûte que coûte une définition juridique"[5].
Bernard Chevalier, quant à lui, caractérise la bonne ville à l'aide d'un modèle d'urbanisation très différent de la ville médiévale (qui, chronologiquement, la précède)[6]. De 1350 à 1550, l'histoire urbaine a connu des crises violentes, suivies d'une consolidation. Ceci s'est traduit par une rupture au sein de l'évolution du fait urbain qui a amené un progrès décisif de l'urbanité. La ville impose ses modèles éthiques à la société, s'affirme comme un état d'âme et non plus seulement comme un lieu d'échange et de production. Une nouvelle page de l'urbanisation a été tournée au cœur des crises du XIVe siècle. Il faut alors considérer la bonne ville qui ne se réduit ni à un fait topographique ou économique, ni à une institution (droit de s'assembler, de juger avec les échevins ou sans eux, de gérer les affaires communes) comme "un système de relations"[7].
Le concept de système suppose que tous les éléments le composant entretiennent des liens mutuels, et ces rapports sont justement ce qui structure le tout ; aussi il évoque l'idée de relation. Dans cette optique relationnelle, le conseil de ville, institution urbaine par excellence, est un reflet privilégié du fait urbain. En effet, il se définit par les interactions qui ont lieu en son sein entre les différentes composantes de la société. Il est une entité relationnelle. Né dans un contexte difficile de guerre (XIVe – XVe siècles), les conseils de ville furent souvent le résultat d'une volonté de défense unifiée chez les habitants comme ce fut le cas à Reims. Cette volonté révèle une prise de conscience d'appartenir à une même entité : la ville. Cette conscience d'appartenir à une même entité ne définit-elle pas d'une certaine façon la bonne ville ? Par exemple, à Reims, si la guerre est à l'origine du conseil de ville, c'est parce qu'elle a unifié l'espace urbain jusqu'alors éclaté en divers bans. Le conseil urbain est à l'image de la ville close, il est un organe politique urbain unifié. Avant lui, le pouvoir municipal était divisé entre plusieurs seigneurs. Bien sûr, ces derniers font sentir au conseil leurs anciens droits et prérogatives. Toutefois, le conseil reste une manifestation d'une nouvelle conception du pouvoir municipal. C'est en cela qu'il est le reflet privilégié du fait urbain. Si l'enceinte est venue contrecarrer l'organisation féodale de l'espace rémois, le conseil, lui, a remis en cause le pouvoir politique féodal. C'est là un fait nouveau qui caractérise la bonne ville. Cette dernière ayant une structure spatiale différente, elle se donne un pouvoir qui puisse la représenter en son entier. C'est peut-être ici qu'est effleurée l'essence de la bonne ville. Le conseil en effet manifeste la prise de conscience des citadins d'appartenir à un même ensemble, à une même entité : la bonne ville[8].
La bonne ville au XIXe siècle
Consulat viager
Sous le Consulat, le sénatus-consulte organique du 16 thermidor an X () prévoit que « le citoyen nommé pour succéder au Premier consul, prête serment à la République, entre les mains du Premier consul [...] en présence [...] des maires des vingt-quatre principales villes de la République ». Par un sénatus-consulte du 8 fructidor an X (), le Sénat conservateur en arrête la liste et l'ordre de préséance[9] :
Sous le Premier Empire, les bonnes villes sont les villes dont les maires ont le droit et le devoir d'assister à la prestation de serment de l'Empereur.
Le sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII () prévoit que, « dans les deux ans qui suivent son avènement, ou sa majorité, l'Empereur [...] prête serment au peuple français sur l'Évangile, et en présence [...] des maires des trente-six principales villes de l'Empire ». Vingt-huit sont actuellement françaises (y compris Nice), et huit sont des villes étrangères annexées. Le décret du 3 messidor an XII () en fixe la liste et leur ordre de préséance[10] :
Le , leurs maires assistent au sacre de Napoléon Ier. Le décret du confère aux maires des bonnes villes, ayant dix ans d'exercice, le titre viager de baron[11].
Les bonnes villes se voient concéder leurs armoiries : Rouen[20] le ; Orléans[21], Metz[22], Nantes[23] et Marseille[24] le ; Anvers[25] et La Rochelle[26] le ; Lyon[27] le ; Angers[28] et Paris[29] le ; Toulouse[30] le ; Cologne[31], Bruxelles[32], Gênes[33], Dijon[34], Gand[35], Turin[36], Liège[37], Aix-la-Chapelle[38] et Tours[39] le ; Clermont-Ferrand[40] le .
Seconde Restauration
Sous la Seconde Restauration, cette dignité fut maintenue aux vingt-neuf bonnes villes de l'Empire situées en France (y compris Montauban et Nîmes, mais sans Nice redevenue étrangère). Onze nouvelles cités s'y ajoutèrent entre 1816 et 1821.
Comparée à la situation sous l'ancien régime, la liste comprend 12 anciens sièges de Parlements sur 13 (excepté Douai), 9 Chambres des Comptes (sans Bar et Nevers), les 9 Cours des Aides (notamment Clermont-Ferrand et Montauban), 21 intendances sur 34 (on note en particulier l'absence de Poitiers), et 1 Conseil supérieur sur 4 (Colmar).
Ces villes avaient le privilège d'envoyer leur maire au sacre du roi – ce qui se produisit effectivement au sacre de Charles X, le – et de mettre un chef fleurdelisé dans leurs armoiries[53].
La monarchie de Juillet, instaurée en 1830, prétendit changer les fleurs de lys contre 3 étoiles d’or, mais cet usage fut éphémère ; il réapparut brièvement sous la Seconde République (1848).
↑MAUDUECH, G., La "bonne ville" : origine et sens de l'expression., Annales E.S.C., 1972, p.1441.
↑CHEVALIER, B., Histoire urbaine en France Xe – XVe siècle, L'histoire médiévale en France. Bilan et perspectives, Seuil, 1972, p.35.
↑CHEVALIER, B., Histoire urbaine en France Xe – XVe siècle, L'histoire médiévale en France. Bilan et perspectives, Seuil, 1972, p. 38.
↑Haramila Boufenghour, Le conseil de ville rémois dans la première partie du XVe siècle à travers son plus ancien registre de délibérations (1422-1436), mémoire de maîtrise dactylographié, Université de Reims, 1995, p.3.
↑Michel François, « Les bonnes villes », Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 119, 1975, pp. 558-559. Une quinzaine d'autres villes, comme Beauvais, Limoges et Poitiers demandèrent sans succès à être ajoutées à la liste.
[S.-C. 26 août 1802] Sénatus-consulte du 8 fructidor an X () qui désigne les villes dont les maires seront présents à la prestation de serment du citoyen nommé pour succéder au premier consul, dans Bulletin des loisde la République française, IIIe série, t. 6, no 210, , texte no 1929, p. 637-638.
[S.-C. ] Sénatus-consulte organique du 24 fructidor an X () portant réunion des départements du Pô, de la Doire, de Marengo, de la Sezia, de la Stura et du Tanaro au territoire de la République française, dans Bulletin des lois de la République française, IIIe série, t. 6, no 214, , texte no 1965, p. 699-701.
[S.-C. ] Sénatus-consulte organique du 16 vendémiaire an XIV () concernant la réunion des arrondissements de Gênes, etc., et les députations à fournir au Corps législatif par les départements de Gênes, de Montenotte et des Apennins, dans Bulletin des lois de l'Empire français, IVe série, t. 4, no 62, , texte no 1093, p. 90-92.
[D. ] Décret impérial du concernant les titres, dans Bulletin des loisde l'Empire français, IVe série, t. 8, no 186, , texte no 3206, p. 177-180.
[S.-C. ] Sénatus-consulte organique du qui réunit à l'Empire français les duchés de Parme, de Plaisance, et les États de Toscane, dans Bulletin des loisde l'Empire français, IVe série, t. 8, no 193, , texte no 3408, p. 321-323.
[S.-C. ] Sénatus-consulte organique du qui ordonne la création d'un nouveau département sous le titre de département de Tarn-et-Garonne, dans Bulletin des loisde l'Empire français, IVe série, t. 9, no 212, , texte no 3884, p. 194-196.
[S.-C. ] Sénatus-consulte organique du portant réunion des États de Rome, etc. à l'Empire, dans Bulletin des loisde l'Empire français, IVe série, t. 12, no 266, , texte no 5168, p. 101-104.
[D. ] Décret impérial du qui met les villes d'Amsterdam et de Rotterdam au nombre des bonnes villes, dans Bulletin des loisde l'Empire français, IVe série, t. 13, no 310, , texte no 5879, p. 180.
[S.-C. ] Sénatus-consulte organique du portant que la Hollande, les villes hanséatiques, le Lauembourg, etc., font partie intégrante de l'Empire français, dans Bulletin des loisde l'Empire français, IVe série, t. 13, no 331, texte no 6163, p. 559-562.
[D. ] Décret impérial du qui élève la ville de La Haye au rang des bonnes villes, dans Bulletin des loisde l'Empire français, IVe série, t. 15, no 399, , texte no 7394, p. 389-390.
[D. ] Décret impérial du qui élève la ville de Nîmes au rang des bonnes villes, dans Bulletin des loisde l'Empire français, IVe série, t. 13, no 426, , texte no 7803, p. 245-245.
Seconde Restauration
[O. ] Ordonnance royale du qui met la ville d'Antibes au rang des bonnes villes du royaume, dans Bulletin des loisdu royaume de France, VIIe série, t. 2, no 75, , texte no 526, p. 332-334.
[O. ] Ordonnance royale du qui met la ville de Cette (auj. Sète) au rang des bonnes villes du royaume, lui accorde des armoiries, et décore du titre de vicomte de La Peyrade (auj. Lapeyre), M. Ratyé fils (Joseph-Marie-Étienne Ratyé), maire de ladite ville, dans Bulletin des loisdu royaume de France, VIIe série, t. 2, no 80, , texte no 597, p. 477-478.
[O. ] Ordonnance royale du qui réintègre Carcassonne au rang des bonnes villes, dans Bulletin des loisdu royaume de France, VIIe série, t. 2, no 82, , texte no 628, p. 669.
[O. ] Ordonnance royale du qui élève la ville d'Avignon au rang des bonnes villes du royaume, dans Bulletin des loisdu royaume de France, VIIe série, t. 3, no 114, , texte no 1147, p. 227-228.
[O. ] Ordonnance royale du qui élève la ville d'Aix (auj. Aix-en-Provence) au rang des bonnes villes du royaume, dans Bulletin des loisdu royaume de France, t. 3, no 119, , texte no 1259, p. 312.
[O. ] Ordonnance royale du qui élève la ville de Pau au rang des bonnes villes du royaume, dans Bulletin des loisdu royaume de France, VIIe série, t. 4, no 128, , texte no 1455, p. 2-3.
[O. ] Ordonnance royale du qui élève la ville de Vesoul au rang des bonnes villes du royaume, dans Bulletin des loisdu royaume de France, VIIe série, t. 4, no 141, , texte no 1803, p. 186-187.
[O. ] Ordonnance royale du qui élève la ville de Toulon au rang des bonnes villes du royaume, dans Bulletin des loisdu royaume de France, VIIe série, t. 4, no 179, , texte no 2975, p. 274.
[O. ] Ordonnance royale du qui élève la ville de Colmar au rang des bonnes villes du royaume, dans Bulletin des loisdu royaume de France, VIIe série, t. 8, no 290, , texte no 6844, p. 727.
[O. ] Ordonnance royale du qui élève la ville de Cambrai au rang des bonnes villes du royaume, dans Bulletin des loisdu royaume de France, VIIe série, t. 11, no 421, , texte no 9926, p. 942-943.
[O. ] Ordonnance royale du qui élève Abbeville au rang de bonne ville du royaume, dans Bulletin des loisdu royaume de France, VIIe série, t. 12, no 441, , texte no 10315, p. 234-235.
[O. ] Ordonnance royale du qui détermine l'ordre suivant lequel bonnes villes du royaume prendront rang, dans Bulletin des loisdu royaume de France, VIIe série, t. 12, no 448, , texte no 10497, p. 370-371.
[Rigaudière 1993] Albert Rigaudière, « Qu'est-ce qu'une bonne ville au Moyen Âge ? », dans Gouverner la ville au Moyen Âge, Paris, Anthropos, coll. « Historiques », , 1re éd., 1 vol., 536, 24 cm (ISBN2-7178-2406-5, BNF35568839), p. 1-51
[Rousseau, Habib et Mérot 2011] Emmanuel Rousseau, Danis Habib et Catherine Mérot, Armorial des villes au XIXe siècle : inventaire des articles BB/29/987, 988, 991 (partiel), 992 (partiel) et BB/29/1081 à 1083, Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales, , 1 vol., 169 (présentation en ligne, lire en ligne).