L'histoire des débuts de l'abbaye est connue grâce à deux textes du XIIe siècle :
La Vita sancti Stephani Obasiniensis, élaborée par un moine de l'abbaye entre la mort d'Étienne de Vielzot en 1159 jusqu'en 1190.
Le Cartulaire de l'abbaye cistercienne d'Obazine donnant l'évolution du patrimoine de l'abbaye entre 1130-1140 et jusque vers 1200.
Fondation
Vers 1125, deux prêtres, Étienne de Vielzot (saint Étienne d'Obazine), et Pierre, viennent de la haute Corrèze pour installer un ermitage à la Manse de Corbières près du village de Vergonzac. Rapidement, les disciples abondent et l'érémitisme fait place peu à peu au cénobitisme, la communauté se transfère alors à Aubazine.
L'évêque de Limoges, Eustache (Eustorge ?), reconnaît la communauté en 1127 et permet la construction d'un monastère sur des terres octroyées par le vicomte Archambault. Un canal d'irrigation, connu sous le canal des moines, est construit afin d'amener l'eau nécessaire à leur monastère, à la vie et à l'hygiène, au fonctionnement des moulins et des ateliers et à l'irrigation des potagers et prairies.
La communauté continuant à croître, le problème de son organisation se pose. La règle la plus proche des objectifs initiaux serait celle des Chartreux. Étienne rencontre en 1135 l'abbé Guigues de la Grande-Chartreuse, mais les effectifs de la communauté sont trop importants pour lui appliquer cette règle. Guigues lui conseille de se rapprocher de l'Ordre cistercien.
Étienne va en fait fonder un monastère double : un monastère d'hommes dont les bâtiments sont situés sur le versant sud de la colline, et un monastère de femmes, au fond du vallon du Coyroux. En 1142, Étienne reçoit l'habit religieux cistercien devant Gérald, évêque de Limoges. Le même jour, Gérald érige Obazine en abbaye — dont Étienne devient l'abbé — et préside à l'installation des religieuses au Coyroux. Les deux monastères sont placés sous l'autorité canonique de l'abbé d'Obazine. Étienne demande à l'abbaye cistercienne de Dalon de leur envoyer des moines pour leur communiquer le mode de vie cistercien.
Il obtient l'affiliation de l'abbaye à l'ordre de Cîteaux en 1147, après avoir soutenu la création d'un monastère de femmes au Coyroux. Étienne donne l'assurance au Chapitre Général de Cîteaux de soumission du monastère de religieuses et la visite des abbés de Cîteaux, de La Cour-Dieu et de Bellaigue. Le nombre de moines ne cessant pas de croître, l'abbaye fait plusieurs fondations.
La première pierre de l'église abbatiale a été posée et bénie « le vendredi d'avant les Rameaux 1156 » à proximité de l'ancien monastère en présence de l'évêque de Limoges Gérald du Cher.
Étienne meurt dans l'abbaye de Bonnaigue, l'une de ses abbayes-filles en 1159.
De 1159 à 1190, un moine de l'abbaye d'Obazine rédige la vie d'Étienne.
Une inscription dans une chapelle donnait une date de consécration de l'autel en 1176. Une autre, refaite au XIXe siècle, précisait que la dédicace de l'autel avait été faite par Guarin de Gallardon, archevêque de Bourges et Gérald, évêque de Limoges.
Géraud Ier (fait rédiger la vie d'Étienne, mort en 1164)
Robert (très actif pour développer Obazine, il fit continuer la vie du fondateur et a, semble-t-il, renoncé à la charge d'abbé vers 1188)
Géraud II de Gourdon, (mentionné par l'auteur de la vie de saint Étienne, encore en fonction en 1204)
Développement
Au XVIIe siècle, l'abbaye compte près de 300 religieux. Des moines bâtisseurs venus de Bourgogne agrandissent le dortoir qui est aujourd'hui le plus vaste bâtiment de l'abbaye. Pour assurer le quotidien de l'abbaye, les cisterciens d'Obazine fondèrent des granges en Limousin et en Quercy. Ces domaines agricoles étaient plus ou moins spécialisés selon leur site d'implantation. Autour de la cité de pèlerinage de Rocamadour, leurs granges fournissaient la ville sainte ou expédiaient leurs productions vers leur cellier de Martel, qui les vendait là ou qui les faisait acheminer vers Obazine. Ce fut une véritable entreprise d'encerclement opérée par Obazine avec des implantations aux Alix, à Calès, à Bonnecoste, à Couzou, à Carlucet, près de Séniergues, puis à La Pannonie.
A la fin du XVIIe siècle- début du XVIIIe siècle d'importantes restaurations et reconstructions ont lieu en particulier l'église, les stalles et les bâtiments monastiques.
En 1731, pour réduire les frais d'entretien, l'abbé commendataire Guillaume Mathurin de Sers fait démolir six travées de la nef, soit 36 mètres sur les 92 ce qui la réduit de presque de moitié.
Le village d'Aubazine, qui possédait son église, serait devenue une commune à la Révolution en 1790, par démembrement de la paroisse de Cornil mais elle ne dispose pas d'un état civil avant le [4],[5]. L'église abbatiale devient église paroissiale.
Le nom d'Obazine est orthographié progressivement en Aubazine vers la fin du XVIIIe siècle prenant son orthographe définitive à partir de 1820[6]… ce qui explique le soin de la célèbre historienne de l'abbaye, Bernadette Barrière, d'utiliser la première orthographe.
1976 voit le huitième centenaire de la consécration de l'abbatiale. Cette même année, commence le début des fouilles archéologiques au prieuré du Coyroux par le Centre de recherche historiques et archéologiques médiévales de l'université de Limoges.
L'église abbatiale
L'église abbatiale d'Aubazine commencée en 1156 est consacrée en 1176, et fut l'une des plus grandes églises du Limousin.
En 1731, les dépenses d'entretien étant trop importantes, les moines ont fait démolir la façade et 6 travées de la nef soit 36 mètres sur les 92.
Le tombeau de saint Étienne d'Obazine, œuvre datant du XIIIe siècle, est placé à l'extrémité du croisillon Sud du transept. C'est une grande châsse en calcaire oolithique ciselé, en forme de sanctuaire qui abrite le gisant du moine fondateur grandeur nature, en habits sacerdotaux. Le monument funéraire a été offert par le roi Louis IX.
Tombeau de saint Étienne d'Obazine
Vue générale.
Détail.
Vue générale.
Autre patrimoine
Outre le tombeau de saint Étienne, l'église possède (ou possédait) un riche patrimoine :
une armoire du XIIe siècle, une des plus anciennes de France ; cette armoire a été étudiée par Viollet-le-Duc,
des vitraux cisterciens célèbres,
une Vierge de Pitié, peinture murale (1466) restaurée en 1975, Classé MH (1840)[7],
des stalles sculptées du XVIIIe siècle,
un trésor d'orfèvrerie limousine qui a été volé en 1905.
Intérieur de l'abbatiale
Vue générale.
Vierge de Pitié (1466).
Armoire liturgique du XIIe siècle.
Stalles.
Filiation et patrimoine
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En 1895, Gabrielle Chanel, âgée de douze ans, qui deviendra la célèbre Coco Chanel, est confiée avec ses deux sœurs, à un orphelinat installé au XIXe siècle dans les combles de l'abbaye : elle y mène une vie austère et rigoureuse pendant six années qui marqueront profondément le style révolutionnaire de la future styliste[9]. À l'âge de dix-huit ans, Gabrielle est confiée aux dames chanoinesses de l'Institut Notre-Dame de Moulins, qui lui apprennent le pointilleux métier de couseuse.
Elle s'est par la suite inspirée de ses souvenirs de l'abbaye pour créer des vêtements aux lignes épurées harmonieuses comparables à l'architecture, aux couleurs neutres : noir et blanc comme les uniformes des sœurs et des pensionnaires, beige comme les couleurs des murs. Son futur logo aurait été inspiré par les C entrelacés des vitraux[10].
Le monastère de la Théophanie a pour origine[12] la communauté des clarisses d'Azille dans le sud de la France qui était partie fonder une communauté au Maroc en 1933, à Rabat, dans le but de donner leur vie au monde arabe musulman.
Les sœurs, sous l’impulsion de la jeune abbesse mère Véronique (Clotilde Vacheron), apprennent alors l’arabe. Dans les années 1950, les sœurs de Rabat partent pour quelques mois former des postulantes à Nazareth où un bout de terrain leur est finalement concédé. Elles y fondent ce qui deviendra le monastère grec melkite catholique de l'Annonciation, où elles sont finalement rejointes par d'autres sœurs du Maroc. En 1962, elles entrent définitivement dans l'Église melchite en adoptant le rite byzantin au lieu du rite latin.
En raison du conflit israélo-arabe, les sœurs cherchent un endroit neutre, et s'installent en à l’abbaye d’Aubazine qui n’était plus habitée depuis trois ans[13].
En 1987, la supérieure décide de se retirer des bâtiments et laisse la Communauté du Verbe de Vie occuper leur place en tant que locataire. Les sœurs s'installent dans une ferme attenante où elles aménagent une chapelle dont les murs sont ornés de fresques byzantines peintes par Juan Echenique.
En 1989[14], la grande majorité de la communauté, menée par la Révérende Mère Christine et le Père Paul Bondu, est entrée dans le patriarcat orthodoxe d'Antioche puis a quitté Aubazine en 1990 pour fonder le monastère du Buisson Ardent à Villardonnel[15].
Aujourd'hui, trois moniales seulement sont restées à Aubazine, dirigées par Mère Christophora Fenton[16] et le Père Elisée Marzin[17].
Le monastère de la Transfiguration
Le , deux moines de l'abbaye Notre-Dame de Bellefontaine[18], le frère Placide Deseille et le frère Dominique Pyotte (qui deviendra le père Séraphin), en recherche d'un rapprochement avec la tradition de l'Orient et avec l'orthodoxie adoptent le rite byzantin et fondent le monastère de la Transfiguration à Aubazine sur un terrain mis à leur disposition par les moniales de la Théophanie[19].
Ils sont rejoints par plusieurs moines. Ils disposent d’un terrain boisé de sept hectares attenant à l'abbaye Saint-Étienne, au flanc d’une colline, et y construisent peu à peu une chapelle en bois, un bâtiment communautaire comprenant la cuisine, le réfectoire, la bibliothèque, un bâtiment destiné aux hôtes de passage, un atelier et des cabanes séparées servant de cellules pour les membres de la communauté. La vie menée est cénobitique, les offices à l’église, les repas et toutes les ressources étant communautaires[19].
Au bout de 10 ans, en 1976, ils décident de devenir orthodoxes, en se rapprochant du monastère de Simonopetra, au mont Athos. Ils sont alors rebaptisés, réordonnés, ce qui est source d'un certain scandale au sein de l'Église catholique. L'évêque leur demande alors de quitter Aubazine. Une partie des ermitages est alors démontée[19].
Entre 1986 et , la communauté du Verbe de Vie, issue du renouveau charismatique, a résidé à Aubazine, dans l'abbaye historique[20]. Après 25 ans de présence, elle a quitté les lieux en , et les sœurs melkites propriétaires annoncent souhaiter ouvrir davantage l'abbaye aux visiteurs et chercher une nouvelle communauté[21].
Activités
Activités religieuses et artistiques
L'abbaye et les sœurs melkites proposent un programme d'activités[22] culturelles et religieuses (stages d'iconographie, d'enluminure, de musique baroque, des conférences, des retraites, des concerts…).
Spectacle Lumières cisterciennes
L'histoire d'Étienne est connue par le récit d'un moine anonyme mais contemporain d'Étienne. Peu après la mort du saint fondateur, le , à l'invitation de ses supérieurs et des pères, ce moine rédige d'une plume caustique la vie, l'œuvre, la fondation des deux monastères, celui des hommes mais aussi celui des femmes de Coyroux, et la mort d'Étienne d'Obazine. Ce récit sert de trame à la narration du spectacle Lumières cisterciennes, créé par Thierry Chenavaud en 2007, sur une idée de Geneviève Cantié. Il a été présenté chaque été de 2007 à 2012, durant 3 soirs, le 3e week-end de juillet[23].
Notes et références
↑(la) Leopold Janauschek, Originum Cisterciensium : in quo, praemissis congregationum domiciliis adjectisque tabulis chronologico-genealogicis, veterum abbatiarum a monachis habitatarum fundationes ad fidem antiquissimorum fontium primus descripsit, t. I, Vienne, Puthod, , 491 p. (lire en ligne), p. 199.
↑Documentaire Passion patrimoine : du Lot-et-Garonne à la Corrèze de Marie Maurice et Franck Dhelens, Des racines et des ailes, France 3, reportage sur l'abbaye d'Aubazine, 13 avril 2011.
↑Le Monde, « Une communauté religieuse de Corrèze passe à l'Eglise orthodoxe Les soeurs ennemies d'Aubazine », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
Geneviève Cantié, Éric Sparhubert, « Obazine, abbaye », dans Congrès archéologique de France, 163e session, Corrèze, 2005, Société française d'archéologie, Paris, 2007, pp. 251-270
M. Banchereau, « Obazine », dans Congrès archéologique de France, 84e session, Limoges, 1921, Société française d'archéologie, Paris, 1923, pp. 347-365
Bernadette Barrière, L'Abbaye cistercienne d'Obazine en Bas-Limousin : les origines, le patrimoine, Limoges, 1977