Haraszti naît dans la petite ville de Nagyvárad alors hongroise – et qui deviendra roumaine après la Première Guerre mondiale. Sa famille est solidement ancrée dans la culture française : sa grand-mère maternelle est française, son père, Jules, est l'auteur d'un livre en français sur André Chénier[1] et d'une biographie de Molière en hongrois, et sa mère a traduit du hongrois les contes de Perrault.
Il étudie le piano avec Albert Geiger et la composition avec Edmund Farkas[2], puis poursuit ses études à Vienne, Berlin et ses études de musicologie à Leipzig et Paris[2]. Il passe son doctorat en 1907.
Il collabore aux revues de Budapest[3] (Pesti Hírlap, Zenevilág). En 1910, à l'âge de 25 ans, il publie un article sur le compositeur polonais Frédéric Chopin : Chopin és George Sand[4]. Plus tard, en 1956, il publie un autre article sur Chopin : L'élément latin dans l'œuvre de Chopin[5], un autre sur Wagner et la Hongrie (1916). Tous ces textes n'ont jamais été traduits en français[3]. En 1917, il est professeur au Conservatoire de Budapest (histoire de la musique et musicologie)[2],[3], puis directeur de l'institution de 1918 à 1927[6],[2]. Il est également responsable du département musique de la Bibliothèque nationale (1917)[2]. En 1920, il est chargé de la réorganisation du conservatoire avec Aurelian Kern[2] ; dans ce cadre, il organise des concerts de musique ancienne[3] composés notamment de premières en Hongrie d'œuvres de Janequin, Rameau, Lully et Grétry[2].
En 1928, il est envoyé en tant que fonctionnaire d'ambassade à Paris. Il se consacre à la recherche dans les archives et les bibliothèques[2]. À la demande d'André Pirro[3], il écrit un petit livre sur la musique hongroise, paru en 1933. À l'été 1936, Haraszti publie un essai en deux parties sur Franz Liszt, intitulé Liszt à Paris, dans La Revue musicale, à laquelle il collabore depuis 1929[3]. En 1937, il publie Deux Franciscains : Adam et Franz Liszt, et en décembre, la même année, paraît Le problème Liszt. L'essai, qui est une exploration en profondeur de la musicalité de Liszt, établit Haraszti comme l'un des grands savants spécialistes de Liszt de sa génération[7],[6].
Il s'installe définitivement à Paris après 1943, devenant une figure légendaire dans le milieu parisien de la musicologie[3].
Haraszti est célèbre pour avoir critiqué le compositeur Béla Bartók pour son manque d'intérêt pour la musique hongroise, le décrivant comme « devenant un apôtre de la musique tchèque, roumaine et slovaque[8],[9] ». Il est l'auteur d'un livre sur Bartók, Béla Bartók: His Life and Works, traduit en anglais en 1938[10]. Il écrit également un livre, toujours publié en français, La Musique hongroise[11]. Bartók n'avait que dédain pour la petite biographie de Haraszti[2] et le traitait d'idiot[12].
Le domaine de prédilection de Haraszti était centré sur Liszt, et ses recherches sur le musicien ont apporté beaucoup de nouvelles idées et d'informations sur le sujet[2], affirmant, en s'appuyant une documentation détaillée des relations de Liszt avec Marie d'Agoult et Carolyne de Sayn-Wittgenstein, que le romantisme français — plutôt que la culture austro-allemande — a eu une influence déterminante sur sa musique[2]. Il était cependant curieux de l'histoire de la musique hongroise, de la musique française et il s'est particulièrement intéressé aux relations entre la musique hongroise de la Renaissance et du XIXe siècle[2].
Écrits
Monographies
(hu) Hubay Jenő : élete és munkái [« La vie et l'œuvre de Jenő Hubay »], Budapest, Singer és Wolfner Kiadása, , 336 p. (lire en ligne)
Sigismond Bathory, prince de Transylvanie et la musique italienne d’après un manuscrit de 1595 à la BN de Paris, Revue de musicologie, vol. 12, 1931, p. 190-213
Fétis, fondateur de la musicologie comparée, Acta musicologica, vol. 4, 1932, p. 97–103
Zoltán Kodály, Nouvelle Revue de Hongrie, I. 1933 p. 150 sqq.
Zoltán Kodály et ses œuvres, présentés, Texte de présentation pour une émission radiophonique (OCLC844328631), (BNF43039409)
Cosima Wagner et la Marche de Rákóczi, Nouvelle Revue de Hongrie[14], I. 1933 p. 492 sqq.
Liszt et la comtesse d’Agoult, Nouvelle Revue de Hongrie, II. 1933. p. 1050 sqq.
Les rapports italo-transylvains de « Il Transilvano » de Girolamo Diruta, Mélanges de musicologie offerts à M. Lionel de La Laurencie, Paris, 1933 p. 73–84
Le Problème Liszt, Acta musicologica, vol. IX, fasc. 1 et 2, 1937-1938, p. 123-136 et 32-46 (OCLC844328613)
(de) Die Autorschaft der literarischen Werken Franz Liszts [La paternité des œuvres littéraires de Franz Liszt], Ungarische Jahrbücher, no 21, 1940, p. 173–236
(hu) Zene és ünnep Mátyás és Beatrix idejében [Musique et festivités du temps de Matthias et Béatrice] ; Mátyás kiraly az énekes szinpadon [Le roi Matthias sur la scène lyrique], Mátyas Király emlekkönyv születésének ötazázéves fordulójára, éd. I. Lukinich, Budapest, 1940, ii, p. 289–412 et 489–522. Publié pour l'anniversaire du roi Matthias.
(de) Pierre-Louis Dietsch und seine Opfer (Arcadelt, Bellini, Liszt, Verdi, Wagner und Weber), Die Musikforschung, no 8, 1955, p. 39–58lire en ligne
L'Élément latin dans l'œuvre de Chopin, Chopin Jahrbuch, 1956, p. 36-84 (BNF32221993)
Le Romantisme, de la mort de Beethoven à Liszt, dans Précis de musicologie, par Jacques Chailley (dir.) 1958, p. 262-290 (OCLC844328620)
Trois faux documents sur Franz Liszt, Revue de musicologie, vol. 42, 1958, p. 193-216
De la mort de Liszt à Debussy, dans Précis de musicologie, p. 291-306 (OCLC844328590) Il s'agit de lettres de Liszt à Franck, Moussorgski et Schumann.
Emil Haraszti, « Franz Liszt », dans Encyclopédie de la musique, François Michel (dir.) avec François Lesure, Vladimir Fédorov, Nadia Boulanger, etc., vol. 3, Fasquelle, 1961 (OCLC299728211)
↑« Nous aimerions savoir pourquoi Béla Bartók de l'Académie royale et nationale hongroise de musique assume à présent le rôle de Scotus Viator(en) musical. Se pourrait-il qu'il ne soit plus intéressé par la musique hongroise d'aucune sorte ? Il est devenu l'apôtre des musiques tchèque, roumaine, slovaque et Dieu sait quoi encore – tout sauf la Hongrie. » (Budapesti Hírlap, 1912), cité par Claire Delamarche (préf. Vincent Warnier), Béla Bartók, Paris, Fayard, , 1035 p. (ISBN978-2-213-66825-3, OCLC826847938, BNF42797998, lire en ligne), p. 265. Haraszti reprend l'attaque en 1929 dans le même journal, leur reprochant de négliger « la musique des Tsiganes », cf. Delamarche p. 601 et 606, où elle cite un extrait de la conférence de Bartók en 1931 « Musique tsigane ? Musique hongroise ? » : cette musique « ne consiste en rien d'autre que des compositions récentes d'allure populaire ».
↑« Haraszti Emil. Il faut que je vous éclaire sur un point : Haraszti est un idiot, par-dessus le marché il est mal intentionné et il s'y entend à peu près autant en musique qu'une poule en alphabet. Dans votre intérêt, je vous conseille de ne pas le citer. Naturellement, il sait utiliser habilement ce qu'il entend ou lit auprès d'autrui, si bien que son caractère borné ne saute pas au yeux au premier instant. » (Lettre à Octavian Beu, du 10 janvier 1931), cité par Delamarche 2012, p. 604.