En 1950, le comité de coordination des écoles de voile émet son besoin de voir arriver sur ses plans d'eau un bateau d'initiation à la voile qui soit bon marché et robuste. C'est en 1951 que Jean-Jacques Herbulot, architecte, navigateur et champion, très porté par la démocratisation de la voile, dessine et construit avec Philippe Viannay pour sa célèbre école de voile des Glénans, un dériveur monotype baptisé « Vaurien » (en souvenir d'un chien de Philippe Viannay) pour remplacer l'Argonaute (autre création Herbulot datant des années 1940 et peu pratique car doté d'une quille fixe).
Doté d'un accastillage minimaliste, il est conçu pour être réalisé dans une seule feuille de contreplaqué marine de 4,10 m, avec le minimum de chutes.
À sa sortie, il est cinq fois moins cher que les dériveurs équivalents et crée un « choc culturel » dans le milieu des yacht clubs traditionalistes avec l'arrivée en masse de pratiquants issus de classes moins fortunées.
Prototypes
Le premier prototype du Vaurien (N°001), qui devait s'appeler originellement "l'Embroche"[1] fut construit par Maurice Mayne[2],[3] et Jean-Pierre Augendre durant l'hiver 1951-1952 dans l'appartement de Philippe Viannay à Paris transformé pour l'occasion en chantier naval. Il fut ensuite testé durant l'été 1952 à l'école de voile des Glénans.
Un second prototype (N°01) fut construit à la demande du journal Les Cahiers du yachting par le chantier nantais de Baptiste Aubin pour être présenté au Salon nautique des berges de Seine en [4]. Ce prototype fut ensuite présenté par Herbulot et essayé au Cercle de la Voile de Paris à Meulan durant l'hiver qui suivait où son accueil fut très enthousiaste[5].
Lancement en série
Conséquemment l'engouement général fut tel en France pour ce bateau que l'école de voile des Glénans décida et prit surtout le risque de faire construire, début 1953, une centaine de Vaurien par le Chantier Louis Costantini à La Trinité-sur-Mer. Ces Vaurien furent tous immédiatement vendus au printemps 1953, ce qui conduisit l'école de voile des Glénans à relancer une deuxième fabrication immédiate d'une centaine de bateaux chez le même constructeur.
Alors qu'il y avait déjà 200 Vaurien sur l'eau, l'été 1953 vit la création de l'AS Vaurien pour la surveillance de la classe à l'initiative de deux des premiers propriétaires, Roland Garros (neveu du célèbre aviateur) et Jacques Derkenne (journaliste créateur avec Pierre Lavat du magazine Bateaux en 1958).
Cette association de classe ainsi que le lancement en série d'un bateau constituaient une double première en France à une époque où ceux-ci se construisaient principalement à l'unité sur commande du propriétaire.
200 autres Vaurien furent ensuite construits durant l'hiver 1953-1954 et plus de 500 autres exemplaires jusqu'en 1955.
Le phénomène « Vaurien » était lancé à travers la France et le Monde, et en ce Herbulot et Viannay venaient de réussir la démocratisation de la voile et sans le savoir de préparer une génération qui fera de la France un pays majeur de ce sport et de la construction nautique dans le Monde.
Des flottilles entières de Vaurien sont achetées par le Touring Club de France, des Comités d'entreprise, des clubs sont créés de toutes pièces sur d'anciennes sablières nées avec le boom immobilier (environs de Paris, de Lyon, de Rouen notamment) et contribuent à un développement important de la voile populaire qui restera sans précédent jusqu'au phénomène de la planche à voile des années 1980.
Fait significatif, il est vendu dans la grande distribution de l'époque, en dehors du réseau traditionnel des shipchandlers, notamment par des magasins comme le Bazar de l'Hôtel de Ville à
Paris.
D'un coût de fabrication très faible (le double du prix d'une bicyclette à l'époque), ce bateau construit à plus de 36 000 exemplaires a contribué à la formation de nombreux navigateurs, y compris parmi les plus célèbres, comme Pierre Fehlmann[6] (champion du monde en 1962), Philippe Poupon[7], Isabelle Autissier[8] et Jean Le Cam[7],[9].
Modifications (années 60)
Les tentatives dès 1965 de passer du bois au plastique, qui nécessite moins d'entretien, seront au début assez laborieuses, la reproduction des formes du bateau à l'identique (fond plat, bouchains vifs, structure en creux, etc.) n'étant pas adaptée et peu logique du point de vue industriel et nautique. Les réalisations suivantes en fibres verront l'apparition des caissons latéraux qui permettront un moulage et une construction plus facile. Les caissons latéraux remplacent alors les flottaisons en mousse ou gonflables peu pratiques, et permettent au Vaurien de devenir un dériveur redressable, grâce à un volume de flottabilité supérieur, comme le souligne la presse nautique de l'époque[10].
Concurrence
Son concurrent le plus direct fut le Mousse créé de façon similaire en contreplaqué marine par l'architecte Eugène Cornu à la demande du Yacht Club de l'Île-de-France en 1953 et dont 3 500 exemplaires furent construits jusqu'en 1966.
Concurrencé ensuite principalement par le 420, puis le 470, le ZEF dès 1962 en écoles de voile et dans une certaine mesure par la vague naissante de la planche à voile, qui remit la France sur l'eau, le Vaurien déclinera sérieusement en France à partir des années 1980.
Face au 420 en fibre dès 1958, le Vaurien avait pour défauts d'être sous-toilé, doté d'une dérive sabre, de ne pas être équipé de trapèze et surtout de ne pas représenter la modernité de la voile de compétition face à ce nouveau dériveur performant.
Renouveau de la série (années 2000)
Un esprit de renouveau flotte depuis les années 2000 sur le monde du Vaurien européen et après avoir failli totalement disparaitre dans les années 1980, les activités nautiques en Vaurien se sont maintenues pendant les deux dernières décennies grâce à l'action des associations nationales de la classe Vaurien et de constructeurs de Vaurien tels que Roga, X nautica et Faccenda.
Les Italiens, les Néerlandais et les Espagnols tirent aujourd'hui la série vers le haut en montrant un dynamisme certain avec comme postulat que le renouveau solide et durable du Vaurien passe par la modernisation du bateau en le rendant plus performant et dynamique pour attirer les jeunes compétiteurs.
Cette modernisation du Vaurien est adoptée en , dotant le bateau d'un nouveau plan de voilure avec une grand-voile dite à corne offrant 3,8 m2 de plus au portant (+ 24 %), permettant un allègement du bateau à 73 kg coque nue ainsi que la modification du safran, qui peut être maintenant vertical, et de quelques éléments d'accastillage.
Ces principales évolutions ont donné un dériveur plus fun, permettant de retrouver une pratique de régate de très bon niveau. Avec cette augmentation des performances du bateau, le poids idéal de l'équipage en régate est passé de 110 kg à 130 kg.
Après quelques discussions habituelles entre les anciens et les modernes sur le bien-fondé de la nouvelle jauge 2009, cette évolution technique fait maintenant l'unanimité. [réf. souhaitée]
Depuis quelques années, le championnat du monde fait l'objet d'un regain d'intérêt, avec 60 bateaux en moyenne, notamment en raison du dynamisme technologique actuel et de la participation de jeunes équipages.
En France, l'activité se partage entre régates sportives et rassemblements historiques ou amicaux centrés principalement sur la Bretagne. Le National est l'événement majeur de la saison avec 20 participants en moyenne dans les catégories « Jauge 2009 » (rating « VAU ») et « Classiques et traditions» (rating « VAUC »).