Les six disciplines scientifiques constituant les sciences cognitives et leurs liens interdisciplinaires, par l'un des pères fondateurs du domaine, G. A. Miller[1]. Les traits pleins symbolisent les disciplines entre lesquelles existaient déjà des liens scientifiques à la naissance des sciences cognitives ; en pointillés, les disciplines entre lesquelles des interfaces se sont développées depuis lors.
Nées dans les années 1950 aux États-Unis dans le cadre des progrès sur l'intelligence artificielle financées par la recherche militaire et particulièrement DARPA, les sciences cognitives recoupent les enjeux liés à la cognition artificielle et à la cognition naturelle[4].
En France, cette discipline a mis en place des sociétés savantes comme l'Association pour la Recherche Cognitive (ARCo) ou des associations comme la Fresco. Le CNRS a fondé en 1992 à Lyon l'Institut des Sciences cognitives à l'initiative de Marc Jeannerod. Cet institut, rebaptisé plus tard Institut Marc Jeannerod, est un institut du CNRS en partenariat avec l'Université de Lyon.
Les sciences cognitives comprennent une science fondamentale, assortie de ses applications industrielles :
une science fondamentale, dite science de la cognition, dont les spécialistes, parfois appelés cogniticiens[5], se réunissent, pour la plupart d'entre eux en sociétés savantes et publient dans des revues scientifiques internationales dédiées. Elle a comme principe essentiel l'utilisation de l'ordinateur pour manipuler les symboliques,
un secteur applicatif industriel du domaine de l'ingénierie de la connaissance : les sciences cognitives appliquées.
Il est à noter que le singulier cognitive science est d'usage courant dans les pays anglophones.
L’intégrité des interfaces cognitives conçoivent des plateforme de réunion garantissant les uniformité des transparences qui s’approprient les transports, et laissent apparaître les personnes appropriées[6].
Les spécialistes des sciences cognitives (recherche et appliquées) sont appelés cogniticiens.
Histoire des sciences cognitives
Il est d'usage de dater la naissance des sciences cognitives de 1956. En effet, cette année voit s'organiser la toute première conférence consacrée à l'intelligence artificielle et à son application à la psychologie de la cognition, à laquelle participent les informaticiens Allen Newell, John McCarthy et Marvin Minsky, le mathématicien Claude Shannon, l'économiste et psychologue Herbert Simon, le linguiste Noam Chomsky, les psychologues George Miller et John Swets, les neurobiologistes David Hubel et Torsten Wiesel. L'année 1956 est aussi riche en publications fondamentales pour le domaine des sciences cognitives.
La linguistique formelle et plus particulièrement les travaux de Noam Chomsky ont eu une influence décisive au moment de l'émergence des sciences cognitives à la fin des années 1950. Chomsky s'est notamment élevé contre la conception du langage comme un ensemble d'« habitudes » apprises par observation et conditionnement. Contre cette vision béhavioriste, défendue entre autres, par B. F. Skinner, Chomsky défendit l'idée d'une « faculté de langage » s'appuyant sur des dispositions innées : observant que durant l'enfance, on n'est exposé qu'à un trop petit nombre de situations de langage pour pouvoir en inférer les règles sous-jacentes — c'est l'argument dit de « la pauvreté du stimulus »[7], Chomsky propose que la compétence linguistique humaine s'appuie, pour se développer, sur une connaissance innée (et implicite) d'une grammaire universelle dont on retrouve la structure formelle dans toutes les langues humaines naturelles.
Héritières des interrogations philosophiques sur le rôle du langage dans la pensée (voir aussi ci-dessous) et prolongeant les théories de Roman Jakobson sur les fonctions non purement communicatives du langage, les sciences cognitives s'intéressent non seulement aux processus mentaux de production du langage mais aussi au rôle de ce dernier dans les opérations mentales. Les idées de Chomsky ont ainsi été reprises et développées au-delà de la linguistique par le philosophe Jerry Fodor, dans ses fameuses thèses sur la modularité de l'esprit, notion selon laquelle certaines opérations mentales (comme l'application des règles de grammaire) se déroulent de façon automatique et autonome, et le mentalais, une métaphore d'un langage intérieur dans lequel seraient traduites les opérations mentales.
À la frontière avec l'anthropologie, le rôle du langage dans les représentations mentales est reposé. Les anthropologues Brent Berlin(en) et Paul Kay contestent l'hypothèse Sapir-Whorf selon laquelle le langage et plus précisément les catégories linguistiques conditionneraient plus ou moins fortement les représentations mentales. S'appuyant sur une étude comparée des termes de couleur à travers les langues, Berlin et Kay défendent au contraire l'idée que cette apparente diversité culturelle dans le lexique est en réalité le produit d'une même structure hiérarchique dans l'organisation de la perception et de la représentation des couleurs[8] ; selon leur travaux, c'est donc l'esprit qui conditionne le langage.
Frege révolutionne la logique classique en introduisant le concept de dénotation dans son article Sens et Dénotation (Sinn und Bedeutung). Le sens de « étoile du matin » (a) est différent de celui de « étoile du soir » (b) puisque leurs réalisations acoustiques ou signitives diffèrent : « La différence de sens correspond à une différence du mode de donation de l'objet désigné » néanmoins ils dénotent la même réalité : la planète Vénus d'où (a) = (b) a une valeur de connaissance car ce n'est pas tous les jours qu'on découvre qu'une étoile est une planète. Ainsi cit. « La dénotation d'« étoile du soir » et d'« étoile du matin » serait la même, mais leur sens serait différent ». Ce qui a permis d'actualiser le signe de Saussure qui refusait d'y attribuer la référence au monde. Il a introduit la quantification dans la logique formelle. On oppose le quantificateur universel : « Tous les hommes sont mortels » au quantificateur existentiel « Il existe au moins un homme mortel ». Il a fondé le calcul des prédicats. En France l'Institut Jean Nicod (ENS-EHES-CNRS) est particulièrement connue dans cette discipline des sciences cognitives.
Le cognitivisme est l'un des principaux courants des sciences cognitives avec le connexionnisme, ce dernier tendant aujourd'hui à le supplanter. Il est fondé sur l'idée que l'esprit est un système de traitement symbolique de l'information (métaphore de l'ordinateur), autrement dit, un système opérant sur des représentations en fonction de leurs propriétés syntaxiques plutôt qu'en vertu de leur signification. Inspirés par les résultats de Turing, de nombreux chercheurs ont en outre admis que ce type de traitement pouvait être réalisé par des machines complètement différentes du point de vue physique, et que la simulation et la modélisation informatique pouvaient donc fournir de nouveaux moyens d'étudier le fonctionnement de l'esprit, rejoignant ainsi le projet de la cybernétique qui consiste à intégrer dans un même cadre théorique l'étude des systèmes naturels et artificiels.
Issu de la cybernétique, le connexionnisme fait partie des sciences cognitives depuis l'origine. Après une éclipse au cours des années 1970, il regagne aujourd'hui en importance avec les progrès de l'imagerie cérébrale et des neurosciences. Partageant avec le cognitivisme l'idée de représentation, il rejette en revanche l'hypothèse d'un fonctionnement cognitif symbolique. Dans une perspective connexionniste, la cognition est le produit d'un calcul parallèle opéré par des entités sub-symboliques (neuroneformel ou non) et la signification découle de l'état du réseau formé par ces entités à un moment donné.
L'attention est, en substance, la capacité à se concentrer sur certains stimuli ou, au contraire, l'impossibilité de traiter plus d'une certaine quantité d'informations à un moment donné.
Autre définition : l'attention est la capacité de focaliser la conscience sur un « domaine » ou « champ de conscience » afin d'en extraire de l'information. Ces champs de conscience peuvent être physique, mental, émotionnel, spirituel, passé, présent, futur et dans des dimensions incomprises, souvent appelées aussi irrationnelles.
La mémoire permet de retenir des informations pour les réutiliser ultérieurement. À l'inverse de l'apprentissagebéhavioriste, la notion de mémoire insiste sur les structures et processus intermédiaires entre l'acquisition de ces informations et leurs conséquences sur le comportement.
Elle fait l'objet de nombreux travaux en sciences cognitives, aussi bien du point de vue de la psychologie ou des neurosciences que de la modélisation. Les chercheurs se sont ainsi attachés à mettre en évidence les différentes structures composant la mémoire en se basant à la fois sur des expériences et sur les dysfonctionnements observés chez des patients cérébro-lésés.
Apparu dans les années 1960, le modèle modal de la mémoire a été l'un des plus influents. Il distingue le registre sensoriel (grande quantité d'informations sous forme visuelle pendant quelques millisecondes), la mémoire à court terme (nombre limité d'éléments sous forme verbale pendant quelques secondes) et la mémoire à long terme (informations sémantiques, en pratique sans limite de durée ou de capacité).
La notion de mémoire de travail a été présentée par Baddeley et Hitch en 1974. Ce modèle et d'autres plus récents comme celui de Cowan mettent en évidence les liens entre attention et mémoire. La mémoire de travail a ainsi pour rôle non seulement de contenir des informations en provenance des systèmes sensoriels mais aussi des informations extraites de la mémoire à long terme pour être utilisées par les processus de raisonnement et de prise de décision.
De leur côté, les neurosciences ont également cherché à identifier les structures cérébrales réalisant ces différentes fonctions et à décrire les processus biologiques permettant l'apprentissage et l'encodage des informations. Le phénomène de potentialisation à long terme explique notamment comment la stimulation répétée de certaines connexions neuronales les rend plus susceptibles de s'activer à l'avenir en réponse à un stimulus similaire (même partiellement).
Enfin, de nombreux travaux portent sur les processus d'encodage, de stockage et de récupération. Parmi les principaux résultats on peut citer la courbe de l'oubli d'Ebbinghaus, les notions d'effet de récence et de primauté ou encore l'amorçage. Enfin, plusieurs expériences soulignent le rôle de la mémoire dans l'expertise (ainsi les bons joueurs d'échecs ne diffèrent pas des débutants par leur vitesse de traitement mais par l'organisation des informations sur le jeu).
Un certain nombre de modèles de la mémoire dit « à traces » tendent à se développer dans la droite ligne du courant connexionniste. Il s'agit de théories profondément dynamiques cherchant à expliquer les conceptions modularistes comme émergentes d'un système complexe et non cloisonné qui conserverait toutes les informations sous forme de traces. Ces traces ne seraient pas forcément localisées sur le plan cérébral mais réparties et se définiraient par un grand ensemble de facteurs sémantiques, émotionnels, moteurs, etc.
Notes et références
↑George A. Miller, The cognitive revolution: a historical perspective, Trends in Cognitive Sciences, Volume 7, Issue 3, March 2003, Pages 141-144, (ISSN1364-6613), DOI10.1016/S1364-6613(03)00029-9. [1].
↑ a et bJean Langlois, « Language and cognitive science: How language affects reasoning and memory », Training, Language and Culture, vol. 4, no 3, , p. 66–76 (DOI10.22363/2521-442X-2020-4-3-66-76, lire en ligne, consulté le )
↑« Les sciences cognitives ont pour objet de décrire, d'expliquer et le cas échéant de simuler voire d'amplifier les principales dispositions et capacités de l'esprit humain – langage, raisonnement, perception, coordination motrice, planification, décision, émotion, conscience, culture… » cité d'après Daniel Andler, « Cognitives, Sciences », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 21 avril 2016. [2].
↑Didier Bazalgette, Marc-Olivier Boisset et Jean Langlois-Berthelot, « Opérations cognitives: Les sciences et neurosciences cognitives au service de l’action », DSI (Défense et Sécurité Internationale), no 163, , p. 92–97 (ISSN1772-788X, lire en ligne, consulté le )
Bazalgette, Didier, et al. “Opérations Cognitives: Les Sciences et Neurosciences Cognitives Au Service de l’action Stratégique.” DSI (Défense et Sécurité Internationale), no. 163, 2023, pp. 92–97. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/48708033. Accessed 1 Oct. 2023.
Robert Brien, Science cognitive et formation, Presses de l'Université du Québec, , 3e éd. (1re éd. 1991) (ISBN2760509648)
Daniel Andler (dir.), Introduction aux sciences cognitives (édition augmentée), Paris, Folio, coll. « Essais », (1re éd. 1992), 752 p. (ISBN2070300781) (destiné à un public plus averti).
Georges Vignaux, Les sciences cognitives : une introduction, Paris, Le livre de poche, coll. « Biblio Essais », (ISBN225394193X)
Angèle Kremer-Marietti, La philosophie cognitive, L'Harmattan, coll. « Épistémologie et philosophie des sciences », (1re éd. 1994, PUF), 130 p. (ISBN2747516407)
Jean François Dortier (dir.), Le Cerveau et la pensée : Le nouvel âge des sciences cognitives, Éditions Sciences Humaines, coll. « Synthèse », (ISBN9782361060466, lire en ligne)
Howard Gardner (trad. de l'anglais par Jean-Louis Peytavin), Histoire de la révolution cognitive : la nouvelle science de l'esprit, Paris, Payot, (1re éd. 1985), 494 p. (ISBN2228886882)
Sciences cognitives. Textes fondateurs, 1943-1950 : Wiener, Rosenblueth, Bigelow, McCulloch, Pitts, von Neumann, Hebb, Weaver, Shannon, Turing, textes rassemblés et traduits par Aline Pélissier, présentés et annotés par Alain Tête, Paris, PUF (coll. « Psychologie et sciences de la pensée »), 1995, 352 p.
(en) George Miller, « The cognitive revolution: a historical perspective », Trends in Cognitive Science, vol. 7, no 3, , p. 4 (lire en ligne, consulté le )
(en) George Mandler(en), A history of modern experimental psychology : From James and Wundt to cognitive science, Cambridge, MA, MIT Press, (1re éd. 2007), 310 p. (ISBN026251608X)
Revues
Intellectica est la revue de l'Association pour la Recherche Cognitive (ARCo). Elle s'adresse à l'ensemble des disciplines intéressées par l'étude de la cognition.
Revue d’Anthropologie des Connaissances, revue multidisciplinaire en sciences sociales, publie des travaux à la fois théoriques et pratiques qui visent à montrer comment les connaissances se forment et se diffusent.