New Glenn est un lanceur lourd (45 tonnes en orbite basse) américain qui devrait effectuer son premier vol en . Le lanceur, qui pourra placer 13 tonnes en orbite géostationnaire, est développée par la société américaine Blue Origin, créée en 2000 et en partie financée par l'entrepreneur Jeff Bezos. La version de base du lanceur comprend deux étages propulsés par des moteurs-fuséesBE-4 et BE-3U développés par le même constructeur. Elle dispose d'une coiffe d'un diamètre de sept mètres. Le premier étage est réutilisable et revient se poser à la verticale sur une barge. La poussée au décollage est de 1 700 tonnes. Blue Origin vise à la fois le marché des satellites militaires américains et celui des satellites commerciaux.
Historique
Blue Origin nouvel acteur majeur du domaine spatial
New Glenn est un lanceur lourd développé par la société américaine Blue Origin. Cette société ne dispose dans le domaine des lanceurs que d'une expérience limitée au lanceur suborbital réutilisable New Shepard. La société a été créée par Jeff Bezos, fondateur et propriétaire d'Amazon. Bezos est l'un des trois milliardaires, avec Elon Musk (SpaceX) et Richard Branson (Virgin Galactic), qui ont décidé de devenir des acteurs industriels majeurs dans le domaine spatial. Bezos a ainsi investi dans sa société au cours des années 2010 environ un milliard de dollars par an.
Initialement, Blue Origin, créée en 2000, se consacre au développement du vol suborbital avec le vaisseau New Shepard, dont le premier vol a lieu en 2015. Pour propulser cet engin, la société, qui reprend le modèle d'intégration verticale de SpaceX, développe son propre moteur-fusée, le BE-3, de 50 tonnes de poussée et brûlant un mélange d'oxygène et d'hydrogène liquides. En 2014, la société United Launch Alliance (ULA) sélectionne le moteur-fusée BE-4 de 270 tonnes de poussée proposé par Blue Origin pour propulser le lanceur Vulcan, successeur de son lanceur Atlas V[1],[2].
Lancement du projet
Le développement du lanceur partiellement réutilisable New Glenn est annoncé le par Bezos. Le projet capitalise sur les autres développements en cours au sein de la société : la fusée suborbitale réutilisable New Shepard et les moteurs-fusées BE-4 et BE-3. Le nom du lanceur fait référence à John Glenn, premier astronaute américain ayant effectué un vol orbital[3]. À l'époque, Bezos annonce que le premier vol aura lieu en 2020.
Prises de commandes
Blue Origin propose en 2017 New Glenn en réponse à l'appel d'offres de l'Armée de l'air américaine. Celle-ci doit remplacer les fusées Atlas V (propulsée par des moteurs russes) et Delta IV (obsolète et coûteuse), qui sont jusqu'alors utilisées pour placer en orbite ses satellites militaires. En , l'armée pré‑sélectionne New Glenn ainsi que les lanceurs en cours de développement OmegA de Northrop Grumman et Vulcan de United Launch Alliance. À terme, l'armée prévoit de verser en tout 2 milliards US$ aux constructeurs sélectionnés pour les aider à développer leur lanceur, dont 500 millions pour Blue Origin[4]. En , l'opérateur de satellites Eutelsat est la première société à sélectionner le lanceur de Blue Origin pour placer en orbite un de ses satellites géostationnaires[5]. Au cours des deux années suivantes, des contrats de lancement sont signés pour le lancement de satellites individuels (Sky Perfect, JSAT et mu Space) ou de constellation de satellites (OneWeb et Telesat)[6].
Développement
La date de premier vol annoncée par Jeff Bezos (2020) est considérée dès le départ comme trop ambitieuse par les responsables opérationnels du projet. Le choix de développer immédiatement un lanceur aussi puissant sans avoir expérimenté sur une fusée de puissance intermédiaire (New Shepard, la seule réalisation de Blue Origin, a une poussée 40 fois inférieure) rallonge les délais de conception et de mise au point. Par ailleurs, Blue Origin est devenu un acteur majeur du programme Artemis en devenant chef de file du vaisseau proposé pour amener des hommes sur la Lune. Ce projet ainsi que le développement du moteur-fusée BE-4, qui rencontre des difficultés de mise au point de sa turbopompe, ont la priorité. Blue Origin annonce en que le premier vol est repoussé fin 2022[7]. La construction de l'usine de fabrication et d'assemblage du lanceur ainsi que celle du complexe de lancement de Cape Canaveral (SLC-36) sont par contre pratiquement achevées début 2021[8]. En janvier 2023, le premier lancement est repoussé en 2024[9],[10].
Premiers clients
Depuis l'annonce du développement du lanceur en 2016, plusieurs opérateurs de satellites commerciaux ont passé contrat avec Blue Origin pour le lancement de leurs satellites : Eutelsat, Mu Space, OneWeb, Sky Perfect JSAT et Telesat. La NASA ajoute en décembre 2020 la New Glenn dans la liste des lanceurs auxquels elle est susceptible de faire appel[11]. En février 2023, la NASA décide de passer contrat avec Blue Origin pour le lancement de ses satellites jumeaux EscaPADE (2 x 120 kg) par le premier vol de la New Glenn pour un montant de 20 millions US$[12].
Architecture du lanceur
Le lanceur est conçu pour permettre un abaissement important des coûts de lancement. Pour y parvenir, il reprend la solution adoptée par SpaceX pour sa fusée Falcon 9, c'est-à-dire la réutilisation du premier étage qui atterrit après utilisation sur un navire situé en aval de la base de lancement. Les moteurs BE-4 du premier étage, tout en adoptant un système d'alimentation performant (combustion étagée), a des caractéristiques (pression dans la chambre de combustion réduite) garantissant sa fiabilité et limitant sa complexité. Il brule du méthane, un ergol qui présente l'avantage par rapport au kérosène de réduire la détérioration des moteurs toutefois au prix d'une augmentation sensible du volume du réservoir. Ces caractéristiques visent à abaisser le cout de remise en état opérationnel de l'étage entre deux lancements. Le premier étage devrait être réutilisable au moins 25 fois. Au début, Blue Origin ne construira que deux exemplaires du premier étage[13].
Caractéristiques techniques
Deux versions du New Glenn sont prévues. La version de base comprend deux étages et est optimisée pour le lancement de charges utiles en orbite basse. La deuxième version, qui comprend trois étages, est conçue pour desservir les orbites hautes dont l'orbite géostationnaire. Selon la version la hauteur du lanceur est de 82,3 ou 95,4 m. Dans les deux versions le diamètre à la base est de 7 mètres[14].
Premier étage
Le premier étage est propulsé par 7 moteurs-fusées à ergols liquides BE-4 d'une poussée unitaire de 250 tonnes brulant un mélange d'oxygène liquide et de méthane. La poussée totale au décollage est de 16 809 kiloNewtons. Le premier étage emporte 906 tonnes d'ergols et ses moteurs fonctionnent durant 166 secondes. L'étage est conçu pour être réutilisé. Après son largage il utilise sa propulsion pour revenir se poser à la verticale sur un navire en mouvement (et non une barge stabilisée comme dans le cas du Falcon 9) au large des côtes. Il dispose dans sa partie supérieure d'ailerons mobiles qui sont utilisés pour contrôler son attitude durant la descente. Deux virures fixées sur le bas de l'étage fournissent une portance supplémentaire lors du retour sur Terre. L'étage revient se poser sur une plateforme mobile en mer. Il dispose à cette fin d'un train d'atterrissage déployable comprenant pas moins de 6 pieds pour pallier une défaillance éventuelle de l'un d'entre eux[15],[5],[16].
Deuxième étage
Initialement le deuxième étage devait être propulsé par un unique moteur-fusée BE-4U version du moteur-fusée utilisé sur le premier étage adaptée au fonctionnement dans le vide (tuyère allongée). Blue Origin a choisi finalement d'équiper l'étage de deux moteurs BE-3U brûlant un mélange d'oxygène liquide et d'hydrogène liquide d'une poussée totale de 1100 kiloNewtons. Ce moteur-fusée dérive d'une version utilisée par la fusée surborbitale New Shepard adaptée au fonctionnement dans le vide. La durée de combustion est de 700 secondes. Ses réservoirs emportent 471 tonnes d'ergols[15],[3].
Deuxième étage réutilisable - Projet Jarvis
À la suite de la décision par SpaceX de développer le Starship, Blue Origin développe un deuxième étage entièrement réutilisable en acier dans le cadre du projet Jarvis. Un premier exemplaire de réservoir en acier est amené à SLC-36 pour des tests en août 2021[17].
Troisième étage
Le troisième étage optionnel est utilisé pour desservir les orbites hautes et lancer des missions interplanétaires. Il est propulsé par un unique moteur-fusée BE-3U ayant une poussée de 534 kiloNewtons qui fonctionne durant 300 secondes. Ses réservoirs emportent 40,25 tonnes d'ergols[15].
Charge utile
Le lanceur peut placer une charge utile de 45 tonnes en orbite basse et de 13 tonnes en orbite géostationnaire. Blue Origin veut privilégier le lancement de charge utile unique mais pourra à partir du cinquième vol effectuer des lancements double[18]. La coiffe du lanceur a un diamètre de 7 mètres et est haute de 21,9 mètres. La coiffe a un diamètre largement supérieur à celle des lanceurs concurrents (5 mètres) et est un des atouts du lanceur.
Site de fabrication
Pour construire, intégrer et maintenir son lanceur, Blue Origin, qui a son siège à Kent, banlieue de Seattle dans l'État de Washington, construit un nouvel établissement en Floride à environ 15 kilomètres du pas de tir que le lanceur utilisera. Cet établissement dispose d'une surface couverte de 180 000 m2[19]. Les moteurs BE-3 et BE-4 sont eux construits dans un nouvel établissement édifié à Huntsville dans l'Alabama[20].
Le vol inaugural est programmé pour décembre 2024. Le lanceur embarquera un véhicule spatial appelé Blue Ring[21] et un atterrissage du premier étage sur une barge placée au large sera tenté dès ce premier vol[22].
Vols ultérieurs (depuis 2025)
Lors de son troisième vol prévu en 2025, le lanceur embarquera EscaPADE, une sonde spatiale de faible masse développée pour la NASA, qui doit mesurer les transferts d'énergie découlant des interactions entre le vent solaire et la magnétosphère de la planète Mars[23]. La NASA a prévu un lancement lors du vol inaugural, mais a finalement retenu un vol ultérieur en raison d'une incertitude sur l'état de préparation du lanceur[24].
Comparaison avec les lanceurs existants ou en cours de développement
Comparaison des caractéristiques et performances des lanceurs lourds développés durant la décennie 2010[25],[26],[27],[28],[29],[30],[31],[14],[32].
La première date est celle du lancement du lancement (du premier lancement s'il y a plusieurs exemplaires). Lorsqu'elle existe la deuxième date indique la date de lancement du dernier exemplaire. Si d'autres exemplaires doivent lancés la deuxième date est remplacée par un -. Pour les engins spatiaux autres que les lanceurs les dates de fin de mission ne sont jamais fournies.