Le Japon est le plus gros client à l'achat du F-15, hors États-Unis[2]. En plus des missions de combat, les rôles du F-15DJ incluent l'entraînement des pilotes. Le F-15JKai est une version modernisée du F-15J initial.
Conception et développement
En juin et , l'Agence de défense japonaise — désormais devenue ministère de la Défense — examina le McDonnell Douglas F-15Eagle comme l'un des treize candidats potentiels au remplacement des F-104J/DJStarfighter et F-4EJPhantom II. Après une première réduction du nombre de participants à seulement sept candidats, parmi lesquels les F-14, F-16, YF-17, Mirage F1, SAAB 37 et TornadoIDS[3], un monoplace F-15C et un biplace F-15D furent évalués sur la base aérienne Edwards et — après une compétition serrée avec le F-14 —, le , le F-15 fut déclaré vainqueur[4], le gouvernement prévoyant alors l'achat de 187 F-15J et F-15DJ, le « J » signifiant « Japan » (« Japon », en français). En , Mitsubishi Heavy Industries fut désigné comme contractant principal et l'achat d'une licence de production du F-15 fut effectué[5],[6],[7].
Après une étude du Congrès des États-Unis, le département de la Défense des États-Unis (USDoD) retira les systèmes de guerre électronique et les moteurs de l'accord de licence. Initialement, les avions étaient produits aux États-Unis puis exportés vers le Japon. Cette production initiale pour l'export contribua au développement de l'Aviation au sein du complexe militaro-industriel japonais, tout en facilitant la production basique d'avions et en atteignant l'objectif de produire un chasseur correspondant aux besoins du Japon[8].
La force aérienne d'autodéfense japonaise (en anglais : Japan Air Self-Defense Force, JASDF) acquit 203 F-15J et 20 F-15DJ[5], chiffres sur lesquels deux F-15J et douze F-15DJ furent produits par McDonnell Douglas à Saint-Louis, dans le Missouri[6]. En , un ingénieur japonais fut envoyé à l’usine de McDonnell Douglas, à Saint-Louis[9]. En juillet, 40 ingénieurs de sociétés américaines furent affectés à la production de pièces autorisées pour la production sur le territoire japonais[9]. Surnommé « Peace Eagle » (en français : « Aigle de la paix ») par le programme Foreign Military Sales (FMS, programme facilitant la ventes d'armes à l'étranger) du département de la Défense américain, le premier F-15J produit à Saint-Louis fut livré à l'US Air Force pour son premier vol le [5],[10]. Après avoir effectué 29 vols d'essai, il fut restitué à l'US Air Force[10], puis effectua un long vol de convoyage vers la base américaine de Kadena, sur l'île d'Okinawa, au Japon, le . Huit autres F-15J furent assemblés en gros ensembles et expédiés vers le Japon pour un assemblage final par Mitsubishi à l'aéroport de Nagoya, le premier de ces appareils (s/n 12-8803) effectuant son vol inaugural le [6],[11]. Les compagnies divisèrent la part restante d'avions à produire et les produisirent à partir de 1981, l'assemblage final étant réalisé par Mitsubishi[6]. Concernant les parts de production, Mitsubishi était responsable de la production des sections avant et centrale, l'assemblage final et les essais en vol. Kawasaki devait produire les ailes, la section arrière, les gouvernes et dérives arrière, tandis que Fuji devait produire la verrière, le train d'atterrissage et les éléments en titane[12].
En 1980, le Gouvernement japonais demanda l'accès à de la technologie avancée, via le forum Japon-États-Unis, mais cette demande fut rejetée. L'Agence de défense japonaise et le département de la Défense américain organisèrent des meetings annuels au sujet de l'assouplissement de la réglementation après qu'un programme fut lancé. Au cours de ces meetings, le représentant du département de la Défense américain donna une réponse qui permit l'accès à des technologies initialement interdites de divers types, incluant les matériaux composites[13].
À la fin de l'année 1981, les premiers exemplaires de F-15J et DJ furent envoyés au 202nd Tactical Fighter Squadron(en) sur la base aérienne de Nyutabaru, qui fut alors réorganisé en escadron de formation sur Eagle et renommé 23 Flying Training Squadron le . La Force aérienne japonaise développa un plan pour former un premier escadron après la destruction tragique du Boeing 747 du vol 007 Korean Air Lines par un Su-15soviétique, le . En , les nouveaux F-15J commencèrent à remplacer les F-104J du 203rd Tactical Fighter Squadron(en) sur la base aérienne de Chitose, située sur le Détroit de La Pérouse en face de la base aérienne soviétique de Dolinsk-Sokol, cette dernière étant positionnée sur l'île de Sakhaline[6],[14].
Le , il fut annoncé que Tokyo envisageait sérieusement la vente de ses F-15 à Washington afin de récolter des fonds pour l'achat futur d'exemplaires du F-35[15]. De son côté, Washington envisagerait de revendre les F-15 à des nations alliées n'ayant que des forces aériennes limitées[15].
Le Japon est le plus gros client étranger à l'achat du F-15, avec un nombre d'exemplaires commandés représentant 60 % du nombre total d'appareils vendus hors États-Unis (365 exemplaires)[16]. Au , 201 exemplaires étaient en service[17], avec un taux de disponibilité de plus de 90 %. Le prix d'achat de chaque exemplaire était d'environ 12 milliards de yens. Il a toutefois diminué avec le temps, le prix d'un exemplaire étant de 8,6 milliards de yens en 1990[18].
Le , le F-15J immatriculé 72-8884 devint incontrôlable pendant un vol d'entraînement et le pilote dut s'éjecter. Cependant, au moment de l'éjection, sa tête vint frapper la verrière et il fut tué. Une correction fut appliquée sur tous les appareils de la flotte en leur ajoutant un brise-vitre permettant de casser la verrière pendant l'éjection.
Le F-15J est caractérisé par une liaison de données tactiques conçue localement, mais il n'est pas compatible avec le système Liaison 16 dont dispose le F-15C de l'US Air Force. Elle fonctionne comme une liaison bidirectionnelle basique avec le réseau terrestre d'interception japonais, et il est limité car il ne s'agit en fait pas d'un véritable réseau[19]. Extérieurement parlant, les autres caractéristiques notables sont les marquages de nationalité et le camouflage, qui emploient des couleurs généralement plus prononcées que celles des avions américains.
Mitsubishi reçut le programme J-MSIP (en anglais : Japan-Multi-Stage Improvement Program, programme d'amélioration en plusieurs étapes du Japon) et, en 1987, commença à faire évoluer les F-15J et DJ. Les améliorations incluaient un ordinateur central, des moteurs plus fiables et à la maintenance plus facile, un système de contrôle d'armement plus performant, ainsi que l'ajout d'un système de contremesures J/APQ-1[20],[21]. Le F100-PW-220 (IHI-220) fut remplacé par la version plus puissante F100-PW-220E (IHI-220E) avec un réaménagement incluant l'installation d'un système FADEC[22].
Les différences esthétiques avec les F-15J initiaux — aussi parfois désignés « pré-MSIP » — incluent un système d'intercommunication aéroporté (ICS) J-ALQ-8, avec son antenne installée sous l'entrée d'air d'un des turboréacteurs. La position de l'antenne du récepteur d'alerte radar J/APQ-4 sur les F-15J et DJ est la même que sur les F-15C et D, mais le carénage les recouvrant sur les F-15J et DJ MSIP sont noirs, alors qu'ils sont blancs sur les F-15J et DJ[19]. Sur la version biplace à double commande F-15DJ, étant principalement destinée à l'entraînement des pilotes, certains équipements sont démontés, tel le J/ALQ-8 normalement installé à l'arrière du cockpit. Cette version dispose donc d'un AN/ALQ-31 — de conception allemande — et est équipée d'une nacelle de guerre électronique installée à l'extérieur de l'avion[23].
Améliorations et mises à jour
Les F-15J furent équipés avec le missile air-air japonais AAM-3, une version dérivée et améliorée de l'AIM-9Sidewinder dotée d'ailerons avant « acérés ». Le Japon cherchait un chasseur avancé pour remplacer le F-15, pendant que la flotte de F-15J existante fut modernisée à de nombreuses reprises[5]. Le premier F-15J amélioré (no 928) réalisa son premier vol le , puis il fut livré à l'escadron de développement de la JASDF le [24],[25].
Le , le Gouvernement japonais accepta la mise en place du programme MDTP (pour Mid-Term Defense Program, Programme de défense à moyen terme) visant à moderniser les F-15J MSIP sur une durée de cinq ans, en accord avec les nouvelles lignes directives du Programme de défense national japonais (National Defense Program Guidelines)[26]. La mise à jour devait être effectuée par étapes, mais la mise à jour devait finalement inclure un nouveau siège éjectable, des moteurs IHI-220E neufs, un calculateur plus puissant, une génération électrique et des capacités de refroidissement plus élevées, afin de supporter la présence d'une avionique plus importante et l'installation du radarAN/APG-63(V)1[5],[27], qui était produit sous licence par Mitsubishi Electric depuis 1997. Raytheon espérait que le radar soit installé sur 80 F-15J[28]. Le nouveau radar était compatible avec le missile AAM-4(en), la réponse japonaise au missile américain AMRAAM[5].
Le , la mise à jour de reconnaissance disparut du budget de la Défense, après que le Parti démocrate du Japon prit le pouvoir à la suite des élections législatives de 2009, et la priorité fut à la place donnée à l'amélioration du F-15J et du Mitsubishi F-2. Le contrat avec Toshiba fut officiellement annulé en 2011 — ce qui valut à l'État un procès de la part de Toshiba[31] — et le nombre de mises à jour de F-15J passa de 26 à 48, tandis que le ministère de la Défense acheta la modernisation partielle de 38 chasseurs. Toutefois le budget pour une modernisation complète était insuffisant. 48 F-15J devaient recevoir une Liaison 16 et un viseur de casque[32]. Le système de viseur intégré au casque est compatible avec le missile AAM-5(en), qui doit remplacer l'AAM-3[5],[33].
Le , le Gouvernement japonais finança la modernisation de seize F-15J[34], mais le ministère de la Défense réduisit cette prévision à seulement dix avions[35].
Le ministère de la Défense n'a pas annoncé de durée de vie ni de date de mise à la retraite des F-15J, mais une fois convertis au dernier standard, il est estimé qu'ils voleront jusqu'en 2025 pour atteindre leur durée de vie initialement prévue de 8 000 heures de vol. Au sein de l'US Air Force, les F-15C et D ont une durée de vie qui a été allongée à 10 000 heures, et une extension à plus du double du potentiel initial, à 18 000 heures, est également envisagée[36]. Des mesures similaires pourraient être envisagées pour le F-15DJ. Toutefois, selon la programmation de la Défense à moyen-terme 2014-2030, les avions antérieurs au programme MSIP n'étant pas éligibles à la modernisation et à la rénovation pourraient être remplacés par de nouveaux chasseurs.
On annonce le 4 février 2022 que 68 F-15J seront portés par au standard Japan Super Interceptor; le coût pour une durée de vie de 30 ans est estimé à 646,5 milliards de yens (5,6 milliards de dollars) [37]. Ce standard comprend autre la mise du AN/ALQ-250 Eagle Passive Active Warning
Survivability System (EPAWSS)[38], un système de guerre électronique détectant et neutralisant les menaces contre l'avion[39].
Production
Lots de production
La production des F-15J et DJ a été divisée en dix-sept lots, numérotés C1 à C17. Ce seront les derniers F-15 monoplaces construits :
Lots C1 à C5 : Exemplaires pré-MISP :
Lots C1 à C3 : Appareils équipés d’un avertisseur radar J/APR-4 uniquement ;
Lots C4 et ultérieurs : Appareils équipés d'un système de brouillage AN-ALE-45(J).
Lots C6 à C17 : Exemplaires J-MSIP :
À partir du lot C7 : Système de brouillage J/ALQ-8 embarqué (F-15J uniquement) et radio V/UHF AN/ARC-182 ajoutés ;
À partir du lot C8 : Système d'alerte radar J/APR-4A ajouté ;
À partir du lot C12 : Remplacement des moteurs par des F100-IHI-220E ;
À partir du lot C14 : Ajout d'un avertisseur arrière J/APQ-1 (F-15J uniquement) et remplacement de l'avertisseur radar par un J/APR-4B.
Désignation
F-15SJ : Exemplaires désignés « pré-MSIP ». Cette désignation s'applique aux exemplaires des lots C1 à C5, livrés entre 1981 et 1984. Les appareils concernés sont les F-15J dont les numéros de série d'étalent de 02-8801 à 82-8898 et les F-15DJ dont les numéros de série d'étalent de 12-8051 à 52-8062 ;
F-15MJ : Exemplaires désignés « J-MSIP ». Cette désignation s'applique aux 103 exemplaires des lots C6 à C17, livrés à partir de 1985. Les appareils concernés sont les F-15J dont les numéros de série d'étalent de 82-8899 à 82-8965 et les F-15DJ dont les numéros de série d'étalent de 52-8063 à 92-8098.
F-15DJ : Version d'entraînement biplace à double commande pour la Force aérienne d'autodéfense japonaise. 12 exemplaires ont été produits à Saint-Louis et 25 exemplaires ont été produits sous licence par Mitsubishi entre 1981 et 1997[40].
Les F-15J de la Force aérienne d'autodéfense japonaise n'ont jamais été engagés au combat, que ce soit entre le Japon et d'autres pays ou au sein de partenariats avec l'OTAN. Ils réalisent toutefois très régulièrement des missions d'interception et d'escorte d'avions russes[43],[44],[45],[46] ou chinois[47],[48] s'approchant de l'espace aérien japonais.
La Force aérienne d'autodéfense japonaise a perdu treize F-15J/DJ de 1983 à 2022[50],[51],[52] :
: Le F-15DJ immatriculé 12-8053, du 202nd Tactical Fighter Squadron, s'est écrasé dans l'océan Pacifique à 180 km à l'est de Nyutabaru, tuant ses deux membres d'équipage[50],[51],[53] ;
: Le F-15J immatriculé 42-8840, du 204th Tactical Fighter Squadron, s'est écrasé à 160 km à l'est de Hyakuri, tuant son pilote[51],[54] ;
: Le F-15J immatriculé 22-8808, du 303rd Tactical Fighter Squadron, a percuté en vol le F-15J immatriculé 22-8808 alors qu'il effectuait des manœuvres évasives pendant un entraînement au combat. L'avion a pris feu et s'est écrasé dans l'Océan Pacifique à environ 180 km au nord-ouest de la base aérienen de Komatsu. Le pilote a été tué[51],[55] ;
: Le F-15J immatriculé 52-8857, du 204th Tactical Fighter Squadron, s'est écrasé, pendant un entraînement à l'interception au-dessus de la mer de Kashimanada, à 70 km à l'est de la préfecture d'Ibaraki. À 19 h 24, alors qu'il descendait de 1 000 à 5 000 ft et qu'il retournait vers sa base, l'avion a disparu des radars et s'est écrasé dans l'océan, à environ 70 km à l'est de la base aérienne d'Hyakuri. Le pilote a été tué[51],[56] ;
: Le F-15DJ immatriculé 12-8079, du 201st Tactical Fighter Squadron, s'est écrasé dans la mer du Japon lors de son approche à l'atterrissage sur la base aérienne de Komatsu, après qu'une explosion se soit produite à l'arrière de l'avion. Le pilote a été blessé après s'être éjecté à basse altitude[51],[57] ;
: Le F-15J immatriculé 72-8884, du 204th Tactical Fighter Squadron, s'est écrasé en mer alors qu'il rentrait à la base, près d'Onahama, dans la préfecture de Fukushima, à environ 60 km au nord-est de la ville de Hitachi. Le pilote est parvenu à s'éjecter mais est décédé plus tard[51],[58] ;
: Le F-15DJ immatriculé 82-8064, du 202nd Tactical Fighter Squadron, s'est écrasé dans l'Océan Pacifique à environ 20 km au sud de la ville de Tomakomai, après avoir connu une défaillance du système de carburant. Les deux membres déquipage se sont éjectés et ont été secourus[50],[51],[59] ;
: Le F-15J immatriculé 72-8891, du 303rd Tactical Fighter Squadron, est sorti de la piste au décollage pour une mission d'entraînement de nuit à la défense aérienne. Le pilote est resté à bord et est sorti de l'avion par ses propres moyens après l’extinction de l'incendie qui a suivi la sortie de piste[60] ;
: Le F-15J immatriculé 52-8846, du 303rd Tactical Fighter Squadron, basé à Komatsu, a été abattu pendant un entraînement à l'interception par un AIM-9LSidewinder tiré accidentellement par son ailier. Le pilote s'est éjecté en sécurité et a été récupéré par un bateau de pêche, avant d'être récupéré par un hélicoptère de la Force aérienne japonaise[50],[51],[61] ;
: Le F-15J immatriculé 72-8883, du 303rd Tactical Fighter Squadron, s'est écrasé dans la mer du Japon pendant un vol d'entraînement à la suite d'un problème moteur, à environ 30 km au sud-ouest de l'île de Mishima. Le pilote s'est éjecté en sécurité[62] ;
: Pendant un vol d'entraînement, le F-15J immatriculé 72-8879 s'est écrasé en mer de Chine orientale, à environ 180 km au nord-ouest de la ville de Naha, sur l'île d'Okinawa. L'aérofrein et un morceau d'une aile de l'avion ont été retrouvés environ une heure plus tard, mais le pilote, le major Yuji Kawakubo, n'a pas été retrouvé et est présumé mort[63],[64].
↑(ja) 日本の航空宇宙工業 : 50年の歩み [« Industrie aérospatiale japonaise 50 ans d'histoire »], (lire en ligne [PDF]), chap. 3 (« 第3章 40年代:航空機工業基礎固めの時期 2節 ライセンス生産による生産基盤の確立 [Les années 40: le moment est venu de consolider l'industrie aéronautique] »), p. 38.
(ja) Jeffrey Ethel, F‐15イーグル : 世界最強の制空戦闘機 [« F-15 Eagle: Le chasseur le plus puissant au monde »], 原書房, coll. « メカニックブックス [livres de mécanique] » (no 10), , 253 p. (ISBN4-56201-667-1 et 978-4-56201-667-9, présentation en ligne).
(en) Mark A. Lorell, Troubled Partnership : A History of U.S.-Japan Collaboration on the FS-X Fighter, Transaction Publishers, coll. « Classics in Organization and Management », , 469 p. (ISBN1-56000-891-1 et 978-1-56000-891-0, présentation en ligne).