La Carmagnole est une chansonrévolutionnaire créée en 1792 au moment de la chute de la monarchie (journée du 10 août 1792)[1]. Originaire du Piémont, ce chant gagne d’abord la région de Marseille, avant d’atteindre Paris. Elle se popularise ensuite dans toute la France après la chute du trône pour devenir un hymne des sans-culottes. Lors des épisodes révolutionnaires qui secouent le XIXe siècle français, elle réapparaît en s'ornant de nouveaux couplets. L'air est par contre plus ancien, noté 673 de La Clé du Caveau[2].
On appelle aussi « carmagnoles » les discours prononcés à la tribune de la Convention par Barère, rapporteur du Comité de salut public, fin 1793 et début 1794, pour annoncer aux députés les victoires révolutionnaires. Ces discours, hymnes lyriques au ton claironnant, ont été appelés ainsi pour marquer leur analogie avec la chanson familière des patriotes.
Dans son recueil de chansons, Claude Duneton[4] émet l'hypothèse que si l'auteur de La Carmagnole est resté anonyme, c'est qu'il était dangereux pour lui de la revendiquer. D'après lui, un chanteur populaire de rue comme Ladré[5] n'aurait rien risqué. Il pense pour sa part que l'auteur est peut-être une femme, au vu du premier couplet qui s'adresse à Marie-Antoinette et non au roi, et au vu de certaines tournures de phrases. Il donne le nom de Mme Roland, dont la haine pour Marie-Antoinette était connue et dont le mari M. Roland, ministre du roi, fut lié aux événements des Tuileries. De plus, Mme Roland fut guillotinée le et son mari se suicida en apprenant sa mort, ce qui aurait empêché toute revendication ultérieure de paternité de la chanson.
Musique
Mélodie de la Carmagnole, telle qu'imprimée en 1794[6] :
Une seconde version apparaît en 1793. On peut la trouver chantée par Francesca Solleville.
Les jours de fête, amusons-nous ...
De s'amuser il est si doux.
La Carmagnole de Fouquier-Tinville est contemporaine de la Révolution et de la montée de Robespierre sur l'échafaud[7] :
Fouquier-Tinville avait promis
De guillotiner tout Paris.
Mais il en a menti,
Car il est raccourci.
Le chant des Sanfédistes « Canto dei Sanfedisti » (milice paysanne catholique constituée à partir de 1799 dans le sud de l'Italie, luttant contre les armées révolutionnaires françaises pour la restauration du royaume Bourbon de Naples) s'inspire ironiquement de La Carmagnole.
Et le , La Carmagnole des corbeaux de Jules Jouy[9].
En 1889, Louise Quitrime, une ouvrière giletière parisienne membre du groupe Le Réveil de la femme et, avec son compagnon, tenancière de taverne acquise aux idées anarchistes, publie La Carmagnole des enfants, dans un recueil intitulé Rondes pour récréations enfantines.
En 1893, La Ravachole, chanson anarchiste de Sébastien Faure, toujours sur l'air de La Carmagnole est publiée pour la première fois dans l'Almanach du Père Peinard en 1894. Le nom fait référence à l'anarchiste François Ravachol qui avait lancé des bombes sur les domiciles des magistrats responsables de la condamnation d'anarchistes[11].
Dans la grande ville de Paris
Il y a des bourgeois bien nourris [...]
Fin du XIXe siècle :
Que faut-il donc au plébéien
Le bonheur de tous et le sien
En 1900, au Creusot, on chante :
La Carmagnole, c'est défendu
De la chanter dans la rue [...]
Elle sera la chanson de la dernière grande grève avant les répressions.
En 1909, on chante la Carmagnole des postiers :
Que demande un honnête postier ?
Qu'on ne maquille pas son dossier.
Version de 1917 :
Vive la Commune de Russie
Ses mitrailleuses et ses fusils
En 1957, lors de la grève des banques :
La grève à la BNCI
Comm' partout a bien réussi.
Il existe également sur le même air un chant tout à l'opposé : La Catholique, qui a été écrite par Théodore Botrel au tout début du XXe siècle[12].
Chorale populaire de Paris en 1989, dans l'album 1789, La Révolution française en chansons : Anthologie, Éditions Le chant du monde ; distrib. Harmonia mundi France.
Julie Pietri sur l'album collectif La Révolution Française (par les chansons de la rue et du peuple), sorti en 1989.
↑ a et bPierre Grosz, La grande histoire de la chanson française et des chansons de France : La remontée aux origines : de 1909 à la Gaule romaine, vol. 2, France Progrès, (ISBN2-910778-11-8).
↑Claude Duneton avec la collaboration d'Emmanuelle Bigot, Histoire de la chanson française - Vol 2. De 1780 à 1860, Éditions du seuil, octobre 1998 - Impression Normandie Roto S.A. 61250 Lonrai - n° 17286 - (ISBN2-02-017286-0)
Partitions musicales : N. Bertrand-DCRH - Paris.
↑« LADRÉ », dans Le Maitron, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne)
↑Marie-Pier Tardif, Ni ménagères, ni courtisanes ; les femmes de lettres dans la presse anarchiste française (1885-1905) (Thèse de linguistique), Université de Lyon - Université de Québec à Montréal, (lire en ligne), p. 47
↑On peut la trouver interprétée par Les Quatre Barbus dans Chansons Anarchistes (33 tours - Éditeur : Disques Serp, Collection Hommes et faits du XXe siècle', années 1970)
↑Théodore Botrel et H. de Sta, La Catholique : réponse à la Carmagnole, (lire en ligne).