« Un des plus beaux, des plus curieux, et des plus terribles spectacles que l'on puisse voir, c'est une course de taureaux. J'espère, à mon retour, mettre sur la toile l'aspect brillant, papillotant et en même temps dramatique de la corrida à laquelle j'ai assisté[2]. »
L’œuvre, à l’origine, n’était en fait qu’une partie d’une composition plus vaste destinée au Salon de Paris de la même année, et intitulée Épisode d’une course de taureaux : le peintre, mécontent des critiques qu'on lui adressait sur son œuvre, découpa le tableau qui avait pourtant été accepté au Salon de 1864[4]. Cet Épisode lui avait été directement inspiré par la tauromaquia de Francisco de Goya et des Courses de taureaux d'Alfred Dehodencq[4]. Il conserva deux parties de son œuvre : l'une est intitulée L'Homme mort (à l'origine : Le Torero mort), elle est conservée à Washington.
Après le découpage, Manet a longuement retravaillé le Torero mort de manière à en faire une œuvre indépendante et puissante. De la grande toile L'Épisode mesurant126 × 168 cm, le peintre extrait une toile de 76 × 150 cm qui gagne en force et en monumentalité[5]. C'est Manet lui-même qui a décidé de donner au tableau un caractère plus universel en changeant le titre. Le torero mort devient L'Homme mort à l'exposition de 1867[5]. Le tableau est aujourd'hui conservé à la National Gallery of Art de Washington, qui l'intitule The Dead Toreador (Le Toréador mort)[6].
L'autre partie découpée par Manet est intitulée La Corrida. C'est une huile sur toile de 48 × 108 cm, portant la signature posthume de Manet. Elle est conservée à la Frick Collection à New York[7].
Les critiques du salon reprochaient à L'Épisode d'une course de taureaux son manque de relief, et les proportions des personnages ainsi que de l'espace irréaliste[7].
« la figure du torero mort est audacieusement copiée d'après un chef-d'œuvre de la galerie Pourtalès, peint par Vélasquez[9]. »
Il insinuait ainsi que Manet était un plagiaire, hypothèse contre laquelle Charles Baudelaire s'éleva énergiquement[10],[11].
Une grande photographie du tableau de Vélasquez ayant été publiée par Goupil en 1863, on a même supposé que Manet avait vu l'original avant de peindre l'Épisode d'une course de taureau[12]
L'homme mort est approprié en 2007 par le peintre Herman Braun-Vega dans le tableau ¿Que tal? Don Francisco à Bordeaux ou le rêve du Novillero (Goya, Vélasquez, Manet, Monet, Botan)[13] qui retrace les filiations artistiques entre Vélasquez, Goya, Manet et Monet, L'homme mort étant considéré comme un héritage direct de Vélasquez[14].
↑Jean-Luc Chalumeau (préf. Alain Juppé et Harry Belevan-McBride), BRAUN-VEGA Mémoires, peintures et dessins 1978-2007 (Catalogue de l'exposition à Espace Saint-Rémi de Bordeaux), Mairie de Bordeaux, , 46 p. (lire en ligne), « Braun-Vega ou le paradis des peintres », p. 11 :
« Velazquez étant aussi l'auteur du Soldado muerto (1635-1640, National Gallery) qui inspira directement à Manet L'Homme mort en 1865 (Washington, National Gallery of Art), la présence de ce dernier dans le tableau de Braun-Vega ne nous étonnera pas. »
Annexes
Bibliographie
Françoise Cachin, Charles S. Moffett et Juliet Wilson Bareau, Manet : 1832-1883, Paris, Réunion des Musées Nationaux, , 544 p. (ISBN2-7118-0230-2).
Théophile Thoré-Burger et William Bürger, Salons de William Bürger, 1861-1868, avec une préface par Théophile Thoré, vol. 2, t. II, Paris, Jules Renouard, .