Ä l'écran comme dans la vie réelle, elle est une « gloire » de l'entre-deux guerres. Après avoir abandonné le cinéma et le théâtre en 1951, Jacqueline Delubac devient collectionneuse d'art. Là, où grâce à son sens critique et son « œil » elle acquiert un prestige certain.
L'artiste peintre Jacqueline Anselme était sa cousine.
Ses parents, Jean Marie Henri Basset (1862-1911), industriel lyonnais, et Alice Isabelle Delubac (1878-1961), dont elle a pris le nom, se sont mariés le à Valence où Jacqueline est élevée.
Elle arrive à Paris à la fin des années 1920 pour prendre des cours de danse et de chant. Elle obtient rapidement quelques petits rôles dans des revues, puis au théâtre et au cinéma et se lie avec Jean Sablon, Marcel Achard, Léon-Paul Fargue.
À l'automne 1931, un de ses amis, Robert Trébor, parle d'elle à Sacha Guitry qui cherche pour sa pièce Villa à vendre une jeune et jolie comédienne capable de jouer avec l'accent anglais. Guitry la convoque, l'engage et lui fait une cour discrète. L'été 1934, Sacha, quitté par Yvonne Printemps, se fait pressant. Le elle épouse Guitry qui a 50 ans, soit 23 ans de plus qu'elle. Il annonce leur mariage en déclarant : « J'ai le double de son âge, il est donc juste qu'elle soit ma moitié »[2], rajeunissant légèrement la mariée (Jacqueline prétendra dès lors être née en 1910 et non en 1907).
Guitry fait d'elle une actrice applaudie au théâtre et au cinéma. Elle joue dans vingt-trois pièces de son mari, dix créations et treize reprises, ainsi que dans onze de ses films.
Son charme fait d'elle l'une des Françaises les plus séduisantes de l'entre-deux-guerres. Couverte par son mari de parures et de fourrures des plus grands créateurs, elle est considérée comme l'archétype de la Parisienne raffinée. Le magazine américain Life la classe parmi les cinq femmes les plus élégantes du monde[3]. Le couple divorce le .
Elle a une liaison à partir de 1938 avec un homme politique de droite, Jean Goy, avec qui elle vit et qui divorce de son épouse en 1940[4],[5].
Après son divorce en 1939, Jacqueline Delubac joue encore dans une dizaine de films de Pabst, Tourneur, L'Herbier et dans quelques pièces de théâtre.
Après la Seconde Guerre mondiale, elle devient la compagne du propriétaire de mines de diamant d'origine arménienne Mihran Garabet Eknayan (1892-1985), qui l'épousera à Neuilly-sur-Seine, le [6].
Le , le musée des Beaux-Arts de Lyon a rendu hommage à Jacqueline Delubac en organisant un bal dans la cour et le parc du Palais Saint-Pierre, reprenant des chansons des revues des années 1930 dont celles de son amie Joséphine Baker, en présence de son amie Maddly Bamy, avec une rétrospective des dons des œuvres qu'elle avait cédées au musée et à la ville de Lyon.
Collection
Jacqueline Delubac commence sa collection après son divorce de Sacha Guitry en .
Elle effectue son premier achat à la galerie Louis Carré le . Il s'agit de L'Atelier aux raisins de Raoul Dufy. Un deuxième tableau entre dans sa collection : Poisson sur une assiette (1921) de Pierre Bonnard.
En 1956, au cours d'une visite de l'atelier d'Hans Hartung elle fait l'acquisition de T. 1955-33[8].
Lors d'un voyage à New York, elle devient propriétaire d'une toile de Georges Braque datant de 1937 : Femme au chevalet. Elle découvre également Les Deux Femmes au Bouquet (1921) de Fernand Léger à la galerie Perls.
Dans les années 1980, Jacqueline Delubac se tourne vers les productions de Francis Bacon et acquiert en 1982, à la galerie Claude Bernard à Paris, Carcasse de viande et oiseau de proie (1980). Un deuxième Bacon, Étude pour corrida n°2 (1969), entre dans sa collection en 1989.
Peu après la mort de son second mari, Myran Eknayan, Jacqueline Delubac songe à l'avenir de ses collections. Dans un premier temps, elle pense faire une donation au musée d'Art moderne de la ville de Paris. Mais, par l'intermédiaire de Jean-Hubert Martin, elle rencontre Philippe Durey, directeur du musée des Beaux-Arts de Lyon et envisage alors de léguer la collection impressionniste « Eknayan ». Quelques mois plus tard, une visite est organisée au musée des Beaux-Arts de Lyon et la promesse d'un legs est scellée[9].
Une partie de sa collection de tableaux (Poliakoff, Fautrier, Laurencin, Rouault, van Dongen, Vieira da Silva, Pignon-Ernest, etc.), estampes modernes (Picasso, Bellmer, Tanguy), bronzes (Rodin, Richier), meubles et objets d'art fut vendue aux enchères publiques à Paris le (catalogue de 46 numéros).
Citation
« J’ai un bon œil, j’ai eu le bonheur d’avoir un assez bon instinct et d’acheter des peintures de Poliakoff, de Fautrier, de Dubuffet qui étaient peu connus, et j’ai la joie de les avoir acquises quand tout le monde se moquait de moi [10]. »
↑Françoise Mayeur, Liens de famille et alliances, dans Collectif, Les parlementaires de la Seine sous la Troisième République. Vol. 1: Études, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2001 (Lire en ligne)
Raymond Voinquel, Les Acteurs du rêve, Paris, Editions du Patrimoine, Seuil, 1997.
De Manet à Bacon, la Collection Jacqueline Delubac, Paris, Réunion des musées nationaux / Musée des beaux-arts de Lyon, 1998.
Julie Verlaine, « Jacqueline Delubac (1907-1997) : Actrice et collectionneuse », dans Femmes collectionneuses d'art et mécènes : de 1880 à nos jours, Éditions Hazan, , 287 p. (ISBN9782754106122), Femmes actives : Carrière et collection, 1930-1970, p. 184-192