En tant que cadet du prince de Galles, George a peu de chances d'accéder au trône. Son frère aîné, Albert Victor, est le deuxième dans l'ordre de succession après son père. Les deux frères n'ont que 17 mois d'écart et ils sont élevés ensemble ; en 1871, John Neale Dalton est choisi pour être leur tuteur. Ni Albert Victor ni George n'excellent du point de vue intellectuel[4]. Leur père considère que la marine représente « le meilleur entraînement possible pour un garçon[5] » et les deux frères entrent dans la Royal Navy en ; ils sont déployés sur le navire d'entraînement HMS Prince of Wales stationné à Dartmouth[6].
Premiers voyages et études
À partir de 1879, Albert Victor et George servent pendant trois ans sur le HMS Bacchante, accompagnés de Dalton. Ils réalisent une tournée des colonies de l'Empire britannique dans les Caraïbes, l'Afrique du Sud et l'Australie et se rendent aux États-Unis, en Amérique du Sud, en Méditerranée, en Égypte et dans l'Asie de l'Est. Au Japon, George demande à un tatoueur local de dessiner un dragon bleu et rouge sur son bras[7]. Dalton rédige un compte-rendu de leur voyage intitulé The Cruise of HMS Bacchante[8]. Entre Melbourne et Sydney, Dalton note la vision du vaisseau fantôme le Hollandais volant[9][pas clair]. Lorsqu'ils reviennent au Royaume-Uni, la reine Victoria se plaint que ses petits-enfants ne parlent pas français ou allemand et les deux frères sont envoyés six mois à Lausanne en Suisse, mais ne parviennent pas à apprendre une autre langue[10]. Après Lausanne, Albert Victor et George sont séparés ; Albert Victor entre au Trinity College de l'université de Cambridge et George reste dans la Royal Navy. Il réalise de nombreux voyages dans le monde et visite de nombreuses régions de l'Empire britannique jusqu'à son dernier commandement en 1891 – 1892 en tant que capitaine de vaisseau. Après cela, son grade dans la Royal Navy est largement honorifique[11].
Mariage
En tant que jeune homme destiné à servir dans la marine, le prince George reste plusieurs années sous le commandement de son oncle, le prince Alfred d'Édimbourg, qui est stationné à Malte. Sur l'île, il rencontre et tombe amoureux de la fille de son oncle, sa cousine Marie d'Édimbourg. Sa grand-mère, son père et son oncle approuvent l'union mais leurs mères, la princesse de Galles et la duchesse d'Édimbourg s'y opposent. La princesse de Galles pense que la famille est trop pro-allemande et la duchesse d'Édimbourg n'apprécie pas l'Angleterre, et ne veut pas d'un mariage entre cousins germains (pratique interdite par l'Église orthodoxe russe). Poussée par sa mère, Marie refuse la proposition de fiançailles de George et elle épouse Ferdinand, l'héritier du trône de Roumanie, en 1893[12].
Six semaines après ces fiançailles, Albert Victor meurt d'une pneumonie ; George passe donc en seconde position dans l'ordre de succession au trône britannique et devenant un héritier direct, il devient probable qu'il succède à son père. George vient juste de récupérer d'une grave maladie et est resté alité pendant six semaines en raison d'une fièvre typhoïde[13]. La reine Victoria continue de considérer Mary de Teck comme une partenaire possible pour son petit-fils George et ils se rapprochent pendant la période de deuil[14]. Une année après la mort d'Albert Victor, George et Mary se fiancent et ils se marient le dans la chapelle royale du palais Saint James à Londres. Bien que le mariage ait été arrangé, les deux époux développent une profonde affection l'un pour l'autre. George est, de son propre aveu, incapable d'exprimer facilement par oral ses sentiments, mais ils échangent fréquemment des lettres et des notes d'affection[15].
Duc d'York
La mort de son frère aîné met un terme à la carrière militaire de George, étant deuxième dans l'ordre de succession derrière son père[16]. George est fait duc d'York, comte d'Inverness et baron Killarney par la reine Victoria le [17] et reçoit des leçons d'histoire constitutionnelle avec J. R. Tanner[18]. Après son mariage avec George, Mary reçoit le titre de duchesse d'York avec le prédicat d’altesse royale.
Le duc et la duchesse d'York résident essentiellement au York Cottage, une résidence relativement petite à proximité de Sandringham House où leur mode de vie ressemble plus à celui d'une famille aisée de la classe moyenne qu'à celui de l'aristocratie[19]. George préfère une vie simple et paisible en opposition à la vie sociale effrénée de son père. Son biographe officiel, Harold Nicolson, commente négativement cette période : « Il fut peut-être un parfait jeune cadet et un sage vieux roi mais lorsqu'il était duc d'York… il ne fit rien d'autre que chasser et coller des timbres[20] ». George est un célèbre philatéliste, ce que Nicolson méprise[21] ; il joue un grand rôle dans la création de la Collection philatélique royale qui devient la collection la plus complète de timbres du Royaume-Uni et du Commonwealth[22].
George et Mary ont cinq fils et une fille. Randolph Churchill avance que George est un père strict dont les enfants ont peur et rapporte des propos de George à Edward Stanley : « mon père avait peur de sa mère, j'avais peur de mon père et je vais m'assurer que mes enfants aient peur de moi ». Comme il n'y a aucune source directe de cette confidence, il est probable que l'éducation de George soit similaire à celle de la plupart des parents de l'époque[23].
Prince de Galles
Disparition de la reine Victoria
À la mort de la reine Victoria le , le père de George monte sur le trône sous le nom d'Édouard VII. George hérite des titres de duc de Cornouailles et de Rothesay et est alors appelé Son Altesse Royale le duc de Cornouailles et de Rothesay presque jusqu'à la fin de l'année, quand il devient prince de Galles.
Tournée royale à travers l'Empire
En 1901, George et Mary font une tournée de l'Empire britannique avec des étapes en Afrique du Sud, à l’île Maurice, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Canada et à Terre-Neuve. Le voyage est organisé par le secrétaire d'État aux ColoniesJoseph Chamberlain avec le soutien du Premier ministre britanniqueLord Salisbury, et son objectif est essentiellement de remercier les dominions pour leur participation à la seconde guerre des Boers entre 1899 et 1902. George distribue des milliers de médailles aux troupes coloniales au cours de nombreuses cérémonies. En Afrique du Sud, l'accueil du cortège royal est célébré par des décorations élaborées, des présents coûteux et des feux d'artifice magnifiques. George y rencontre des chefs locaux ainsi que des prisonniers boers. Mais en dépit des célébrations, tous les résidents ne sont pas favorables à cette visite, et de nombreux Afrikaners critiquent le coût des festivités alors que la région se remettait à peine du conflit[24]. Ensuite en Australie, le duc ouvrit la première session du Parlement à la suite de la création du Commonwealth d'Australie[25]. Plus tard, la visite permet à la Nouvelle-Zélande de montrer son développement, en particulier la mise en place d'industries, tandis que le duc félicite le courage et la loyauté des Néo-Zélandais. L'objectif implicite est de témoigner de l'attrait de la Nouvelle-Zélande afin d'attirer des touristes et de potentiels immigrants tout en évitant les tensions sociales que l'affirmation de cette invitation aurait pu créer. La visite met ainsi l'accent sur une région dont la presse britannique sait peu de choses[26]. À son retour en Grande-Bretagne, George donne un discours à Guildhall dans lequel il avertit de « l'impression qui semble dominer chez nos frères par-delà les mers, selon laquelle la Vieille Patrie doit se réveiller si elle veut conserver son ancienne position de domination sur son commerce colonial contre des compétiteurs étrangers[27] ».
Investiture en tant que prince de Galles
Le , George est fait prince de Galles et comte de Chester[28]. Le roi Édouard VII souhaite préparer son fils à son futur rôle de monarque. Contrastant avec l'attitude de la reine Victoria, qui avait exclu Édouard des affaires du royaume, George se voit offrir un large accès aux documents et rapports officiels[16],[29]. De même, le prince de Galles autorise son épouse à être tenue au courant[30], car il apprécie ses conseils et son aide pour rédiger ses discours[31].
Voyage en Inde britannique en 1905
De à , George et Mary se rendent en Inde britannique où ils sont choqués par les discriminations, et font campagne pour une plus grande représentation des Indiens dans le gouvernement du pays[32]. La visite est presque immédiatement suivie d'un voyage en Espagne pour le mariage du roi Alphonse XIII avec Victoire-Eugénie de Battenberg, au cours duquel les fiancés manquent d'être assassinés par l'anarchisteMateo Morral. Une semaine après leur retour en Grande-Bretagne, George et Mary se rendent en Norvège pour assister au couronnement du roi Haakon VII et de la reine Maud, la sœur de George[33].
Roi du Royaume-Uni
Accession au trône et couronnement
Édouard VII meurt le et George monte sur le trône sous le nom de George V, à l'âge de 44 ans. Il écrit dans son journal : « j'ai perdu mon meilleur ami et le meilleur des pères… Je ne me suis jamais disputé avec lui. J'ai le cœur brisé et je suis submergé par le chagrin mais Dieu m'aidera dans mes responsabilités et ma chère Mary sera le réconfort qu'elle a toujours été. Puisse Dieu me donner force et conseil dans la tâche immense qui m'incombe[34] ».
George n'a jamais apprécié l'habitude de son épouse de signer les documents officiels et les lettres par « Victoria Mary » et il insista pour qu'elle abandonne l'un des prénoms. Ils jugent tous deux qu'elle ne devrait pas être appelée reine Victoria et elle devient reine Mary[35]. Plus tard dans l'année, le journaliste Edward Mylius publie un article diffamatoire affirmant que George s'était secrètement marié à Malte alors qu'il était jeune homme et qu'il est donc bigame. Ces accusations ont été imprimées pour la première fois en 1893 mais George les a ignorées. Pour faire taire ces diffamations, Mylius est arrêté, jugé et condamné à un an de prison[36].
George s'oppose à la formulation anticatholique de la déclaration d'accession au trône qu'il est obligé de lire lors de sa première cérémonie d'ouverture du Parlement britannique[n 2]. Il fait savoir qu'il refuse d'ouvrir le Parlement tant que sa déclaration ne serait pas modifiée. L'Accession Declaration Act de 1910 raccourcit donc la déclaration en supprimant les passages les plus controversés[37].
Le couronnement du roi et de la reine a lieu le à l'abbaye de Westminster[16], par l'archevêque de CantorbéryRandall Davidson, et est célébré par le Festival of Empire au Crystal Palace. En juillet le couple royal se rend en Irlande et est chaleureusement accueilli au long des cinq jours de la visite[38]. Plus tard en 1911, le roi et la reine vont en Inde pour assister au darbâr de Delhi où ils sont présentés à une audience composée des princes et dignitaires indiens en tant qu'empereur et impératrice des Indes le . George porte la nouvelle couronne impériale des Indes durant la cérémonie et annonce le transfert de la capitale indienne de Calcutta à Delhi. Le , il pose la première pierre de New Delhi avec la reine Mary[39]. Ils voyagent dans tout le sous-continent indien et George participe à une chasse au gros gibier au Népal au cours de laquelle il tue 21 tigres, 8 rhinocéros et un ours en dix jours[40]. Il est un tireur adroit et expérimenté[41], et le , il abat plus d'un millier de faisans en six heures dans la résidence de Lord Burnham. Cela représente près d'un oiseau toutes les 20 secondes et le roi lui-même reconnaît qu'il « était allé un peu trop loin » ce jour-là[42].
Débuts et politique intérieure
George V hérite de la Couronne à un moment de troubles politiques[43]. Le People's Budget du député libéralDavid Lloyd George a été rejeté l'année précédente par la Chambre des lords dominée par les conservateurs et les unionistes malgré la règle tacite qui voulait que les Lords n'apposent pas leur veto aux lois budgétaires[44]. Le Premier ministre libéral Herbert Henry Asquith a demandé au précédent roi de s'engager à nommer suffisamment de pairs pour forcer la Chambre des lords à voter le budget. Édouard VII a accepté à contrecœur de le faire si les Lords rejetaient le budget après deux élections successives. Après une élection en , les pairs conservateurs acceptèrent le budget sans vote car le gouvernement disposait de la légitimité électorale[45].
Asquith tente de limiter le pouvoir des Lords par des réformes constitutionnelles qui sont rejetées après des débats houleux à la chambre haute. Une conférence organisée sur ces réformes échoue en après 21 réunions. Asquith et Lord Crewe, le chef des Lords libéraux, demandent à George V de dissoudre le Parlement et de promettre de créer suffisamment de pairs libéraux si les Lords bloquaient à nouveau la législation[46]. Si le roi refuse, le gouvernement libéral démissionnerait et cela donnerait l'impression que le souverain prenait parti avec « les pairs contre le peuple[47] ». Les deux conseillers privés du monarque, Lord Knollys (libéral) et Lord Stamfordham (unioniste), sont en désaccord[48]. Comme son père, George accepte la dissolution et la création de pairs avec réticence même s'il considère que ses ministres avaient profité de son inexpérience pour l'intimider[49]. Après l'élection de , les Lords acceptent les réformes du fait des menaces d'inonder la Chambre des lords avec de nouveaux pairs[50]. Le Parliament Act de 1911(en) supprimait, à quelques exceptions près, le droit de veto des Lords. Le roi considèrera par la suite que Lord Knollys lui avait délibérément caché la volonté de l'opposition à former un gouvernement si les libéraux avaient démissionné[51].
À la suite de l'élection de , les libéraux forment un gouvernement minoritaire grâce au soutien des nationalistes irlandais. Asquith présente donc une législation visant à accorder une autonomie interne à l'Irlande mais les conservateurs et les unionistes s'y opposent, et la situation s'enlise[16],[52]. Pour éviter la perspective d'une guerre civile en Irlande entre unionistes et nationalistes, George V organise une conférence rassemblant toutes les parties au palais de Buckingham en pour essayer de négocier un accord[53]. La conférence se termine par une impasse après quatre jours de discussions[16],[54]. Après avoir envisagé de mettre son veto à la législation[55], le roi l'approuve le mais son application est suspendue par le déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Première Guerre mondiale
Le , le roi note dans son journal : « J'ai tenu conseil à 10h45 pour la déclaration de guerre à l'Allemagne. C'est une terrible catastrophe, mais ce n'est pas de notre faute. Plaise à Dieu que tout cela s'achève bientôt »[56]. Entre 1914 et 1918, le Royaume-Uni est en guerre contre l'Empire allemand. Le KaiserGuillaume II, qui devient pour l'opinion publique britannique le symbole des horreurs de la guerre, est le cousin de George V. Le grand-père paternel du roi du Royaume-Uni était le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha ; George V et ses enfants portent donc les titres de prince et de princesse de Saxe-Cobourg-Gotha. La reine Mary, bien que britannique par sa mère, est fille du duc de Teck, un descendant des ducs de Wurtemberg allemands. George V a des beaux-frères et des cousins qui sont des sujets britanniques mais qui portaient des titres allemands des maisons de Teck, de Battenberg ou de Schleswig-Holstein. Lorsque H. G. Wells écrit sur la « cour terne et étrangère » de Grande-Bretagne, George V répond : « je suis peut-être terne mais que je sois maudit si je suis étranger[57] ».
Le , George apaise les sentiments nationalistes britanniques en changeant le nom de la maison royale britannique du nom à consonance allemand de Saxe-Cobourg-Gotha en Windsor d'après le château éponyme[58]. Ses proches et lui abandonnent leurs titres allemands et prirent des noms à consonance britannique. George V compense ces pertes faisant de ses proches des Lords. Son cousin, le prince Louis Alexandre de Battenberg, qui a été forcé de quitter sa fonction de First Sea Lord au début de la guerre en raison des sentiments antigermaniques, devient Louis Mountbatten tandis que les frères de la reine Mary deviennent Alexander et Adolphe de Cambridge[59].
Dans des lettres patentes diffusées le , le roi limite l'usage du titre de Son Altesse Royale et de la dignité de « prince (ou princesse) de Grande-Bretagne et d'Irlande » aux enfants du souverain, les enfants des fils du souverain et le fils aîné du fils aîné du prince de Galles, titres jusqu'alors attribués à tous les descendants du monarque régnant[60]. Les lettres patentes spécifient également que « les titres d'altesse royale, d'altesse ou d'altesse sérénissime et la dignité de prince et princesse sont suspendus en dehors de ceux déjà accordés et qui ne seront pas révoqués ». Les proches de la famille royale britannique qui combattent du côté allemand comme Ernest-Auguste de Hanovre et Charles-Édouard de Saxe-Cobourg et Gotha voient leurs titres britanniques suspendus par un ordre en Conseil de 1919. Sous la pression de sa mère, la reine Alexandra, George V fait également retirer les bannières de l'ordre de la Jarretière de ses proches allemands de la chapelle Saint-Georges[61].
Lorsque le tsar Nicolas II, son cousin, est renversé par la révolution russe, le gouvernement britannique lui offre asile ainsi qu'à sa famille mais les craintes que la révolution ne se propage aux Îles Britanniques poussent George V à juger que la présence de la famille impériale russe serait inappropriée[62]. Même si Louis Mountbatten avancera plus tard que le Premier ministre David Lloyd George était opposé au sauvetage de la famille impériale russe, les lettres de Lord Stamfordham suggèrent que le gouvernement y était favorable mais George V alla contre cet avis[63]. Le MI1, une branche des services secrets britanniques, prépare des plans complets pour exfiltrer le tsar[64] mais du fait de la force grandissante des révolutionnaires bolcheviks et des difficultés liées à la guerre, le projet n'est jamais appliqué[65]. Le tsar et sa famille immédiate restèrent en Russie où ils sont assassinés par les bolcheviks en 1918. L'année suivante, la mère de Nicolas (la tante de George) Maria Feodorovna, et d'autres membres de la famille impériale russe sont évacués de Crimée par des navires britanniques.
Deux mois après la fin de la guerre, le fils cadet de George V, John, meurt à l'âge de 13 ans après une longue maladie. George V est informé par la reine Mary qui écrit, « [John] a été pour nous le sujet d'une grande anxiété pendant de nombreuses années… La première faille dans le cercle familial est dure à supporter mais les gens ont été si gentils et sympathiques et cela nous a beaucoup aidé[66] ».
En , le roi se rend en Belgique et dans le nord de la France et visite les cimetières et les mémoriaux construits par l'Imperial War Graves Commission. L'événement est décrit dans le poème The King's Pilgrimage de Rudyard Kipling[67]. Ce voyage et une courte visite en Italie en 1923 sont les seules occasions au cours desquelles George V accepte de quitter le Royaume-Uni en déplacements officiels après la fin de la guerre[68].
Disparitions de monarchies européennes
Avant la Première Guerre mondiale, la plus grande partie de l'Europe était gouvernée par des monarques ayant des liens avec George V, mais les monarchies d'Autriche-Hongrie, d'Allemagne, de Grèce et de Russie disparurent pendant ou peu après le conflit. En , le lieutenant-colonel Edward Lisle Strutt est envoyé par George V pour escorter l'ancien empereur d'AutricheCharles Ier et sa famille jusqu'en Suisse[69]. En 1922, un navire de la Royal Navy est détaché en Grèce pour secourir ses cousins, le prince André qui était un neveu de la reine Alexandra par son frère Georges Ier, la princesse Alice qui était la fille du prince Louis Alexandre de Battenberg, l'un des princes allemands ayant reçu une pairie britannique en 1917, ainsi que leurs enfants. Dans le navire britannique se trouvait ainsi le prince Philippe qui épousera par la suite la petite-fille de George V, la princesse Élisabeth. La monarchie grecque est restaurée en 1935 peu avant la mort du souverain du Royaume-Uni.
Guerre d'indépendance irlandaise
Après de nombreux incidents pendant la Première Guerre mondiale, la situation en Irlande se transforme en guerre d'indépendance en 1919. George V exprime son horreur concernant les représailles et les massacres approuvés par le gouvernement de David Lloyd George[70]. Lors de la cérémonie d'ouverture du Parlement d'Irlande du Nord le , le roi, dans un discours en partie rédigé par Lloyd George et le général Jan Smuts, appelle à l'apaisement. Une trêve est signée quelques jours plus tard et les négociations entre le Royaume-Uni et les indépendantistes irlandais débouchèrent sur la signature du traité anglo-irlandais le . À la fin de l'année 1922, l'Irlande est de fait divisée entre l'État libre d'Irlande au sud et l'Irlande du Nord.
Montée du mouvement socialiste
Le roi et ses proches conseillers s'inquiètent de la montée du socialisme et des mouvements ouvriers qu'ils associent au républicanisme. Leurs inquiétudes, bien qu'exagérées, entraînent une évolution du rôle social de la monarchie pour le rendre plus ouvert au monde ouvrier et à ses représentants ; cela représentait un changement important pour George qui n'était à l'aise qu'avec les officiers navals et les membres de l'aristocratie. En réalité, les socialistes ne croient plus en leurs slogans antimonarchiques et sont prêts à négocier avec la monarchie si elle fait le premier pas. George prend cette initiative et adopte une posture plus démocratique transcendant les classes sociales et rapprochant le souverain du peuple. Le roi développe également des relations amicales avec des hommes politiques travaillistes modérés et des représentants des syndicats. L'abandon de l'attitude hautaine de la monarchie par George V modifie le comportement de la famille royale et augmente sa popularité durant les crises économiques des années 1920 et par la suite. De fréquents changements de gouvernement ont lieu entre 1922 et 1929. En 1924, George V nomme le premier Premier ministre travailliste, Ramsay MacDonald, en l'absence d'une claire majorité pour l'un des trois principaux partis lors de l'élection de . L'accueil diplomatique et compréhensif de ce premier gouvernement travailliste (qui dura moins d'un an) apaise les inquiétudes des sympathisants du parti[71],[72]. Durant la grève générale de 1926, le roi préconise au gouvernement conservateur du Premier ministre Stanley Baldwin d'adopter une politique conciliante en déclarant par exemple : « Essayez donc de vivre avec leur salaire avant de les juger »[73].
Dernières années de règne
En 1926, George V accueille les ministres des dominions britanniques lors d'une conférence impériale à Londres. Au cours de celle-ci, il adopte la déclaration Balfour reconnaissant officiellement que les dominions « sont des communautés autonomes au sein de l'Empire britannique, de statut égal, aucunement subordonnés les uns aux autres… et librement associés en tant que membres du Commonwealth of Nations ». En 1931, le statut de Westminster poursuit cette évolution en accordant une pleine souveraineté aux dominions et en imposant l'accord de chacun d'entre eux pour toute modification des lois de succession au trône.
En 1932, George V accepte de délivrer une allocution radiophonique pour Noël, un événement qui devint annuel par la suite. Il n'était initialement pas favorable à cette innovation mais est convaincu par l'argument selon lequel il s'agissait de ce que voulait le peuple[77].
Il s'inquiète de l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler en Allemagne en 1933. L'année suivante, le roi déclare franchement à l'ambassadeur allemand Leopold von Hoesch que l'Allemagne met en danger le monde et qu'il y aurait nécessairement une guerre dans moins de dix ans ; il avertit son ambassadeur à Berlin, Eric Phipps, de se méfier des nazis[78]. Au moment de son jubilé d'argent en 1935, il est devenu un roi bien-aimé répondant à l'adoration de la foule : « je ne comprends pas, après tout je ne suis qu'un type très ordinaire[79] ».
Les relations entre George V et son fils aîné et héritier, Édouard, se détériorent dans les dernières années de son règne. Le roi est déçu par son refus de se marier et choqué par ses nombreuses aventures avec des femmes mariées[16]. À l'inverse, il adore son second fils, Albert, et sa petite-fille aînée, Élisabeth ; il lui donna le surnom de « Lilibet » et elle l'appelait affectueusement Grandpa England (« Grand-père Angleterre »)[80]. En 1935, George V dit d'Édouard, « après ma mort, ce garçon va se ruiner en un an » et d'Albert et Elisabeth, « je prie Dieu que mon fils aîné [Édouard] n'ait jamais ni femme ni enfant, et que rien n'empêche Bertie et Lilibet d'accéder au trône[81],[82] ».
Dégradation de la santé du roi
La Première Guerre mondiale prend un lourd tribut sur la santé de George V : il est sérieusement blessé le lorsqu'il tombe de cheval lors d'un défilé militaire et son fort tabagisme aggrave ses problèmes respiratoires existants. Il est victime d'une broncho-pneumopathie chronique obstructive et d'une pleurésie. En 1925, sur les conseils de ses médecins, il entame à contrecœur une croisière privée en Méditerranée ; il s'agit de son troisième voyage à l'étranger depuis la fin de la guerre et cela est également son dernier[83]. En , il développe un sepsis et son fils Édouard assura une grande partie des devoirs royaux au cours des deux années suivantes[84]. Au , la proposition d'un nouveau séjour de convalescence à l'étranger est rejetée par le roi « avec un langage plutôt grossier[85] ». Il préfère plutôt se retirer pendant trois mois dans la station balnéaire de Bognor dans le Sussex de l'Ouest[86]. À la suite de ce séjour, la ville adopte le suffixe « Regis », latin pour « du roi ». Selon une rumeur qui se développe par la suite, ses derniers mots, lorsqu'on lui dit qu'il serait rapidement suffisamment en forme pour revisiter la ville, sont Bugger Bognor ! (« Je me fous de Bognor ! »)[87],[88],[89].
George ne récupère jamais complètement. Durant sa dernière année, il reçoit occasionnellement de l'oxygène[90]. Le soir du , le roi se couche dans sa chambre de Sandringham House et se plaint d'un rhume ; il ne quittera pas la chambre en vie[91]. Il devient de plus en plus faible et alterne entre états conscients et inconscients. Le Premier ministre Baldwin dit :
« Chaque fois qu'il reprenait conscience, il posait des questions ou des remarques aimables et il avait des mots gentils. Il dit néanmoins à son secrétaire : « Comment va l'Empire ? » Une phrase inhabituelle sous cette forme et le secrétaire répondit : « Tout va bien, monsieur, avec l'Empire » et le roi lui lança un sourire et sombra à nouveau dans le coma[92]. »
Mort du roi et succession
Le , le roi vit ses dernières heures. Ses médecins, avec à leur tête Lord Dawson of Penn publient un bulletin avec ces mots « la vie du roi avance paisiblement vers sa fin[93],[94] ». Le journal privé que Dawson tient, retrouvé après sa mort et publié en 1986, révèle que les derniers mots du roi, un God damn you ! (« Soyez maudite ! ») balbutié[95], sont adressés à son infirmière alors qu'elle lui administrait un sédatif dans la nuit du . Dawson écrit qu'il avait « accéléré » la mort du roi en lui injectant une dose létale de cocaïne et de morphine[96], afin, précise-t-il, de préserver la dignité du souverain, mais aussi d'épargner à la famille la vision d'une agonie lente et ainsi leur permettre de conserver le souvenir agréable de l'homme qu'il fut toute sa vie, et d'éviter ainsi d'en avoir pour dernier souvenir l'image d'un vieillard agonisant et maintenu en vie uniquement pour la sacralité de celle-ci. Enfin, Dawson expose, toujours dans son journal, un dernier argument justifiant son geste : l'idéal était que l'heure de la mort du roi (23 h 55) puisse être annoncée dans l'édition matinale du journal The Times plutôt que dans les « moins appropriés… journaux du soir[95],[97] ». Plusieurs publications parlent cependant d'euthanasie, voire de meurtre[98],[99]. Après plus de vingt-cinq ans de règne, le roi George V s'éteint dans la nuit du , entouré de sa famille dans sa résidence de Sandringham House, à l'âge de 70 ans. Présent au chevet de son père, son fils aîné, le prince de Galles, lui succède et devient le roi Édouard VIII. Son deuxième fils, le duc d'York, devient l'héritier présomptif de la couronne. La nouvelle de la mort du roi est annoncée au monde tôt le lendemain de son décès, à la radio par la BBC. Depuis Hyde Park, la Tour de Londres et d’autres endroits dans le pays, 70 coups de canon sont tirés en hommage au roi.
Au cours de la procession amenant la dépouille de George V dans Westminster Hall, une partie de la couronne impériale des Indes tombe du sommet du cercueil et atterrit dans le caniveau alors que le cortège est en train de tourner dans le New Palace Yard. Le nouveau roi, Édouard VIII, vit l'incident et se demanda s'il s'agissait d'un mauvais présage pour son règne[101]. Ironie du sort, il abdiquera en décembre de la même année à cause de ses frasques amoureuses, et son frère Albert d'York est couronné sous le nom de George VI.
En signe de respect pour leur père, les quatre fils vivants de George V, Édouard, Albert, Henry et George montent la garde devant le catafalque la nuit avant les funérailles[102]. Cette cérémonie n'est pas répétée avant 2002 à la mort de la bru du roi George V, la reine-consort, puis reine-mère Elizabeth, veuve du roi George VI.
George V préférait rester chez lui pour s'adonner à ses passions comme la philatélie ou la chasse et avait un mode de vie que ses biographes ultérieurs qualifièrent d'ennuyeux du fait de son conformisme[104]. Il n'était pas un intellectuel et manquait de la sophistication de ses deux prédécesseurs : en revenant d'une soirée à l'opéra, il écrivit « suis allé à Covent Garden pour voir Fidelio et diable que c'était ennuyeux[105] ». Il était cependant un fervent défenseur du Royaume-Uni et de son Commonwealth[106] et comprenait l'Empire britannique mieux que la plupart de ses ministres ; comme il expliqua, « cela a toujours été mon rêve de m'identifier avec la grande idée de l'Empire[107] ». Il apparaissait comme un grand travailleur et devint très populaire auprès des peuples de Grande-Bretagne et de l'Empire, de même qu'au sein de l'Establishment[108]. L'historienDavid Cannadine décrit George V et la reine Mary comme un « couple inséparable et très dévoué » qui fit beaucoup pour défendre les « valeurs familiales[109] ». George V établit une norme de conduite pour la royauté britannique qui reflétait les valeurs de la classe moyenne supérieure plutôt que celles de l'aristocratie[110]. Il était par tempérament un traditionaliste qui n'appréciait pas les changements révolutionnaires entrepris par la société britannique. Il utilisa néanmoins invariablement son influence comme une force de neutralité et de modération et voyait son rôle comme celui d'un médiateur plutôt que comme le décideur final[111].
Il a été honoré aussi par les King George's Fields(en), un groupe d'espaces verts au Royaume-Uni, créés après sa mort par le lord-maire de Londres du temps. Ces espaces verts sont identifiés par les bas-reliefs à leurs entrées du lion d'Angleterre (gauche) et de la licorne d'Écosse (droite), à la mode des supports des armoiries royales, sauf en Écosse, où leurs positions sont renversées.
- : Son Altesse Royale le duc de Cornouailles et d'York
- : Son Altesse Royale le prince de Galles
en Écosse : Son Altesse Royale le duc de Rothesay
- : Sa Majesté le roi
Sa Majesté Impériale le roi-empereur (par rapport à l'Inde britannique)
Son titre complet en tant que monarque était « Sa Majesté, George V, par la grâce de Dieu, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande et des dominions britanniques par-delà les mers, roi, défenseur de la foi, empereur des Indes » jusqu'au Royal and Parliamentary Titles Act de 1927 lorsqu'il fut transformé en « Sa Majesté, George V, par la grâce de Dieu, de Grande-Bretagne, d'Irlande et des dominions britanniques par-delà les mers, roi, défenseur de la foi, empereur des Indes ».
En tant que duc d'York, George portait les armoiries royales du Royaume-Uni différenciées par un écu des armoiries de Saxe et un lambel de trois points argent dont le central présentait une ancreazur. L'ancre de son point central fut abandonnée sur les armoiries du prince de Galles. Lors de son règne, il portait les armoiries royales non-différenciées. En 1917, il fit supprimer l'écu de Saxe des armoiries de tous les descendants patrilinéaires du prince consort domicilié au Royaume-Uni[124].
↑La déclaration d'accession établie par la Déclaration des droits de 1689 et l'Acte d'établissement de 1701 spécifiait, entre autres, que « l'adoration de la Vierge Marie ou de tout autre saint et l'eucharistie, tels qu'ils sont aujourd'hui pratiqués dans l'Église de Rome, sont superstitieux et idolâtres ». La nouvelle formulation supprimait toute référence aux différents théologiques entre catholiques et protestants et la partie « religieuse » se limitait à « [je] déclare que je suis un fidèle protestant ». Voir l'article anglophone(en) pour plus d'informations.
↑L'historien Vernon Bogdanor avance que George V a joué un rôle crucial dans la crise politique d' et qu'il eut une influence importante sur les politiques du premier ministre MacDonald[75]. Philip Williamson s'oppose à cette affirmation en avançant que l'idée d'un gouvernement d'union nationale était dans l'esprit des chefs de partis depuis la fin de l'année 1930 et que ce sont eux et non le roi qui choisirent l'occasion de le former[76].
↑Phillip Buckner, « The Royal Tour of 1901 and the Construction of an Imperial Identity in South Africa », South African Historical Journal, no 41, , p. 324-348 (ISSN0258-2473)
↑Judith Bassett, « A Thousand Miles of Loyalty: the Royal Tour of 1901 », New Zealand Journal of History, no 21, , p. 125-138 (ISSN0028-8322) ; W. H. Oliver, The Oxford History of New Zealand, , p. 206-208
↑Frank Prochaska, « George V and Republicanism, 1917-1919 », Twentieth Century British History, no 10, , p. 27-51
↑Neville Kirk, « The Conditions of Royal Rule: Australian and British Socialist and Labour Attitudes to the Monarchy, 1901-11 », Social History, no 30, , p. 64-88
↑Par exemple, le journal d'Harold Nicolson cité par Sinclair 1988, p. 107 ; Nicholas Best, The Kings and Queens of England, Londres, Weidenfeld & Nicolson, , 88 p. (ISBN0-297-83487-8), p. 83 : « un homme plutôt ennuyeux… qui n'aimait rien de plus que rester assis à son bureau à regarder ses timbres » ; Robert Lacey, Royal : Her Majesty Queen Elizabeth II, Londres, Little, Brown and Company, , 481 p. (ISBN0-316-85940-0), p. 54 : « le journal du roi George V est celui d'un homme très ordinaire, contenant bien plus de choses sur sa passion de philatéliste que sur ses sentiments privés, avec un accent particulier sur la météo ».
↑Andrew Pierce, « Buckingham Palace is unlikely shrine to the history of jazz », The Daily Telegraph, (lire en ligne, consulté le )