Il épouse Marie Quivoron, peintre impressionniste, plus connue sous le nom de Marie Bracquemond[2], le , à Paris.
Son statut de membre fondateur et vice-président de la Société nationale des beaux-arts en 1890 a encouragé les artistes étrangers — et notamment japonais — à exposer pour la première fois au Salon des beaux-arts[3].
Biographie
L'artiste débutant
Auguste Joseph Bracquemond est le fils de César Auguste Bracquemond, tailleur d'habits, et de Jeanne Girardine Bailly[4].
Bracquemond débute dans la vie comme apprenti écuyer dans un manège, puis il est employé dans un atelier de lithographie où il polit anonymement des étiquettes et des images pieuses[1]. Il est remarqué par Joseph Guichard, un élève d'Ingres, qui le prend dans son atelier.
Au Salon de 1852, il est admis avec un tableau que Théophile Gautier compare à Hans Holbein le Jeune : Portrait de ma grand-mère[5]. L'année suivante, il envoie son Autoportrait avec les outils du graveur.
Mais la peinture l'intéresse moins que la gravure. Il a puisé la plupart de ses connaissances techniques dans l’Encyclopédie de Diderot et d'Alembert et a travaillé en autodidacte pendant longtemps.
En 1856, Edmond de Goncourt devient un ami très proche de Bracquemond, il témoigne de sa complicité avec Paul Gavarni avec lequel « il tripote ses eaux-fortes[5]. » Edmond de Goncourt partage avec Bracquemond un amour pour l'art japonais, le graveur ayant été le premier à découvrir un album d'Hokusai (genre dit Kachô-ga)[5].
Ses meilleures gravures[Selon qui ?] sont consacrées soit à des paysages, soit à des animaux : Roseaux et sarcelles (1882), Les Hirondelles (1882), Les Mouettes (1888).
Avec Degas, Camille Pissarro et Mary Cassatt, il rêve de fonder une revue consacrée à la gravure[16]. En 1880, il expose une dernière fois avec les impressionnistes, présentant, dans son envoi, le Portrait d'Edmond de Goncourt.
Il est aussi l'auteur d'un ouvrage intitulé Du dessin et de la couleur, publié en 1886, très apprécié par Vincent van Gogh[16] et d'une Étude sur la gravure sur bois et la lithographie.
Le céramiste
En 1856, Bracquemond découvre un recueil des gravures de la Manga du Japonais Hokusai, typique du genre pictural connu au Japon sous le nom de Kachô-ga, peinture de fleurs et oiseaux avec figuration d'insectes, crustacés et poissons, dans l'atelier de son imprimeur Auguste Delâtre, après avoir été utilisée pour caler un envoi de porcelaines. Il est séduit par ce thème qui fait de lui l'initiateur de la vogue du japonisme en France qui s'empara des arts décoratifs, au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle[17],[18].
En 1860, il rentre d'abord dans l'atelier du céramiste Théodore Deck, puis du marchand de faïence Eugène Rousseau, établi rue Coquillière, à Paris. Ce dernier lui commande les motifs d'un service de table, pour un projet destiné à l'Exposition universelle de 1867[8]. Bracquemond propose alors un modèle qui reprend les thèmes du Kachô-ga d'Hokusai et également d'albums de Hiroshige ou encore de Katsushika Isai, entièrement dessiné et gravé par lui-même. Pour la première fois un artiste européen copie directement un artiste japonais, en reproduisant les figures animales de la Manga d'Hokusai. En 1867, Bracquemond fait également partie des neuf membres de la « Société japonaise du Jinglar » avec Henri Fantin-Latour, Carolus Duran et le céramistes Marc-Louis Solon, qui se réunissaient mensuellement à Sèvres pour un dîner à la japonaise, auquel ce service aurait également été destiné.
Eugène Rousseau est convaincu et passe commande de 200 pièces à la Manufacture Lebeuf, Milliet et Cie installée à Creil et Montereau. Bracquemond réalise les eaux-fortes et les planches gravées sont tirées par la manufacture. Les épreuves sont découpées et mises sur la pâte prête à recevoir le décor. Au four, la chaleur fait disparaître le papier ne laissant que l'empreinte du dessin. Puis on peint par-dessus et la pièce est mise au four à grand feu.
Présenté pour la première fois à l'Exposition universelle de 1867, ce service obtint un grand succès. Il figure dans le troisième groupe « meubles et autres objets destinés à l’habitation », classe 17 « porcelaines, faïences et poteries de luxe », no 58, installé sur des étagères Louis XIII en vieux chêne avec des gradins de velours. Au-dessus du comptoir, le nom de Rousseau est émaillé au feu sur une plaque. Le jury lui remet une médaille de bronze (car Rousseau n'est que marchand et non pas fabricant). La médaille d'or est attribuée à la manufacture Lebeuf et Milliet[8]. Ce service revendique aussi deux nouveautés : la première est que chacun est libre de composer son service selon ses goûts et son usage personnel. Rousseau suggère « la basse-cour pour la viande, les crustacés pour les poissons et les fleurs pour le dessert ». La seconde est que ce service s'adapte à tous les milieux : « pour sa somptuosité à la bourgeoisie, et pour son aspect service de chasse à la noblesse ».
Le service est ensuite complété (tasses à thé, à café…) et la fabrication est laissée à la manufacture de Creil et Montereau. Barluet, successeur de Lebeuf le réédita au début des années 1880. En 1885, Eugène Rousseau cède son affaire à Ernest-Baptiste Leveillé qui continue l'édition de ce service sous sa propre marque[8]. De nombreuses rééditions ou variantes suivront. Parmi elles, celle de la Manufacture Jules Vieillard à Bordeaux (fin XIXe siècle), celle de l’Escalier de Cristal (début XXe siècle), ou même encore de la faïencerie de GienLes grands oiseaux toujours en cours de réédition. On peut également noter que de nombreuses pièces de ce service sont désormais conservées dans divers musées nationaux (musée d’Orsay, musée Adrien Dubouché…)[19].
Chaque élément du service, inspiré par les estampes japonaises, est orné d'un motif différent. Le décor traite et associe une multitude de volatiles, poissons, et crustacés en laissant toujours place aux plantes et insectes. Le décor est souvent présenté comme une trilogie. Le papillon à la rencontre d’un coq au détour d’un branchage, une libellule à la rencontre d’une carpe au détour d’un nénuphar.
De nombreux artistes de l’époque ont célébré la poésie de ce service et ont fait l’éloge de son exceptionnel décor. Mallarmé notamment, qui note une « décadence visible » depuis la Restauration dans le mobilier français, témoigne de son attrait pour ce service. Il s’attarde plus longuement sur la céramique, pour un éloge particulier de Rousseau, qu’il défend contre ses imitateurs anglais : « Je m’étais refusé toute allusion forcément trop brève à cet admirable et unique service, décoré par Bracquemond de motifs japonais empruntés à la basse-cour et aux réservoirs de pêche, la plus belle vaisselle récente qu’il me soit donné de connaître. Chaque pièce, les assiettes même, veut sa description spéciale. Je me contente, une dernière fois, de revendiquer la priorité de l’œuvre parisienne, pittoresque et spirituelle sur le plagiat britannique… ». Stéphane Mallarmécite[Où ?] Deck, Collinot et Rousseau, qui ont su « renouveler, totalement, la céramique française » : « Je devrais particulièrement citer, comme traduction du haut charme japonais faite par un esprit très français, le service de table demandé, hardiment, au maître aquafortiste Bracquemond : où se pavanent, rehaussés de couleurs joyeuses, les hôtes ordinaires de la basse-cour et des viviers »[8]. Mallarmé possédait lui-même des pièces du service, éditées pendant la période 1866–1875.
Illustration de couverture pour Le Figaro illustré, 1884, aquarelle, localisation inconnue[24]
Les honneurs
À partir de 1880, Félix Bracquemond reçoit tous les honneurs : en 1882, il est nommé chevalier de la Légion d'honneur, puis est promu officier du même ordre en 1889 ; il obtient la médaille d'honneur du Salon de 1884. L'année suivante, Henri Beraldi lui consacre tout un volume dans le cadre de sa somme, Les Graveurs du XIXe siècle. Il est nommé président d'honneur de la Société des peintres-graveurs français en 1890 et, plus tard, de la Société des peintres-lithographes, en compagnie de son ami Auguste Rodin.
↑Marina Ferretti Bocquillon, L'impressionnisme, Presses Universitaires de France, 2004, p. 52.
↑Alfred Sisley : poète de l'impressionnisme, [catalogue de l'exposition du au ], Lyon, musée des Beaux-Arts, 2002, p. 21 : « Cette artiste et son mari, le célèbre graveur Félix Bracquemond, étaient voisins de Sisley à Sèvres à la fin des années 1870, mais là encore, rien ne prouve qu'Eugénie et Sisley aient été le sujet du tableau. »
↑« Il est officiellement le premier, en France, à découvrir l'intérêt de l'art japonais », cité in : Résumé de présentation des expositions de 2005, musée de Grenoble, catalogues d'exposition, Bibliothèques municipales de Grenoble (notice en ligne).
↑[PDF] Marc Ducret, « Laurent Bouvier. Entre éclectisme et orientalisme », Revue de la société des amis du musée national de céramique, 2011, 20, pp. 94-104 ([PDF] en ligne).
Henri Beraldi, « Félix Bracquemont », Les Graveurs du XIXe siècle. Guide de l'amateur d'estampes modernes, volume III, Paris, Librairie L. Conquet, 1885.
Jean-Paul Bouillon, Félix Bracquemond et les arts décoratifs. Du japonisme à l'Art nouveau, avant-propos de Chantal Meslin-Perrier, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 2005. [Catalogue] (ISBN2-7118-4817-5).