La Rada (Ukraine) avait déjà tenté, en 2002, 2005, en 2009, en 2011 et en 2013 de voter des lois de décommunisation pour le pays, mais celles-ci ne se sont pas matérialisées à la suite des pressions de Moscou[6].
Légalement, et un an avant le vote formel des lois de décommunisation, les autorités locales ukrainiennes ont décidé de mettre en œuvre la "décommunisation" de l'Ukraine, comme ce fut le cas à Dnipropetrovsk, où le conseil municipal a voté en avril 2014 le renommage de la Place Lénine en Place des héros de Maïdan et la démolition du piédestal de l'ancienne statue de Lénine[11],[12],[13],[14].
Lois de décommunisation
À la suite de la crise ukrainienne, à l'Euromaïdan et à la guerre du Donbass, il est apparu de plus en plus important pour les autorités ukrainiennes de mettre en œuvre la décommunisation du pays, mettant fin symboliquement à la présence de tous liens avec son passé soviétique et avec la Russie[15].
Le Gouvernement Iatseniouk II présente un ensemble de lois interdisant la « propagande » et les symboles communistes et nazis, adoptée par la Rada le . Il lui donne six mois à l'Ukraine pour se débarrasser des monuments communistes et nazis et pour renommer les rues et lieux publics d'inspiration communiste[16] et est promulgué le [17].
Le paquet de lois en comprend 4 :
À propos de la condamnation des régimes totalitaires communistes et nationaux-socialistes (nazis) en Ukraine et l'interdiction de leur propagande et de leurs symboles (Loi no 317-VIII)[18].
À propos de l'accès aux archives des agences de répression du régime communiste totalitaire de 1917 à 1991 (Loi no 316-VIII)[19].
À propos du statut juridique et de l'honneur à la mémoire des combattants pour l'indépendance de l'Ukraine au cours du XXe siècle (Loi no 314-VIII)[21].
Elles sont publiées le dans le Holos Ukrayiny, ce qui les fait entrer en vigueur officiellement le lendemain[22].
Effets
Renommage
Principe
Les lois de décommunisation en Ukraine ont comme impact le renommage de différentes entités territoriales, de nombreuses localités ainsi que de lieux publics, tirant leur nom de personnalités ou de l'Histoire communiste ou nationale-socialiste.
L'Institut ukrainien de la mémoire nationale a publié le une liste définitive des lieux à renommer, comprenant villes et villages. Les municipalités ont jusqu'au pour changer les noms du territoire où leur pouvoir s'exerce[23]. Si cela n'est pas fait à cette date les conseils régionaux des oblasts auront jusqu'au pour les changer[23]. Autrement, c'est le gouvernement qui sera tenu d'attribuer un nouveau nom aux municipalités concernées[23].
Mise en œuvre
Oblasts et raïons
Parmi les entités territoriales, 26 raïons ont été renommés et 2 oblasts doivent l'être[24] :
Le décret no 1352-VIII renommant les raïons de la péninsule de Crimée n'entrera en vigueur qu'une fois la fin de l'occupation du territoire par la Russie.
Villes, villages et autres localités
Parmi les centaines de localités à renommer, 32 villes l'ont été :
Jdanivka est la seule ville qui reste à renommer selon la liste établie par l'Institut ukrainien de la mémoire nationale[40].
Le décret no 1352-VIII renommant les villes, villages et autres localités de la péninsule de Crimée n'entrera en vigueur qu'une fois la fin de l'occupation du territoire par la Russie.
Quartiers, artères et places
Compte tenu que les conseils municipaux sont chargés du renommage des rues, ruelles, quartiers et places relevant de leur commune, la méthode pour les renommer diffère :
À Vilnohirsk(Oblast de Dnipropetrovsk), ce sont les résidents de la ville qui sont consultés pour le renommage et ont à choisir les nouvelles appellations des rues devant être décommunisées[43].
À Pavlohrad(Oblast de Dnipropetrovsk), il est demandé à la population de participer en faisant des propositions de nouveaux noms. La communauté juive de la ville et représentants des ONG ont déjà soumis leurs listes de propositions[44].
À Tchernihiv(Oblast de Tchernihiv), c'est le conseil municipal qui a choisi de se charger du renommage de la centaine de rues et ruelles de la ville[45].
À Oboukhiv(Oblast de Kiev), une commission créée à l'initiative du Conseil municipal a émis ses propositions de renommage des rues et quartiers, en concertation avec l'institut des archives et la Bibliothèque nationale de l'Académie des sciences d'Ukraine[46].
Le , la cour d’appel administrative du district de Kiev confirme la demande du ministère de la Justice d'interdire les activités du Parti communiste d'Ukraine[49].
Art et symboles
Le paquet de lois de décommunisation entraîne des conséquences au niveau artistique. Les œuvres d'art ou symboles du communisme sont amenés à être détruits ou modifiés[50].
Le métro de Kiev, sur décision du conseil municipal en date du , doit nettoyer neuf de ses stations. La station Vokzalna devra notamment supprimer ses médaillons glorifiant les traditions familiales ukrainiennes, ou encore la "réunion des terres ukrainiennes en 1939". La station Palats "Ukrayina" devra éliminer les mosaïques sur les sections paysannes et ouvrières de l'Armée rouge[51].
Les mosaïques représentant des symboles du communisme qui ornent les immeubles sont amenées elles aussi à être détruites[52].
Un club de football ukrainien, l'Illichivets Marioupol, dont le nom fait référence à Vladimir Ilitch Lénine, est amené à changer son nom[55]. Le nouveau nom est mis au vote de son public[56] et est rebaptisé FK Marioupol.
Statues
À Odessa, la statue de Lénine a été remplacée par une statue de Dark Vador trônant sur le même piédestal[57]. Elle a été inaugurée le [58].
À Volnovakha, le conseil municipal décide le de supprimer la statue de Lénine se trouvant sur son territoire[59]. Le , la statue est démolie[60].
Le , la plus grande statue de Lénine du pays, d'une hauteur de vingt mètres, est retirée à Zaporijjia après avis favorable du Conseil municipal[62],[63].
Quelque 965 statues de Lénine sont déboulonnées entre 2013 et 2016 dans tout le pays[64]. Alors qu'il y avait environ 5 500 statues représentant Lénine en Ukraine en 1991[65], il n'en reste plus qu'une[66], deux selon d'autres sources[67],[68], qui se trouvent à Tchernobyl - en dehors des territoires séparatistes du Donbass et de la péninsule de Crimée. Dans ce même périmètre il reste par ailleurs 3 autres types de monuments qui lui sont dédiés, eux aussi sur des terrains privés[réf. nécessaire].
Un des points les plus sensibles demeure le sort réservé à la statue de la Mère-Patrie de Kiev, la plus haute statue d'Ukraine, dont le bouclier est orné du blason de l'Union des Républiques socialistes soviétiques. Avec la pression de groupes nationalistes, la statue ne devait pas être modifiée, le paquet de lois de décommunisation ne s'appliquant pas aux monuments dédiés à la Seconde Guerre mondiale[69],[70],[71]. Cependant, le contexte de la guerre en Ukraine a poussé à retirer l'emblème soviétique, et le remplacer par le trident ukrainien[72]. Par la même occasion, la statue doit être renommée "Mère Ukraine"[73].