La Nouvelle-Russie (en russe : Новороссия, Novorossia) est un projet de création d'un territoire russe[1] qui tire son nom de l'ancienne colonie de peuplement de Nouvelle-Russie et qui a vocation à couvrir, au sens large, le Sud et l'Est de l'Ukraine ainsi que les régions moldaves de Transnistrie et de Gagaouzie. La conquête militaire par l'armée russe de ce territoire est l'objectif non officiel affiché de la deuxième phase de son invasion de l'Ukraine en 2022[2].
Dans un sens plus restreint, la Nouvelle-Russie, aussi nommé Union des républiques populaires (Союз народных республик, Soïouz narodnykh respoublik) fut un projet d'État non officiel russophone qui devait réunir les deux entitéssécessionnistes de la république populaire de Donetsk et de la république populaire de Lougansk, soit au moins le territoire du Donbass (extrême est de l'Ukraine). Le concept aurait été théorisé par Pavel Goubarev, gouverneur autoproclamé de la RPD de mars à novembre 2014[3]. Les autorités russes vont sembler embrasser le projet dans un premier temps[4] mais il est plus ou moins officiellement abandonné le [5].
Le nom Nouvelle-Russie, a désigné administrativement la région au sens large sous l'empire tsariste mais l'origine du concept d'une union politique des russophones situés hors des frontières de la fédération de Russie remonte sans doute à l'éclatement de l'Union soviétique entre 1989 et 1991, et aux craintes de conflits nationalistes et ethniques qui en découlait[6]. En 2014 le concept réapparait spontanément comme option maximaliste chez certains Ukrainiens russophones inquiets dans une Ukraine divisée par les événements de la révolution ukrainienne de 2014[7]. Quelques mois plus tard ont lieu l'insurrection d'une partie du Donbass et la proclamation de l'indépendance du Donbass à la suite de l'annexion de la Crimée. C'est le commencement d'une longue guerre contre le pouvoir ukrainien, la guerre du Donbass, où la Russie apporte un soutien militaire aux séparatistes mais pas ouvertement. En dehors de son soutien officiel, le soutien russe à la publicité et à la propagande autour du projet est massif dans le monde russophone et à destination de l'étranger[7],[8]. En 2022, le concept de Nouvelle-Russie est intégré aux projets d'expansion de Vladimir Poutine, qui reconnaît alors officiellement l'indépendance des républiques du Donbass. Il devient officiellement le but à atteindre pour l'armée russe après ses échecs dans le nord de l'Ukraine et le lancement de la seconde phase de son offensive.
À la suite de référendums d'auto-détermination dans 4 régions d'Ukraine, celles-ci demandent l'adhésion à la Fédération de Russie le 5 octobre 2022, dans le cadre du concept de la Nouvelle-Russie[9]:
Cette annexion est dénoncée par l'Union européenne et jugée illégale[10] Elle est condamnée par de nombreuses résolutions et déclarations de l'ONU (dont la Fédération de Russie est membre)[11]
Historiquement, la Nouvelle-Russie, ou Novorossia, est le nom d'un territoire de l'Empire russe formé en 1764 sur les steppes du nord de la Mer Noire. L'empire russe organisa la colonisation de la région par des colons de différentes nationalités. La région perd son nom lors d'une réorganisation administrative en 1802 et son territoire est plus tard intégré à la république socialiste soviétique d'Ukraine. À la suite de l'effondrement de l'URSS, le nom de Nouvelle-Russie / Novorossia commença à être réutilisé dans des appels à l'indépendance des régions correspondant au territoire historique[12].
Le nom de Nouvelle Russie rentra rapidement dans l'usage parmi les manifestants anti-Maïdan à la suite de l'« Euromaïdan » avec la création d'un compte Twitter « Novorussiya », lequel a gagné plusieurs milliers de followers lors de son premier week-end[12]. Au milieu de négociations à Genève sur la résolution des troubles grandissants dans le sud et l'est de l'Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a noté lors d'une séance de questions-réponses à la télévision que les parties sud et est de l'Ukraine faisaient partie de la Nouvelle Russie et n'avaient été intégrées à l'Ukraine qu'en 1920, insinuant que cette décision était erronée[13].
Les journalistes internationaux présents lors de la journée des référendums du 11 mai 2014 déclarèrent que ces votes ne remplissent pas toutes les garanties démocratiques[15] et Ranko Krivokapić, président de l'OSCE, défendait qu'un vote organisé dans ces conditions ne pourrait être considéré comme libre, équitable, et reconnu par la communauté internationale, dans la mesure où il se déroulerait dans « un climat de peur, de violence et d'anarchie qui éloignerait sûrement beaucoup de personnes des bureaux de vote[16] ». Les résultats n'ont pour l'heure pas été reconnus internationalement, ni par l'UE[17], ni par les États-Unis[18], ni par aucun État membre de l'Organisation des Nations unies. La Fédération de Russie[19] s'est initialement abstenue de toute reconnaissance officielle mais, le 21 février 2022, son président Vladimir Poutine a déclaré les reconnaître afin de justifier son invasion de l'Ukraine lancée le 24 février.
L'idéologue et principal artisan de la constitution d'un État de Nouvelle-Russie est l'ukrainien Pavel Goubarev, gouverneur de la république populaire de Donetsk de mars à novembre 2014. L'intellectuel nationaliste russe Alexandre Douguine considère que cet État futur permettrait une renaissance de la culture, de l'esprit et de l'identité russe[20]. Dimitri Trénine, directeur du Carnegie Moscow Center en 2014, affirmait l'existence en 2003 déjà de réflexions « pas véritablement académiques » au sujet d'une région pro-russe, formée à partir des régions méridionales sécessionnistes de Kiev, en réponse aux volontés d'intégration de l'Ukraine dans l'OTAN formulées à cette époque[12].
Les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk couvrent approximativement et respectivement la moitié des oblasts ukrainiens de Donetsk et de Louhansk : leur union a été proclamée le 22 mai 2014 et des accords ont été signés le 24 mai entre les dirigeants des deux entités[21],[22].
Comme la Transnistrie, la Nouvelle-Russie n'est pas reconnue par la Russie qui incline plutôt vers une fédéralisation de l'Ukraine (comme de la Moldavie) que vers une partition (de toute façon refusée par le président ukrainien Porochenko). La Russie considère que son annexion de la république autonome de Crimée est un cas différent, justifié, selon Moscou, par l'homogénéité de sa population et par la présence de la flotte russe à Sébastopol, incompatible avec l'intégration éventuelle de l'Ukraine à l'OTAN.
En mai 2015, Alexander Kofman, ministre des affaires étrangères de la république populaire de Donetsk, indique lui-même que le projet est gelé. Il mentionne le manque de personnalités politiques pour soutenir celui-ci, et déclare aussi ne pas vouloir l'imposer au villes de Kharkiv, Zaporijjia et Odessa[29]. Le projet n'était plus soutenu par Moscou, qui demande que les territoires contrôlés par les rebelles restent une partie de l'Ukraine[29].
Le territoire faisant partie actuellement de la Nouvelle-Russie, selon son droit propre, est celui de ses républiques constitutives : la république populaire de Donetsk, sur le territoire de l'oblast de Donetsk, et la république populaire de Lougansk, sur le territoire de l'oblast de Louhansk. La Nouvelle-Russie couvrirait ainsi le Donbass ukrainien, partie la plus orientale de l'Ukraine, même si en pratique elle n'en contrôle qu'une fraction. L’union aurait des frontières avec l'Ukraine à l'ouest, la Russie au nord et à l'est, ce qui offrirait, en principe, une ouverture sur la mer d'Azov au sud.
↑(en-US) « ‘Novorossiya,’ the latest historical concept to worry about in Ukraine », Washington Post, (ISSN0190-8286, lire en ligne, consulté le )
↑Ouest France - Guerre en Ukraine : L'armée russe vise le contrôle total du Donbass et du sud de l'Ukraine - 22/04/2022 - Général Roustam Minnekaïev, commandant adjoint des forces du District militaire du Centre de la Russie : « Depuis le début de la deuxième phase de l’opération spéciale, phase qui a commencé il y a deux jours, l’un des objectifs de l’armée russe est d’établir un contrôle total sur le Donbass et le sud de l’Ukraine. Cela permettra d’assurer un couloir terrestre vers la Crimée, ainsi que de peser sur des infrastructures vitales de l’économie ukrainienne, les ports de la Mer Noire à travers lesquelles se font les livraisons de produits agricoles, métallurgiques. Le contrôle du sud de l’Ukraine, c’est également un couloir vers la Transdniestrie, où on observe également des cas d’oppression de la population russophone. »
↑(en) Linda Kinstler, « Protesters in Eastern Ukraine Are Chanting "New Russia," an Old Term That's Back in Vogue », The New Republic, (ISSN0028-6583, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Marlene Laruelle, « Back From Utopia: How Donbas Fighters Reinvent Themselves in a Post-Novorossiya Russia », Nationalities Papers, vol. 47, no 5, , p. 719–733 (ISSN0090-5992 et 1465-3923, DOI10.1017/nps.2019.18, lire en ligne, consulté le )
↑ ab et c(en) Linda Kinstler, « Protesters in Eastern Ukraine Are Chanting "New Russia," an Old Term That's Back in Vogue », New Republic, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) Amelia Gentleman, « Putin asserts right to use force in east Ukraine », The Guardian, (lire en ligne, consulté le )
↑(ru) « Состоялся учредительный съезд ОПД "Партия Новороссия" » [« Founding congress of the social-political movement "New Russia Party" held »], Novorossiya, (lire en ligne, consulté le )
↑(uk) « У Донецьку створили партію "Новоросія" » [« In Donetsk the party "New Russia" has been founded »], Ukrayinska Pravda, (lire en ligne, consulté le )
↑(ru) « СМИ: Террористы из "ДНР" и "ЛНР" объединились » [« Mass media: Terrorists of the "LNR" and "DNR" have united »], UNIAN, (lire en ligne, consulté le )
↑(ru) « Брифинг Павла Губарева на съезде народных представителей регионов » [« Briefing of Pavel Gubarev at the Congress of People's Representatives of the Regions »], Novorossiya, (lire en ligne [archive du ], consulté le )