Composé organotitane

Liaison CTi.

Un organotitane est un composé organométallique contenant une liaison carbonetitane. Souvent semblables aux composés organozirconiques, ils sont étudiés comme catalyseurs en chimie organique dans le cadre de procédés industriels de premier plan[1].

Propriétés

Le couplage de la benzophénone dans la réaction de McMurry illustre l'oxophilie des complexes de titane de faible valence[2].

La configuration électronique de l'atome de titane à l'état fondamental est [Ar] 4s2 3d2, de sorte que l'état d'oxydation +4 est prédominant. L'atome est cependant plus gros que celui de carbone, d'où des liaisons plus longues d'environ 30 %, par exemple 210 pm pour les liaisons CTi du tétrabenzyltitane (C6H5CH2)4Ti contre 155 pm pour des liaisons CC typiques. Les composés de type tétraalkyltitane ne peuvent généralement pas être isolés en raison de la taille de l'atome de titane et la nature déficitaire en électrons des complexes tétraédriques correspondants. Les complexes les plus nombreux et les plus utiles portent plusieurs types de ligands, par exemple des alcoolates et des cyclopentadiényles. Le titane est susceptible de former des complexes de coordinence élevée.

La plupart des composés organotitane sont des complexes de Ti(IV) ou de Ti(III). Les composés de Ti(II) sont plus rares, comme le dicarbonyle de titanocène (η5-C5H5)2Ti(CO)2 et le (CH3)2Ti(dmpe)2. L'hexacarbonyle de titane [Ti(CO)6]2− est un complexe formellement de Ti(–II)[3]. Le dimère [Cp2TiIIICl]2 est un exemple d'organotitane(III)[4]. La faible électronégativité du titane polarise la liaison CTi vers le carbone. Les ligands alkyle des composés organotitane sont par conséquent généralement nucléophiles. Le titane est plutôt oxophile, ce qui l'oriente vers les procédés à l'abri de l'air, et explique que les composés alkyltitane soient efficaces pour extraire leurs ligands avec des groupes oxo.

Exemples

Alcoolates et chlorures de composés alkyltitane

Les complexes alkyltitane homoleptiques tels que le tétrabenzyltitane (C6H5CH2)4Ti[5] sont rares. Plusieurs halogénures d'alkyltitane et alcoolates d'alkyltitane mixtes sont utilisés en synthèse organique, bien qu'ils soient souvent mal caractérisés[6]. Les composés organotitane économiquement les plus utiles sont obtenus en combinant le chlorure de titane(III) TiCl3 et le chlorure de diéthylaluminium (CH3CH2)2AlCl. Ces espèces catalysent efficacement la polymérisation de l'éthylène en tant que catalyseurs Ziegler-Natta. Le procédé est hétérogène et aucun intermédiaire organotitane n'a été bien caractérisé pour ce procédé.

De nombreux réactifs organotitane sont produits en combinant du tétrachlorure de titane TiCl4, des tétraalcoolates de titane (RO)4Ti ou des mélanges de ceux-ci avec des organolithiens, des organomagnésiens et des organozinciques. De tels composés trouvent une utilisation occasionnelle comme réactifs stoechiométriques en synthèse organique. Le trichlorure de méthyltitane CH3TiCl3 peut être préparé en traitant du tétrachlorure de titane avec du diméthylzinc (CH3)2Zn dans du dichlorométhane CH2Cl2 à −78 °C. Il fournit des groupes méthyle aux composés carbonylés et aux halogénures d'alkyle. Le « méthyltriisopropylate de titane » est un réactif apparenté[7]. Une espèce dialkyltitane intervient dans les cyclopropanations à catalyseur titane à partir d'un réactif de Grignard et d'un ester ; cette réaction est à la base de la réaction de Kulinkovich[8] :

Réaction de Kulinkovich
Réaction de Kulinkovich

Le « réactif de Lombardo » est utilisé pour réaliser des méthylénations[9]. Il est fonctionnellement apparenté à un autre réactif, le chlorure de dibromométhane-zinc-titane(IV)[10]. Ces réactions pallient un manque des réactifs de Wittig en méthylénant les groupes carbonyle énolisables sans perte d'intégrité stéréochimique (méthylénation Lombardo). Il peut par exemple être également appliqué à la conversion d'un cétène en un allène[6],[11] :

Réaction de Lombardo.
Réaction de Lombardo.

Dérivés de titanocène

Lorsqu'on essaie de produire du « titanocène », c'est-à-dire le (η5-C5H5)2Ti, on obtient un complexe de fulvalène[12],[13]. Le dimère de titanocène a été identifié dans les années 1970[13],[14],[15] mais n'a été caractérisé structurellement qu'en 1992[16] tandis que les recherches ont conduit à de nombreuses innovations sur les complexes de cyclopentadiényle du titane[12]. Ce n'est qu'en 1998 qu'un véritable dérivé du titanocène a été identifié, l'espèce paramagnétique (η5-Me4C5SiMe3)2Ti[17].

Contrairement au titanocène lui-même, le dichlorure de titanocène Cp2TiCl2 et, dans une certaine mesure, le monochlorure de titanocène ont des chimies riches et bien définies. Le réactif de Tebbe, obtenu à partir de dichlorure de titanocène et de triméthylaluminium Me3Al est utilisé comme agent de méthylénation (conversion de R2C=O en R2C=CH2).

Équilibre du réactif de Tebbe.
Équilibre du réactif de Tebbe.

Le réactif de Tebbe catalyse l'addition d'alcènes simples pour donner des titanocyclobutanes, qui peuvent être considérés comme des intermédiaires de métathèse d’alcènes stables. Ces composés sont eux-mêmes des réactifs, tels que le 1,1-bis(cyclopentadiényl)-3,3-diméthyltitanocyclobutane, produit d'addition du réactif de Tebbe avec l'isobutylène (CH3)2C=CH2 catalysé par la 4-diméthylaminopyridine[18].

Le réactif de Petasis, ou diméthyltitanocène Cp2Ti(CH3)2 est préparé à partir de dichlorure de titanocène et de méthyllithium CH3Li dans de l'éther diéthylique (CH3CH2)2O. Il est plus facile à préparer et à manipuler que le réactif de Tebbe ; il catalyse également des méthylénations[18].

Le chlorure de bis(cyclopentadiényl)titane(III) [(η5-C5H5)2TiIII(µ-Cl)]2[19] (réactif de Nugent-RajanBabu ci-dessous en vert) est un réducteur à un électron utilisé en synthèse organique pour la production d'alcools anti-Markovnikov par ouverture de cycle d'époxydes ; il est produit sous forme de dimère [Cp2Ti(μ-Cl)]2 et utilisé in situ à partir de dichlorure de titanocène Cp2TiIVCl2[4],[20],[21],[22] (ci-dessous en rouge, avec ses espèces à l'équilibre en noir) :

Synthèse du réactif de Nugent-RajanBabu.
Synthèse du réactif de Nugent-RajanBabu.

Notes et références

  1. (en) Manfred T. Reetz, « Reactivity and Structure Concepts in Organic Chemistry », Organotitanium Reagents in Organic Synthesis, vol. 24, Springer, 1986. (ISBN 0-387-15784-0)
  2. (en) Michel Ephritikhine, « A new look at the McMurry reaction », Chemical Communications, no 23,‎ , p. 2549-2554 (DOI 10.1039/a804394i, lire en ligne)
  3. (en) Christoph Elschenbroich, Organometallics, 3e  éd., Wiley, 2006. (ISBN 978-3-527-29390-2)
  4. a et b (en) L. E. Manzer, E. A. Mintz et T. J. Marks, « 18. Cyclopentadienyl Complexes of Titanium(III) and Vanadium(III) », Inorganic Syntheses, vol. 21,‎ (DOI 10.1002/9780470132524.ch18, lire en ligne)
  5. (en) Gwyneth R. Davies, J. A. J. Jarvis et B. T. Kilbourn, « The crystal and molecular structures (at –40 °C) of the tetrabenzyls of titanium, hafnium, and tin », Journal of the Chemical Society D: Chemical Communications, no 23,‎ , p. 1511-1512 (DOI 10.1039/C29710001511, lire en ligne)
  6. a et b (en) J. F. Hartwig, Organotransition Metal Chemistry, from Bonding to Catalysis, University Science Books, New York, 2010. (ISBN 1-891389-53-X)
  7. (en) René Imwinkelried et Dieter Seebach, « 3'-Nitro-1-Phenylethanol by Addition of Methyltriisopropoxytitanium to m-Nitrobenzaldehyde », Organic Syntheses, vol. 67,‎ , p. 180 (DOI 10.15227/orgsyn.067.0180, lire en ligne)
  8. (en) Jin Kun Cha et Oleg G. Kulinkovich, « The Kulinkovich Cyclopropanation of Carboxylic Acid Derivatives », Organic Reactions, vol. 77,‎ , p. 1-159 (DOI 10.1002/0471264180.or077.01, lire en ligne)
  9. (en) Luciano Lombardo, « Methylenation of Carbonyl Compounds: (+)-3-Methylene-cis-p-Menthane », Organic Syntheses, vol. 65,‎ , p. 81 (DOI 10.15227/orgsyn.065.0081, lire en ligne)
  10. (en) Kazuhiko Takai, Yuji Hotta, Koichiro Oshima et Hitosi Nozaki, « Effective methods of carbonyl methylenation using CH2I2-Zn-Me3Al and CH2Br2-Zn-TiCl4 system », Tetrahedron Letters, vol. 19, no 27,‎ , p. 2417-2420 (DOI 10.1016/S0040-4039(01)94789-6, lire en ligne)
  11. (en) Stephen P. Marsden et Pascal C. Ducept, « Synthesis of highly substituted allenylsilanes by alkylidenation of silylketenes », Beilstein Journal of Organic Chemistry, vol. 1, no 1,‎ , p. 5 (PMID 16542018, PMCID 1399453, DOI 10.1186/1860-5397-1-5, lire en ligne)
  12. a et b (en) R. C. Mehrotra et A. Singh, « 4.3.6 η5-Cyclopentadienyl d-Block Metal Complexes », Organometallic Chemistry: A Unified Approach, 2e  éd., New Age International Publishers, New Delhi, 2000, p. 243-268. (ISBN 978-8122412581).
  13. a et b (en) P. C. Wailes, R. S. P. Coutts et H. Weigold, « Titanocene », Organometallic Chemistry of Titanium, Zirconium, and Hafnium. Organometallic Chemistry, Academic Press, 1974, pp. 229–237. (ISBN 978-0323156479).
  14. (en) Helena Antropiusová, Alena Dosedlová, Vladimír Hanuš et Karel Mach, « Preparation of μ-(η55-Fulvalene)-di-μ-hydrido-bis(η5-cyclopentadienyltitanium) by the reduction of Cp2TiCl2 with LiAlH4 in aromatic solvents », Transition Metal Chemistry, vol. 6, no 2,‎ , p. 90-93 (DOI 10.1007/BF00626113, S2CID 101189483, lire en ligne)
  15. (en) Tomas Cuenca, Wolfgang A. Herrmann et Terence V. Ashworth, « Chemistry of oxophilic transition metals. 2. Novel derivatives of titanocene and zirconocene », Organometallics, vol. 5, no 12,‎ , p. 2514-2517 (DOI 10.1021/om00143a019, lire en ligne)
  16. (en) Sergei I. Troyanov, Helena Antropiusová et Karel Mach, « Direct proof of the molecular structure of dimeric titanocene; The X-ray structure of μ(η55-fulvalene)-di-(μ-hydrido)-bis(η5-cyclopentadienyltitanium)· 1.5 benzene », Journal of Organometallic Chemistry, vol. 427, no 1,‎ , p. 49-55 (DOI 10.1016/0022-328X(92)83204-U, lire en ligne)
  17. (en) Paul J. Chirik, « Group 4 Transition Metal Sandwich Complexes: Still Fresh after Almost 60 Years », Organometallics, vol. 29, no 7,‎ , p. 1500-1517 (DOI 10.1021/om100016p, lire en ligne)
  18. a et b (en) Richard C. Hartley, Jianfeng Li, Calver A. Main et Gordon J. McKiernan, « Titanium carbenoid reagents for converting carbonyl groups into alkenes », Tetrahedron, vol. 63, no 23,‎ , p. 4825-4864 (DOI 10.1016/j.tet.2007.03.015, lire en ligne)
  19. (en) Antonio Rosales, Ignacio Rodríguez-García, Juan Muñoz-Bascón, Esther Roldan-Molina, Natalia M. Padial, Laura Pozo Morales, Marta García-Ocaña et J. Enrique Oltra, « The Nugent–RajanBabu Reagent: A Formidable Tool in Contemporary Radical and Organometallic Chemistry », European Journal of Organic Chemistry, vol. 2015, no 21,‎ , p. 4592-4592 (DOI 10.1002/ejoc.201500761, lire en ligne)
  20. (en) Yuichi Handa et Junji Inanaga, « A highly stereoselective pinacolization of aromatic and α, β-unsaturated aldehydes.dta mediated by titanium(III)-magnesium(II) complex », Tetrahedron Letters, vol. 28, no 46,‎ , p. 5717-5718 (DOI 10.1016/S0040-4039(00)96822-9, lire en ligne)
  21. (en) William A. Nugent et T. V. RajanBabu, « Transition-metal-centered radicals in organic synthesis. Titanium(III)-induced cyclization of epoxy olefins », Journal of the American Chemical Society, vol. 110, no 25,‎ , p. 8561-8562 (DOI 10.1021/ja00233a051, lire en ligne)
  22. (en) Rudolph. Jungst, Dennis. Sekutowski, Jimmy. Davis, Matthew. Luly et Galen. Stucky, « Structural and magnetic properties of di-µ-chloro-bis[bis(η5-cyclopentadienyl)titanium(III)] and di-µ-bromo-bis[bis(η5-methylcyclopentadienyl)titanium(III)] », Inorganic Chemistry, vol. 16, no 7,‎ , p. 1645-1655 (DOI 10.1021/ic50173a015, lire en ligne)


C-H He
C-Li C-Be C-B C-C C-N C-O C-F Ne
C-Na C-Mg C-Al C-Si C-P C-S C-Cl C-Ar
C-K C-Ca C-Sc C-Ti C-V C-Cr C-Mn C-Fe C-Co C-Ni C-Cu C-Zn C-Ga C-Ge C-As C-Se C-Br C-Kr
C-Rb C-Sr C-Y C-Zr C-Nb C-Mo C-Tc C-Ru C-Rh C-Pd C-Ag C-Cd C-In C-Sn C-Sb C-Te C-I C-Xe
C-Cs C-Ba * C-Lu C-Hf C-Ta C-W C-Re C-Os C-Ir C-Pt C-Au C-Hg C-Tl C-Pb C-Bi C-Po C-At Rn
Fr C-Ra *
*
Lr Rf Db C-Sg Bh Hs Mt Ds Rg Cn Nh Fl Mc Lv Ts Og
* C-La C-Ce C-Pr C-Nd C-Pm C-Sm C-Eu C-Gd C-Tb C-Dy C-Ho C-Er C-Tm C-Yb
*
*
Ac C-Th C-Pa C-U C-Np C-Pu C-Am C-Cm C-Bk C-Cf C-Es Fm Md No
Liaisons chimiques au carbone
Liaison de base en chimie organique Nombreuses utilisations en chimie
Recherche académique, peu d'usages courants Liaison inconnue / non évaluée