Code Kemler : 20 : gaz asphyxiant ou qui ne présente pas de risque subsidiaire Numéro ONU : 1006 : ARGON COMPRIMÉ Classe : 2.2 Code de classification : 1A : Gaz comprimé, aspxyiant ; Étiquette : 2.2 : Gaz ininflammables, non toxiques (correspond aux groupes désignés par un A ou un O majuscule);
Code Kemler : 22 : gaz liquéfié réfrigéré, asphyxiant Numéro ONU : 1951 : ARGON LIQUIDE RÉFRIGÉRÉ Classe : 2.2 Code de classification : 3A : Gaz liquéfié réfrigéré, asphyxiant ; Étiquette : 2.2 : Gaz ininflammables, non toxiques (correspond aux groupes désignés par un A ou un O majuscule);
L'argon est incolore, inodore, ininflammable et non toxique aussi bien à l'état gazeux que liquide ou solide. Sa solubilité dans l'eau est à peu près comparable à celle de l'oxygène et vaut 2,5 fois celle de l'azote. Il est chimiquement inerte dans à peu près toutes les conditions et ne forme aucun composé chimique confirmé à température ambiante.
L'argon peut également former des clathrates dans l'eau lorsque ses atomes sont emprisonnés dans le réseau tridimensionnel formé par la glace[12]. Il existe par ailleurs des ions polyatomiques contenant de l'argon, comme le cation hydrure d'argon ArH+, et des exciplexes, tels qu'Ar2* et ArF*. Divers composés présentant des liaisons Ar–C et Ar–Si stables ont été prédits par simulation numérique mais n'ont pas été synthétisés en laboratoire[13].
L'argon est remarquable par le fait que sa composition isotopique varie sensiblement d'une région du Système solaire à l'autre. L'argon dont la source principale est la désintégration radioactive du potassium 40 des roches est constitué majoritairement d'argon 40, comme sur les planètes telluriques retenant une atmosphère : Vénus, la Terre et Mars. En revanche, l'argon formé directement par nucléosynthèse stellaire est essentiellement constitué d'argon 36 produit par réaction alpha, ce qui est le cas du Soleil, dont l'argon est à 84,6 % de l'argon 36 selon les mesures du vent solaire[17]. Il en est de même dans les planètes géantes, où l'abondance relative des isotopes 36Ar : 38Ar : 40Ar vaut 8400 : 1600 : 1[18].
La prédominance de l'argon 40radiogénique dans l'atmosphère terrestre est responsable du fait que la masse atomique de l'argon terrestre, de l'ordre de 39,95 u, est supérieure de 0,85 u à celle du potassium, qui le suit dans le tableau périodique des éléments et dont la masse atomique est de l'ordre de 39,10 u. Ceci semblait paradoxal lors de la découverte de l'argon en 1894[20] car Dmitri Mendeleïev avait rangé son tableau périodique par ordre de masse atomique croissante, ce qui conduisait à devoir placer l'argon entre le potassium et le calcium, de masse atomique voisine de 40,08 u et confondue avec celle de l'argon à 0,13 u près, alors qu'il y avait une différence de masse atomique de 3,65 u entre le chlore (35,45 u) et le potassium (39,10 u). Ce problème fut résolu par Henry Moseley, qui démontra en 1913 que le tableau périodique devait être rangé par ordre de numéro atomique croissant, et non par masse atomique croissante, ce qui classait les éléments dans le bon ordre.
L'abondance atmosphérique relative de l'argon par rapport aux autres gaz nobles — 9 340 ppm d'argon, contre 5,24 ppm d'hélium, 18,18 ppm de néon, 1,14 ppm de krypton et 0,087 ppm de xénon — peut aussi être attribuée à l'argon 40 radiogénique : l'argon 36 présente en effet une abondance de seulement 31,5 ppm (0,337 % de 9 340 ppm), du même ordre de grandeur que celle du néon (18,18 ppm).
L'hydrure d'argon solide Ar(H2)2 est un composé de van der Waals présentant la même structure cristalline que la phase de Laves(en) MgZn2. Il se forme à des pressions comprises entre 4,3 et 220 GPa, bien que des résultats obtenus par spectroscopie Raman suggèrent que les molécules H2 du composé Ar(H2)2 se dissocient au-dessus de 175 GPa[26].
D'autres gaz nobles présentent des propriétés semblables et pourraient être également utilisés, mais l'argon est de loin le moins cher de tous, étant obtenu comme sous-produit de l'extraction de l'oxygène et de l'azote de l'air par distillation fractionnée cryogénique.
Applications industrielles
L'argon est utilisé dans certains procédés industriels à haute température au cours desquels des substances chimiquement inertes tendent à devenir réactives. Une atmosphère d'argon est ainsi utilisée dans les fours électriques à électrodes de graphite afin de prévenir la combustion de ce matériau.
L'argon est utilisé dans l'industrie avicole comme méthode d'abattage par atmosphère contrôlée pour asphyxier les volailles, que ce soit pour un abattage de masse après l'apparition d'une maladie ou comme moyen d'abattage alternatif à l'électronarcose. La densité relative de l'argon par rapport à l'air le fait rester près du sol lors du gazage[28]. Sa nature non réactive le rend compatible avec les produits alimentaires[29], et le fait qu'il se substitue partiellement à l'oxygène dans les tissus allonge la durée de conservation alimentaire[30].
L'argon est parfois utilisé pour éteindre des incendies en préservant les équipements de valeur, comme des serveurs informatiques, qui seraient endommagés par l'utilisation d'eau ou de mousses[31].
L'argon a également été expérimenté pour remplacer l'azote dans le gaz respiratoire appelé Argox(en) afin d'accélérer l'élimination de l'azote dissous dans le sang[34].
Recherche scientifique
L'argon liquide est utilisé comme cible pour la détection des neutrinos et les recherches sur la matière noire. Les interactions entre les hypothétiques WIMPs et les noyaux des atomes d'argon devrait produire une scintillation observable à travers des tubes photomultiplicateurs. Les détecteurs à deux phases contenant de l'argon gazeux sont utilisés pour détecter les électrons produits par ionisation lors des interactions WIMP-noyaux d'argon.
Comme les autres gaz nobles liquéfiés, l'argon liquide a un taux de scintillation élevé (environ 51 photons/keV[35]), est transparent pour sa propre scintillation, et est relativement facile à purifier. Il est moins cher que le xénon et présente un profil temporel de scintillation différent, ce qui permet de distinguer les interactions électroniques des interactions nucléaires. Il présente en revanche une plus forte radioactivité β en raison de sa contamination par l'argon 39, sauf à utiliser de l'argon issu du sous-sol terrestre, appauvri en 39Ar, dont la période radioactive n'est que de 269 ans et dont le stock n'est pas reconstitué par l'interaction 40Ar(n,2n)39Ar du rayonnement cosmique sur l'argon atmosphérique[36].
L'argon, numéroE938, est utilisé comme conservateur alimentaire afin d'éliminer l'oxygène et l'humidité de l'atmosphère contenue dans les emballages et retarder leur date limite de consommation. L'oxydation par l'air, l'hydrolyse et les autres réactions qui dégradent les produits sont ainsi retardées ou entièrement bloquées. Les réactifs chimiques et les molécules pharmaceutiques sont parfois emballés sous atmosphère d'argon. Ce gaz noble est également utilisé comme conservateur pour les vernis, le polyuréthane ou encore les peintures.
L'argon est également utilisé en vinification pour protéger le vin de l'oxygène et prévenir son oxydation ainsi que les interactions bactériennes indésirables (notamment les bactéries acétiques, qui produisent de l'acide acétique et font tourner le vin en vinaigre). Il peut également être utilisé comme gaz propulseur pour sprays.
Équipements de laboratoire
L'argon peut être utilisé comme gaz inerte pour rampe à vide et boîte à gants ; il est préféré à l'azote, moins cher, car l'azote est susceptible de réagir avec des composés particulièrement réactifs, ainsi qu'avec certains équipements. De plus, l'argon présente l'avantage d'être plus dense que l'air, contrairement à l'azote, ce qui le rend plus simple à utiliser en pratique.
L'argon est l'un des gaz pouvant être utilisé en astronautique comme propulseur des VASIMR. Dans le domaine de l'armement aérien, il est utilisé sous pression pour refroidir, en se détendant, la tête de certains missiles air-air, dont des missiles AIM-9 Sidewinder.
L'argon a été utilisé en athlétisme comme dopant simulant l'hypoxie. Il a de ce fait été inclus, avec le xénon, à la liste des méthodes et des substances interdites par l'Agence mondiale antidopage en 2014 avant d'en être retiré en 2020.
Histoire et étymologie
Le mot argon dérive du grec ancien ἀργός / argós, « oisif, paresseux, stérile », formé du préfixe grec privatif ἀ- / a- et du mot ἔργον / érgon, « travail », cette étymologie évoquant le caractère inerte de l'élément[37].
Ils furent mis sur la piste par le fait que l’azote produit chimiquement était 0,5 % plus léger que celui extrait de l’air par élimination des autres gaz atmosphériques connus à l'époque. La distillation fractionnée d’air liquéfié leur permit de produire une quantité notable d’argon en 1898 et par la même occasion d’isoler deux autres gaz nobles le néon et le xénon.
Le symbole chimique de l’argon fut A jusqu'en 1957, date à laquelle il devint Ar[44].
Dangers
Tout comme l’hélium, l’argon n’est pas dangereux à faible concentration. Toutefois, il est 38 % plus dense que l'air et l'inhalation d’une grande quantité d'argon comporte des risques d’asphyxie par privation d’oxygène (anoxie) ; ceci peut se produire par exemple lors d'opérations de soudage dans un espace confiné.
Notes et références
↑(en) Beatriz Cordero, Verónica Gómez, Ana E. Platero-Prats, Marc Revés, Jorge Echeverría, Eduard Cremades, Flavia Barragán et Santiago Alvarez, « Covalent radii revisited », Dalton Transactions, , p. 2832 - 2838 (DOI10.1039/b801115j)
↑(en) David R. Lide, CRC Handbook of Chemistry and Physics, TF-CRC, , 87e éd. (ISBN0849304873), p. 10-202
↑ abc et d(en) David R. Lide, CRC Handbook of Chemistry and Physics, CRC Press Inc, , 90e éd., 2804 p., Relié (ISBN978-1-420-09084-0)
↑ ab et c(en) Robert H. Perry et Donald W. Green, Perry's Chemical Engineers' Handbook, USA, McGraw-Hill, , 7e éd., 2400 p. (ISBN0-07-049841-5), p. 2-50
↑Procès-verbaux du Comité international des poids et mesures, 78e session, 1989, pp. T1-T21 (et pp. T23-T42, version anglaise).
↑(en) William M. Haynes, CRC Handbook of Chemistry and Physics, CRC Press Inc, , 92e éd. (ISBN1-4398-5511-0)
↑Base de données Chemical Abstracts interrogée via SciFinder Web le 15 décembre 2009 (résultats de la recherche)
↑ a et bEntrée du numéro CAS « 7440-37-1 » dans la base de données de produits chimiques GESTIS de la IFA (organisme allemand responsable de la sécurité et de la santé au travail) (allemand, anglais), accès le 30 janvier 2009 (JavaScript nécessaire)
↑« Argon » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 25 avril 2009
↑(en) V. R. Belosludov, O. S. Subbotin, D. S. Krupskii, O. V. Prokuda, R. V. Belosludov et Y. Kawazoe, « Microscopic model of clathrate compounds », Journal of Physics: Conference Series, vol. 29, no 1, , p. 1-7 (DOI10.1088/1742-6596/29/1/001, Bibcode2006JPhCS..29....1B, lire en ligne)
↑(en) Arik Cohen, Jan Lundell et R. Benny Gerber, « First compounds with argon–carbon and argon–silicon chemical bonds », Journal of Chemical Physics, vol. 119, no 13, , p. 6415-6417 (DOI10.1063/1.1613631, Bibcode2003JChPh.119.6415C, lire en ligne)
↑ abc et d(en) J. Emsley, Nature's Building Blocks, Oxford University Press, 2001, p. 44–45. (ISBN978-0-19-960563-7)
↑(en) Paul R. Mahaffy, Christopher R. Webster, Sushil K. Atreya, Heather Franz, Michael Wong, Pamela G. Conrad, Dan Harpold, John J. Jones, Laurie A. Leshin, Heidi Manning, Tobias Owen, Robert O. Pepin, Steven Squyres, Melissa Trainer, MSL Science Team, « Abundance and Isotopic Composition of Gases in the Martian Atmosphere from the Curiosity Rover », Science, vol. 341, no 6143, , p. 263-266 (PMID23869014, DOI10.1126/science.1237966, Bibcode2013Sci...341..263M, lire en ligne)
↑(en) Marco Fontani, Mariagrazia Costa et Mary Virginia Orna, The Lost Elements : The Periodic Table's Shadow Side, New York, Oxford University Press, (1re éd. 2014), 531 p. (ISBN9780199383344), p. 182.
↑(en) Neil Bartlett, « Xenon hexafluoroplatinate Xe+[PtF6]− », Proceedings of the Chemical Society, no 6, , p. 197-236 (DOI10.1039/PS9620000197, lire en ligne)
↑(en) Nigel A. Young, « Main group coordination chemistry at low temperatures: A review of matrix isolated Group 12 to Group 18 complexes », Coordination Chemistry Reviews, vol. 257, nos 5-6, , p. 956-1010 (DOI10.1016/j.ccr.2012.10.013, lire en ligne)
↑(en) Jessica F. Lockyear, Kevin Douglas, Stephen D. Price, Małgorzata Karwowska, Karol J. Fijalkowski, Wojciech Grochala, Marek Remeš, Jana Roithová et Detlef Schröder, « Generation of the ArCF22+ Dication », The Journal of Physical Chemistry Letters, vol. 1, no 1, , p. 358-362 (DOI10.1021/jz900274p, lire en ligne)
↑(en) M. J. Barlow, B. M. Swinyard, P. J. Owen, J. Cernicharo, H. L. Gomez, R. J. Ivison, O. Krause, T. L. Lim, M. Matsuura, S. Miller, G. Olofsson et E. T. Polehampton, « Detection of a Noble Gas Molecular Ion, 36ArH+, in the Crab Nebula », Science, vol. 342, no 6164, , p. 1343-1345 (PMID24337290, DOI10.1126/science.1243582, Bibcode2013Sci...342.1343B, lire en ligne)
↑(en) Annette K. Kleppe, Mónica Amboage et Andrew P. Jephcoat, « New high-pressure van der Waals compound Kr(H2)4 discovered in the krypton-hydrogen binary system », Scientific Reports, vol. 4, , article no 4989 (DOI10.1038/srep04989, Bibcode2014NatSR...4E4989K, lire en ligne)
↑(en) Sara J. Shields et A. B. M. Raj, « A Critical Review of Electrical Water-Bath Stun Systems for Poultry Slaughter and Recent Developments in Alternative Technologies », Journal of Applied Animal Welfare Science, vol. 13, no 4, , p. 281-299 (PMID20865613, DOI10.1080/10888705.2010.507119, lire en ligne)
↑D. L. Fletcher, « Slaughter Technology », Symposium: Recent Advances in Poultry Slaughter Technology, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) M. J. Fraqueza et A. S. Barreto, « The effect on turkey meat shelf life of modified-atmosphere packaging with an argon mixture », Poultry Science, vol. 88, no 9, , p. 1991-1998 (PMID19687286, DOI10.3382/ps.2008-00239, lire en ligne)
↑(en) Joseph Z. Su, Andrew K. Kim, George P. Crampton et Zhigang Liu, « Fire Suppression with Inert Gas Agents », Journal of Fire Protection Engineering, vol. 11, no 2, , p. 72-87 (DOI10.1106/X21V-YQKU-PMKP-XGTP, lire en ligne)
↑(en) « Fatal Gas Embolism Caused by Overpressurization during Laparoscopic Use of Argon Enhanced Coagulation », Health Devices, vol. 23, no 6, , p. 257-259 (lire en ligne)
↑(en) Jerome Canady, Kimberly Wiley et Biagio Ravo, « Argon plasma coagulation and the future applications for dual-mode endoscopic probes », Reviews in Gastroenterological Disorders, vol. 6, no 1, , p. 1-12 (ISSN1533-001X, PMID16520707, lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Andrew A Pilmanis, Ulf I. Balldin, James T. Webb et Kevin M. Krause, « Staged Decompression to 3.5 Psi Using Argon-Oxygen and 100% Oxygen Breathing Mixtures », Aviation, Space, and Environmental Medicine, vol. 74, no 12, , p. 1243-1250 (PMID14692466, lire en ligne)
↑(en) Dan Gastler, Ed Kearns, Andrew Hime, Laura C. Stonehill, Stan Seibert, Josh Klein, W. Hugh Lippincott, Daniel N. McKinsey et James A. Nikkel, « Measurement of scintillation efficiency for nuclear recoils in liquid argon », Physical Review C, vol. 85, no 6, , article no 065811 (DOI10.1103/PhysRevC.85.065811, Bibcode2012PhRvC..85f5811G, arXiv1004.0373, lire en ligne)
↑(en) J.Xu, F. Calaprice, C. Galbiati, A. Goretti, G. Guray, T. Hohman, D. Holtz, An. Ianni, M. Laubenstein, B. Loer, C. Lovec, C. J. Martoff, D. Montanari, S. Mukhopadhyay, A. Nelson, S. D. Rountree, R. B. Vogelaar et A. Wright, « A study of the trace 39Ar content in argon from deep underground sources », Astroparticle Physics, vol. 66, , p. 53-60 (DOI10.1016/j.astropartphys.2015.01.002, Bibcode2015APh....66...53X, arXiv1204.6011, lire en ligne)
↑Paul Depovere, La classification périodique des éléments. La merveille fondamentale de l'Univers, De Boeck Supérieur, , p. 98.
↑(en) Robert John Strutt et William Ramsay, « I. Argon, a new constituent of the atmosphere », Proceedings of the Royal Society of London, vol. 57, , p. 265-287 (DOI10.1098/rspl.1894.0149, JSTOR115394, lire en ligne)