Le carbone a une électronégativité forte : . À noter que . Ce fait physique impose la polarisation de la liaison C—Mg : C—Mg. À noter une inversion de la polarité des liaisons classiques du carbone : dans un organométallique, le carbone porte une charge (ce carbone est appelé « carbanion »), d'ailleurs cette liaison est 35 % ionique, ce qui permettra par réaction avec par exemple un halogénure d'alkyle (R—X) la création d'une liaison carbone-carbone.
Les organomagnésiens sont une des bases, au sens de Brönsted, les plus fortes de la chimie organique avec un pKa de l'ordre de 40 à 60. R—Mg—X est un nucléophile puissant.
Du fait de leur extrême basicité, les organomagnésiens n'existent pas à l'état naturel. Le bilan global de la synthèse est le suivant :
Mode opératoire
La synthèse des organomagnésiens est délicate : le milieu réactionnel doit être anhydre, en raison des propriétés du produit souhaité ; la réaction est fortement exothermique et le solvant est volatil et inflammable. Une mauvaise manipulation entraîne aussi la création d'un produit parasite — appelé « couplage de Wurtz ».
Matériel requis :
ballon tricol ;
ampoule de coulée isobare ;
réfrigérant de reflux ;
garde à CaCl2 (ou travailler sous atmosphère inerte) ;
Réaliser un montage d'addition avec reflux, avec protection du milieu réactionnel contre l'humidité atmosphérique, et en mettant un barreau aimanté ovoïde dans le tricol.
Placer dans le tricol les copeaux de magnésium, ayant été au préalable activés au four. Les couvrir de quelques cm3 d'éther éthylique anhydre. Rajouter un petit cristal de diiode.
Conditionner l'ampoule de coulée avec la solution du dérivé halogéné dans l'éther éthylique anhydre, et la boucher avec un bouchon en verre.
Verser quelques gouttes de la solution d'halogénure sur les copeaux de magnésium, attendre quelques minutes l'observation d'une décoloration se produisant dans le milieu réactionnel.
Lorsque la couleur de l'iode a disparu dans le milieu réactionnel, chauffer au bain-marie afin d'installer un reflux, et verser l'halogénure lentement et goutte à goutte en agitant magnétiquement.
Une fois l'addition finie, chauffer à reflux le milieu réactionnel de manière à obtenir une réaction complète.
Commentaires
Pour éviter qu'il se produise un couplage de Würtz entre l'organomagnésien synthétisé et l'halogénure. Dès le début de la réaction, l'éther entre en ébullition : le reflux sert à condenser les vapeurs d'éther qui s'écoulent dans le ballon ; le reflux est lui aussi à maintenir très faible, afin de ne pas créer la réaction parasite citée précédemment. Il n'est pas nécessaire de chauffer tout le long de la manipulation car la réaction est très exothermique.
La solution finalement obtenue est de couleur grisâtre assez claire, en général.
Solvant
L'éther joue ici un rôle double, il solvate l'organomagnésien formé et le stabilise, l'organomagnésien est ici un acide de Lewis, le solvant joue ici le rôle de base de Lewis, ainsi les doublets non liants de l'oxygène vont permettre de stabiliser le centre réactif du magnésium.
On peut par exemple utiliser l'éther diéthylique ou le tétrahydrofurane (THF), cf. figure ci-dessous.
Le milieu dans lequel baigne l'organomagnésien doit être complètement anhydre : la réaction eau/RMgX est vive.
La réaction des organomagnésiens sur l'eau est très vive (c'est une réaction acido-basique : pKa(RH/R−) = 50), et exothermique. C'est pour cela que le mode opératoire impose une déshydratation totale de l'air dans la verrerie, ainsi que des surfaces et solvants.
Sauf cas particuliers, cette réaction est considérée comme parasite, et entraîne la destruction de l'organomagnésien.
La réaction de l'organomagnésien sur l'eau est la suivante :
Avec les alcools
Avec les acides carboxyliques
Avec les amines
Avec les alcynes terminaux
Réactions de substitution nucléophile
Substitution nucléophile, exemple de I2
On propose la substitution nucléophile de RMgX sur I2 (la polarité de cette molécule est induite).
Substitution nucléophile avec les dérivés halogénés
La réaction entre les organomagnésiens et les aldéhydes mène à la formation d'un alcool secondaire si les chaines R1 et R2 contiennent au minimum un carbone. Si le carbone d'appui du groupe alcool final est asymétrique, c’est-à-dire si les deux chaines R sont différentes, le produit sera composé des deux isomères de configuration R et S.
Cette réaction conduit à la création d'un alcool tertiaire. Comme pour les aldéhydes, si le carbone formé est asymétrique, on obtient un mélange R/S 50/50 ; ainsi, il n'y a pas de stéréosélectivité. Une étude du mécanisme de la réaction montre qu'en fait il y a un intermédiaire cyclique :
La réaction est similaire à la réaction sur une cétone.
Après hydrolyse, on obtient de manière intermédiaire l'hémiacétal :
Celui-ci est instable, il subit une élimination conduisant à une cétone. L'organomagnésien présent va réagir chimiosélectivement avec la cétone avant l'ester, moins réactif car le noyau du carbone de son carbonyle est un peu masqué par les électrons non liants de l'oxygène lié par une liaison simple. Le bilan global de la réaction conduit à la formation d'un alcool tertiaire, sans possibilité d'isoler la cétone intermédiaire.
Sur les chlorures d'acyle
La réaction est similaire à la réaction sur une cétone mais plus rapide car le noyau du carbone lié au chlore montre une charge positive plus attirante pour le radical de l'organomagnésien.
R----Mg----X + R'-CO-Cl → R'-CO-R + Cl-Mg-X
La réaction conduit à la formation d'une cétone isolable s'il n'y a pas trop d'organomagnésien.
Cette cétone instable va réagir avec l'organomagnésien qui se trouve dans le milieu réactionnel selon la réaction suivante :
R'-CO-R + RMgX → R-R'COMgX-R et sous l'action de H2O, on obtient un alcool tertiaire.
Si l'on veut s'arrêter au stade de cétone, il faut opérer à −65 °C.
Sur le CO2
On utilise le dioxyde de carbone à l'état de carboglace. La réaction à −40 °C conduit à la formation d'un acide carboxylique R-COOH.
Notes et références
↑Victor Grignard, « Sur quelques nouvelles combinaisons organométalliques du magnésium et leur application à des synthèses d'alcools et d'hydrocarbures », Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, vol. 130, , p. 1322-1325 (lire en ligne).