Son grand-père, le grand-duc Adolphe Ier, règne alors sur le grand-duché.
Il meurt en 1905. Le grand-duc héritier lui succède et règne sous le nom de Guillaume IV de Luxembourg. Il est âgé de 53 ans. Sa santé est précaire, et si son union a été prolifique, il n'a engendré que des filles. Aussi une des premières mesures adoptées sous son règne est-elle l'abolition de la loi dite salique en vigueur jusque-là. L'aînée des princesses, Marie-Adélaïde, devient à treize ans l'héritière de la couronne. La princesse Charlotte, sa cadette, n'est pas destinée à régner.
La santé du grand-duc se dégradant et la grande-duchesse héritière Marie-Adélaïde étant encore mineure, le souverain confie la régence à son épouse Marie-Anne, grande-duchesse consort qui affiche des opinions très conservatrices et une piété farouche. Elle exerce une profonde influence sur ses filles.
En 1912, le grand-duc Guillaume s'éteint. La grande-duchesse héritière Marie-Adélaïde accède au trône quelques semaines plus tard, au moment où elle atteint sa majorité (18 ans).
Le 28 juin 1914, l'attentat de Sarajevo met fin à 43 ans de paix en Europe occidentale. L'Europe s'enfonce dans la Grande Guerre. Violant la neutralité du grand-duché, l'Empire allemand envahit le Luxembourg. La jeune grande-duchesse tente de conserver une attitude neutre mais ne ferme pas sa porte à ses « cousins » allemands. Sa sœur Charlotte se fiance au prince Félix de Bourbon-Parme, frère de l'impératrice d'Autriche Zithe, sa soeur Maria-Antonia au Kronprinz ou prince héritier Rupprecht de Bavière, qui commande les forces allemandes notamment en Lorraine.
En 1918, le défaite allemande sonne le glas du règne de la grande-duchesse, devenue impopulaire à la suite de diverses maladresses dues à son caractère entier, à son entourage allemand (venu au Luxembourg déjà sous son grand-père, l'ancien duc régnant Adolphe de Nassau) et à des conseils peu judicieux donnés par certains hommes politiques. Le département de la département de la Moselle étant redevenu français, la République n'admet pas une souveraine suspectée de germanophilie à ses frontières. La Chambre des députés luxembourgeoise, en grande partie choquée par le catholicisme rigoureux et l'intransigeance politique de la grande-duchesse, l'invite à abdiquer en faveur de sa sœur. L'influente grande-duchesse douairière est exilée dans son château bavarois. Un double référendum (politique et économique) sur l'avenir du Luxembourg est organisé.
Grande-duchesse de Luxembourg
Accession au trône
Elle succède à sa sœur aînée Marie-Adélaïde qui, accusée notamment de germanophilie durant la Grande Guerre, dut abdiquer le [1].
Le , un double référendum a lieu sur le futur régime politique et sur l'orientation économique du pays, le Luxembourg ayant dénoncé son appartenance au Zollverein, l'union douanière avec le monde allemand qui remontait en l'occurrence à 1842. En ce qui concerne le futur régime politique du Luxembourg, 77,8 % des électeurs votent en faveur du maintien de la dynastie sous le règne de la grande-duchesse Charlotte, 19,6 % pour une République et 1 % pour une peu probable autre dynastie[2],[3].
Quant au volet économique, les Luxembourgeois ont le choix entre une union économique avec la France ou avec la Belgique. Une écrasante majorité se prononce pour la France, ce qui déplaît fortement aux Belges qui cherchent alors à lier le Luxembourg le plus étroitement possible à leur royaume. Toutefois, la France, pour des raisons alors peu transparentes, renonce à l'union économique avec le grand-duché, et ce dernier doit alors négocier avec une Belgique bien consciente que les Luxembourgeois ne la rejoignent pas de gaîté de cœur. À l'issue des négociations, assez laborieuses, naît l'Union économique belgo-luxembourgeoise (UEBL) qui, bien que mariage de raison, s'avère être une vraie réussite pour les deux partenaires.
Mariage et descendance
Renforcée par le résultat du référendum portant sur le régime politique du Luxembourg, et malgré l'opposition du gouvernement luxembourgeois, qui reproche à cet officier de l'armée austro-hongroise, beau-frère de l'ex-empereur Charles Ier d'Autriche, d'avoir combattu contre les Alliés durant la Première Guerre mondiale[4], le , en la cathédrale de Luxembourg, la grande-duchesse Charlotte épouse son cousin germain le prince Félix de Bourbon-Parme.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la famille grand-ducale quitte le Luxembourg in extremis avant l'arrivée des troupes nazies. L'armée allemande viole en effet la neutralité du Luxembourg dans la nuit du 9 au , alors que la grande-duchesse se trouve au château de Colmar-Berg. La veille, elle avait convoqué un conseil ministériel extraordinaire en la capitale, et il avait été décidé que la famille grand-ducale se placerait sous la protection de la France. La grande-duchesse Charlotte déclare : « Décision difficile, mais nécessaire »[6]. Elle rencontre le président Albert Lebrun le [7]. La famille grand-ducale s'exile d'abord au château de La Celle, au château du Vieux-Bost (propriété de François-Xavier de Bourbon-Parme sur la ligne de démarcation) et au château de Montastruc dans le Périgord, mais la victoire allemande conduit le gouvernement français à refuser d'assurer sa sécurité. Elle obtient du gouvernement espagnol de traverser le pays, sans pourtant pouvoir y rester, puis gagne le Portugal, pays dont sa mère était originaire[8].
L'Allemagne nazie essaie de la convaincre de revenir au grand-duché ; elle répond : « Mon cœur dit oui, mais ma raison dit non »[9]. La grande-duchesse Charlotte se trouve le à Londres, où elle commence à alimenter les divers foyers de résistance luxembourgeoise depuis la BBC. Elle se rend en octobre suivant aux États-Unis, où Marjorie Merriweather Post met à sa disposition sa propriété de Hillwood à Long Island, puis en s'installe à Montréal au Canada, où ses enfants poursuivent leurs études[10]. Elle rencontre à plusieurs reprises le président américain Franklin D. Roosevelt et parcourt les États-Unis pour essayer de convaincre les citoyens américains d'entrer en guerre. À l'instar de son voisin, le département français de la Moselle, le grand-duché est annexé par le Troisième Reich dans le cadre de sa politique annexionniste Heim ins Reich mais le gouvernement luxembourgeois a un siège délocalisé à Londres et Montréal[11].
À partir de 1943, la grande-duchesse Charlotte s'installe définitivement à Londres avec le gouvernement luxembourgeois, et s'adresse régulièrement à ses compatriotes sur les ondes de la BBC. Très populaire, elle devient le symbole de la résistance du pays[12].
La sœur de la grande-duchesse, la princesse Antonia de Luxembourg, épouse du prince royal Rupprecht de Bavière, est déportée au camp de Dachau, puis de Flossenburg, où elle subira de mauvais traitements qui entraîneront sa mort assez vite après la Libération.
Quant au fils de la grande-duchesse, le prince héritier Jean, il s'engage en novembre 1942 dans le régiment britannique des Irish Guards sous le nom de « lieutenant Luxembourg »[13].
La ville de Luxembourg est libérée en par le corps d'armée américain commandé par le général Oliver. Détaché à cette occasion de son unité britannique, le prince Jean, accompagné de son père lui-même en uniforme britannique, participe triomphalement à la libération du Grand-Duché.
Mais le pays est de nouveau menacé par l'offensive des Ardennes, qui se déroule entre le et le , et dévaste toute la moitié nord du Grand-Duché.
Règne dans l'après-guerre
La grande-duchesse revient au Luxembourg le , lorsque l'ordre et la sécurité sont assurés, et entreprend une tournée des régions dévastées par la guerre. Des élections, organisées après la capitulation allemande, sont favorables au Premier ministre Pierre Dupong, que Charlotte reconduit donc dans ses fonctions. En 1949, le Luxembourg abandonne officiellement sa neutralité pour rejoindre l'OTAN dont il est cofondateur.
En 1956, la grande-duchesse Charlotte reçoit la Rose d'or, décernée par le pape Pie XII. C'est une rose artificielle à feuilles d'or que le pape bénit et ne confère qu'en de rares occasions à des souverains ou princes catholiques.
Fin de règne et abdication
La fin de son règne est marquée par les débuts de la construction européenne. Le , accompagnée par son mari ainsi que par les couples présidentiels français et allemand, la grande-duchesse inaugure le tronçon canalisé de la Moselle entre Metz et Trèves.
Elle abdique le en faveur de son fils aîné, qui devient le grand-duc Jean, et se retire dans son château de Fischbach où elle s'était temporairement installée après la guerre[14], le château de Berg ayant subi divers dommages à la suite de son occupation par les Allemands pendant la guerre.
Dernières années et mort
À l'occasion de leurs noces d'or en 1969, la grande-duchesse Charlotte et le prince Félix reçoivent la croix de l'ordre de la Résistance. Le prince consort décède un an plus tard. La dernière apparition publique de la grande-duchesse a lieu le lors d'une rencontre avec le pape Jean-Paul II au palais grand-ducal de Luxembourg. Elle meurt le 9 , à 89 ans, et est inhumée dans la crypte de la cathédrale Notre-Dame de Luxembourg.
Avenir du nom et de la maison de Nassau
La maison de Nassau s'éteindra avec la comtesse Clotilde de Nassau-Merenberg(en) (née en 1941), d'une branche cadette (devenue aînée en 1912) descendant du demi-frère du grand-duc Adolphe Ier de Luxembourg. Néanmoins, le nom de Nassau est conservé par les descendants de la grande-duchesse Charlotte, qui eux font partie de la maison de Bourbon-Parme. Charlotte de Luxembourg fut l'avant-dernière représentante de la huitième branche (branche cadette de Nassau-Weilburg), elle-même issue de la septième branche (branche aînée de Nassau-Weilburg) de la maison de Nassau, cette branche cadette de Nassau-Weilburg appartient à la tige valramienne qui donna des grands-ducs au Luxembourg.
Postérité
Fête nationale
La grande-duchesse Charlotte est à l'origine de la date de la fête nationale luxembourgeoise. En effet, son anniversaire tombait le et cette célébration avait toujours lieu pendant les durs mois d'hiver. Pour plus de commodité climatique, cette fête a été déplacée au à partir de 1961 et ce jour est resté depuis comme le jour de la fête nationale (officiellement « Jour de la célébration officielle du jour anniversaire de la naissance du Grand-Duc »).
↑Point de vue -Hors-série - Histoire, « Les rois dans la guerre 1939-1945 », no 5, octobre 2010, page 22.
↑Philippe Bernier Arcand, « L’exil québécois du gouvernement du Luxembourg », Histoire Québec, vol. 15, no 3, , p. 19-26 (ISSN1201-4710, lire en ligne [PDF])
↑Marc Feyereisen et Brigitte Louise Pochon, L'État du Grand-duché de Luxembourg, Primento, , p. 13
↑Albert Calmes et Christian Calmes, Histoire contemporaine du Grand-Duché de Luxembourg, Imprimerie Saint-Paul, , p. 373
↑(en) Irish Guards : The First Hundred Years 1900-2000, Spellmount, , p. 116
↑Guy Coutant de Saisseval, Les Maisons impériales et royales d'Europe, Éditions du Palais-Royal, , p. 357
↑Sur le socle est gravé en luxembourgeois « Mirhun lech gaer », ce qui veut dire « Nous vous aimons ».
↑« France 2 diffuse magazine sur la Grande-duchesse Charlotte », RTL Télé Lëtzebuerg, (lire en ligne)
↑Facoltà di storia Ecclesiastica. Archivum Historiae Pontificiae, Volumes 28-29. Université pontificale grégorienne, Facultas Historiae Ecclesiasticae., 1990
Paul Lafontaine, Notre dynastie; Luxembourg (éditions Saint-Paul), 1990.
(ouvrage collectif, coordonné par Martin Gerges), Monument Grande-Duchesse Charlotte ; brochure éditée par la Commission gouvernementale chargée de la réalisation du monument érigé en hommage à la Grande-Duchesse Charlotte sur la place de Clairefontaine à Luxembourg-Ville; Luxembourg, ; 104 pages (ill.).
André Linden, Léif Lëtzebuerger… dir doheem a mir hei baussen…; les messages radiodiffusés sur les ondes de la BBC par la grande-duchesse Charlotte en exil vers le Luxembourg occupé ; in: …ët wor alles net esou einfach, exposition au Musée d'Histoire de la Ville de Luxembourg; cf. livre-catalogue et DVD ad hoc; Luxembourg, 2002.